jeudi 17 mai 2007

CLICHE : "LA DALLE D'ARGENTEUIL N'EST PAS UN FAR WEST



J’HABITE LA « DALLE D’ARGENTEUIL » ET JE NE ME RECONNAIS PAS DANS L’IMAGE VEHICULEE DE MON QUARTIER

Je ne me reconnais nullement dans l’image écornée et même repoussante que les médias et les politiques projettent de mon quartier, le Val d’Argent Nord et plus principalement la « Dalle » où s’élèvent nos trois tours jumelles (Résidence Sannois, place des Canuts et Place Dessau).
Le 4 avril dernier, le leader du front national, Jean Marie Le Pen est venu à la place de la commune de Paris, du Val d’Argent Nord, communément appelé « Dalle », pour parachever une opération médiatique savamment montée. Voici ce qu’en a dit l’agence de presse Reuters : « Jean Marie Le Pen est arrivé à 10h 15 dans ce quartier réputé sensible de la région parisienne suivi d’un autobus transportant les journalistes ». Du coup, on a assisté à une véritable inflation des titres hautement suggestifs dans les principaux médias : « Le Pen s’invite sur les territoires abandonnés » (Libération) ; « Le Pen s’invite sur la dalle d’Argenteuil » (Le Figaro) ; « Le Pen à Argenteuil : opération média réussie » (Marianne) ; « Le Pen à Argenteuil dans les territoires abandonnés » (Le Monde) ; « Le Pen défie Sarkozy sur la dalle d’Argenteuil » (News.yahoo)…
La descente de Jean Marie Le Pen sur la Dalle d’Argenteuil était une véritable escroquerie politico médiatique. Et pour cause, personne ne l’y attendait. Il s’est exprimé devant quelques curieux venus profiter du beau temps sur l’esplanade. Il a tout de même réussi à défier Sarkozy qui avait préféré battre campagne à Cormeilles en Parisis, une commune voisine d’Argenteuil. Mais pour nous, habitants de cette contrée, il a surtout renforcé un cliché qui fait de la « dalle d’Argenteuil », un véritable far west, le repère par excellence de la racaille de France. D’autres Français, qui ne captent la réalité de leur pays qu’à travers le petit écran, doivent certainement plaindre les habitants de ces « territoires abandonnés ».
Et pourtant, je peux me tromper, depuis bientôt trois ans que j’ai déposé mes valises ici, je tire tout le plaisir à vivre dans cette partie surélevée de la ville d’Argenteuil. Elle offre en recto une vue imprenable sur le « New York de l’Île de France » qu’est la Défense. Elle présente à son verso, des collines verdoyantes. Bien sûr, la « dalle d’Argenteuil » n’est pas le paradis, il n’en existe pas sur terre. Mais il n’est pas non plus l’enfer que laisse présager la caricature des médias. Pendant les événements des banlieues aucune voiture n’a brûlé dans les nombreux parkings qui cernent et même supportent la « dalle d’Argenteuil ». Des rares soirées, j’avais remarqué quelques échauffourées entre les jeunes – qui d’ailleurs étaient partis d’autres quartiers pour traverser la Dalle - et la police et, souvent vite maîtrisées.

LE PRETEXTE
Il avait fallu en 2005 que l’actuel Président de la République, Nicolas Sarkozy, reprenne les propos d’une dame, selon lui, et dise : « Je vais vous débarrasser de la racaille » pour que les médias taillent le portrait de la « dalle d’Argenteuil » dans un tissu particulièrement inflammable. Mais au-delà de cette image caricaturale, qui connaît le Val d’Argent Nord, qui connaît la place de la commune de Paris ? Qui connaît l’esplanade de l’Europe anciennement Esplanade Maurice Thorès ? Qui veut connaître cette réalité ?
Si cela vous dit, voici un plan très dépouillé pour venir visiter la « Dalle d’Argenteuil ». Prenez le train à la gare Saint Lazare. De préférence, celui qui va à « Cormeilles en Parisis » ou « Pontoise ». Descendez à la gare du Val d’Argenteuil. Et lorsque vous sortez de la Gare, prenez le trottoir à votre droite et longez le, même les yeux fermés. Deux cents mètres plus loin, vous tomberez sur des escaliers qui font trois rampes de 11 marches chacune. Si vous parvenez au sommet, vous y parviendrez de toutes les façons, vous êtes sur la « dalle d’Argenteuil ». Laissez-vous entraîner.
La « Dalle d’Argenteuil » est une ville à part entière. Elle est bâtie autour de la place de la commune de Paris et est symbolisée par ses trois tours jumelles, lesquelles culminent à plus de 200 mètres de hauteur. Son avenue commerçante, esplanade de l’Europe, pavée de blocs de granit améliorés, est fleurie dès le printemps. Dès le point du jour, les engins de nettoyage s’emploient à la curer. La nuit, sous l’effet de ses lampadaires, en forme de lampes de salon, elle brille de mille feux. C’est un véritable champ Elysées en miniature. Elle débouche sur la place de la commune de Paris, elle aussi fleurie et doté de bancs publics où les personnes du troisième âge et parfois aussi les femmes, viennent souvent deviser en toute convivialité, dès les premiers rayons du soleil annonçant le printemps. Cette place abrite, dans une architecture circulaire, la Mairie du quartier, le dispensaire « Irène Lezine », le supermarché « Leader Price » qui affiche fièrement son allure futuriste, la « Maison pour tous », le studio de musique et de danse, le nouveau centre multimédia pour jeunes remis à neuf (plus de 200 jeunes ont participé aux qualifications de la dernière coupe de France des jeux vidéo). A partir du balcon de la dalle où viennent souvent bécoter quelques amoureux, on a une vue magnifique sur la gare du Val d’Argenteuil, autre chef d’œuvre architectural du coin.
Mais revenons sur l’avenue commerçante pour faire connaissance avec toutes ces activités qui la meublent : Son Bar Brasserie « La Rotonde », flambant neuf ; sa nouvelle boutique de chaussure « Pabaya Paris chaussure » où les habitants aiment bien à venir lécher la vitrine ; sa boucherie estampillée « Hallal » ; sa banque (BNP Paribas) ; sa poste ; sa bibliothèque « Robert Desnos » ; sa caisse de sécurité sociale ; ses deux boulangeries au « pain toujours chaud » ; ses trois pharmacies « espace santé » ; son « pressing retoucherie de l’esplanade » ; sa rôtisserie ; son nouveau restaurant kebab hallal « Imane Sandwich » ; ses salons de coiffure ; sa téléboutique, son « panier du val » spécialisé dans les fruits et légumes ; ses multiples boutiques alimentaires aux senteurs afro-asiatiques ; sa salle communale « Saint Just » où se tiennent les réunions publiques. Il y a aussi deux crèches, des écoles maternelles et élémentaires (Anatole France) ; le collège « Claude Monnet » ; le lycée « Romain Rolland ».
Lorsqu’il fait beau, les enfants de la « dalle d’Argenteuil » jouent au petit parc à coté du supermarché, toujours bien encadrés par leurs parents. Pendant les vacances, ils vont au « centre de loisir Gavroche ». Ceux qui ont besoin de plus d’espace peuvent toujours aller au parc des cerisiers à un jet de pierre de la dalle.
Comme vous pouvez le constater, lorsqu’on habite la « dalle d’Argenteuil », on n’a pas besoin de s’en éloigner pour : faire ses courses, envoyer une lettre, se soigner, aller à l’école, même… se marier.
Bien sûr, au pied des immeubles, on voit parfois des jeunes traîner jusqu’au petit matin surtout pendant l’été. D’autres préfèrent rouler à tombeaux ouverts sur des motos particulièrement bruyantes. Ils tombent très souvent et se cassent parfois. Mais cela suffit-il pour stigmatiser un quartier comme c’est le cas actuellement ?

Par Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"