samedi 5 mai 2007

LA COLONISATION ET LE DEVELOPPEMENT DE L'AFRIQUE


LEVER L'HYPOTHÈQUE COLONIALE ET FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE



Parler de colonisation aujourd'hui est un bien vaste sujet. C'est pourquoi, dans la présente réflexion, nous avons décidé de nous intéresser à la colonisation en tant qu'une hypothèque qui continue, un demi siècle après la décolonisation officielle, de plomber le développement du continent africain. Pourquoi la colonisation continue de nous suivre après tant d'années et se met pratiquement en travers de notre route vers l'épanouissement? Que faire pour lever cette hypothèque?

I – Généralités sur la colonisation :
En médecine, on parle d'une région de l'organisme colonisée pour parler de celle qui est infestée de microbes. Et lorsqu'ils la colonisent, ce n'est pas pour son bien mais, pour la détruire, pour la tuer. Ceci juste pour dire qu'il ne peut y avoir d'effets positifs de la colonisation.
Historiquement, la colonisation n'a pas été une entreprise philanthropique. Ce n’était pas un voyage de courtoisie mais une entrée en force sur un territoire où personne ne les attendait et personne ne les avait invité. Ils n’avaient ni visa, ni lettre d’invitation. Ils avaient des fusils pour anéantir les résistants et des pacotilles pour amadouer les autres.
La colonisation n'était même pas une entreprise pensée de façon minutieuse mais les Etats coloniaux se sont laissés entraînés dans l'aventure par les hommes d'affaires. Pour masquer ces visées mercantiles beaucoup comme Jules Ferry ont parlé d'une mission civilisatrice en direction des peuples inférieurs. En France, s'il y a eu des débats et même des oppositions sur l'opportunité de la colonisation - Jules Ferry contre Georges Clemenceau - c'était moins pour tenter d'humaniser cette entreprise que de savoir exactement ce que le France y gagne. L'entreprise coloniale n'allait-elle pas faire diversion par rapport par rapport à l'objectif qui était de gagner la guerre contre l'Allemagne et récupérer l'Alsace Lorraine? La décision est finalement prise de s'engager dans l'entreprise coloniale lorsque quelqu'un leur souffle que l'apport des colonies peut-être déterminant dans la guéguerre européenne.

Au delà de tout ce qui a été dit, nous postulons le fait que la colonisation a été ni plus ni moins qu'une entreprise criminelle au sens du droit. Elle est criminelle parce qu'il s'agit d'une histoire de viol : viol de territoire, viol des hommes, des femmes et des enfants, viol des consciences, viol de la culture. Comme dans tout viol il y a eu contrainte visant à obliger l'autre à céder. Autrement dit, la pénétration ne s'est pas faite de façon consentante. Car, contrairement à ce qu'on peut penser, on n'a jamais vu un peuple qui a demandé à être colonisé. On a même rarement vu un peuple accepter en victime résignée une invasion des peuples étrangers. C’est ainsi qu’en Afrique particulièrement, il y a eu partout des résistances qui ont été brisées. Mais passons.
Comme dans tout viol aussi il y a toujours des conséquences que porte la personne violée mais aussi sur le violeur. Puisque ces conséquences sont souvent de l'ordre psychotique, un véritable travail psychologique, psychanalytique, psychiatrique et même d'exorcisme doit être en place pour permettre aux uns et aux autres peut-être pas d'oublier, mais d'accepter cette situation et de faire avec pour la suite de la vie.
Pour le cas d'espèce de la colonisation, ce travail consistait en la décolonisation totale et effective des colonies, des colonisés mais aussi des colonisateurs. Ce travail a t-il été fait? J'ai envie de dire non ou du moins il a été amorcé mais a été abandonné. Il a été insuffisamment conduit.

II - Les insuffisances de la décolonisation:
Longtemps on a pensé qu'il suffisait pour les colonisateurs de quitter les Etats colonisés et de leur octroyer les indépendances pour parler de décolonisation. Comme le disait un penseur, "on a tendance à perdre de vue que toute la démarche, toute la quête de la reconnaissance repose sur des postulats culturels".
Tout le cadre idéologique, fait de grossiers clichés dévalorisant pour les noirs, construit par les colonisateurs pour soumettre et asservir les colonisés, a été laissé intact. Ce qui fait qu’à ce jour, les descendants des colonisateurs fonctionnent sous le même registre que leurs ancêtres qui envahirent l’Afrique. Ils ont une difficulté congénitale à accepter le Noir comme un être humain à part entière. Ceci constitue un réel handicap dans les rapports entre les descendants des colonisateurs et les descendants des colonisés.

A) La culture et non le territoire :
La décolonisation, au lieu de centrer son action sur la colonie en tant que territoire, aurait mieux fait de la centrer sur le colonisé en tant qu'individu détenteur de droits et de devoirs et ayant subi autant que son territoire le viol de ce qui lui est le plus cher : sa culture. Autrement dit, restaurer la partie volée et/ou détruite de la culture du colonisé est plus important pour lui que de lui restituer un territoire. L’homme sans culture sur un territoire n’est pas différent d’un animal puisqu’il ne parviendra jamais à mettre ce territoire en valeur.

B) – Les colons aussi :
On a pensé que la décolonisation ne concernait uniquement les colonisés et que le colonisateur en était épargné. Aujourd'hui, on doit se rendre à l'évidence qu'il s'agissait là d'une vision à la fois partielle et partiale. Les descendants des colonisateurs ont besoin d’être purgé de tous ces clichés qu’ils traînent dans leur rapport au Noir.

III – Compléter la décolonisation :
Le complément de la décolonisation c'est à dire celui qui permettra peut-être de lever l'hypothèque sur l'épanouissement des anciennes colonies passe nécessairement par deux étapes : une première étape chez le colonisé en tant qu'individu ayant subi le viol et une seconde étape, et c'est nouveau, chez le colonisateur en tant que violeur.
A) – La démarche du colonisé :
Il faut d'abord reconnaître et accepter le fait que le colonisé, quel qu'il soit est un névrosé. Et çà, les lectures de Frantz Fanon dans "peau noire masque blanc" et plus près de nous celle d'un psychologue Ferdinand Ezembe "l'enfant africain et ses univers" nous le montre parfaitement.
Il faut donc une prise de conscience qui l'amène à repérer le colonisateur comme un oppresseur. Dès lors, il doit développer tout un processus que nous développons dans l’ouvrage dénommé : « Pour la Dignité de l’Afrique, laissez-nous crever ». Il s’agit de parvenir par ce processus à l'évacuation de ce que nous appelons "le démon de l'oppresseur". A cet instant seulement, il pourra être utile à sa communauté, à son pays, à l’Afrique.

B) – La démarche du colonisateur:
Il y a longtemps, le colonisateur se croyait tenu en dehors de la névrose qui habite le colonisé. Mais il n'arrive pas à comprendre pourquoi ses rapports avec le colonisé sont difficiles. Ce qu'il ignore, c'est que le viol dont il a été l'auteur est désormais su de tout le monde et que pour cela, il a non seulement les problèmes de conscience mais il doit subir le regard accusateur de toutes ces personnes qui dénoncent son acte.
Le colonisateur a pensé qu'il pouvait échapper à la torture liée à cet acte de viol. Ainsi, il refusa d’en parler notamment et de l'enseigner à ses enfants. Il refusa d’ailleurs de le reconnaître, du moins officiellement. Mais il s'agit comme nous l'avons vu chez le colonisé d'un problème psychotique qui ne peut se laisser enfouir nulle part que dans la conscience.
A la vue du colonisé, le colonisateur développe un sentiment de culpabilité réprimée. C’est pourquoi, il pense que, pour être tranquille, il ne faut plus qu’il voit des colonisés dans ses parages. D’où les thèses xénophobes mais surtout négrophobes.
Aujourd'hui donc, la décolonisation du colonisateur s'impose et d'ailleurs avec acuité. Il s'agit de le débarrasser de tous ces comportements coloniaux matérialisés par le code noir et qu'ils continuent pour beaucoup d'entre eux de porter malheureusement entre chair et os. Ce sont ces comportements qui pourrissent quotidiennement les relations entre les colonisés et les colonisateurs. Il s'agit donc pour le colonisateur de se réconcilier avec son passé de « violeur » notamment en reconnaissant cela et en l'exorcisant. Il doit le faire sans avoir besoin de s’engager dans un processus de repentance ou de se livrer à une quelconque réparation.
Cela peut passer par l'enseignement de la vraie histoire de la colonisation dans les écoles. Une histoire qui n'a été ni une mission civilisatrice, ni même une visite fraternelle mais bien une entreprise criminelle. Après tout, il n’y a aucune honte à avouer un crime.

Par : Etienne de Tayo
Promoteur « Afrique Intègre »

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