jeudi 10 décembre 2009

LES DIASPORAS ET LE POUVOIR EN AFRIQUE : KOFI YAMGNANE MONTRE T- IL LA VOIE?


Aujourd’hui, les diasporas africaines se sont transformées en véritables vestiaires du jeu politique qui se joue en Afrique. Ce qui est tout à fait légitime, surtout si on tient compte du fait que la structure démographique de la population composant ces diasporas s’est considérablement métamorphosée. Hier composé essentiellement d’ouvriers ou éboueurs et d’étudiants, les diasporas africaines renferment aujourd’hui des cadres supérieurs et de personnalités de haut vol, détenteurs parfois d’un carnet d’adresse particulièrement impressionnant. Et lorsqu’on arrive souvent à ce niveau de notoriété, on se sent souvent pousser des ailes d’un destin national… dans son pays d’origine bien sûr.

A chaque veille d’élection présidentielle dans un pays en Afrique, des candidats plus ou moins sérieux, plus ou moins déterminés, se déclarent dans la diaspora. Mais si beaucoup sont souvent très présents et très actifs dans les médias et le Net, très peu se résolvent à fouler le sol de leur pays d’origine, où se déroule pourtant la campagne, et avoir ainsi un contact direct avec le peuple auprès de qui ils vont solliciter les suffrages. La raison très souvent avancée, est celle de l’insécurité propre aux régimes dictatoriaux ou post autoritaires en place dans plusieurs pays africains et donc, celle de la peur d’être embastillé ou tout simplement assassiné.
Kofi Yamgnane, candidat à l’élection présidentielle togolaise, a décidé d’affronter son destin sur le terrain des opérations au Togo, tutoyant la peur qu’il semble n’avoir d’ailleurs jamais éprouvée. Il y a plus d’un an, ce Breton d’adoption, qui a été ministre de François Mitterrand en France, a pris ses quartiers à Lomé, la capitale togolaise. Depuis qu’il a déclaré sa candidature, le 02 septembre dernier, pour l’élection présidentielle du 28 de février 2010, Kofi Yamgnane sillonne les pistes du Togo à la rencontre des Togolais.
Dans une interview qu’il nous a accordée, Kofi Yamgnane révèlait que, sur 4885 villages que compte le Togo, il aurait déjà visité plus de 4200 et compte visiter les 600 villages restants d’ici la présidentielle : « Au cours de mon périple, je rencontre la population, les autorités administratives et surtout les chefs de village. Dans certains villages, lorsque le chef du village, terrorisé par la peur que fait peser sur lui l’autorité administrative zélée, refusent de me rencontrer, je me contente du contact avec la population qui elle, prend du plaisir à m’écouter », relate Kofi Yamgnane. Le dernier développement de la situation au Togo, notamment marqué par un mini incident diplomatique entre le Togo et la France, montre bien que la présence de Kofi Yamgnane sur le terrain togolais ne laisse plus indifférentes les autorités togolaises.
Le 08 décembre 2009, le gouvernement togolais a décidé d'expulser le premier secrétaire de l'ambassade de France au Togo. Les autorités togolaises reprochent à Eric Bosc, en charge de la politique intérieure, "ses contacts trop suivis avec Kofi Yamgnane ». Ainsi, face à l’offensive de Kofi Yamgnane sur le terrain, les autorités togolaises sont passées à l'intimidation. Commentant cet incident diplomatique dont il est la cause malgré lui, Kofi Yamgnane dit que "le phénomène Yamgnane a d'abord suscité le ricanement des autorités togolaises, puis la prise de conscience du danger, puis l'agacement, puis la peur. Aujourd'hui, c'est la panique qui précède la défaite. Seul un gouvernement aux abois peut décider de renvoyer un diplomate français de son territoire", dit le candidat Yamgnane.

Le courage politique
Lorsqu’en 2005 et tout récemment encore d’ailleurs, Kofi Yamgnane déclare sa candidature à l’élection présidentielle au Togo, ceux qui sont chargés d’instrumentaliser la peur pour décourager les opposants aux régimes africains, lui avaient dit qu’il ne vaut pas plus de 5000 F CFA (soit 7,62 euros), c’est à dire la somme qui sera remise au tueur à gage chargé de le liquider. A ceux qui tentaient ainsi de lui inculquer la peur, Kofi Yamgnane rappelait qu’il est d’abord un homme politique de terrain. C’est à dire cette race de politiciens qui privilégient le contact avec le peuple : « j’irai à la rencontre des Togolais pour leur parler. Je veux parler au Togolais. Je veux leur enlever cette peur qui les paralyse », déclare t-il.
Sans en donner l’air, Kofi Yamgnane, de par son action politique, est en train de creuser un sillon dans lequel, demain peut-être, les petits ruisseaux du dynamisme ou même de la contestation des diasporas africaines, couleront pour fertiliser le champ politique africain en faisant ainsi fleurir la démocratie et la prospérité. Au Togo où il n’a pas eu besoin de créer un parti politique, Kofi Yamgnane a recours à la métaphore du football pour expliquer la situation dans laquelle se trouve l’opposition togolaise et dire pourquoi elle doit s’entendre autour de sa personne : « Vous avez au Togo une équipe qui, au cours d’un match de football, obtient un premier penalty. L’entraîneur choisit le meilleur joueur reconnu de tout le monde pour l’exécuter. Mais il tire et la balle n’entre pas. On obtient un deuxième penalty, et malgré son infortune au premier penalty, tous les regards se tournent vers lui et on lui accorde encore de tirer le deuxième penalty. Il exécute mais, une fois de plus, la balle n’entre pas. On obtient le troisième et le quatrième penalty mais le même scénario se reproduit. Aujourd’hui, on est au cinquième penalty et je voudrais que mes coéquipiers m’accorde de tirer ce cinquième penalty », démontre Kofi Yamgnane. Et sortant de ce langage tout en parabole, Kofi Yamgnane précise sa pensée : « Depuis toujours, l’opposition a gagné les élections au Togo mais elle n’a pas pu accéder au pouvoir. Si les Togolais m’accordent leur suffrages, j’irai chercher le pouvoir là où il se trouve », lance t-il.
En décidant de démonter et de démystifier la manufacture de la peur établie en Afrique par des réseaux maffieux affiliés à certains pouvoirs ou directement par des pouvoirs dictatoriaux, Kofi Yamgnane montre à suffisance à la diaspora que le pouvoir s’obtient sur le terrain en Afrique, au besoin en exposant sa propre vie. Car, de même qu’il n’y a pas d’amour heureux, comme dit le chanteur, il n’y a pas de politique tranquille. Pour un homme politique qui sait de quoi il parle, son inscription dans le combat politique équivaut aussi à une signature symbolique de son propre arrêt de mort. Dans une acception extrême, on peut affirmer qu’on va en politique pour mourir et non pour vivre. Un chef politique autant qu’un général d’armée, n’est pas seulement respecté pour sa belle stature et ses beaux boubous, mais pour sa capacité à affronter le péril et à triompher de lui.
Tous ceux qui dans la diaspora se sont découvert un destin national dans leur pays d’origine, doivent aller sur le terrain en Afrique pour solliciter le suffrage auprès du peuple souverain, seul habilité à offrir le pouvoir après avoir jaugé le candidat au travers d’un contact direct. Ils doivent faire le déplacement du terrain africain parce que, malheureusement, le pouvoir ne se téléphone pas, il ne s’envoie pas par fax, on ne le reçoit pas par sms, ni par mail. L’incapacité de certains opposants de la diaspora à rejoindre le terrain des hostilités en Afrique, pousse les peuples à valider l’adage qui voudrait qu’on préfère avoir affaire au diable qu’on connaît que d’attendre l’ange qu’on ne connaît pas. C’est la validation de cet adage qui fait que les peuples en Afrique accordent leurs suffrages aux dictateurs patentés au lieu d’attendre les poltrons qui préfèrent leur parler depuis leur exil doré.
Je lisais récemment sur le site du quotidien camerounais "Le jour" (19 novembre 2009), un forum qui réagissant à une interview accordée par un opposant camerounais établi en France. Le « forumiste » nommé "le citoyen" disait exactement ceci : « Mon cher Louis Tobie, les vrais combats politique ce n'est pas depuis l'exil doré d'où on fait de la rhétorique aérienne mâtinée de suffisance intellectuelle. Les vrais combats, il faut justement rentrer au pays les faire sur le terrain comme ceux que tu cites: Matthias Eric, Alain Didier, FabienEboussi... Manger du fromage en Europe, boire du beaujolais nouveau en dissertant sur la situation politique du Cameroun de la manière dont vous le faites avec de simples souvenirs historiques n'honore ni votre prétendu engagement politique ni le sacrifice de votre père. Merci de revenir vous battre sur le terrain politique au Cameroun avec nous...» (sic). Les fora Internet ont ceci de positif qu’il s’agit véritablement de la voix du peuple dans ce qu’elle a de sincère et de corrosif.

Le contentieux
En fait, les Africains du continent soupçonnent certains opposants de la diaspora, de vouloir quitter leur exil doré directement pour les lambris du palais présidentiel sans connaître les réalités du terrain. Et pourtant, pensent-ils, ces opposants doivent courir le risque, dans le meilleur des cas, de respirer le gaz lacrymogène des forces de maintien de l’ordre, lorsqu’une manifestation est dispersée, et dans le pire des cas, de recevoir une balle en plein cœur comme ces hommes et femmes qui, parce qu’ils se sont mobilisés, ont trouvé la mort dans le stade de Conakry. Les Africains du continent pensent qu’en refusant d’aller sur le terrain, sous prétexte de la préservation de leur vie, les opposants de la diaspora consolident, à leur manière, la peur diffuse et fantasmée qui depuis des années paralyse les mobilisations politiques en Afrique.
Certains opposants, candidats aux élections en Afrique, s’emploient à nouer des relations, selon eux privilégiées, avec les autorités françaises, américaines ou anglaises et chaque audience obtenue auprès de ces autorités est présentée comme un trophée de guerre ou comme un kilomètre supplémentaire gagné sur la route vers le pouvoir. Sans le savoir, ils aggravent ainsi leur cas par rapport à l’objectif de la conquête pouvoir en Afrique qui est le leur et par rapport à la confiance qu’ils veulent gagner auprès des populations en Afrique. Ils aggravent leur cas parce qu’on a affaire en Afrique à des peuples parfois très nationalistes. On a affaire à des peuples qui, comme au Cameroun, ont mené des combats parfois très violents et très périlleux contre l’ordre colonial. Se présenter comme un protégé de ce pouvoir néo-colonial peut être très contre productif. C’est pourquoi, les adversaires de Kofi Yamgnane au Togo ont d’abord tenté de le présenter, sans succès bien sûr, comme un agent français venu parfaire le projet de re-colonisation du Togo. Face à un peuple nationaliste et particulièrement remonter contre la France, surtout dans sa version Françafricaine, cette accusation aurait bien pu fleurir, n’eut était le discours de clarification de Kofi Yamgnane : « Je ne demande aucun soutien à la France. Je lui demande ainsi qu’à l’union européenne qui ont décidé de financer les élections au Togo, de prendre des dispositions pour qu’on ait un scrutin transparent, juste et équitable. Je demande les urnes transparentes », martèle l’ancien Maire de Saint Coulitz.

L’espoir
L’attitude politique adoptée courageusement par Kofi Yamgnane d’aller à la rencontre de l’Afrique des peuples, et qui s’inscrit d’ailleurs dans la ligne directrice de son combat pour l’ensemencement de la démocratie en Afrique – combat qu’il appréhende comme une mission qu’il s’est donnée - cette attitude est en passe de résoudre l’épineux contentieux migratoire qui oppose, depuis toujours, les Africains restés sur le continent et ceux de la diaspora. Ce contentieux se présente sous la forme d’une accusation des africains du continent qui n’ont jamais pu se défaire de l’idée selon laquelle, en voyageant vers l’étranger symbolisé par le pays du bonheur, les Africains de la diaspora les auraient trahi quelque part. Ceci parce que en Afrique, le mythe de l’ailleurs paradis est très coriace et la vraie réussite ne se conçoit que sous l’angle du partage. Un contentieux que je décrivais déjà comme une sorte d’hypothèque scellé sur la synergie souhaitée entre les deux groupes d’Africains séparés malheureusement par l’exil des membres de la diaspora. C’est ce contentieux qui, se manifestant sous une forme inconsciente, pousse certains Africains du continent à soupçonner leurs frères de la diaspora de se poser en donneurs de leçons et de les regarder du haut. Et pourtant, le développement de l’Afrique ne sera possible que lorsque l’expertise de la diaspora aura rencontré la sagesse du continent, lorsque les filles et fils du continent, éparpillés de par le monde auront réussi à accorder leur violon avec les gardiens de la tradition, restés en Afrique.
Tout africain de la diaspora qui aspire à la magistrature suprême de son pays, doit travailler à la levée de cet hypothèque et donc à la résolution du contentieux. Et pour ce faire, la rencontre réelle, et non point symbolique uniquement - à travers les médias et autres réseaux Internet - avec le peuple de son pays, est absolument indispensable. Les Africains du continent attendent de leurs filles et fils, de leurs sœurs et frères de la diaspora certes qu’ils leurs envoient de temps à autre de quoi supporter la vie, mais surtout qu’ils viennent re-tremper dans le terroir pour reprendre la couleur et l’odeur locales. Ils attendent d’eux, qui ont tant voyagé, qu’ils leur disent ce qu’ils ont vu, afin que, alliant cet apport extérieur à leur propre culture, ils puissent produire la culture nouvelle qui seule ouvrira les portes du bonheur, qui remplacera le fameux produit national brut par le bonheur national brut comme le recommandait déjà Joseph Ki Zerbo. En fait, pour reprendre une dialectique chère à Cheikh Amidou Kane dans son œuvre à succès, « L’Aventure ambiguë », l’Afrique, c’est le pays des Diallobé et chaque Africain membre de la diaspora, surtout ceux qui ont des ambitions politiques, sont des Samba Diallo en puissance. Donc, comme le prescrit Samba Diallo, ils doivent réaliser la synthèse culturelle : « Je ne suis pas un pays des Diallobé distinct, face à un Occident distinct, et appréciant d'une tête froide ce que je puis lui prendre et ce qu'il faut que je lui laisse en contrepartie. Je suis de venu les deux. Il n'y a pas une tête lucide entre deux termes d'un choix. Il y a une nature étrange, en détresse de n'être pas deux. », rappelle le héros de « L’Aventure ambiguë »

Etienne de Tayo
Promoteur « Afrique Intègre »
http://www.edetayo.blogspot.com/

lundi 30 novembre 2009

RENCONTRES LITTERAIRES : QUAND LA FRANCE POSE DE NOUVEAUX REGARDS SUR LA CHINE


Lorsque l’exception culturelle française, faite « d’élégance mélancolique », d’après la formule non moins élégante de Jean Noël Pancrazi, rencontre la Chine éternelle, celle des loups et du pont dont parle Mme Ning Tie ou encore celle de la "transcendance d’esprit", que recommande Mo xue, le dialogue des cultures s’instaure forcément ou à tout le moins, se construit patiemment. C’est le jeu plutôt passionnant auquel se sont livrés, pendant deux jours, les 25 et 26 novembre 2009, 7 auteurs chinois et 8 auteurs français. C’était dans le cadre des premières rencontres littéraires franco-chinoises au thème très évocateur : « France-Chine : nouveaux regards ».

Ces rencontres sont organisées par le service culturel de l'Ambassade de Chine en France dont le responsable, le ministre conseiller culturel Pu Tong, a reçu des remerciements appuyés des participants, l'Association nationale des écrivains de Chine et Cultures France, en partenariat avec la société des Gens de Lettres, l'Institut de France, le centre national du livre et le service culturel de l'Ambassade de France en Chine.
Placé sous le co-commissariat pour la France de Pierre Jean Rémy, de l’Académie française, et pour la Chine de Mme Ning Tie, présidente de l’Association nationale des écrivains de Chine, ces rencontres ont permis aux deux parties de s’abreuver à la source des littératures des deux pays, la littérature étant appréhendée ici, d’après le propos savant de Mo Xue, comme un « élément nutritif de l’âme humaine". Les rencontre qui ont permis aux écrivains chinois d’accéder dans des hauts lieux du pouvoir intellectuel français, à l’instar de la Société des Gens de Lettres et de l’Institut de France, était l’occasion d’aborder des thèmes tels les expériences d’écriture de chacun, les figures de la femme dans le roman contemporain, la littérature et le spirituel, les passages et les traductions d’une langue à l’autre et plus généralement, sur la place que tient la littérature d’aujourd’hui en France et en Chine.
Dans son propos liminaire, Mme Ning Tie a déroulé l’intrigue fort instructive d’une œuvre littéraire qui met en scène des loups, le héros et un pont périlleux que ce dernier doit absolument traverser pour échapper aux loups. Et effectivement, il réussi à traverser in extremis, ce pont qui craque sous ses pas et à atteindre l’autre rive, loin de la menace des loups. Par cette métaphore, Mme Tie jetait ainsi un pont de compréhension mutuelle entre les deux cultures en présence. Lesquelles cultures sont appelées à s’enrichir mutuellement car, comme l’a affirmé Gérard Macé, « il n’y a pas d’identité toute faite par la naissance et la transmission des gênes, mais des identités à construire ». A condition de les voir avec François Jullien, non pas en terme d’identité mais de fécondité. L’affirmation de Macé est d’autant plus vraie que le propos de Mme TIE transpirait des figures empruntées aux auteurs français, Romain Rolland, Balzac, Flaubert, Zola, Camus, Sartre dont elle a profondément étudié et parfois traduit les œuvres. C’était son regard à elle posé sur la littérature française et sans doute sur la société française.

Regards croisés
Mais plus qu’un regard unilatéral, ce sont de nouveaux regards croisés et presque simultanés que les écrivains français et les écrivains chinois ont posé, les uns sur les autres, les uns sur les œuvres des autres, les uns sur la culture des autres. Regards parfois sans complaisance compte tenu de la volonté partagée de parvenir à un véritable dialogue des cultures. Or, comme l’affirme François Jullien, « les cultures ne se mettent en dialogue que si on prend en compte l’écart entre elles. L’écart étant entendu comme une mise en tension pour déclencher une réflexivité ». C’est au nom de ces écarts et de cette mise en tension qu’une série de comparaisons ont pu être conduites par les orateurs. Ainsi, d’après Mme Sa Shan, le poème en chinois est très imagé et plus synthétique que le poème en français et la traduction en français des poèmes chinois poussent souvent à perdre ces images et cette musicalité. Parlant de la liberté, Mo Xue trouve que « la liberté en Orient est le soleil alors qu’en Occident c’est la lune ». Il révèle aussi que le cœur est plus vaste en Orient et la tolérance plus grande. Et pour tout dire, il soutient que la sagesse de quelqu’un de l’Est ressemble à un miroir qui reflète tout ce qui est dans la chambre dans se laisser influencer.
Regards nouveaux certainement parce qu’il était question, pour ces premières journées littéraires de poser les fondations d’une institutions qui se projette dans l’avenir. Il fallait donc partir sur de bonnes bases car, comme le dit Wu Yuetan, « les choses mal faites ne pourront jamais se rattraper ». Regards nouveaux aussi car il s’agit de réchauffer des relations d’échanges plus anciens que l’imaginaire collectif ne peut l’appréhender. Heureusement que le livre est là, non seulement pour transmettre le savoir, comme l’affirme Marcel Lambron, mais aussi et surtout pour provoquer et construire l’imaginaire. Et aujourd’hui, aussi bien en France que dans la Chine moderne, la construction d’un nouvel imaginaire est une tâche impérative.

Construire un nouvel imaginaire
Ce nouvel imaginaire doit épouser les formes du temps littéraire qu’il fait aujourd’hui et pousse Marcel Lambron à parler d’une « société post littéraire ». En effet, d’après lui, « l’écriture comme pratique quotidienne avec l’avènement de Internet ». Avant, le livre était un sentier que pouvait emprunter l’imaginaire de l’enfant. Aujourd’hui, les enfants sont confrontés à des outils chronophages, de véritables prothèses électroniques. Ils sont absorbés par la télévision et les jeux vidéo. Ces instruments de la socialisation moderne qui les uniformisent et atomisent leur vision du monde. Il s’agit d’échapper à la monotonie de ce monde réel, unique et figé pour essayer de le rendre multiple sous la plume des écrivains. Mais s’il pose le diagnostic, Marcel Lambron laisse le soin aux autres d’apporter des éléments nécessaires à la construction de ce nouvel imaginaire.
Cela passera certainement par de nouvelles formes d’engagement littéraires dont parle François Jullien : « l’engagement aujourd’hui, c’est repérer les sources de négativité qui se sont disséminées dans la société et les faire apparaître ». Jean Noël Pancrazi voit l’engagement, d’abord dans l’engagement de soi-même et surtout un élément déclencheur : « Pour qu’il y ait engagement, dit-il, il faut toujours qu’il y ait des loups qui symbolisent le danger », rappelle t-il. Et d’ailleurs, Pancrazi préfère dépasser le concept de l’engagement pour enfourcher celui de l’implication. Et pour lui, la meilleure façon de s’impliquer, c’est tenter d’être juste : « Il faut témoigner en s’impliquant ». Mais avec suffisamment de hauteur car, d’après Mme Tie, « l’écrivain ne doit pas donner un jugement mais faire connaître la réalité ».
La construction de ce nouvel imaginaire passera aussi par l’appropriation de ce que Mo Xue appelle la « transcendance d’esprit » et qui veut dire selon lui, « éliminer tout ce qui est mauvais au fonds de mon cœur pour laisser apparaître la lumière. Laquelle lumière éloigne l’avidité et le souci. Après, on aura un cœur grand et sans souci ». Cette construction passera par la prise en compte et la mise en pratique de la solitude qui seule, d’après Mo Xue, nous éloigne des « réalités étouffantes qui ne valent parfois pas grand chose ». Pour lui, la vraie solitude qu’il définit comme la pression qu’on ressent lorsqu’on n’obtient pas ce qu’on veut, « est synonyme de sagesse et de prise de conscience ». Cette construction passe enfin, d’après certains orateurs, par le combat commun qu’il faut mener contre l’anglais ou plus précisément l’anglo-américain, cette langue qui a déployé son rouleau compresseur et est prête à tout écraser sur son passage. Cette langue à coté de laquelle « toutes les autres langues deviennent des dialectes », d’après Gérard Macé, « pousse tous les hommes et de toutes origines confondues d’emprunter les chemins d’assimilation irréversible » et oblige Yu Zhang à dire « qu’au paradis, les hommes ont la même apparence ».

Tout le monde va en Chine!
La rencontre avec les autres étaient aussi l’occasion pour les écrivains français de déployer un immense miroir et se poser cette question que Marcel Lambron n’a pas hésité à balancer à la salle : « Qu’est ce qu’être écrivain français aujourd’hui dans un monde mondialisé ». Et on constate bien que l’identité est passée par là. Remontant le temps pour retracer l’évolution de l’écriture en France, Marcel Lambron recommande la consolidation du nouveau roman : « répudier deux éléments de tradition (psychologie et histoire) et mettre plutôt les caméras et objectifs ». Et pour tout dire, il pense que « la littérature française sera d’autant plus mondialisée qu’elle retrouvera le rapport balsacien avec le livre monde ».Pour sa part, toujours dans le but de donner plus de visibilité à la littérature et partant à la société française, Florence Delay, de l’Académie française convoque son collègue Erik Orsena pour faire l’éloge de l’ombre. Et pour cause, la décomposition des mœurs sociales : « la surexposition de nos vies à travers les écrans, les écrits. Notre intimité est mise à nu. On connaît nos goûts avant nous » s’exclame t-elle. Pour Florence Delay, « il faut protéger la littérature de l’expansion du moi ». Et elle pense que le propos spirituel pourrait apporter à la littérature l’ombre qui lui manque.
En choisissant la Chine comme sparring partner dans ces autres jeux olympiques de la littérature qui pourraient un jour s’instituer et prendre une dimension planétaire, la France a conscience qu’elle se frotte à un géant toute catégorie, même dans les domaines où on les croyait encore très en retard. La Chine, est, d’après les révélations de Bertrand Mialaret, chroniqueur au site Rue89, le leader mondial en nombre d’internautes, en nombre de détenteurs de téléphones portables ainsi qu’en nombre de livres publiés par an. Dans l’empire du milieu, il y a à ce jour : 242 millions d’internautes dont plus de 100 millions qui tiennent un blog, on compte en Chine, 7000 écrivains sous contrat.
Puisqu’il faut savoir prolonger la fin des bonnes choses et ne pas leur donner l’occasion de se terminer, nous plongeant dans l’amertume, les autorités littéraires françaises et les écrivains français ont déjà pris rendez-vous pour les deuxièmes rencontres littéraires en 2010 à Pékin. Pour les deux pays, il s’agit de sortir d’un certain « relativisme paresseux », une sorte de « culturalisme » qui a souvent caractérisé les pays du monde. D’ici à là et à la vitesse où vont les choses, le nombre de sinologues en France aura presque doublé. S’il m’était permis de dire quelque chose sur ces rencontres, je dirai qu’elles gagneraient à être moins élitistes, non pas pour rentrer dans la sphère populaire au sens vulgaire du terme, mais à tout le moins rester entre deux. Car, comme Mme Tie, « la vérité n’est pas toujours détenue par l’élite. Elle peut aussi se cacher dans les banalités », lesquelles sont l’apanage du commun des mortels.

Etienne de Tayo
Promoteur « Afrique Intègre »
www.edetayo.blogspot.com



TROIS QUESTIONS A Mme TIE NING, Présidente de l’association nationale des écrivains de Chine et co-commissaire des premières rencontres littéraires franco-chinoises.

Lorsqu’on lui tend le micro, Mme Tie Ning est intarissable et cela se voit que c’est un leader. Cette dame qui est devenue présidente de l’Association nationale des écrivains de Chine en 2006, remplaçant un monument en la personne de Ba Jin, a connu le succès très tôt. Depuis trente ans que dure sa carrière d’écrivain, elle a publié de nombreux recueils de nouvelles, des essais, des romans et des critiques d’art. Elle a aussi collectionné de nombreux prix littéraires. Ses principaux romans sont : La porte de roses, Une ville sans pluie, La Grande baigneuse, Le village Benhua.
Mais l’originalité de Mme Tie Ning, c’est surtout ce pont que très tôt aussi elle a jeté en direction de la littérature française. A la voir égrener les œuvres des auteurs français tels Romain Roland, Balzac… même les membres de l’Académie française finissent par pâlir d’admiration bien sûr.
Transcendant les barrières linguistiques et affichant un volontarisme à tout crin, elle a tenu à répondre à nos trois questions.


Madame, vous êtes co-commissaire de ces premières rencontres littéraires franco-chinois et, en parcourant votre biographie, on remarque que vous avez étudié et traduit de très nombreux écrivains français. Comment avez-vous rencontré la littérature française ?

Mme TIE Ning : Je suis née comme vous avez pu le relever en parcourant ma biographie, dans les années 1950 et plus précisément en 1957. Dans notre génération, nous avons lu beaucoup de traduction de la littérature française. Quand j’étais jeune, j’étais très influencé par la littérature du 19e siècle. Bien sûr j’ai parlé hier combien Romain Rolland, qui est certes du 20e siècle, a eu de l’influence sur moi. Après, j’ai commencé à lire beaucoup de Balzac, de Flaubert, Zola. J’ai beaucoup aimé le style de Flaubert. Je n’oublie pas, au 20e siècle, Sartre et Camus. Parmi les écrivains français du 20e siècle justement, celui que j’aime le plus c’est Proust. Et pour les écrivains d’aujourd’hui, il y a surtout Mireille Calmel qui a une influence considérable sur les écrivains chinois. Je pense qu’elle vit maintenant à Paris. J’ai lu presque tous ses romans.

Dans cet échange, qu’est c e que la littérature française vous a apporté ou vous a enlevé dans votre propre cheminement d’écrivaine. Est-ce que le fait de lire et d’assimiler tous ces auteurs français a eu une influence sur la culture chinoise que vous portez et sur la culture de Chine en général ?

Mme T. N. : Quand on parle de l’influence littéraire, il faut d’abord souligner à quelle époque et dans quelle situation nous avons eu contact avec cette littérature. Personnellement, j’ai beaucoup parlé de Romain Rolland. La raison est qu’à cette époque, je vivais une ère où l’individualité et l’affirmation de soi-même étaient complètement négligés et oubliés. C’est ce roman de Romain Rolland qui m’a donné confiance en moi-même. On peut dire que pour la plupart des lecteurs aujourd’hui, ce n’est pas un chef d’œuvre, ni même pas un écrivain de première catégorie. Et pourtant, il m’a beaucoup impressionné et même influencé. Pas seulement moi mais toute une génération d’écrivains chinois.

Vous êtes présidente de l’Association nationale des écrivains de Chine. Comment se porte la littérature chinoise aujourd’hui ?

Mme T. N. : Je pense qu’à l’issue de ce colloque, vous aurez la réponse à votre question. Ce matin M. Wu Yuetian a présenté la situation de la traduction des ouvrages en Chine ; Mme Kun Xu présentera l’écriture féminine pendant trente ans ; en fin d’après midi, M. Jiang Yun va présenter l’écriture littéraire sur Internet, une pratique en constante progression en Chine aujourd’hui ; il y a enfin Mme Zhang Yun qui nous entretiendra sur les identités et la mondialisation. Tout çà, c’est l’image globale de la littérature chinoise aujourd’hui, mais je préfère que vous puissiez faire votre propre opinion à l’issue de ces rencontres.

Propos recueillis à Paris par : Etienne de Tayo

dimanche 29 novembre 2009

KOFI YAMGNANE : "quels sont ces intérêts français en Afrique, si importants et si occultes pour que seuls les dictateurs puissent les protéger?


Comme il l'avait déjà fait en 2005, Kofi Yamgnane, le plus togolais des Bretons ou le plus Breton des Togolais, c'est selon, vient de se porter candidat à l'élection présidentielle de février prochain au Togo. Comme déjà en 2005, ses adversaires avancent essentiellement deux critiques pour tenter de le disqualifier : la méconnaissance des réalités du Togo du fait de son expatriation précoce; risque de recolonisation du Togo au travers de celui qu'on présente volontiers comme un néo-colon. Accusation trop facile qui pourtant a souvent des apparences de vraisemblance mais qui ne résiste pas à une analyse sérieuse pour peu qu'on donne la parole à l'intéressé.
Bien qu'il ait été introduit dans le saint des saint du pays des Gaules, l'enfant de Banjeli, dans le pays Bassar au nord du Togo, est resté profondément africain. La preuve, ce bracelet de connexion à ses ancêtres, à lui légué par ses parents et, qu'il porte constamment à son poignet. Il n'y a aussi qu'à rappeler que Kofi Yamgnane est cet Africain qui a enrichi l'identité française et même européenne, en créant à Saint-Coulitz, la ville dont il était Maire, le conseil des Sages, laquelle expérience a depuis été adopté par d'autres communes en France d'abord, dans d'autres pays européens ensuite et rayonne désormais sur l'Europe.
Depuis qu'il a pris ses quartiers à Lomé il y a plus d'un an, Kofi Yamgnane dit avoir déjà foulé le sol de 4200 des 4885 villages que compte le Togo. Et il promet combler les 600 restants avant la présidentielle. Il parcours ces villages non pas en touriste, mais en vendeur d'espoir à un peuple désabusé et apeuré qui partout, trouve les dernières ressources pour entonner avec lui ce refrain de son slogan de campagne : Esu nè nè : "çà suffit comme çà". Sûr qu'au sortir de cette expérience d'imprégnation, il ne sera plus le blanc bec de la politique togolaise dont l'accable ses adversaires. Et d'ailleurs, il laisse entendre qu'il y a 40 ans, lorsqu'il se faisait projeter par la marée noire sur les côtes bretonnes, il ne connaissait rien à la France, ni des Français. Et pourtant, il est devenu un notable de ce pays. Pourquoi pas le Togo où sont enfoncées ses racines et avec lequel la reconnexion peut de ce fait être plus rapide?
De passage à Paris en octobre dernier, Kofi Yamgnane s'est vu accuser de vouloir remuer ses réseaux français pour faire main basse sur le pouvoir au Togo. Accusation qu'il réfute en rappelant à souhait qu'il n'est pas le candidat de la France même s'il compte au sein de la communauté internationale en général de solides relations pouvant être mis au service du développement du Togo. S'il avoue avoir rencontré les autorités françaises et même européennes, c'est surtout, dit-il, pour attirer leur attention sur ce qui se passe au Togo afin qu'il anticipe sur les pressions à mettre sur les autorités togolaises fortement soupçonnées de tripatouillage électorale.
Il dit aussi vouloir profiter de son statut d'icône médiatique pour ameuter la presse afin qu'elle braque ses projecteurs sur le Togo. Il veut profiter de ce que les dictatures ont la crainte et même la peur des journalistes puisque leur action s'apparente à de la lumière sur un monde obscur, pour obtenir des élections transparentes au Togo. Et à ceux qui trouvent la cause presque perdue, il rappelle qu' c'est lorsque tout semble inespéré qu'il faut justement essayer.


Nous l'avons rencontré dans une interview à bâtons rompus.


Désormais, vous êtes beaucoup plus présent du coté du Togo que de la France où vous avez pourtant fait vos classes politiques. Comment se passe cette autre reconversion politique et même identitaire ?

Kofi Yamgnane : Il y a plus d’un an que je suis sur le terrain. Maintenant, c’est la campagne qui est rentrée dans sa phase déterminante. A ce jour, j’ai visité beaucoup de villages pour regarder les Togolais dans les yeux. Il y a 4 885 villages au Togo, j’en ai visité 4 200 environs. Il me reste donc 600 à peu près à visiter. C’est ce que je vais faire en rentrant demain à Lomé. J’ai vu les Togolais, j’ai compris leur problème que je ne connaissais pas de façon aussi prégnante. Et aujourd’hui, le Togo n’a plus de mystère pour moi. Plus que jamais, çà doit changer. Esu nè nè : « ça suffit comme çà ».

En quelques mots, c’est quoi le problème des Togolais ?

K. Y. : Le Togo est un pays qui est improbable, un pays où la liberté d’aller et venir, les libertés politiques sont constamment entravées, un pays où l’impunité, les crimes économiques et de sang meublent le quotidien des populations. En gros, la liberté n’existe pas et cela pose problème. Les gens ont faim. Il y a des Togolais qui se réveille le matin et ne sont pas sûrs d’avoir quelque chose à manger avant le coucher du soleil. Les gens ne peuvent pas se soigner. Ceux qui ont les moyens vont se faire soigner dans les hôpitaux occidentaux. L’école s’est médiocrisé de façon absolument ahurissante. On trouve des classes de 120 à 140 élèves. L’Etat d’est désengagé de ses missions régaliennes puisque c’est les parents qui construisent les écoles, qui recrutent les maîtres et les payent. La jeunesse togolaise est au chômage. Elle est sur les motos qu’on appelle « Zébidjan », c’est épouvantable.

Dans vos messages de campagne, vous usez constamment de la métaphore du football et plus précisément celle du joueur providentiel qui doit enfin transformer le cinquième penalty. Pouvez-vous expliciter cette métaphore ?

K. Y. : La métaphore est celle du football et la voici : Il y a une équipe qui joue contre la nôtre et nous obtenons un premier penalty. On désigne notre meilleur joueur mais il tire et la balle ne rentre pas. On a un deuxième penalty, un troisième, un quatrième. Mais comme c’est vraiment le meilleur, on le choisit à chaque fois. Il tire çà ne rentre pas. L’idée c’est de dire qu’au cinquième penalty, peut-être que nous les joueurs sommes idiots, peut-être que le coach ne comprend rien au foot. Mais quand même, je pense qu’au cinquième penalty, nous devons changer de tireur. Et je veux être ce cinquième tireur là.

On parle généralement de la fraude électorale qui est un phénomène presque chronique en Afrique et pas en Afrique seulement d’ailleurs. A chaque fois les opposants parlent de leur victoire volée mais finissent par accepter le fait accompli, par résignation ou par contrainte. Qu’avez-vous pour protéger votre victoire le cas échéant ?

K. Y. : Au Togo, depuis qu’on vote en 1993, le RPT, parti au pouvoir, n’a jamais gagné aucune élection. Il les a prises par la force parce que ceux qui ont gagné ne sont pas aller chercher leur victoire. L’idée c’est instituer un recollement des votes et un collectage des voix qui me permet de dire dès le lendemain que voilà les vrais chiffres sortis des urnes. C’est pour lutter contre la fraude qui est massive au Togo, l’achat des consciences, l’empêchement physique, la falsification des listes électorales et des PV.

Maintenant, alors que le terrain des opérations c’est au Togo, qu’est ce que vous êtes venus faire à Paris ?

K. Y. : Je ne suis pas venu faire campagne à Paris, elle se passe au Togo. Je suis venu attirer l’attention des pouvoirs publics français et des médias sur ce qui se passe au Togo et ce qui risque d’arriver si l’élection du 28 février n’est pas transparente, il y aura des violences et il y aura encore des morts. Ce que je veux prévenir, c’est que les pouvoirs politiques français et la communauté internationale ne viennent pas pleurer ensuite et verser sur nous des larmes de crocodiles parce qu’il y a eu des morts. Je leur demande de tout faire pour qu’il n’y ait pas de morts. S’il n’y a pas de tricherie, il n’y aura pas de contestation et donc pas de violence. Je souhaite que le maximum de journalistes aille au Togo afin que les caméras, les appareils photos, les yeux humains, les crayons et les papiers soient témoins. C’est pour çà que je suis en Europe.

Que répondez-vous à ceux qui disent que vous êtes venus chercher des soutiens dan votre pays d’adoption, que vous venus réveiller vos réseaux pour prendre le pouvoir au Togo ?

K. Y. : Je ne suis pas venu demander à personne d’aller chercher le pouvoir pour moi. C’est contre productif. Je ne suis pas le candidat de la France. Je suis un Togolais qui veut travailler à la libération de son pays, point. Evidemment, c’est une campagne qui coûte cher. S’il y a des gens qui sont prêts à m’aider, je suis près à prendre. Mais je ne veux pas qu’une entreprise me lie les pieds et les poings en me donnant deux ou trois millions d’euros pour faire la campagne. Je ne veux pas de ça. Je veux que la diaspora africaine, la diaspora Togolaise et tous les démocrates donnent 5 euros celui-ci, 10 euros celui là. C’est de çà que j’ai besoin et pas des mercenaires de la politique.

On parle d’une officine sur les Champs-Élysées par où il faut passer pour se faire offrir le pouvoir en Afrique. Voulez-vous me dire que vous dérogerez à cette règle ?

K. Y. : Ce sont les Togolais qui m’ont révélé çà. Ils disent que c’est la France qui donne le pouvoir en Afrique francophone. Ils m’ont dit : « il y a une officine sur les Champs-Élysées, c’est par là qu’il faut passer pour devenir président ici. Est ce que tu es déjà passé là bas ? » M’ont-ils demandé. J’ai dit : non je ne suis pas passé parce que je n’ai pas trouvé d’officine. C’est vrai que les intérêts français sont importants en Afrique. Mais la question qu’il faut se poser c’est : quels sont ces intérêts français si importants et si occultes pour que seuls les dictateurs soient en capacité de les protéger? Pourquoi un républicain, pourquoi un démocrate ne pourrait pas protéger les intérêts de la France en Afrique. C’est çà la question à laquelle je demande à la France de répondre.

Propos recueillis à Paris par : Etienne de tayo

vendredi 13 novembre 2009

L'Afrique que les médias occidentaux ne montreront jamais

THE AFRICA THEY NEVER SHOW YOU

JUST ANOTHER SIDE OF MAMA AFRICA

Created and edited by : Lo Nyambok

jeudi 12 novembre 2009

AFRIQUE-CHINE : LA MOISSON AFRICAINE DE CHARM EL CHEIKH

La 4e conférence ministérielle du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), s'est tenue récemment à Cham El Cheikh en Egypte. L'occasion était ainsi donnée aux deux parties chinoises et africaines, d'évaluer les promesses chinoises faites en 2006 via le plan d'action de Beijing pour la période 2007-2009.

De l'avis du président de l'Union africaine Jean Ping, ces engagements de la Chine ont été très largement appliqué : "la Chine a déployé de nombreux efforts pour réaliser ses promesses vis-à-vis des pays africains", a-t-il souligné. C'est dans ce cadre, entre autre, que les investissements directs chinois en Afrique sont passés de 491 milliards de dollars en 2003 à 7,8 milliards de dollars fin 2008. Quant aux échanges commerciaux, ils ont décuplé passant d'une dizaine de milliards de dollars en 2000 à 106,8 milliards de dollars en 2008.
A l'ouverture des travaux, le premier ministre chinois a tenu à dire ce qu'il pense de l'aide chinoise à l'Afrique et du développement de l'Afrique : "L'aide chinoise à l'Afrique n'a pas été et ne sera pas liée à des conditions politiques (…) L'Afrique est capable de faire face à ses problèmes par elle-même", a-t-il souligné. Sur le développement de l'Afrique, le premier ministre chinois pense qu'il "passe essentiellement par une prise en compte des réalités de l'Afrique. C'est le modèle africain qui va faire le développement de l'Afrique même si le développement de tout pays ne peut se passer de l'apprentissage des autres".
Du discours du premier ministre chinois, il ressort que la Chine a donné à sa coopération un contenu à la fois économique, social et environnemental. Face à une Afrique qu'elle veut soudée, unie, parlant d'une seule voix tout en regardant dans la même direction que Beijing, la Chine a pris de nouveaux engagements en direction du continent. Si le grand public n'a pu retenir que les crédits préférentiels bonifiés, c'est parce que les médias occidentaux en ont décidé ainsi dans le but de brouiller le message et d'apporter un soutien substantiel à leurs gouvernements en lutte contre ce qu'ils qualifient de péril jeune. Et pourtant, ce sont 8 promesses concrètes que la Chine a faites à l'Afrique. Ces promesses, les voici :
- Réalisation de 100 projets écologiques en Afrique dans le cadre du partenariat sino-africain sur le changement climatique;
- Promotion de la coopération dans le domaine de la science et de la technologie avec à la clé 10 projets de recherche conjointement avec les Etats africains;
- Fourniture de 10 milliards de dollars de crédits préférentiels bonifiés aux pays africains ainsi qu'un fonds spécial d'un milliard de dollars aux PME africaines;
- Ouverture davantage du marché chinois aux produits africains et offre d'un tarif douanier zéro à 95% des produits des pays les moins avancés africains;
- Mise en place dans le cadre de la coopération agricole de 20 centres agricoles de démonstration technique en Afrique et l'envoi de 50 équipes techniques agricoles et la formation de 2000 agronomes africains;
- Fourniture dans le domaine de la santé des équipements et autres matériels médicaux d'une valeur de 5 milliards de yuans (plus de 700 millions de dollars) et formation de 3000 médecins et infirmiers africains;
- Construction d'ici 2012 de 50 écoles d'amitié sino africaine en Afrique et fourniture de 5500 bourses aux étudiants africains avec un dispositif simplifié d'obtention des visas;
- Promotion des échanges intellectuels.
C'est vrai qu'ainsi décliné, l'aide chinoise à l'Afrique semble épouser le cliché qui voudrait que l'Afrique soit toujours en attende de subsides pour son développement. Mais ee n'est qu'une impression. Car, la coopération sino-africaine, une coopération sud sud entre partenaires qui se comprennent et se respectent, s'inscrit parfaitement dans la vision globale de l'Afrique qu'avaient eu à l'origine les panafricanistes tels Kwame Krumah et les initiateurs du Népad ont prolongé d'une certaine façon. La Chine sait que les rapports bilatéraux la liant à chaque pays africains isolément ne contribueront pas au développement de l'Afrique. Parce que, contrairement aux autres, la Chine a un souci du développement de l'Afrique. Les initiateurs du Népad avaient compris que l'Afrique ne peut se développer qu'en transcendant et en dépassant les divisions imposées par la colonisation et à adopter une vision d'ensemble du développement par les grands ensembles régionaux et les grands projets continentaux. C'est pourquoi, l'union africaine doit être un interlocuteur privilégié entre la Chine et l'Afrique.

Etienne de Tayo
Promoteur Afrique Intègre
http://www.edetayo.blogspot.com/

mardi 3 novembre 2009

ANNIVERSAIRE : CE QUE OBAMA APPORTE A L'AFRIQUE

Cette réflexion a été rédigée à la demande du journal Italien "La Stampa" qui réalisait un dossier sur l'anniversaire de Barack Obama à la Maison Blanche. La substance de l'article est consultable via le lien ci dessous :

http://www.lastampa.it/redazione/cmsSezioni/obamannodopo/200911articoli/48930girata.asp
L'élection du président Barack Obama à la tête des Etats-Unis, le 04 novembre 2008, a suscité un grand espoir chez les Africains en même temps qu'elle les a comblé de fierté. Certains, surtout ceux qui sont constamment dans l'attente d'une hypothétique assistance extérieur, n'ont pas hésité à y voir une chance pour le développement de l'Afrique. D'autres encore, qui n'attendent pas forcément l'aide, souhaitent voir Obama user de son influence pour débarrasser l'Afrique de ses dictateurs.
Je voudrais, un an après l'arrivée du président Obama à la Maison blanche, questionner cet espoir, dire ce qu'il doit être et ce qu'il ne doit pas être. Je pose d'abord comme postulat que le développement de l'Afrique dépend en priorité des Africains. Et là, je rejoins le président Obama qui dans son discours d'Accra au Ghana invitait instamment les Africains à se prendre en main : "nous devons partir du principe qu'il revient aux Africains de décider de l'avenir de l'Afrique", soulignait-il. Je l'avais déjà posé en thèse de mon ouvrage coup de gueule au G8, "Pour la Dignité de l'Afrique, laissez-nous crever".
L'Africain, celui qui a une conduite digne, celui qui a pris conscience de ce qu'il est en réalité indépendamment des clichés dénigrant qui circulent à son sujet, cet Africain là n'attend aucun apport extérieur, en terme d'aide ou de prêt, ni d'Obama ni d'aucun autre président. Obama le dit d'ailleurs clairement aux Africains : "Le progrès ne viendra de nulle part ailleurs, il doit découler des décisions que vous prendrez, des actions que vous engagerez et de l'espoir que vous porterez dans votre coeur", dit-il.
Barack Obama a été élu président de Etats Unis et non celui de l'Afrique ou même du Kenya d'où est originaire son père. Le président Sénégalais Abdoulaye Wade le rappelait fort opportunément. Toutefois, Obama est une chance immense pour la désaliénation de l'Africain et finalement pour la Renaissance africaine. Pour contribuer au développement et au rayonnement de l'Afrique, l'Africain a besoin d'une profonde transformation. Obama est un homme qui a réussi sa propre transformation en se débarrassant de ce que Frantz Fanon qualifiait de complexe de nègre. Ce manque d'audace qui caractérise généralement les Noirs et les maintient souvent au bas de l'échelle sociale comme la pierre sur laquelle il est attaché maintient le cadavre au fond de l'eau.
De par son élection à la tête des Etats Unis, de par son action à la tête de cet Etat phare du monde, Obama apporte à l'Africain la substance nécessaire à sa propre transformation. Cette substance, c'est la fierté, c'est la dignité, c'est l'audace, c'est la soif de réussir. A ce titre, le "Yes We Can" intraduisible de Barack Obama, pour l'Africain va au-delà du simple slogan de campagne électoral pour devenir, pour le Noir, un art de vivre, un signe distinctif et un cri de ralliement. Si vous voulez, la réussite de Obama est une source de motivation, au sens du management, pour l'Africain. En le comblant de joie et de fierté, elle contribuera à sa désaliénation et lui permettra d'avoir plus d'assurance et plus confiance en lui-même, d'aller au fonds de lui-même puiser la ressource qui y était bloqué par des siècles d'oppression et d'humiliation. Cet espoir transparaît dans le discours d'Obama à Accra lorsqu'il déclare que : "ce seront les jeunes, débordant de talent, d'énergie et d'espoir qui pourront revendiquer l'avenir que tant de personnes des générations précédentes n'ont jamais réalisé".
Ce dont l'Africain a besoin, c'est une véritable prise de conscience de ce qu'il est réellement et de ce qu'est réellement ce continent qui lui est cher. L'Afrique, c'est le continent le plus riche de la planète : riche en ressources naturelles, riche en ressources humaines, riche par sa démographie (près d'un milliard d'habitants), riche par la jeunesse de son peuple (plus de 50% de la population). L'Afrique c'est le continent premier d'où était parti la race humaine pour essaimer dans le monde. C'est aussi le continent d'où partira le bonheur du monde. Obama l'exprime en ces termes en s'adressant aux parlementaires ghanéens et à travers eux, à tous les Africains : "votre prospérité peut accroître la prospérité des Etats Unis. Votre santé et votre sécurité peuvent contribuer à la santé et à la sécurité du monde. Et la force de votre démocratie peut contribuer à la progression des droits de l'homme pour tous les peuples". Mais les circonstances de l'histoire ont fait qu'on inculque aux Africains et à l'Afrique, la conscience de pauvre, "la partie du monde où on ne veut voir que les tragédies ou la nécessité d'une aide charitable". Et malheureusement, ce destin tragique, l'Afrique l'a endossé, les Africains l'ont intégré. Le problème aujourd'hui c'est d'amener l'Afrique à une prise de conscience de riche qu'elle est. Obama, qui lui même a réussi sa transformation notamment en se débarrassant de tout complexe, peut aider l'Africain à cette transformation, à cette prise de conscience. Donc, il ne s'agit pas de donner à l'Afrique, on ne donne pas à un riche. C'est ce que Obama dit lorsqu'il soutient que, "le véritable signe de réussite n'est pas de savoir si nous sommes une source d'aide perpétuelle qui aide les gens à survivre tant bien que mal mais si nous sommes partenaires dans la création des capacités nécessaires pour un changement transformateur".

Etienne de Tayo
Promoteur de "Afrique Intègre"
www.edetayo.blogspot.com

samedi 31 octobre 2009

RELANCE : FALLAIT-IL ABSOLMUMENT SAUVER LES BANQUES?


Alors que, au plus fort de la crise financière, tous les Etats du monde, y compris l’Etat américain dont le socle idéologique repose sur le libéralisme intégral, prenaient, dans une relative frénésie des mesures de sauvetage de leur système bancaire, je m’étais longuement posé cette question : Faut-il absolument sauver les banques ?

Je m’interrogeais parce que la responsabilité du système financier en général et du système bancaire en particulier était plus que avérée dans les causes qui ont conduit au marasme économique que connaît le monde aujourd’hui. Je pensais qu’il faut agir par pourrissement en punissant au passage ceux par qui le malheur est entré dans la maison. A savoir, les spéculateurs de tout bord, les traders fous et bien sûr les banquiers qui ont créé des produits toxiques pour emballer les clients et provoquer des bonifications artificiels des titres à la bourse.
Dans cette affaire, la responsabilité des banques était plus que établie. Que ce soit dans le cadre des crédits toxiques dits des subprimes aux Etats-Unis, accordés juste pour gonfler artificiellement le portefeuille des banques et faire envoler les titres en bourse ou encore le scandale du jeune traders français qui, en s'amusant, a fait perdre plus de 15 milliards d'euros à sa banque et aux déposants. Le mépris des banques par rapport à l'observation de leurs propres règles de fonctionnement et leur décentrement par rapport au financement de l'économie réelle sautait aux yeux. Tous étaient désormais attirés par les profits faramineux des produits financiers spéculatifs où ils inscrivaient frauduleusement leurs clients les plus fortunés.
Et en évaluant rapidement, on pouvait constater, pour ce qui est du cas des banques, que le ver était dans le fruit. En effet, la banque était devenu, d'un point de vue professionnel, un lieu de concentration des génies pervers. Dans les grandes écoles de commerce et autres écoles de la profession bancaire, les jeunes n'étaient plus formés mais déformés pour répondre aux nouvelles exigences de l'activité bancaire plus spéculative, plus fictive et surtout plus vicieuse. A savoir flouer en priorité le client. Une récente émission sur la banque et son client le montre à profusion. Les banques étaient désormais en voie de pourrissement et je pensais qu'il fallait les y aider.
Je pensais qu’en laissant les banques pourrir, qu’en laissant la bourse péricliter, la souffrance sera sans doute plus profonde, l'issue sera peut-être plus incertaine mais, à terme, un nouveau système, plus maîtrisé, plus vertueux, finira par germer. Je ne savais pas comment cela peut se passer concrètement, ni quel danger une telle audace pouvait faire courir au monde. Mais je pensais que donner les moyens à ceux qui ont conduit l’économie mondiale au bord du gouffre était un test réussi de la soumission du monde et des Etats par le capitalisme sauvage. Je pensais que réhabiliter les banques à coup des milliards de dollars n’était rien moins qu’une prime à l’irresponsabilité, à l’incurie.
Et puis, me laissant transporter par l’unanimisme ambiant, je m’étais contenté des arguments catastrophistes de ceux qui, agitant le spectre de 1929, disaient qu’un naufrage des banques entraînerait toute l’économie mondiale dans une récession sans précédent. Ils prédisaient qu’on passerait de la crise financière à la crise monétaire avant que toute l’économie ne soit paralysée. Aujourd’hui, je suis convaincu de ce que, aussi moi que toutes les autres personnes de bonne foi, nous nous sommes laissés prendre dans une vaste manipulation conduite par le lobby capitaliste. Je suis convaincu de ce que les capitalistes sauvages se sont servis de l’appendice de leurs affaires qu’est l’Etat pour se régénérer et continuer à creuser encore plus grand le fossé les séparant des autres couches de la société.
Je suis d'autant plus convaincu que quelque mois seulement après avoir englouti l'argent des contribuables, les banquiers sont repartis dans les nouvelles folies. D'après une étude de la réserve fédérale américaine, les subprimes sont de retour et représenteraient 20% des nouveaux crédits hypothécaires. Ce qui est plus qu'inquiétant même si certains analystes préfèrent y mettre du bémol en rappelant que 95% de ces crédits sont détenus ou garantis par les organismes publics que sont Fannie Mae, Freddie Mac et Ginnie Mae. Tout compte fait, la folie est de retour dans les banques alors que par ailleurs, la crise continue de faire des victimes.
Il y a quelques jours, deux images m’ont profondément choqué. La première image montrait les traders de la place mythique de Wall Street à New York, célébrant au champagne la remontée des cours des titres à la bourse. En regardant ces images, je me suis rappelé le titre du livre de Marc Fiorentino : « un trader ne meurt jamais ». Il est en fait le héros d’un dessin animé qui est finalement l’illustration du monde que nous vivons aujourd’hui. L’autre image ou d’autres images, celles des présentateurs des journaux télévisés en France annonçant le suicide du 25eme employé de France télécoms pour cause de stress au travail, conséquence directe de la crise financière provoquée depuis plus d’un an par les spéculateur de Wall Street entre autres.
A coté, d’autres suicides moins médiatisés se consomment tranquillement dans l’intimité des ménages déstabilisés, d’autres organismes, fragilisés par le même stress se laissent gagner par des maladies opportunistes. L’autre stress, celui qu’on ressent au chômage guette ceux qui par centaine de milliers sont déversés dans la nature par des entreprises qui soit délocalisent ou tout simplement ferment boutique. Ruiné parce qu’il a mis tout l’argent pour sauver les banques, les Etats n’ont plus rien pour soutenir leur secteur agricole par exemple. Et les banques radines rechignent à accorder des crédits. Conséquences, des agriculteurs, devenus fous, arrosent les champs, en guise de protestation, du lait qu'ils ont obtenu de leurs vaches.
C'est plus qu'une crise que les banques vivent aujourd'hui avec leurs clients en particulier et la société en général. Ceci vient de ce que les deux groupes ne vivent plus dans la même planète. Les banques ont depuis quitté les sphères de l'économie réelle pour s'envoler les sphères des spéculations et des paradis fiscaux. Tant qu'il n'y aura pas une action des Etats pour obliger les banques à revenir sur terre financer l'économie réelle comme c'est inscrit dans ses attributions premières, les crises se succéderont et se ressembleront.

Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"
www.edetayo.blogspot.com

mardi 27 octobre 2009

MANIPULATION : QUAND LE FMI FAIT SA PUB EN AFRIQUE!

L'affaire du "cadeau monétaire" offert à Alex Segura, ancien représentant résident du Fonds Monétaire International (FMI) par le président Sénégalais Abdoulaye Wade est de celle qui irrigue la presse internationale aujourd'hui en faisant des vague. En effet, alors qu'il venait de prendre part au dîner d'adieu offert en son honneur le 25 septembre au palais président du Sénégal, Alex Segura s'est vu offrir une mallette contenant la rondelette somme de 133 000 euros, en guise de cadeau d'adieu, se défendent les autorités sénégalaises.

Aussitôt l'affaire ébruitée, la directrice des relations extérieures du FMI, Mme Caroline Atkinson s'est fendu d’un communiqué pour faire un récit presque minuté du déroulement de cette rocambolesque affaire. Il ressort de la relation des faits, que ne conteste pas le gouvernement Sénégal - qui se contente de dire que cela rentre dans le cadre de la tradition africaine et non d’une quelconque corruption - qu’ayant reçu la mallette contenant le magot, le fonctionnaire se serait concerté avec son remplaçant et ils ont décidé, sur demande de leur hiérarchie, de restituer les fonds au gouvernement sénégalais à l’escale de Madrid et de dénoncer la pratique à travers un tapage médiatique en bonne et due forme. Mais ce qu'il faut retenir, c'est que malgré la probité morale qu'il semble mettre en avant aujourd'hui, M. Segura avait quand même violé une loi du système international qui interdit tout cadeau, pire encore, il a voyagé avec cette somme d'argent et se serait même fait interpeller selon certaines sources. A-t-il dans un premier temps décidé de garder ce cadeau et a eu peur d'une dénonciation de sa collègue qui était déjà au courant? A-t-il eu peur d'un piège des autorités sénégalaises? Que s'est-il réellement passé entre la réception de la mallette au palais présidentiel de Dakar et la décision de Segura d'appeler le bureau d'éthique du FMI? Autant de question que charrie cette ténébreuse affaire.
Face à cette affaire, la posture naïve nous pousserait à applaudir le FMI et à louer la probité morale de ses fonctionnaires à travers l'acte que vient de poser Alex Segura. Cette posture nous amènerait aussi à vouer aux gémonies les dictateurs africains qui n’ont de cesse de brader les ressources de leurs pays. Si nous adoptons une telle posture, le FMI aura atteint son objectif. A savoir, redorer son blason par rapport à sa responsabilité dans l’ensemencement de la pauvreté en Afrique et la propagation de la corruption. Et en passant, renforcer un cliché bien encré en occident qui voudrait que l’Afrique ne soit gouverné que par des dictateurs corrompus. Ce qui malheureusement dans un cas sur deux est vrai mais dont la généralisation peut relever de la manipulation. La réalité pourtant est que en Afrique, le FMI, à travers ses fonctionnaires, est parfaitement entré en collusion avec ceux qu’ils qualifient de dictateurs pour affamer leurs peuples.
C’est à la fin des années 1980 que le FMI a réellement pris le pouvoir – au sens propre du terme - en Afrique au travers de la mise en œuvre des fameux plans d’ajustement structurels, qui étaient en réalité une sorte de mise entre parenthèse des institutions normales des pays concernés. A la place des économies planifiées, il a été mis en place une sorte de navigation à vue destinée juste à assurer le fonctionnement du pays. Les ministères de l'Economie et du plan ont été soit considérablement amoindris ou tout simplement supprimés alors que les ministères des Finances, c'est-à-dire la gestion au quotidien de la caisse de la l'Etat ont été renforcés. Tous les projets de loi étaient passés à l’encre rouge des fonctionnaires du FMI pour les mettre en conformité avec la nouvelle donne néo-libérale. Il fallait dans un temps record passer du trop d'Etat à moins d'Etat ou à pas d'Etat du tout.
A la demande du FMI, tous ceux qui dans l’administration ou au sein des universités s’interrogeaient sur le bien fondé des plans d’ajustement étaient mis au placards. Malgré les échecs successifs de ces plans, et le nombre impressionnant des victimes que leur mise en œuvre causait au sein de la population, les fonctionnaires du FMI continuaient de faire la pluie et le beau temps. Ils faisaient ainsi revenir leurs fameux plans, véritables pilules, sous d’autres formes et avec d’autres noms, un peu comme un sorcier qui revient tourmenter ses victimes avec des visages empruntés.
Au Cameroun par exemple, les conseillers du président de la République qui, sentant le désastre qu'une intervention du FMI aurait sur le pays, avaient eu la lucidité et la clairvoyance d’introduire dans son discours à la Assemblée nationale en 1987, la phrase mémorable : « nous n’irons pas au FMI », avaient été balayés sans ménagement sous la pression du FMI. Toujours sur recommandation du FMI, complètement obnubilé par le capitalisme triomphant, il avait été fait la promotion des fonctionnaires collabos et pour la plupart corrompus parce que souvent moins outillés intellectuellement ou tout simplement parce que cupide naturellement. Au Cameroun, ces fonctionnaires appartiennent à ce qu’on peut appeler aujourd'hui, la « génération Epervier ». C’est avec eux que les fonctionnaires du FMI gèrent les Etats africains, depuis plus de deux décennies maintenant, en s’adonnant à de petites combines mais grosses corruptions.
Partout en Afrique, face aux régimes affaiblis par la récession économique, les représentants résident du FMI ont repris le casque d’administrateurs coloniaux, l’arrogance et le cynisme en plus et exacerbé d’ailleurs. Malgré parfois leur jeune âge et leur inexpérience, ils étaient devenus dans plusieurs pays la doublure du premier ministre et même plus puisqu’il leur incombait en premier la responsabilité de corriger la copie de ce dernier. Ils relayaient sur place les théories fumeuses de leurs patrons en poste à Washington. Et pour cela, ils se permettaient de faire réunir des ministres en comité interministérielle pour leur dispenser, doctement, des enseignements sur le néolibéralisme et leur donner des instructions fermes venues tout droit de Washington. Dans ce jeu, l’Afrique était et continue d’être le grand malade et le FMI le médecin. Et la logique selon laquelle il ne faut pas que le malade guérisse au risque d’envoyer le médecin au chômage est bien entretenue.
Lorsqu’un haut fonctionnaire du FMI – un vice président ou autre - devait faire une visite dans un pays africain, cela prenait des allures d’une visite d’Etat avec toute la mise en scène convenue. Ils achevaient leur visite toujours par une audience au palais présidentiel où ils se permettaient de partager le même canapé – privilège réservé aux chefs d’Etats - que ceux qu’ils qualifient de dictateurs. La visite était aussi parfois agrémentée – et toujours d'ailleurs - d’un dîner d’Etat au palais présidentiel. Et c’est connu de tous qu’on ne sort pas d’un palais présidentiel africain les mains vides. Ceci n’a rien à voir avec la corruption comme le FMI semble vouloir l’insinuer. Cela participe d’une tradition africaine qu’on peut dénoncer mais qui a quand même l’avantage d’être une tradition connue et codifiée. Ce n’est pas Valery Giscard d’Estaing qui me démentirait. Cela vient de ce que les chefs d’Etats africains, malgré leur relative occidentalisation, se considèrent toujours comme des Monarques au sens très africain du terme. Et le monarque, c’est celui qui met toujours un point d’honneur à recevoir ses invités et qui donne parfois sans compter. Le problème ici est seulement que la modernité a fait qu’il donne ce qui ne lui appartient pas. Dans le temps, tout appartenait au Monarque, y compris ses sujets. Et personne n'aurait eu l'outrecuidance d'avoir à redire sur un cadeau fait par le Monarque.
Le fonctionnaire du FMI, Alex Segura qui a décidé de déclencher le scandale de la "mallette d’adieu" a certainement été reçu dans quelques palais présidentiels en Afrique. Ce qui veut dire qu’il y a d’autres cadeaux qu’il avait décidé par le passé de garder par devers lui puisque aucun pays ne peut manquer à la tradition. Il faut donc qu’il ne s’arrête pas en si bon chemin et dévoile tous les autres cadeaux passés, au moins pour se soulager la conscience et permettre à l’institution qu’il représente de redorer réellement son blason. On peut aussi se demander qui a décidé de faire filtrer l'affaire dans la presse. Pour le savoir, il faut simplement se demander : à qui profite le crime?
On peut se demander pourquoi ce fonctionnaire et le FMI en tant qu'institution, décide seulement aujourd’hui de révéler les petites combines qu’ils ont toujours eues avec les dictateurs africains au détriment de leurs peuples affamés. Alex Segura n'est pas un extra terrestre récemment venu dans la planète FMI. Et l’hypothèse la plus plausible est qu’à Washington, les responsables du FMI aient décidé de faire d’une pierre deux coups au travers d’une petite publicité manipulation : d’abord se soulager la conscience face à l’opinion internationale en se présentant comme une institution où règne la rigueur et la moralisation, puisqu’il se sont doté d’un bureau éthique. Ensuite, lui régler son compte à Abdoulaye Wade, le président sénégalais qui par ses coups de gueule perturbe parfois l’extension de l’hégémonie de l’idéologie capitaliste. Au FMI certainement, on compte voir Abdoulaye Wade raser les murs au prochain sommet du G20 et ne plus faire des déclarations fracassantes qui empêchent d'étendre l'hégémonie des riches en paix.
Alors, si c’est Dominique Strauss Khan, le patron du FMI qui est à l’origine de cette publicité déguisée, nous saluons son courage et l’invitons instamment à lancer une véritable opération mains propres sur les agissements des représentants résidents du FMI depuis 20 ans en Afrique afin de récupérer tous les cadeaux reçus par ces derniers dans les palais présidentiels. Les différents Trésors publics en Afrique en ont cruellement besoin de ce magot. Une chose est vrai que ceux qu’on qualifie au FMI de « dictateurs africains » sont certes inaptes dans la conduite heureuse de leurs pays mais prennent un soin particulier à garder les preuves des petits cadeaux qu’ils offrent à leurs hôtes. Une fois de plus l’ancien président français Valery Giscard d’Estaing en sait quelque chose.
La tâche du bureau éthique du FMI sera certainement facile puisque dans presque tous les pays d’Afrique – et on peut le vérifier à l’instant où je rédige ce papier – les fonctionnaires du FMI mènent un train de vie parfois sans aucun rapport avec les revenus que leur offre leur employeur. Il y a ceux qui se sont offerts des villas avec pieds dans l’eau et autres bonheurs de la terre. Au bout de l’enquête, on comprendra très vite que c’est en fait un loup qui a crié au loup dans la bergerie. L’objectif étant de détourner l’attention du fermier et de filer en douce. Les patrons du FMI comprendront sans doute qu’on ne prend pas le risque d’ouvrir une boite à pandore sans savoir ce qu’elle contient.
Dans tous les cas de figure, ce qui est sûr, c’est que, demain peut-être, le FMI et le système qu’il charrie, seront face au tribunal de l’histoire pour répondre de leurs « crimes financiers » en Afrique, crimes qui ont poussé des centaines de millions d’Africains dans la misère la plus abjecte et qui ont précipité des millions d’autres dans l’enfer de la mort. Alors on saura de quel coté se trouve le loup et de quel autre se trouvent les brebis.

Etienne de Tayo
Promoteur Afrique Intègre
http://www.edetayo.blogspot.com/

mercredi 21 octobre 2009

CAMEROUN, "OPERATION EPERVIER" : GARE AUX FAUX MARTYRS


L’information, plutôt soft, ressorti des colonnes d’un quotidien généralement sérieux du Cameroun. Elle révèle ceci : Au cours de deux cérémonies, le mariage officiel célébré le 25 septembre 2009 à la mairie de Yaoundé 5 "dans la stricte intimité familiale" et le mariage coutumier et islamique célébré le 11 octobre 2009, dans le village Manka, près de Foumban, Mounchipou Seidou a pris en troisième noces Mlle Kimoun Fadimatou Zaratou, âgée de 28 ans. Et la sérénité qui caractérise la relation des faits par le journaliste montre bien que nous ne sommes pas en face d’une curiosité socio-politique. D’ailleurs, dans une allocution improvisée, rapporte le journaliste, le jeune marié, qui est par ailleurs le chef supérieur du village, déclare : "J'espère qu'elle apportera un nouveau souffle à la famille et à moi-même dans mon combat pour l'honneur, la dignité et la survie".

Si vous n’avez encore rien compris sur le caractère insolite de cette information, sachez donc que le Mounchipou en question est un ancien ministre condamné en 1999, dans le cadre de l’opération Epervier, à 15 ans de prison pour détournement de deniers publics. Il purge, du moins officiellement, sa peine à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé, c’est à dire à plus de 400 kilomètres de Foumban. Le journaliste qui rapporte l’information ne nous parle pas d’une quelconque évasion de prisonnier mais plutôt d’un phénomène très récurrent. A savoir, la vadrouille de ces prisonniers d’un genre particulier, hors de leur lieu d’incarcération. Les membres de la famille Mounchipou témoignent d’ailleurs de ce que l’illustre prisonnier leur rend très souvent des visites surprises : "il a l'habitude de faire des séjours réguliers dans son village". Il a de la chance le Mounchipou, certains de ses compagnons de misère meurent en prison, certainement parce qu’ils n’acceptent pas leur nouvelle condition, alors qu’il a réussi à en faire un petit coin du paradis et à montrer qu’il peut y avoir une vie, non seulement après la prison mais surtout pendant la prison.
Cette information d’un prisonnier qui se marie, corrobore parfaitement un certain imaginaire construit au Cameroun autour du statut de certains "prisonniers de luxe" victimes de l’opération Epervier, une sorte d’opération dite mains propres menée contre les agresseurs de la fortune publique. Il s’agit pour la plupart, d’anciens dignitaires fortunés du régime. D’après cet imaginaire, certains de ces prisonniers bénéficieraient des aménagements de peine extraordinaires. Cette complaisance carcérale leur permettrait ainsi de passer du statut de prisonnier, c’est à dire une personne constamment retenue derrière les barreaux à celui de saisonnier, c’est à dire une personne à liberté surveillée bénéficiant des séjours réguliers à l'extérieur de la prison. Il y aurait même parmi ces prisonniers à statut spécial, ceux qui continuent de conduire des investissements et de gérer tranquillement leurs affaires depuis la prison. Nous sommes loin des prisons de Tcholliré ou de Mantum de tristes réputations. Et c’est peut-être tant mieux pour la civilisation des mœurs.
Cette situation de vadrouille organisée de prisonniers peut résulter de deux choses : cela peut être le fait délibéré d’un régisseur de prison qui, dans un environnement de corruption généralisée et bénéficiant de la couverture officieuse et intéressée de ses supérieurs, décide ainsi de faire payer leur liberté à ses prisonniers les plus fortunés. Cela peut aussi résulter de la volonté affirmée du régime, du fait de leur statut spécial, d’assouplir les conditions de détention de ces prisonniers.
Dans le principe, cela ne devrait poser aucun problème qu’un gouvernement puisse ainsi trouver le moyen de soulager les peines de certains de ses anciens collaborateurs qui se sont égarés sur les chemins de l’enrichissement illicite sur le dos de l’Etat. Cela va même dans le sens de la promotion des droits de l’homme. Sauf que, ainsi posé, les privilèges accordés à ces prisonniers entraînent au moins deux hiatus dans la représentation dans la société camerounaise des valeurs comme la justice et l’égalité :
Le premier hiatus serait la consécration de l’inégalité des citoyens devant la loi - ou du moins devant l’application de la loi - du fait de la croyance en le Dieu Argent : pour autant que tu seras riche ou pauvre, ta peine sera lourde ou légère. Il n’est pas sûr que, même s’il justifiait d’une très bonne tenue en prison, un autre condamné moins fortuné puisse bénéficier des mêmes aménagements de peine.
Le second hiatus vient de ce que le gouvernement camerounais qui est engagé dans cette opération dite Epervier, court le risque de fabriquer au travers des personnalités embastillées, de faux martyrs et de faux héros mais de vraies victimes du système. Le risque est grand demain d’assister au Cameroun à une sorte d’encombrement du marché politique par le fait de toutes ces personnalités ayant pour seule offre politique, leurs années de prison et qui tenteront de capitaliser leur mésaventure en sollicitant les suffrages des électeurs.
En effet, dans un contexte où être ancien prisonnier peut tout à fait devenir un programme politique, une telle manœuvre a toutes les chances de fleurir. C’est à dire qu’en se posant comme des victimes du régime, les victimes de l’Epervier se positionnent comme les premiers combattants pour le changement tant réclamé par une bonne partie du peuple camerounais. Cela s’était déjà vu au cours des années 1990, lorsque dans les meetings de l’opposition, les meilleures places étaient réservées et les meilleurs étaient rendus à ceux qui justifiaient des stigmates de leur souffrance dans quelque prison du pays. Au cours du meeting, il leur suffisait juste de se lever, de montrer leur doigt coupé ou leur œil crevé en prison et la sympathie ou même l’adhésion du peuple leur était garantie.
C’est vrai que dans la plupart des cas, il s’agissait des prisonniers politiques et d’opinion. Ce qui n’est pas le cas des prisonniers de l’Epervier qui eux, sont des prisonniers de droit commun, au même titre que les voleurs de poules et autres braqueurs qui encombrent les prisons camerounaises. Mais, comme on le sait, le bon peuple – surtout lorsqu’il se laisse corrompre comme c’est généralement le cas au Cameroun – se montre souvent très compassionnel vis à vis des victimes. Et n’est pas toujours capables de faire la distinction entre un prisonnier d’opinion et un prisonnier de droit commun. Cette confusion sera d’autant plus opérante que dans l’imaginaire camerounais, l’opération Epervier est plus appréhendée comme un simple règlement de comptes entre rivaux politiques que comme une quelconque opération mains propres visant l’assainissement du système.
La prison étant le lieu par excellence de la capitalisation de la souffrance et finalement un bon tremplin pour le pouvoir, il est donc possible que demain, à la suite d’élections régulières, les portes de l’Assemblée nationale, du Sénat et pourquoi pas du palais de l’unité, s’ouvrent devant ces « héros », ces « martyrs » de la République. Une opération certainement légitime pour eux. Sauf que, le marché politique camerounais a besoin aujourd’hui de plus de visibilité. Il est impérieux dans ce marché, de séparer la bonne graine de l’ivraie pour permettre aux acteurs politiques de construire une offre politique plus attrayante et au peuple de choisir en toute connaissance.

Etienne de Tayo
Promoteur « Afrique Intègre »
www.edetayo.blogspot.com

vendredi 16 octobre 2009

JEAN PING : PRESIDENT DE LA COMMISSION DE L'UNION AFRICAINE : "Nos relations avec l'Europe sont à privilégier mais ne peuvent être exclusives"

Le président de la commission de l'union africaine était à Paris pour présenter son dernier ouvrage qui est une véritable ode à l'afro-optimisme. Nous l'avons rencontré et il a accepter d'expliciter pour nous les idées contenues dans cet opuscule afin que demain, l'Afrique brille de mille feux.


Monsieur le Président, vous venez de publier un ouvrage au titre évocateur : "Et l'Afrique brillera de mille feux". Est-ce une réponse à l'afropessimisme?

Jean Ping : Absolument. Les afro-pessismistes regardaient l'Afrique comme un problème. Aujourd'hui, nous disons clairement avec d'autres que l'Afrique n'est pas un problème mais une opportunité. Ceci parce que l'Afrique compte aujourd'hui un milliard d'habitants. Ce chiffre sera porté en 2020 à 1 milliard et demi, c'est-à-dire la population de la Chine. L'Afrique est donc la troisième puissance démographique du monde, un vaste marché en gestation, une puissance qui est assimilable à la Chine et à l'Inde. Autre atout : l'Afrique est un immense réservoir des matières premières, le plus grand du monde aujourd'hui, ce qui explique le fait que tous les pays accourent vers l'Afrique. D'un point de vue de la superficie, l'Afrique, c'est 10 fois l'Europe, c'est 10 fois l'Inde, c'est 4 fois la Chine, c'est 4 fois les Etats-Unis.

Ne pensez-vous pas qu'il aurait fallu un point d'exclamation à la fin du titre de votre ouvrage?

Jean Ping : Tout à fait. Je disais tout à l'heure qu'il ne faut pas croire qu'il y a des peuples qui sont condamnés à vivre éternellement dans la misère et les autres qui sont destinés à vivre dans l'opulence. Il n'y a pas si longtemps, la misère était assimilée à l'Inde, la famine était assimilée à la Chine. Aujourd'hui, ces pays ont réduit leur pauvreté au point de devenir des pays émergents. Donc, il n'y a pas de raison que ce qui est arrivé à ces pays là ne puisse pas aussi nous arriver, à nous autres Africains. Il suffit que nous puissions prendre notre propre destin en main et qu'on nous laisse une marge de manœuvre pour travailler et non pas toujours nous dicter ce que nous devons faire comme on le dicterait aux enfants.

Est-ce qu'il vous a fallu un courage particulier pour écrire un livre de cette trame?

Jean Ping : Un courage particulier, non. Je pense qu'il ne plaira pas à tout le monde, c'est tout à fait normal. Mais à ceux là, je dis qu'il faut qu'ils lisent sérieusement et qu'ils se demandent s'il n'y a pas quand même des éléments de vérité dans ce que je dis.

Aujourd'hui, pour l'Afrique, on a la chance d'avoir le ministère de la parole et le ministère de l'action réunis en une seule personne qui se trouve être le président de la commission de l'Union africaine. Est-ce que vous en prenez conscience?

Jean Ping : Vous-même avez noté que j'ai une longue expérience et je relate dans ce livre beaucoup d'anecdotes. Ce sont des choses que je connais, que j'ai vécues et je le dis. Mais je pense aussi que nous devons bénéficier de la réflexion des autres pour engager la nôtre, les expériences des autres pour s'en inspirer, pas pour copier.

Est-ce qu'on peut, parlant de votre ouvrage, dire qu'il s'agit d'un discours de rupture?

Jean Ping : Dans une certaine mesure, oui, parce que vous voyez vous-même que dans la première partie de l'ouvrage, j'ai relaté des phases : il y a un temps où notre souveraineté était limitée. L'accent était mis sur la sécurité. Et puis, dans une deuxième phase nous avons observé une rupture, les pays s'émancipaient, voulaient prendre en main leur propre destin et ont commencé à s'ouvrir au reste du monde. Puis la mondialisation nous a ramené en arrière. Il faut aujourd'hui nous laisser une marge de manœuvre afin de nous permettre de nous insérer de façon optimale dans la mondialisation.

En quatrième de couverture de votre ouvrage, vous posez cette question fondamentale : "N'y a-t-il pas d'autres stratégies fondées sur des avantages réciproques, sans grossières ingérences extérieures, sans conditionnalités impossibles, sans préalables et sans menaces de sanctions : la carottes sans le bâton?". Pouvez-vous mieux expliciter cette phrase?

Jean Ping :
çà veut dire tout simplement qu'on nous a pris comme à l'époque coloniale où on disait que les Africains étaient des primitifs qu'il faut conduire vers la civilisation. On a le sentiment qu'on veut continuer dans cette lancée. Jusqu'à quand cela doit-il continuer? Il faut que les "parents", si parents il y a, qui ont guidé nos pas puissent nous considérer maintenant comme des gens majeurs capables de prendre leur destin en main. C'est ce que le président Obama a dit à Accra lorsqu'il a demandé à l'Afrique de prendre en main son destin.

L'Afrique a toujours évolué sous le modèle occidental du développement. On a l'impression que ce modèle est sérieusement concurrencé par les modèles des pays émergents notamment la Chine. Il y a un discours qui tend à mettre l'Afrique en garde contre la Chine parce que dit ce discours, la Chine s'offre l'Afrique. Quelle est votre opinion sur ce débat là?

Jean Ping : Nous sommes les voisins de l'Europe. Nous ne sommes séparés de ce continent que par une quinzaine de kilomètres au niveau du détroit de Gibraltar. Nous avons donc avec l'Europe des liens géographiques. Nous avons aussi avec l'Europe des liens historiques. L'Europe nous a colonisé et nous avons cet héritage commun avec des choses bonnes et des moins bonnes. Nous avons aussi un lien culturel puisque nous parlons des langues européennes. Nos relations avec l'Europe sont des relations naturelles. Ces relations doivent être privilégiées mais ces relations ne peuvent pas être exclusives. Ce n'est pas possible puisque l'Europe traite avec ces pays là : l'Union européenne a établi avec la Chine un partenariat stratégique, les Etats-Unis viennent de le dire par la voix de Barack Obama. Ce qui est bon pour les autres ne peut pas être mauvais pour nous. Il faut donc que nous puissions aussi avoir des relations de partenariat avec ces pays là basées sur les intérêts réciproques.

Que doit faire l'Afrique pour tirer profit de ce partenariat gagnant gagnant que propose la Chine?

Jean Ping : C'est à nous de déterminer ce partenariat. La Chine n'est pas un pays qui peut nous imposer ses vues, ni les conditionnalités. Nous devons accepter ce qui est bon pour nous et refuser ce qui n'est pas bon pour nous. Et je crois que nous sommes assez grand pour faire ce discernement.


Propos recueillis à Paris par Etienne de Tayo

samedi 10 octobre 2009

L'AFRIQUE DE JEAN PING : COMME UN PAPILLON EN DEVENIR!


S’il n’avait pas été écrit par le diplomate chevronné qu’il est, doublé de la casquette de président de la commission de l’union africaine, le dernier livre de Jean Ping aurait bien pu s’intituler : « Pour l’Afrique, j’accuse ! », et s'inscrirait ainsi dans la lignée des coups de gueule et autres lettres ouvertes qui jonchent les chemins du combat pour l'Afrique. Non, l'ouvrage s'intitule tout simplement : "Et l'Afrique brillera de mille feux". Un message d'espoir et même d'espérance. Et pourtant, l’ouvrage de près de 300 pages, publié aux éditions l’Harmattan est bel est bien une accusation en règle contre ceux que l’auteur qualifie de « maîtres » du monde. Il s’agit aussi d’une réponse aux discours afropessimistes, « ces concerts de lamentation permanente » qui ont contribué à construire de l’Afrique, l’image d’un « continent en déperdition, d’un continent perdu ou d’un continent maudit dont le passé ne passe pas ».

Le contexte de la publication de l’ouvrage de Jean Ping est celui du nouvel ordre international né de l'effondrement de l'union soviétique et marqué par la « globalisation effrénée, privatisation exacerbée, ingérence institutionnalisée, déconstruction généralisée des Etats et destruction de toute autorité ». Celui qui correspond parfaitement à ce que les tenants du réalisme tels Edward H. Carr et Henry Kissinger décrivent : "les Etats ne sont contraints par aucune loi, le droit est une fable qui n'a aucune portée à l'extérieur des amphithéâtres des facultés".
Au plan humain, ce contexte est celui de la « régression et de la paupérisation qui résultent de la création des fortunes et des misères extrêmes par l’exacerbation des forces du marché, sous la vive impulsion des plans d’ajustements structurels et des dix commandements des tables de la loi décrétés par le consensus de Washington ». Avec la mondialisation, note Jean Ping, « les maîtres sont de retour. Ils disent le droit pour nous sans se l’appliquer à eux-mêmes. Ils jugent l’Afrique avec leurs seuls repères, donnent des ordres et des leçons, condamnent et décrètent des sanctions fatales, convaincus qu’ils sont d’agir ainsi pour le bien de l’humanité ». Prise dans cette spirale, « l’Afrique a enregistré sur les questions de l’indépendance, de sécurité et du développement un véritable bond en arrière et s’est mis à évoluer à front renversé », constate l'auteur.
De façon très méthodique, Jean Ping relate dans son ouvrage comment le piège de la mondialisation s’est refermé sur l’Afrique à la fin des années 80, au moment même où le continent était en passe d'amorcer son décollage. Il se trouve qu’après l’effondrement du mur de Berlin et la dislocation de l’Union soviétique, des experts aux Etats-Unis ont sérieusement imaginé le scénario d’une unipolarité du monde dans lequel la nation américaine devait s’octroyer le leadership : "Grâce à Dieu, l'Amérique a gagné la guerre froide. Un monde jadis divisé en deux camps armés reconnaît aujourd'hui la supériorité d'une seule puissance : les Etats-Unis", triomphait Georges H. Bush dans l'état de l'union en 1992. Ainsi se sont forgé les « nouveaux maîtres du monde » dont le discours devait, telle une vague sur une plage, effacer toutes les inscriptions antérieures et inscrire le "consensus de Washington" comme seule norme s’imposant à tout le monde sans exception.
Ainsi, « les dirigeants européens et leurs experts vont s’abriter derrière des recommandations d’inspiration néo-idéalistes et ultra-libérales conçues par l’économiste Milton Friedman à travers l’école de Chicago et propagées par le couple Reagan-Thatcher ». Comme le révèle Jean Ping, personne ne pouvait résister à la toute puissance américaine et ses experts logés au sein des « deux sœurs jumelles de Washington », le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale. Ainsi, « les experts européens, bruxellois d’alors, appuyés notamment par certains technocrates français, ne feront que reprendre à leur compte ces mots d’ordre, au nom du postulat des valeurs communes, en les rediffusant telle une caisse de résonance et en les imposant à leur tour à l’Afrique. Privatisation, libéralisation, déréglementation, moins d’Etat, accountability, régionalisation, ajustements structurels, stabilité macroéconomiques, sanctions… deviennent le credo des négociations ACP-UE ».
Le monde que décrit et dénonce ici Jean Ping est celui qu'avait déjà repéré le sociologue Régis Debray lorsqu'il déclarait : "le monde d'aujourd'hui est divisé enter les humiliants et les humiliés, mais la difficulté vient de ce que les humiliants ne se voient pas en train d'humilier. Ils aiment croiser le fer, rarement le regard des humiliés".

Comme un papillon en devenir
S’il est quelque peu d’accord avec les afropessimistes le constat d’une Afrique qui « est retournée plusieurs années en arrière et qui s’est enfoncée dans l’océan de la misère, du désordre et de la barbarie », sur la conclusion donc d’une certaine régression de l’Afrique, ce qu’il qualifie avec Umberto Ecco de « marche de l’écrevisse », l’auteur se refuse toutefois à valider les causes portées par le cliché de « tous corrompus et tous des dictateurs », lesquelles imputent la responsabilité exclusivement à l’Afrique et aux Africains. Jean Ping pense qu’avant le retour des « maîtres », l’Afrique était sur le chemin, certes lent mais déterminé, de la prospérité. Et pour le dire, il convoque la métaphore de la chrysalide ou du papillon en devenir pour éclairer la source du discours afropessimiste : «il s’agit d’une chenille qui avait entreprit un processus pour devenir papillon. Mais lorsque les "maîtres" sont arrivés, ils ont considéré que le processus était trop lent et qu’ils pouvaient l’accélérer. Ce qu’ils ont effectivement fait en sortant prématurément la chenille de sa coquille. Mais lorsqu’elle n’a pas pu voler, parce que n’ayant pas conduit son processus à maturité, les maîtres se sont mis à se moquer d’elle et à la dénigrer », soutient-il.
Mais, pour ne pas tomber dans le piège de la fatalité d’une Afrique maudite et d’un monde figé dans une division avec d’un coté des peuples condamnés à la misère et de l’autre des peuples destinés à l’opulence éternelle, Jean Ping soutient que les ordres internationaux sont les produits de l’histoire : « le temps les accouchent, les façonne et enfin les anéantit ». Ce postulat étant posé, il pouvait alors révéler la question centrale de son ouvrage : « face à une telle configuration du système international, les Etats africains vont-ils finalement parvenir, l’instar des autres Etats, à réagir et à préserver un tant soi peu, leur indépendance nationale, leur dignité humaine, leur identité culturelle et leur sécurité nationale tout en répondant aux impératifs majeurs de changement, de développement, de modernité, d’universalité et d’unité du genre humain ? ». Une question à laquelle l’auteur oppose le proverbe peul qui dit que : "si la terre tourne, tourne avec qu’elle". En effet, pour surmonter ses difficultés selon Jean Ping, « l’Afrique doit assumer avec courage et parfois abnégation la mise en pratique du proverbe peul : se reformer, s’adapter au monde nouveau et avancer vers la modernité ». Et l’espoir est tout à fait permise : « quelque longue que soit la nuit noire dans laquelle le continent africain est plongé, le jour finira bien par se lever et ce jour sera, croyez-le, lumineux », promet l’auteur.
Pour autant, Jean Ping est loin de vouloir enfermer l'Afrique dans quelque recherche d'un quelconque passé glorieux sur lequel il fera fleuri sa prospérité. Il pense plutôt que le continent doit pouvoir fructifier le fruit de ses rencontres avec d'autres civilisations : "juste un peu de patience, de savoir faire et de tolérance suffiraient car le modernisme à l'occidentale a tant transformé l'Afrique qu'il est difficile d'imaginer autre chose". Mais encore une fois, pas d'exclusivité occidentale.
Tout le monde va en Chine
L’une des prises de positions majeures de l’ouvrage de l’actuel président de la commission africaine, c’est l’hypothèse qu’il avance d’un « monde non exclusivement occidental ». Se faisant, il remet au goût du jour le débat très actuel d’une concurrence que se font en Afrique les nouvelles puissances asiatiques et les anciens pays colonisateurs du continent. Et de rappeler pour fixer à la fois les esprits et les contours de ce débat un rapport de la CIA selon lequel « l’Asie sera le continent emblématique de la plupart des tendances lourdes susceptibles de façonner le monde des 15 prochaines années ». L’auteur constate tout simplement que face à l’Asie, « certains s'en inquiètent, d’autres n’hésitent plus à agiter le vieux chiffon rouge du péril jaune ». Et, corroborant ce rapport de la CIA, Jean Ping affirme qu’on « assiste à un basculement du monde vers l’Asie pacifique et les pays qu’il faudrait imiter en raison de leur extraordinaire success story ». D’où l’intérêt qu’il porte pour la coopération afro-asiatique : « c’est qu’elle se fait apparemment sans diktats, sans grossières ingérences, sans conditionnalités impossibles, sans préalables, et surtout sans menaces systématiques de sanctions : c’est la carotte sans bâton », révèle Jean Ping. Pédagogue, le président de la commission de l’union africaine rappelle aux occidentaux que « punir est une science et non un réflexe ».
Et s’agissant spécifiquement de la coopération sino africaine, Jean Ping se demande au nom de quoi, les pays occidentaux qui entretiennent des relations avec la Chine, trouveraient-ils à redire : « Ce qui est bon pour eux n’est-il pas bon pour l’Afrique ? » S’interroge t-il. Et pour appuyer sa position par rapport à ce débat, l’auteur convoque les propos dénonciateurs de Louis Michel, le commissaire européen au commerce : « je ne veux pas rester complice silencieux de tous les pays européens qui cherchent à approfondir leurs relations économiques avec la Chine et tenir en même temps le discours culpabilisant à l’égard des Etats africains qui nouent de telles relations avec la Chine. Je suis favorable à la mondialisation pour tous, pas seulement pour les européens ».
Au delà de sa dimension rhétorique par rapport au développement de l’Afrique, l’œuvre de Jean Ping est d’abord une sorte de récit de vie dans lequel l’auteur décline avec force anecdotes et met en récit justement sa riche carrière de diplomate qui, à l’ombre du président Omar Bongo Ondimba, a participé à la résolution de plus d’un conflit en Afrique. Et nous pensons d’ailleurs que c’est l'image du pacificateur qu’il souhaite voir garder de lui aussi bien à la tête de la commission de l’union africaine qu’à quelque position que ce soit dans son pays natal le Gabon. Il reste que pour la première fois, grâce à Jean Ping et cet ouvrage majeur, « les idées africaines rencontrent la réalité, c’est à dire portent en elles mêmes leur propre faisabilité ». L’ouvrage de Jean Ping se lit d’un trait, grâce à la relation des faits et surtout grâce aux images qui maintiennent éveillés.

Par Etienne de Tayo

« Et l’Afrique brillera de mille feux »
Editions l’Harmattan, Paris, 2009-08-03
Collection : Grandes figures d’Afrique