jeudi 30 août 2007

DIASPORAS AFRICAINES : COMMENT VIDER LE CONTENTIEUX AVEC LE BLED?



Les diasporas africaines s'organisent et se structurent de plus en plus. Au gré des événements heureux ou malheureux des groupes se forment et se penchent sur leur sort.

A l'initiative de l'union africaine, une conférence consultative régionale des diasporas africaines se tiendra les 11 et 12 septembre 2007 à Paris. Elle fait suite à une série d'autres conférences, de même nature, organisées au Brésil pour l'Amérique latine, à Londres pour le Royaume Uni, à New York pour l'Amérique du Nord, aux Bahamas. Une dernière aura lieu à Addis-Abeba pour la région Afrique. Au premier trimestre 2008, l'Afrique du Sud accueillera en apothéose la conférence finale dont le thème sera : «Vers la réalisation d’une Afrique et sa Diaspora unies et intégrées : une vision partagée pour un développement durable visant à relever les défis communs». L'objectif est de faire de la diaspora africaine la sixième région de l'union africaine après l'Afrique du Nord, de l'Ouest, de l'Est, Centrale et Australe. C'est pour la première fois qu'une telle initiative est conduite de façon aussi méthodique et les observateurs y mettent beaucoup d'espoirs pour le développement de l'Afrique.
Déjà le 1er septembre 2007 l'Association Africagora que préside Dogad Dogoui (voir photo), organise l'université d'été des diasporas africaines et la 6e édition des Assises nationales de l'Intégration sous le thème : "Que veulent les Africains de France. Et les Français d'ascendance africaine". 300 délégués et représentants de communautés et d'associations de minorités de 40 villes seront présents au Palais des congrès de Paris Est à cette occasion. C'est dire si les diasporas africaines sont en effervescence.
Mais reste qu'un contentieux séculaire, parfois invisible à l'œil nu mais ô combien pernicieux continue d'habiter les relations entre les membres des diasporas africaines et leurs frères et sœurs restés au bled. Ce contentieux a jusqu'ici plombé toutes les initiatives tendant à faire profiter au continent africain aussi bien l'expertise que les ressources de ses filles et fils disséminés partout dans le monde. C'est ce même contentieux qui empêche la création d'une sorte de synergie entre les acteurs de la diaspora et les Africains du continent. Ceci fait qu'à ce jour, les transferts des migrants qui représentent le triple de l'aide publique au développement ne parviennent pourtant pas à enclencher le développement du continent africain. Chaque membre de la diaspora qui tente de faire profiter son réseau de relation à son pays d'origine, rencontre très souvent une série d'obstacles parfois insurmontables. Toutes les tentatives des membres de la diaspora de monter des affaires dans leur pays d'origine ont échoué à cause de la malhonnêteté subite de tous les frères et sœurs restés au bled : "Pour monter et réussir une affaire, il ne reste plus que le père et la mère sur qui on peut compter. Encore que beaucoup de personnes se sont fait escroquer par leurs parents. Je crois qu'il n'y a pas de remède à cette malhonnêteté là", relate, impuissant, un membre de la diaspora. C'est par tonne que les membres de la diaspora rapportent des histoires dans lesquelles leurs proches restés au bled les ont escroqués et leur profèrent des menaces par-dessus le marché.

PARTIR C'EST TRAHIR!

A l'origine, une affaire d'illusion pour les uns, de trahison pour les autres, suivie de honte camouflée, de réparation et même de rachat. L'illusion est celle des Africains du bled qui continuent à croire, durs comme fer, que l'occident vers où ont émigré leurs frères et sœurs est un paradis, mieux, un jardin d'éden où tout se cueille facilement et surtout l'argent. La trahison est celle de l'émigré qui part. Parce qu'à la différence des autres continents, on ne quitte pas l'Afrique sans séquelles, sans remords, sans regrets. C'est pourquoi, à 95%, les migrants africains se fixent souvent des objectifs précis d'épargne en vue du retour pour une meilleure installation sur le continent. Cette trahison dont l'émigré a constamment honte dans son comportement au quotidien, est celle de l'Afrique en tant que continent mais aussi et surtout celle des frères et sœurs restés au bled qui se font d'ailleurs forts de demander aux traîtres, des réparations ou un rachat. Autrement dit, l'émigré qui a quitté son pays, en trahissant ses frères et sœurs, peut se racheter auprès de ces derniers si et seulement ils acceptent de leur envoyer régulièrement de l'argent et d'autres produits de la civilisation occidentale. Seulement, le résident africain qui reçoit l'argent pour lequel il n'a fait aucun effort de travail lui affecte une valeur en dessous de zéro. Il dépense donc cet argent sans compter et se retrouve rapidement dans une position de nécessiteux. Il devient ainsi un vrai tonneau de danaïde qui ne remplit jamais. Dans ce jeu là, l'honnêteté est un défaut qu'il faut vite corriger. Et si d'aventure, le frère ou la soeur de la diaspora lui fait une réflexion dans le sens de lui rappeler les règles d'éthique ou d'une meilleure utilisation de l'aide reçue, il se braque, est le premier à crier au scandale et menace. On entend alors des expressions du genre : "Vous de la diaspora, vous êtes des avions, nous sommes l'aéroport. Je verrai bien où vous allez vous poser lorsque vous en aurez envie".

REUSSIR C'EST SUSPECT

En Afrique, on croit tellement à l'échec, on le conjugue tellement dans les actes quotidiens que celui qui réussit est suspect et est presque invité à s'excuser auprès de ceux qui n'ont pas réussi. Ceux-ci croient toujours qu'il leur a volé quelque chose ou a pris à lui tout seul ce qui leur était destiné. L'Africain de la diaspora n'échappe pas à ces schémas. Lorsqu'il réussit, il est doublement voué aux gémonies par les siens. D'abord pour la trahison du départ et ensuite pour la trahison de la réussite seul. Et il ne devra son salut que si et seulement s'il accepte de se racheter. C'est-à-dire payer une sorte de redevance à la trahison fixée par les frères et sœurs du bled.
De tout temps, il a toujours existé une querelle sourde entre ceux qui partent et ceux qui restent. A preuve, ce chant bien connu, d'un campagnard en direction de ses congénères de la ville:
"A pauvre gens de ville;
Que j'ai pitié de vous;
Vous portez des habits;
Pourtant vous êtes fous;
Palais de grandes pierres;
Qu'entouraient des taudis
Combien je vous préfère;
A mon humble paradis".
Comme ce campagnard, les africains du bled pensent que leurs frères de la diaspora sont un peu fous. Ils savent que certains membres de la diaspora font de temps en temps des incursions au bled pour leur en mettre plein les yeux. Ils n'apprécient pas çà mais ne le font savoir que très rarement. Ils pensent que l'éloignement a privé les membres de la diaspora de la sagesse qui selon eux ne s'acquière qu'au bled. Ils disent qu'au bled, les gens n'ont rien à dire et savent se taire parce qu'on s'exprime aussi par des silences. Mais dans la diaspora, les membres ont parfois trop à dire et s'expriment mal, parlent comme des enfants et finissent par ne rien dire après avoir agacé leur auditoire. Ils les trouvent finalement très superficiels.

CHACUN POUR SOI…

Je pense qu'ils n'ont pas totalement tort. Avant de faire partie de la diaspora, moi aussi j'étais au bled. Depuis que je suis dans la diaspora, je constate que l'organisation est un handicap pratiquement insurmontable. D'abord, il faut reconnaître qu'il existe des diasporas bien compartimentées et bien étanche au lieu d'une diaspora homogène comme on a tendance à le penser.


Il y a un premier groupe de personnes qui se sont pratiquement ghettorisée. Ils sont venus en France avec des objectifs bien précis. Ces objectifs sont parfois chiffrés et ils veulent les atteindre. On retrouve aussi dans ce groupe toutes les personnes en situation irrégulière et généralement précaire. On peut mettre aussi volontiers dans cette catégorie, ceux que j'appellerai des recalés. Il s'agit des personnes qui sont là depuis au moins 30 ans. Ils étaient venus aussi avec des objectifs. Aujourd'hui, ils n'attendent plus que la mort. Ils écument souvent les débits de boisson où ils tentent de parler de leur pays d'origine où ils ne se rappellent plus de rien. Ils parlent aussi de la France qui les a accueilli avec des informations parfois très approximatives.
Le second groupe est formé de ceux que nous nommerons des intellectuels. Ils sont bardés de diplômes. Ils fourmillent de projets, justifient des formations très pointues et d'un réseau de relations respectable. Ils sont enseignants ou hauts cadres. Ils se retrouvent souvent entre eux dans des grands fora. Comme le premier groupe, ces personnes vivent aussi une sorte de réclusion mais pas pour les mêmes raisons.
Le dernier groupe est composé de ceux qu'on peut nommer les activistes. Ils sont animateurs d'associations, de réseaux et autres. Ils sont parfois très informés et sur tout. Mais ils traînent comme un boulet, tous les défauts des autodidactes. Leurs réunions sont interminables parce que constamment ponctuées de péroraisons sans fin. Les gens prennent la parole pour dire en d'autres termes ce que vient de dire leur voisin. D'autres, pourtant complètement hors sujet, tiennent néanmoins à faire étalage de leurs connaissances dans un domaine étranger au thème de la réunion. Très souvent des conflits de personnes émergent et paralysent les travaux. Dans cette partie de la diaspora, chaque membre est une tête de pont qui revendique un leadership et veut l'imposer aux autres. La multiplication des associations favorise l'émiettement des énergies.
L'autre contentieux également préjudiciable à l'Afrique est cette querelle qui a toujours opposé les descendants des esclaves habitants les îles et leurs frères restés en territoire africains. Les premiers accusent les seconds de les avoir vendu aux négriers. Ce contentieux avait été soigneusement monté par les négriers qui redoutaient le fait qu'un jour, les esclaves et leurs cousins restés en Afrique puissent ensemble repérer leur vrai bourreau. Ainsi une cérémonie était organisée à la descente du bateau de négrier au cours de laquelle le prêtre officiant disait à l'esclave que s'il est là, c'est parce que son frère resté en Afrique l'a vendu. Six siècles après, cette manipulation continue de faire son effet et d'opposer les descendants d'esclaves et leurs cousins d'Afrique. C'est dire que même les noirs des îles ont aussi un contentieux à vider avec le bled.

Par Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"

1 commentaire:

Anonyme a dit…

LOL ! J'aimeerais que vous développiez à propos de votre "ces personnes vivent aussi une sorte de réclusion mais pas pour les mêmes raisons."
Ceci dit, ce que vous dites à propos des associations est vrai mais moi je vois ça plutôt comme une nécessité de pouvoir faire reconnaître son travail dans "l'espace public". Ces président(e)s d'associations ont besoin d'un espace où ils(elles) pourront montrer ce qu'ils font ou ont fait pour leur communauté. Il est clair que le défaut qu'on observe c'est qu'ils se saisissent de toute occasion, quitte à être complétement HS, pour caser leur "faits de gloire" personnels.

Il faudrait donc peut être faire des réunions d'associations où chacun pourrait se mettre en valeur à loisir, "vider son sac" et consacrer des réunions de travail au travail.