jeudi 22 janvier 2009

LE CREPUSCULE DES DEUX PRINCIPAUX ACTEURS DE LA TRAGEDIE AMERICAINE


Un président qui vient un autre qui part. Cela s'appelle alternance en démocratie. Cela peut aussi se traduire pour un peuple, la fin d'un calvaire.

J'ai regardé, comme d'ailleurs les deux millions de personnes qui ont bravé les températures polaires de Washington ou encore comme des milliards de téléspectateurs de la planète terre, la cérémonie d'investiture du 44e président de Etats-Unis, Barack Hussein Obama. Tous les superlatifs avaient déjà été épuisés pour décrire l'irruption de ce fils d'immigré kenyan à la tête de la nation la plus puissante de la planète. Pour moi, le miracle s'était déjà réalisé le 4 novembre 2008 avec cette image de Barack Obama se dessinant sur les écrans de télévision du monde comme celle du 44e président élu des Etats-Unis. Et au dessus du miracle, je ne voyais plus aucun autre événement, même pas son éventuel assassinat que certains esprits funestes ont subodoré et même attendu tout au long de la cérémonie. Je pense à ces commentateurs de télévision qui n'avaient de cesse de tracer un parallèle entre Obama et John Fitzgerald Kennedy.
J'ai donc décidé de ne pas regarder en priorité le cœur de la scène de cette cérémonie, mais de voir aussi le décor, les figurants, les acteurs de second ordre. C'est ainsi que j'ai vu tous ces hommes et femmes, ces Noirs et Blancs secoué par des sanglots et laissant couler sur leurs joues gelées, des larmes d'émotion et de joie. C'est ainsi que j'ai vu ces millions de mains en train de secouer le drapeau américain de toute leurs force comme s'ils voulaient exorciser un mal, comme s'ils voulaient rompre avec un passé qu'ils souhaitent oublier à jamais.
Mais les deux images qui m'auront le plus marqué, ce sont celles de George W. Bush et de son vice Dick Chenney. Le premier avait le sourire forcé, le geste imprécis, la mine défaite. Les journalistes ont dit de lui qu'il était déprimé et nerveux. Embarqué dans l'hélicoptère, il a quitté le lieu des cérémonies sous les quolibets d'un peuple qu'il a usé et abusé. Ce devait être la première de son histoire que le peuple Américain puisse ainsi griller la politesse à un de ses dirigeants.
La seconde image est celle de Dick Chenney cloué sur un fauteuil roulant parce qu'il aurait bloqué son dos en déménageant les cartons de la maison blanche. A dire qu'il est tellement impopulaire qu'il n'a même pas trouvé un agent pour lui faire ce travail de manutention. A la fin des cérémonies, j'ai vu les agents de sécurité, précipiter Dick Chenney dans son véhicule un peu comme un enfant viderait sa poubelle dans le bac approprié. Le rituel sécuritaire exécuté par les agents de la sécurité de Dick Chenney n'avait plus de sens puisqu'au vu de son état l'ancien vice-président suscitait plus de la pitié qu'autre chose. On avait de la peine à croire qu'il s'agissait là de l'idéologue du Bushisme qui a tenu les Etats-Unis et même le monde en haleine pendant 8 années et comme le dit Pascal Riché de Rue 89, "a entraîné le monde dans sa cure sanglante". L'idéologie ultra conservatrice qu'ils avaient ressuscitée visait selon eux à faire un monde unipolaire où les Etats-Unis confirmé dans son rôle d'empire, devait concrétiser le rêve impérialiste en mettant le reste du monde à ses pieds. Et pourtant au finish, ils n'ont réussi qu'à cristalliser la haine du monde sur le pays de l'Oncle Sam.
Avec les deux images relevées plus haut, le crépuscule venait ainsi de tomber sur un régime qui n'aura finalement été qu'un simple accident de l'histoire. Parce que à l'origine du Bushisme, il y a une terrible usurpation. De l'usurpation au sens où l'entend Nicolas Machiavel lorsqu'il déclare "qu'au commencement de tout pouvoir, il y a l'usurpation, qu'elle soit dû au hasard ou à l'illusion ou au coup de force". Et pour le comprendre, revisitons l'arrivée de George W. Bush au pouvoir des Etats-Unis en 2000. Cathérine Pouzoulet qui s'est penché sur le sujet brosse le contexte qui a vu l'arrivée de Bush au pouvoir : "Encore inconnu dans la vie politique nationale en 1994, lorsque, sans expérience aucune, il fut propulsé, grâce au clan Bush, gouverneur du Texas après une vie professionnelle sans autre titre de gloire que d’avoir redonné un peu de panache à l’équipe de base-ball de l’État (les Texas Rangers), George W. Bush avait été programmé par les élites républicaines, et particulièrement par le puissant lobby texan, pour être le prochain candidat à la Présidence. Fort d’un formidable trésor de guerre, et apte à se rendre populaire, son élection paraissait aussi improbable, au regard de son expérience politique réduite et de ses aptitudes à gouverner, d’emblée mises en doute, qu’inexorable, dans la mesure où George W. Bush réunissait tous les atouts pour une campagne moderne, à commencer par le soutien financier et médiatique des élites économiques".

Un usurpateur dans la maison

A l'issue de l'élection de 2000 justement, George Bush rafle les grands électeurs de la Floride où comme par hasard, son frère cadet Jeb Bush est gouverneur. Mais cette victoire s'avère très vite litigieuse. Un recomptage des voix est sérieusement recommandé et même qu'elle s'amorce. Mais de peur de voir les Etats-Unis aller au devant d'une crise institutionnelle majeure et aussi de peur de se voir complètement discrédité aux yeux des Américains, la cour suprême arrête de décomptage des voix et déclare George Bush vainqueur à la surprise générale. La cour suprême des Etats-Unis venait ainsi de fabriquer le parfait usurpateur et de lui confier le destin de la plus grande puissance du monde. Comme depuis son poste de gouverneur du Texas, on lui avait déjà décelé une incapacité à gouverner, George Bush ira chercher Machiavel pour qu'il lui dise ce qu'un usurpateur doit faire lorsqu'il arrive à s'emparer du pouvoir. Et que dit Machiavel?
Machiavel recommande de procéder par "institutionnalisation du politique qui aura pour but de masquer le hasard ou le coup de force en transformant le fait en droit et la force en justice". Et cette institutionnalisation passe nécessairement par la production des fictions. Et comme dit Machiavel, "c'est par la fiction entendue ici au sens d'illusion et de leurre, que le prince doit régler son gouvernement du peuple. Il ne s'agit nullement de question de moralité ou d'immoralité, mais d'une question politique : la fiction est une force qui s'associe à la force militaire".
Alors qu'il peine à s'imposer en tant que leader, quelques mois après son installation à la maison blanche, le 11 septembre - dont on ne saura jamais si cela relève de la fiction que recommande Machiavel ou bien d'une attaque terroriste comme l'a révélé la vérité officielle - tombe comme une véritable aubaine pour le pouvoir de George Bush. Comme le fait observer Vincent Michelot, "c'est le 11 septembre qui seul avait permis à George Bush d'acquérir la stature de sa fonction (…) Le 11 septembre a eu un effet mécanique de renforcement du pouvoir exécutif qui s'est encore accru avec l'entrée en guerre des Etats-Unis qui permet au président de revêtir l'uniforme de commandant en chef". Pour qui a vécu cette période avec les images de George Bush sur les décombres du world trade centre et sur les portes avions cela avait de forts relents de mise en scène et donc de fiction telle que recommandée par Machiavel. Cela veut dire quoi? Que, incapable d'apporter des réponses, qu'il n'avait pas évidemment, aux problèmes des Américains, George Bush s'est mis à construire un imaginaire de peur que Barack Obama dénonçait d'ailleurs dans son discours d'investiture. Il a entraîné le peuple américain dans ses guerres préventives et dans son intégrisme religieux.
En effet, si on est aujourd'hui amené à pinailler sur le second prénom de Barack Hussein Obama à cause de sa consonance arabe, c'est justement parce que l'imaginaire de la peur de l'Arabe assimilé au terroriste pousse les Américains à tourner le dos à une des libertés fondamentales qui est la liberté religieuse. La laïcité n'est pas concevable aux Etats-Unis. Comment peut-on valablement accuser les autres d'intégristes alors qu'aux Etats-Unis, pour aspirer à la fonction présidentielle par exemple, une loi non écrite vous oblige à décliner le nom de votre pasteur ou prêtre et que ce dernier confirme votre appartenance à la grande famille de l'église?

Illuminé aussi!

Il faut dire que sur ce registre de l'intégrisme religieux, George W. Bush était déjà dans une autre dimension : celle de l'illumination. En effet, d'après "le journal "le Monde" du 08 octobre 2005, reprenant une dépêche de l'agence "Reuters" qui rapporte les propos attribués au président américain par le chef de la diplomatie palestinienne, Nabil Chaath. Selon ce dernier, lors d'une rencontre qu'il a eu en juin 2003 avec Mahmoud Abbas, alors premier ministre palestinien, George W. Bush aurait dit ceci: "Je me suis vu confier une mission par Dieu. Dieu m'a dit: George (Dieu connaît son nom!!!) va combattre ces terroristes en Afghanistan. Et je l'ai fait. Et puis Dieu m'a dit: George, va mettre fin à la tyrannie en Irak. Et je l'ai fait. Et de nouveau maintenant, je sens le verbe de Dieu venir en moi: Va donner aux palestiniens leur Etat et aux Israéliens leur sécurité et fais la paix au moyen Orient. Et Dieu m'est témoin que je vais le faire". Toujours selon le journal Le Monde rapportant la même dépêche, la maison blanche s'est refusée à commenter ce qu'elle considère comme une conversation privée".
George Bush dont on dit déjà qu'il intéresse aussi bien les historiens que les politistes en tant que objet de recherche, s'inscrit déjà comme le président le plus impopulaire à la fin de son mandat de toute l'histoire américaine, avec plus de 74% des Américains qui désapprouvent sa politique et qui donc ne le regretterons jamais. Alors qu'il quitte la scène par la petite porte et doit très vite s'effacer des mémoires, le cas Bush repose la question de la destinée de l'homme politique que Edouard Balladur formule en ces termes : "La vie politique est-elle une sorte de sacerdoce au service des autres ou le prétexte nécessaire pour assouvir des épanouissements personnels?" Cette question est fondamentale parce qu'elle va chercher au cœur des motivations du politique. Pourquoi s'engage t-on en politique? Autrement, pourquoi George W. Bush a-t-il décidé (si seulement il a décidé!) d'aller à la conquête du pouvoir suprême américain?
Dans une tentative de réponse à la question générale, Edouard Balladur nous dit que "la justification de l'ambition de l'homme politique c'est qu'elle lui permette d'accomplir une œuvre utile, mémorable, donnant à croire qu'il a triomphé du temps qui passe et qui efface ou détruit (…) Le politique a le choix : conquérir le pouvoir afin d'y trouver les satisfactions et les exaltations de l'instant, ou bien compter dans l'histoire longtemps après sa mort. Les deux vont rarement de pair. Il ne font appel ni aux mêmes talents, ni aux mêmes vernis, ni aux mêmes défauts". Lorsqu'on appréhende l'accession au pouvoir, non pas comme un moyen pour atteindre des objectifs communs, pour réaliser un rêve et concrétiser une vision qu'on a eu pour son peuple, mais plutôt comme une fin, juste une plate forme à partir de laquelle on accumule les biens en vue de la jouissance au sens le plus charnel du terme, la fin est toujours amère. En 2000, George Bush, aidé par la cour suprême, avait triomphé de Al Gore. Et ce dernier, comme c'est la tradition au parti démocrate, est sorti de la politique pour se consacrer aux questions environnementales. Depuis, Al Gore a été consacré prix Nobel de la paix et est devenu une personnalité respectable dans le monde dont on parlera certainement après sa mort et en des termes honorables. Quant à Bush, il lui faudra beaucoup de courage pour sortir de son Texas natal où même son père n'est pas son plus grand supporter pour ne pas dire plus.

Vanité des vanités… Tout est vanité

Dans l'hélicoptère, puis dans l'avion qui le ramenait au Texas, George W. Bush était certainement un homme triste, un homme défait qui a laissé une lettre à son successeur sur le bureau de la Maison Blanche un peu comme un homme déçu laisse une lettre à sa compagne avant d'aller accomplir ce qu'on peut imaginer. Un jour peut-être on saura le contenu de cette lettre qu'il n'a pas eu le courage de donner à son successeur à main propre. Peut-être est-il en train de demander pardon au peuple américain pour tout le mal qu'il lui a causé? Bush est triste et même amère, pourtant il a sans doute atteint tous ses objectifs égoïstes. C'est un homme riche qui a profité à fond de ses connexions avec le complexe militaro industriel. C'est un homme qui, l'instant de deux mandats présidentiels, a dominé le monde et décidé de la vie ou de la mort des hommes et femmes de par le monde. Il est triste parce qu'ayant appréhendé le pouvoir comme une fin et non un moyen, il mourra de son manque.
Et pourtant, le pouvoir, le vrai pouvoir, celui qu'on quitte en sifflotant parce qu'on aura accompli de grandes œuvres pour l'humanité, a son lot de contraintes et de sacrifices que Edouard Balladur énonce sous forme de questionnements : "quel prix payer, à quelles contraintes s'astreindre, qu'exiger de soi même pour parvenir au pouvoir et l'utilise? Tout doit-il être subordonné à sa conquête? Comment croire à la valeur de ce qu'on veut accomplir grâce à sa possession après n'avoir rien négligé de moyens pour y accéder? Quelle différence entre les grands politiques et les autres avides d'ambitions médiocres? Ceux là privilégient leur réussite à court terme sans voir où ils vont, sans le savoir, sans même s'en soucier. Dans leur marche, ils ont déçus les autres; ils se sont déçus eux-mêmes, mais peu leur importe le mépris ou la haine qu'ils suscitent". Quel portrait qui sied parfaitement à celui de George W. Bush! Alors qu'on attendait d'eux qu'ils soulagent les souffrances du monde à la mesure du zèle qu'ils avaient à proclamer la suprématie de l'éconmie du marché, Bush et ses amis ont servi au monde l'une des crises économiques et financières les plus sévères de toute l'histoire.
Lorsque j'ai vu George Bush s'engouffrer dans l'hélicoptère et quitter le capitole, j'ai pensé à la fin du Maréchal Mobutu Séssé séko, un dictateur de la pire espèce qui s'était incruster sur le Zaïre pendant près de 40 ans et qui avait alors contribué à créer toutes les conditions du drame congolais d'aujourd'hui. Traqué dans son village natal Gbadolité par les troupes de Laurent Désiré Kabila auquel s'était mêlé curieusement l'ancien garde présidentielle jadis fidèle au Maréchal-Président, Mobutu n'avait plus qu'une poignée de fidèle pour assurer sa sécurité. Mesurant la situation, son chef de sécurité conseilla au Maréchal de décamper avant qu'il ne soit trop tard. Il n'y avait plus qu'un seul avion militaire sur le tarmac de l'aéroport de Gbadolité. Mais dans un dernier sursaut d'orgueil, Mobutu refusa en faisant comprendre à son ange gardien qu'il est un soldat et qu'un soldat ne fuit pas. Sans se démonter l'ange gardien dégaina et ordonna à son patron de s'exécuter. De force, il fut embarqué dans une voiture et conduit à l'aéroport où sa voiture s'est engouffrée dans la soute de l'avion qui était déjà prêt à décoller. C'est donc dans la soute de l'avion, assis dans sa voiture que Mobutu a fait le voyage vers le Togo où un autre dictateur, Etienne Gnagsimbe Eyadema s'était offert pour l'accueillir. Pendant que l'avion prenait son envol, les éléments de la garde présidentielle, arrivés à l'aéroport, se sont mis à le mitrailler. Dans l'avion Mobutu a fondu en larme : "Même mes propres enfants me tirent dessus!", avait-il dit. A Lomé, le ministre qui était venu l'accueillir attendait de voir l'ex président descendre de l'avion mais il est plutôt sorti de la soute en se dépoussiérant et a dit à son hôte non sans humour: "Euh oui, c'est bien moi!". Il était certainement triste et pourtant au cours de son long règne, il a accumulé des fortunes colossales. Il avait appréhendé le pouvoir comme une fin.
Avec Barack Obama, comme a pu dire Michel Fitoussi, "la sème a encore commencé à coulé dans le corps social américain". Mais le peuple américain n'oubliera jamais de si tôt et encore moins ne saura jamais pourquoi il s'est imposé cette mortification à travers 8 ans de bushisme.

Etienne de Tayo
Promoteur Afrique Intègre
http://www.edetayo.blogspot.com/

dimanche 11 janvier 2009

MME MARTHE MOUMIE ASSASSINEE, POURQUOI?


J'ai suivi avec stupeur, la nouvelle de l'assassinat de Mme Marthe Moumié. La nouvelle fait l'effet d'une bombe parce que Marthe Ekemeyong Moumié n'est pas n'importe qui dans les rangs du combat panafricainiste. Pendant près d'un demi siècle, elle a accomplit des tâches précieuses auprès des révolutionnaires tels Felix Roland Moumié qui fut son mari mais aussi auprès du révolutionnaire équato guinéen Anastasio Ndong. La dernière image que j'ai d'elle c'est celle de la Maison des Mines à Paris lorsque je modérait la conférence de présentation de son ouvrage intitulé : "Victime du colonialisme français, Mon mari Félix Moumié", publié aux éditions Duboiris. Elle était pleine de vie et toujours offensive contre le colonialisme : "c'est le Général De gaulle qui a tué mon mari", disait-elle. Alors qu'elle était rentrée dans son Ebolowa natal pour y couler ses derniers jours, le destin tragique a frappé. Elle a donc été étranglée, violée, tuée, mutilée, souillée. Même son cadavre a été tué et dissimulé puisqu'elle a été découverte presque en état de putréfaction avancée. Pourquoi une telle haine? Pour qui cette pauvre femme pouvait-elle représenter un réel danger? On sait qu'elle avait deux dernières passions à remplir avant d'aller rejoindre son mari : La première, faire la lumière sur la mort de Felix Roland Moumié afin que cela ne se repète plus. La seconde était de rapatrier les restes de son mari et l'enterrer dans sa terre natale le Cameroun. Doit-on mourir pour si peu?!
Pour le moment, contentons-nous de ce reportage de Jean Pierre SEH à Ebolowa


Marthe Moumié a été assassinée dans la nuit du 06 au 07 janvier 2009 à Ebolowa dans son domicile, veuve du nationaliste camerounais Félix Roland Moumié lui aussi assassiné à Genève par les services secrets Français en 1960 sous la direction de William Bechtel.
Cameroun-online / Vendredi 9 janvier
Et ce n’est que hier le 08 janvier que la nouvelle s’est ébranlée dans la ville d’Ebolowa.
Les populations du quartier Angalé à Ebolowa où vivait la défunte ont accouru, elles ont découvert l’image d’un corps sans vie de Marthe qu’elles n’oublieront pas aussitôt, car méconnaissable sur tous les plans.
Selon les voisins, Marthe Moumié vivait dans son domicile avec une fillette 9 ans environ, qui fréquente l’école primaire du quartier Angalé. Dans ce même domicile vivait aussi un jeune garçon à peine la trentaine, qui y était hébergé par Marthe Moumié et dont les rapports ont été broyés entre temps.
Cette dernière s’est trouvé obligé de se séparer de ce dernier. La séparation a été consommée pendant une période. C’est ainsi que dans la nuit du 06 au 07 janvier dernier, Mr X a réussi à s’introduire dans le domicile, fouillant sérieusement le domicile qu’il connaissait mieux. Semble t-il dans son sommeil, Marthe Moumié sentit une présence dans sa chambre.
Personne ne peut au jour d’aujourd’hui dire ce qui s’était passé avec exactitude, ce qui est vrai c’est que la fillette est partie ce matin du 07 janvier dernier croyant que celle qu’elle appelait « Mboombo » dormait encore. Elle cherchait à prendre l’argent pour ses beignets à sa grand-mère comme d’habitude, la porte de sa chambre était fermée.
Elle dit avoir vu ce Mr X portant deux sacs dont elle ignore le contenu, et ce dernier lui a fait comprendre qu’elle ne doit pas réveiller pas sa grand-mère qui dort. Toute cette journée n’a pas été facile pour cette fillette, c’est ainsi qu’elle a fait appel aux voisins, qui ont approché les membres de la famille qui la fréquentait.
L’autorité administrative, saisit de la nouvelle a effectué une descente sur le lieu du crime. Le préfet du département de la Mvila Bernard Marie Mbah en compagnie des forces de maintien de l’ordre a pu accéder à sa chambre en fonçant la porte. La découverte était horrible, Marthe Moumié est sans vie, les yeux crevés, les dents arrachées, la jambe cassée, le corps plein de griffures. Avec l’aide de la population, le corps en début de putréfaction a été conduit dans une morgue de la ville.
Les enquêtes ont été ouvertes par les forces de maintien de l’ordre et se poursuivent, et dont l’issue reste attendue.
Pour mémoire, Marthe Moumié est née le 04 septembre 1931 à 78 ans elle retrouve son époux Félix Roland Moumié mort par assassinat lui aussi en 1960.
Marthe a écrit un livre préfacé de Ahmed Ben Bella dont le titre est « victime du colonialisme français : Félix Moumié mon mari », et grâce à sa petite fille un documentaire sur son défunt mari a été réalisé « L’Afrique sous contrôle ».
La question taraude les esprits des habitants d’Ebolowa, pourquoi cet assassinat ?
Jacques Pierre SEH à Ebolowa

vendredi 9 janvier 2009

LES EVEQUES DU CAMEROUN REDECOUVRENT LA CORRUPTION : A QUELLE HEURE!


Depuis près d'une vingtaine d'années, l'église catholique au Cameroun est aux avant poste du combat contre les maux que sont la corruption et le détournement des deniers publics. Et pourtant le phénomène n'a jamais été aussi en santé qu'aujourd'hui. Pourquoi?

Mgr Philipe Stevens, évêque de Maroua-Mokolo au Cameroun, a profité de la tenue des travaux de la conférence épiscopale du Cameroun, pour tancer, dans une homélie haut en couleur, tous ceux qui anime au Cameroun, les réseaux de corruptions ainsi que ceux qui se livrent au détournement des deniers publics. Mais les propos de l'évêque, rapportés par le journal camerounais "Mutations", sont surtout marqués par un vœu d'impuissance face à ces fléaux : "Qui écoutent les évêques? Où sont les cadres chrétiens", a-t-il déclaré. Et de répondre : "Ce sont eux malheureusement qui se retrouvent dans les détournements des fonds consacrés aux écoles, aux hôpitaux. Ils sont dans les chaînes de corruption pour les marchés publics. Ce n'est pas juste".
Le propos de Mgr Stevens recèle quelque chose de très grave pour le Cameroun. Cette chose, c'est que les corrompus et les détourneurs de deniers publics ont réussi à avoir le dessus et sur l'Etat qui a depuis longtemps avoué son impuissance malgré l'opération épervier, et sur l'autorité morale qu'est l'église. Et ce serait injuste que de dire que les évêques du Cameroun n'ont rien fait pour combattre le phénomène. Depuis près de 20 ans en effet, les prélats dénoncent à longueur des lettres pastorales ce qu'ils qualifient de structures du péché. On se souvient de la lettre des évêques de 1990, celle qui avait fait le plus de vagues, au moment où le parti au pouvoir, à son corps défendant bien sûr, niait l'existence dans ses rangs des braqueurs à col blanc de la fortune publique.
On peut aussi citer la lettre des évêques de 2000 sur la corruption au Cameroun qui corroborait déjà le constat des organisations indépendantes comme transparency International. Il faut aussi relever le fait que dans toutes leurs lettres et même dans des homélies individuelles, les évêques du Cameroun ont toujours tiré la sonnette d'alarme par rapport à la dérive de la société camerounaise surtout pour ce qui est de la gestion du bien public par ceux qui en ont la charge. Les sorties du cardinal Christian Tumi, archevêque de Douala, marquées notamment par leur caractère prophétiques, illustrent parfaitement ce combat de l'église catholique au Cameroun.
Comme on peut le voir, les évêques du Cameroun semble convaincu d'avoir payé leur tribut moral par rapport au combat pour une société camerounaise plus moralisée et mieux gérée. Ils l'ont même parfois fait au péril de leur quiétude et même de leurs vies. Mais pour autant, peuvent-ils avoir la conscience totalement tranquille quant à la mission qui est la leur en tant que autorité morale? L'église catholique au Cameroun est-elle vraiment impuissante face au phénomène comme a semblé l'avouer Mgr Stevens ou s'est-elle accommodée de la situation? Si oui, pourquoi? Ceux que l'évêque de Maroua Mokolo appelle "les cadres de l'église" se sentent-ils vraiment mis à l'index par l'église lorsqu'ils sont convaincu de péché par rapport au bien de l'Etat?

Le dire et le faire
Le constat est que, depuis près d'une vingtaine d'années que l'église catholique qui est au Cameroun fustige des comportements déviants de certains de ses fidèles, tout se passe comme si ces critiques donnaient plus de vigueur à l'action prédatrices de ces derniers. Ceci s'explique au moins par deux faiblesses dans la démarche de l'église catholique : la posture de combat qui semble porter les germes de son inefficacité et une certaine garantie de l'impunité dont bénéficient les mis en cause au sein de leur église.
En privilégiant la posture tribunicienne et l'effet d'annonce au détriment de la posture de l'action, l'église catholique semble avoir contribué, peut-être malgré elle, à la banalisation du fait corruptionnel et du braquage de la fortune publique. Ceux des braqueurs à col blanc de la fortune publique qui lisent les lettres des évêques ou écoutent les homélies des hommes d'église semblent dire ceci : "Parlez toujours, cela ne nous atteindra pas. L'œil n'a jamais tué l'oiseau". Et dans un pays où le ridicule ne tue pas et n'a jamais d'ailleurs tué, ils se secouent comme des canards sauvages et laissent tomber l'accusation comme ces derniers laissent tomber les gouttes d'eau après s'être trempé dans la marre. Cette posture de l'église catholique est voulue et semble être adoptée à dessein parce que d'autres communautés chrétiennes parfois plus petites et moins influentes qu'elle, sont plus dans l'action. Elles sont ainsi en mesure de mettre en quarantaine un de leur membre si jamais celui-ci est pris en flagrant délit de corruption et de braquage de la fortune publique. Et elles n'ont même pas souvent besoin de faire un communiqué pour cela.
Ce qui caractérise les braqueurs à col blanc de la fortune publique, c'est leur propension à la générosité subite. Et en général, l'église, qu'elle soit catholique ou autre est souvent le principal bénéficiaire de ces largesses. Regardez autour de vous et vous verrez qu'un cadre de la fonction publique ou un homme d'affaire devenu subitement riche a tendance à construire une chapelle dans son village ou son quartier, à tout le moins, à contribuer à sa rénovation. Ceci voudrait dire au moins une chose : à savoir que les braqueurs à col blanc de la fortune publique ou comme d'ailleurs les braqueurs ordinaires ont la peur de Dieu. Et s'ils ont la peur de Dieu, c'est qu'ils ont la peur, à tout le moins, le respect des messagers de Dieu que sont les hommes d'église au premier rang desquels les évêques. Que font donc souvent les hommes d'église de cette ascendance qu'ils ont sur leurs fidèles y compris les plus riches?
Que l'évêque de Maroua Mokolo, parlant du peuple de Dieu s'exclame, "qui écoute les évêques, où sont les cadres chrétiens!", en tentant de montrer l'impuissance de l'église, me laisse dubitatif. Mgr Stevens reconnaît que les cadres chrétiens se retrouvent dans les détournements de fonds publics et dans les chaînes de corruption pour les marchés publics. Joli constat, mais lorsqu'ils reviennent à l'église, comment les accueille t-on? On leur déroule le tapis rouge, et les dispose très souvent aux premières loges en espérant qu'ils soulagent leur porte monnaie de leur plus gros billet de banque. On a souvent vu des feymen - ces nouveaux riches à la moralité particulièrement douteuse - reconnus de tous, être aussi des membres influents et pourvoyeurs de fonds de l'église. On serait friand de connaître ce que ces bienfaiteurs disent souvent dans le creux de l'oreille du prélat lorsqu'ils viennent se confesser après leurs multiples forfaits.
Lorsqu'on se retrouve ainsi dans une société où on s'intéresse, pour la promotion sociale, uniquement à la fortune de l'individu sans se préoccuper des moyens mis en œuvre pour l'accumuler, les échelles de valeur s'inverse. Au Cameroun, l'église en général et l'église catholique en particulier, n'a rien fait pour inverser la tendance.

Par Etienne de Tayo
Promoteur de "Afrique Intègre"
www.edetayo.blogspot.com

lundi 5 janvier 2009

LE TRAVAIL DES ENFANTS AU CAMEROUN : GARE A L'AMALGAME


BONNE ET HEUREUSE ANNEE 2009 A TOUS


Le travail, qu'il soit celui d'un adulte ou d'un enfant, relève d'abord de la vertu en ceci qu'il permet de libérer l'homme et l'éloigne des trois maux que sont l'envie, le vice et le besoin. Mais le travail peut aussi devenir un fléau, lorsqu'il est forcé, lorsqu'il est dangereux ou lorsqu'il est trop pénible. Il est donc impératif de viser le juste milieu et trouver les mots justes pour dénoncer ce qui est à dénoncer.

Le 19 décembre dernier, une dépêche de l'agence de presse APANEWS – Yaoundé, reprenant un communiqué du ministère camerounais du Travail et de la sécurité sociale, annonçait que "Près de 1200 mineurs, utilisés comme des esclaves, ont été retirés des champs en 2008 dans les provinces camerounaises du Centre, du Nord, du Sud et du Sud-Ouest". Toujours selon cette dépêche, "Ces jeunes ont dû leur salut grâce à la perspicacité du Programme ouest-africain de prévention et de lutte contre le travail des enfants dans le secteur du cacao et de l’agriculture commerciale (WACAP)". Elle précise enfin que : "Soixante de ces jeunes infortunés, qui n’ont pas pu regagner leurs familles, viennent ainsi de recevoir du gouvernement des équipements d’apprentissage devant leur permettre de s’insérer dans des domaines professionnels".
Cette information, complète une autre publiée en 2006 par l'agence Syfia et qui révélait que : "Entre 2003 et 2006, sur 100 000 jeunes camerounais employés dans les plantations, le programme ouest africain de prévention et de lutte contre le travail des enfants dans le secteur du cacao et de l'agriculture commerciale (Wacap), a réussi à sortir 1109 enfants. Près d'un tiers d'entre eux ont été réadmis dans les écoles ou des centres de formation". Toutes ces informations publiées par les agences de presse sont bien évidemment reprises en boucle par les principaux médias et tendent à mettre le Cameroun au hit parade du travail des enfants en même temps qu'elles permettent à certains organismes en charge de ces questions de justifier de leur existence et justifier de l'utilisation des budgets qui leur sont alloués. Lorsqu'on est sensible au devenir de la jeunesse en général et des enfants en particulier, on ne peut que se réjouir du fait qu'il existe ainsi une veille afin que les enfants ne soient point transformés en esclaves.
Mais attention! Comme face à tout tintamarre médiatique, la vigilance doit être de mise au risque de prendre des vessies pour des lanternes. Il se pourrait que nous soyons face à de simples coups médiatiques sans lendemain. Juste pour faire du chiffre dans les sondages et se donner bonne conscience. On avait déjà vu le cas avec une ministre en charge des affaires sociales du Cameroun. Cette brave femme avait eu l'idée apparemment géniale de reconduire dans leurs familles, les enfants de la rue venus des provinces septentrionales du pays et qui écumaient les rues de Yaoundé. Elle avait alors organisé une cérémonie d'au revoir fortement médiatisée à la gare de Yaoundé et avait remis la somme de 10 000 F CFA à chaque enfant en guise de viatique pour leur voyage retour. Mais le fin mot de l'histoire c'est que très peu parmi ces enfants avaient franchi le cap de la ville d'Obala, une banlieue de Yaoundé. Ils avaient sauté du train et s'en étaient retourné dans la ville de Yaoundé. Mais la ministre n'était plus là pour les voir. D'ailleurs elle avait déjà oublié leur existence. Elle avait réussi son coup médiatique et c'était le plus important pour elle. Si la ministre avait voulu poser un bon diagnostique, elle se serait posé une question bien simple : "Pourquoi ces enfants ont-ils décidé de quitter leur septentrion natal, de voyager sur le train à la merci des intempéries jusqu'à Yaoundé?"
Il se pourrait qu'entre la représentation du réel que font les médias de cette affaire du travail des enfants, du sens qu'ils veulent bien lui donner et souhaite qu'il recouvre, et la réalité des choses, il existe de très grandes disparités. Il se pourrait que l'utilisation abusive de certaines expressions, tels esclavage, exploitation… soit de nature à créer une sorte d'amalgame. Par exemple, lorsqu'on n'a pas pris le temps de se poser les bonnes questions et d'esquisser les réponses possibles. Il se pourrait qu'une approche trop stéréotypée, trop globalisante et finalement trop simpliste de la problématique du travail des enfants ne permette pas l'affinement devant conduire à une meilleure compréhension du phénomène. Il se pourrait que la grille de lecture, utilisée pour décrypter le phénomène, parce que calquée sur des standard foncièrement étrangers à la réalité africaine soit de nature à fausser complètement le diagnostique et finalement la thérapie proposée. Passé ces hypothèses, allons-y voir la réalité de ce combat contre le travail des enfants et surtout, cherchons à comprendre le comment du pourquoi de cette problématique.

Pour les beaux yeux de l'Oit?
Pour ne pas être le mouton noir de la communauté internationale en matière de protection de l'enfance et surtout recueillir certains financements consacrés à "l'abolition du travail des enfants", le Cameroun a mis sur pied, en collaboration avec le Bit, l'Unicef, et la Banque mondiale, un arsenal juridique conséquent. Ainsi, le 22 octobre 2004, le ministre du travail et de la sécurité sociale (Mintss) a signé un protocole d'accord avec l'Oit pour sa participation au programme international pour l'abolition du travail des enfants; le 28 novembre 2005, le Mintss a signé l'arrêté portant création d'un comité national de mise en œuvre du programme international pour l'abolition du travail des enfants; enfin, le 29 décembre 2005 le président de la République a promulgué la loi relative à la lutte contre le travail et la traite des enfants. Par ailleurs, le Cameroun a adopté une politique visant à promouvoir la scolarisation des enfants en rendant gratuite l'inscription à l'école primaire et en instituant des zones d'éducation prioritaires avec fourniture gratuite des matériels et manuels scolaires". Donc sur le papier, le Cameroun est un très bon élève du combat pour l'éradication du travail des enfants. Sur du papier seulement puisque dans la réalité, on assiste plutôt à une sorte de théâtralisation médiatique privilégiant l'effet d'annonce et refermant finalement l'avenir de la jeunesse dans une sorte de gros piège.
C'est donc l'action combinée de ces structures qui produit souvent sous la forme des trophées de guerre, les statistiques de la lutte pour l'abolition du travail des enfants au Cameroun. En fait, d'après le rapport de l'Unicef sur la situation des enfants dans le monde, "près de 54% des enfants de 5 à 14 ans sont astreints au travail au Cameroun". Il faut aussi ajouter selon une enquête Mics III, que la tranche d'âge visée, représente 28,3% de la population camerounaise, elle-même évaluée aujourd'hui à 17 millions d'habitants. C'est vrai qu'ainsi présenté, cela ne veut rien dire. Il faut pouvoir comprendre ce qu'à l'Unicef ou à l'Oit signifie "travail des enfants" et comprendre ensuite pourquoi ce travail des enfants pose problème. Dans ces organismes, le travail des enfants est mesuré par le fait que : "l'enfant a effectué un travail rémunéré ou non pour une personne n'appartenant pas au ménage ou a consacré plus de 4 heures par jour aux travaux dans la ferme ou dans les affaires du ménage ou tout simplement a exercé une activité économique pour au moins une heure".
J'ai quelques difficultés, sinon de réelles difficultés, avec cette définition du travail des enfants qui, parce que trop globalisante et manquant finalement de spécification, peut conduire et conduit d'ailleurs déjà au Cameroun à des amalgames malheureux. S'évertuer à obtenir l'abolition du travail des enfants sans se demander pourquoi les enfants travaillent, revient à agir sur les manifestations d'un mal en laissant les causes intacts. Cela revient par exemple à faire baisser la fièvre d'un patient sans lui administrer un traitement devant éradiquer le germe responsable de la montée de la fièvre. Combattre le travail des enfants sans dire en quoi il est nocif revient aussi à vouloir jeter le bébé avec l'eau du bain. Nous savons qu'il existe une part acceptable et même encourageant du travail des enfants. Celle amène les mioches à se familiariser avec le travail en tant que vertu et en tant que élément essentiel de la formation de l'homme et de la création de la richesse des nations. Ce travail là, ce n'est pas seulement le travail scolaire comme certains veulent le faire croire. C'est aussi le travail domestique qui, autant que l'école, fait partie intégrante de la socialisation de l'homme et de son intégration optimale à son environnement. Ce travail qui libère l'homme et l'éloigne des trois maux que sont : l'ennui, le vice et le besoin. Pour nos pays d'Afrique qui sont à construire et qui doivent pour cela mettre leurs peuples au travail, n'appréhender le travail, y compris celui des enfants que comme un fléau qu'il faut absolument combattre et éradiquer sans discernement, s'apparente à un gros piège qu'il faut rapidement démonter. Le piège consiste à vouloir faire de l'école occidentale, la seule forme de socialisation pour les enfants et de pousser sur le bord du chemin, tous les autres enfants qui, pour diverses raisons malheureusement foisonnantes aujourd'hui, ne peuvent plus se maintenir dans le système scolaire. Il s'agit en fait d'une sorte de Darwinisme scolaire. Et comme la nature a horreur du vide, ces enfants à qui on a enseigné la culture de l'oisiveté, une fois rejetés dans la nature, animent les réseaux de l'insécurité. Et voilà le piège refermé.
J'étais en Chine, et j'ai pu comprendre qu'au-delà des montages théoriques visant à expliquer les raisons de la richesse des nations et qui ont tant passionné un économiste tel Adam Smith, l'explication la plus convaincante de la prospérité des nations reste la capacité pour un gouvernement à mettre son peuple au travail, à lui faire aimer le travail, à lui faire appréhender le travail comme une vertu et non comme un vice ou un fardeau. C'est pourquoi, ceux qui ergote aujourd'hui sur la prospérité de la Chine par exemple, en voulant s'interroger sur la qualité du travail, la nature des travailleurs, leur rémunération et autres, ont la mémoire bien courte. La prospérité de l'occident au cours des siècles passés s'explique essentiellement par le travail compris sous toutes ses coutures. Elle s'explique notamment par le fait qu'ils avaient réussi à soumettre d'autres peuples en esclavage et obtenir d'eux qu'ils travaillent comme des bêtes de somme. Elle s'explique par le fait qu'après avoir soumis ces peuples, elle avait réussi à faire main basse sur leurs richesses. Elle s'explique aussi par le fait que ces pays avaient réussi à inculquer à leur propre peuple l'amour du travail. C'est ce qui explique les trente glorieuses qui constituent la base de la prospérité de l'Europe moderne. Et comme l'affirmait un penseur : "sans ce travail des esclaves, le monde moderne n'existerait pas". Il y a deux siècles, lorsque la France était encore rurale et majoritairement agricole, les enfants accompagnaient leurs parents dans les travaux du champ et s'organisaient pour concilier ce statut de petit travailleur avec celui d'écolier. Et même aujourd'hui lorsqu'on visionne les documentaires tournés dans l'arrière pays, on constate que les enfants des fermiers commencent très jeunes à traire les vaches ou du moins à tenir la récipient pendant que leurs parents sont en train de traire la vache. Personne n'a jamais relevé le fait que ces enfants étaient exploités par leurs parents.
Maintenant, si l'on veut parler du travail qui porterait atteinte à l'intégrité physique de l'enfant, il faudrait lui adjoindre l'épithète "dangereux". Et à ce titre, en dehors des cas marginaux de personnes sans scrupules qui soumettent souvent des enfants aux travaux dangereux pour des raisons de cupidité et d'autres que nous ne pouvons expliquer, très peu de parents peuvent ainsi exposer leurs enfants et compromettre leur avenir à cause d'un travail pénible qu'ils leur auraient imposés. Et le croire absolument, participe de cette démarche et de cette volonté d'infantilisation des Africains : un peuple à qui on doit tout apprendre, y compris à prendre soin de leur progéniture. Je suis un amoureux des documentaires sur la nature et je constate souvent que même les canards sauvages s'occupent bien de leur progéniture sans qu'on vienne leur faire des cours là dessus.
Dans l'organisation de la société africaine, chaque enfant trouve toujours travail à sa taille et à sa force. Dans cette société là, le travail domestique qui recouvre des tâches telles que, faire la cuisine, les achats, le nettoyage, la lessive, la collecte de l'eau, s'occuper des enfants, est un précieux outil de socialisation pour les jeunes. Le ménage africain se caractérise par sa grande taille, par le grand nombre et la pénibilité de certaines de ses tâches. Dans un foyer moderne qui se caractérise par sa taille nucléaire, le volume des tâches domestiques est non seulement réduit mais ces tâches sont aussi automatisées et moins pénibles du fait du modernisme. Il est donc plus facile d'épargner les enfants de toutes ces tâches. Aussi en France par exemple on voit des enfants qui ne s'occupent que de réviser leurs leçons et jouer à des jeux vidéo alors que leurs parents leur font à manger, lavent et repassent leurs vêtements, astiquent la maison… Tel n'est pourtant pas le cas pour un ménage rural où les tâches sont plus pénibles et nombreuses du fait de la taille du ménage. Il est donc loisible d'associer les enfants à l'accomplissement de certaines tâches à leur taille sans que cela soit assimilé à de l'esclavage. Ils doivent apporter leur contribution parce que seuls, les parents n'y arriveront jamais malgré leur bonne volonté. Je dois donner ici rapidement le programme de ma mère lorsque j'étais tout petit : elle rentrait de la plantation généralement à 17 heures. Et aussitôt, elle s'attelait à la préparation de la nourriture du soir. Pendant que nous mangions, elle s'attelait aussi à la préparation de la nourriture du lendemain et elle finissait la préparation généralement très tard le soir. Elle se couchait donc après nous et se réveillait généralement à 5 heures du matin pour mettre au feu la nourriture de la journée que nous devions manger aux environs de 7 heures avant d'aller à l'école. Imaginez qu'en même temps, elle devait aller puiser de l'eau, qu'elle devait aller chercher du bois de chauffe, qu'elle devait aller moudre le maïs. Ces autres tâches, nous les prenions à notre compte au moins pour la soulager. Et comme je l'ai dit par ailleurs, dès l'âge de 4 ans, j'avais ma calebasse pour aller chercher de l'eau. Elle était à ma taille et elle me permettait d'être utile à ma famille. En dehors de certaines matinées où il faisait très froid et que la rosée du matin manquait de geler mes pieds, je n'avais jamais appréhendé ce travail là comme une quelconque brimade, à fortiori de l'esclavage. Lorsque nous lui arrachions parfois toute sa nourriture, ma mère nous lançait cette question : "Doit-on mourir de famine parce qu'on a fait des enfants?" Aujourd'hui, je repose cette autre question aux abolitionnistes du travail des enfants : Doit-on crever à la tâche parce qu'on a fait des enfants? A cette question, Jean Mbarga, cacaoculteur et président de la confédération des organisations rurales pour le Cameroun, a cette réponse décapante : "Par le passé, nous utilisions des jeunes enfants et même nos propres enfants à des tâches qui pouvaient totalement hypothéquer leur avenir sans le savoir. Aujourd'hui, je préfère aller mourir seul dans ma plantation que d'y envoyer mes enfants". Paroles d'abolitionniste!
Travail et école peuvent faire bon ménage
Si l'on veut par contre parler du travail qui empêche à l'enfant d'atteindre ses objectifs scolaires, c'est que nous sommes en face d'un vrai faux problème. Ce problème est faux non pas à cause de sa non existence, il est faux parce qu'il est truffé de variables impropres qui plombent totalement sa résolution. Et les variables impropres ici sont ces amalgames qu'entretiennent les organisations internationales, les organisations gouvernementales et les Ong, et malheureusement les journalistes, entre la part acceptable du travail des enfants qui doit à tout point être encouragé, le travail dangereux des enfants, le détournement des mineurs et la soumission à l'esclavage des enfants qui doivent être combattu avec la dernière énergie. Si nous ne déployons pas cette vigilance là, nous risquons d'accepter un traitement inadapté qui, au lieu de soigner le mal repéré, contribue juste à le calmer mais ouvre par ailleurs d'autres foyers pathologiques plus préoccupants. En effet, dans le cadre d'un mémoire de fin d'étude à l'institut sous régional de statistique et d'économie appliquée, mémoire intitulé : "Travail des enfants de 5 – 14 ans et rendements scolaires au Cameroun", Franky Fouedjio reconnaît que "le volume horaire auquel est astreint un enfant camerounais de 5 à 14 ans n'est pas intense, en moyenne deux heures par jour". Il soutient sans ambages "qu'au Cameroun, les enfants qui combinent école et travail sont autant assidus à l'école que leurs homologues élèves à plein temps et ont même plus de chances de réussir que ces derniers". D'ailleurs, soutient-il, "le fait de travailler n'empêche pas l'enfant de réussir à condition que le nombre d'heures consacrées au travail par ce dernier ne dépasse pas un certain seuil". Il s'agit dès lors d'un problème de proportion et de la nature du travail des enfants. Il faut, comme le propose Fouedjio, "une détermination du seuil d'heures hebdomadaires au dessous duquel le travail des enfants de 5 – 14 ans ne nuit pas à leur rendement scolaire". Sinon nous courons tout droit dans nos pays africains vers la formation d'une jeunesse fainéante, oisive et finalement dangereuse pour elle-même et pour le reste de la nation.
Pour corroborer cette analyse de Fouedjio, nous devons chacun au moins relever dans nos familles africaines ou dans notre entourage proche, les cas de ces enfants élevés par les grands-mères ou par des mères gâteuses, qui tout jeunes, ne faisaient jamais aucun travail dans la maison et dont les travaux étaient souvent dirigés vers leurs frères et soeurs mal aimés. Il faut constater aujourd'hui que la plupart de ces enfants gâtés là ont raté leur vie, incapables comme ils sont à surmonter la moindre difficulté. Et qu'à coté, ceux qui ployaient sous le poids des travaux ménagers ont réussi la leur et ont depuis longtemps oublié les souffrances de la jeunesse. Ne dit-on pas que la souffrance est la meilleure école de la vie d'un Homme? C'est certainement en tenant compte de cette réalité que l'Oit a accepté de mettre un peu d'eau dans son vin et "reconnaît que conformément à la tradition (africaine), les enfants doivent assister et aider leur famille mais à condition d'être exemptés des tâches pénibles et dangereuses, de ne pas travailler pendant de longues heures et d'avoir plus de 14 ans". Voilà qui est bien circonscrit. Maintenant, allons y voir les raisons qui poussent les parents à vouloir compléter le biberon de leurs enfants par un travail quelconque.
Pourquoi les enfants travaillent? Ils travaillent parce qu'il en est du travail comme de la forge. Parce que c'est en forgeant qu'on devient forgeron, c'est en travaillant dès son jeune âge, bien sûr en faisant des travaux à sa taille, que l'enfant, devenu adulte, sera un travailleur assidu. Lorsqu'à 3 ans un enfant peut déjà apporter un verre d'eau à boire à son père, il pourra facilement transporter un seau d'eau dans un chantier et tourner le béton pour gagner sa vie. Il pourra facilement transporter l'équivalent de 20 litres d'eau pour arroser son jardin potager, vendre le fruit de sa récolte pour subvenir à ses besoins. Les enfants travaillent aussi parce que la crise a fait exploser les cellules familiales et limiter considérablement les capacités des parents à subvenir aux besoins de leurs enfants. Ainsi, un enfant de 10 – 12 ans peut bien transporter un régime de banane plantain au marché et le vendre pour compléter sa scolarité. Sans épithète "dangereux", le groupe de mot "travail des enfants" ne devrait rien avoir de péjoratif car, comme le soutient Fouedjio, "le travail des enfants n'est nocif que lorsqu'il détourne l'enfant de l'école ou bien joue négativement sur son assiduité scolaire et par là même sur son rendement scolaire". Au lieu donc de faire dans l'incantation qui consiste à agir sur les conséquences du mal comme s'y essayent les organisations internationales, il faut avoir une démarche systémique consistant à agir sur les facteurs qui encouragent le travail des enfants et qui d'après Béatrice Fri Bime, coordonnateur local de l'Oit au Cameroun, "sont toujours là". Et ces facteurs là résultent des mauvaises politiques d'ajustement et de relance économique menées en Afrique par le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale. Au lieu donc de regarder de ce coté là, l'Oit et ses affidés blâment la victime qu'est le petit peuple camerounais qui se démène pour ne pas sombrer.
Au terme de son mémoire, Fouedjio donne quelques éléments de discernement qui permettent de séparer la bonne graine de l'ivraie. Ainsi prescrit-il les actions suivantes :
- "mettre l'accent en priorité sur la nature et l'ampleur des travaux effectués par les enfants au lieu de prohiber tout simplement le travail des enfants de 5 – 14 ans;
- prendre en compte les besoins des familles : besoin d'argent lorsque les parents ne parviennent pas à trouver un emploi ou besoin de main d'œuvre quand ceux-ci n'ont pas les moyens de payer un tiers pour effectuer un travail pourtant indispensable dans le processus nécessaire de gagne pain. Il peut s'agir de tenir la maison pendant que les parents travaillent ou de leur prêter main forte sur leur lieu de travail. Pour obtenir que ces enfants soient effectivement scolarisés, il faudra imaginer des substituts qui leur permettront d'aller à l'école sans que cela porte préjudice à leurs parents. Il faut permettre aux enfants d'être à la fois scolarisés et travailleurs tout en veillant à la nature des travaux effectués par ceux-ci"
Voilà donc une façon de penser la complexité au lieu de traiter le problème par un seul volet en courant le risque, en voulant à tout prix sauver les enfants de ce qu'on considère comme un fléau, de pourrir tout une jeunesse justement en leur inoculant le germe de la paresse et de l'oisiveté.

Les causes et les manifestations
Je viens de passer plus de 20 jours au Cameroun et plus précisément dans mon village, le séjour le plus long que j'aie pu y passer depuis plusieurs années. J'ai pu mesurer à quel point le discours sur le travail des enfants rabâché depuis une dizaine d'années maintenant est à l'origine de l'insécurité et des autres fléaux qui étranglent le Cameroun aujourd'hui. De quoi s'agit-il? Il s'agit des jeunes adolescents qui, gonflés par le discours sur l'abolition du travail des enfants et qui veulent de ce fait demeurer des éternels enfants, se sont depuis libéré de la tutelle de leurs parents. Ils ne les accompagnent plus à la plantation comme nous le faisions il y a une trentaine d'années, ils ne vont plus au marigot leur chercher de l'eau ou à la plantations leur chercher du bois. Bien qu'ayant atteint l'âge de 18 à 20 ans, ils laissent tout le poids des travaux des plantations peser sur les épaules déjà affaisser de leurs parents. Ils vivent comme des lézards. Ils passent les journées à la maison à recevoir des copines et se transmettent le sida comme avant, leurs aînés se retrouvaient pour s'échanger les fascicules scolaires. S'ils vont parfois dans les plantations, c'est pour récolter le chanvre indien qu'ils cultivent, consomment et vendent le surplus de production pour s'acheter les fringues pour frimer. Ils se baladent avec deux téléphones portables entre les mains et les écouteurs aux oreilles. Et ceci, même dans les régions où il n'y a pas de réseau GSM. La nuit, ils se retrouvent pour boire à bouche que veux-tu. Ils organisent généralement des braquages dans des maisons et font régner la terreur dans les villages. Les populations connaissent leur refrain : "argent portable" qu'ils reprennent lorsqu'ils atterrissent dans une maison soit en fracassant la porte, soit en s'infiltrant par la toiture ou tout simplement en intimant l'ordre à leur victime d'ouvrir eux même la porte : "J'étais endormi lorsque j'ai entendu un bruit assourdissant. Je me suis réveillé pour comprendre ce qui se passe. C'est alors que quelqu'un m'a ébloui avec une lampe torche. Il m'a montré le bout de son arme. J'ai bien vu, c'était une Kalachnikov. J'ai reconnu parce que j'avais fait la formation militaire. Il m'a demandé de lui donner l'argent que j'avais à la maison et de collecte tous les portables de la maison. Je venais de rentrer de Yaoundé où j'ai touché mes primes d'avancement. J'avais encore 180 000 F CFA dans la poche de ma veste. J'ai compris qu'il était parfaitement renseigné et je n'ai pas résisté. Je lui ai donné ainsi que mon portable, celui de ma femme et celui de mon fils. Au salon, j'avais mon téléviseur et quelques DVD, il a demandé à ses acolytes de prendre les DVD et il a dit que le téléviseur était encombrant", nous raconte Gérard, un fonctionnaire des Eaux et Forêts qui subissait là son troisième braquage en l'espace de deux ans.
A Dschang j'ai été meurtri en apprenant de plusieurs témoignages que les étudiants étaient mêlés à ces braquages : "Les étudiants ont très mauvaise presse ici. Ce sont d'abord des mendiants. Pendant la période des funérailles, ils portent les sacs à dos, parcours les lieux de réception pour dévaliser les buffets. Ils sont aussi des braqueurs. Ce sont eux qui braquent généralement dans les mini cités. Dans certaines mini cités, on avait mis sur pieds un stratagème en disant que lorsqu'il y a cri au braquage, les étudiants doivent sortir vêtu de chemise blanche et tenant en main une fourchette. Mais lorsque le cas est arrivé, ils sont tous sortis mais on n'a pas remarqué une présence intruse. Ce qui veut dire que le braqueur est un étudiant" raconte Pascal, un gestionnaire de mini cité. Qu'est ce que cela veut dire? Cela veut dire que la misère combinée au discours irresponsable qui a éloigné les enfants du goût du travail a poussé l'étudiant camerounais, c'est-à-dire l'élite de demain, à s'adonner aux postures aussi détestables que celle de braqueur pendant que les filles se livrent impunément à la prostitution. Lorsque j'ai voulu raisonner certains jeunes en leur faisant comprendre comment il était impératif pour les jeunes d'aider leurs parents et d'ailleurs de travailler pour se libérer, on m'a très vite dissuadé de m'engager dans cette opération qui pourrait être périlleuse pour moi. On m'a ainsi cité les noms des parents qui ont été soit tout simplement assassiné ou sérieusement malmené par des gangs dans lesquels opéraient leurs propres progénitures. En France, c'est connu et c'est très encouragé le fait que les élèves et les étudiants concilient absolument travail scolaire et petits travaux devant leur permettre d'avoir de quoi subvenir à leur besoin. Et cela n'a aucune incidence négative sur leur parcours de vie. Aujourd'hui, c'est avec fierté que le président Nicolas Sarkozy décline son statut de vendeur de fleur ou encore de livreur de pizza lorsqu'il était étudiant. D'autres personnalités aujourd'hui respectables ont été pendant leur parcours universitaire, veilleur de nuit, vendangeur, concierge… Au lieu de familiariser notre jeunesse à ce mode de vie, on les engage dans des combats oiseux qui ferment leurs horizons et hypothèquent complètement le développement de l'Afrique.
J'ai encore frais en mémoire la rencontre quelque peu heurtée que j'eue avec un petit neveu d'à peine 14 ans. J'étais en train de distribuer de la boisson alcoolisée aux personnes qui étaient venues me rendre visite et m'assister dans les préparatifs des funérailles pour lesquels j'avais fait le déplacement. Lorsque je suis arrivé sur ce gamin, que je n'avais jamais vu parce qu'il n'étais même pas né lorsque j'avais quitté le village, je l'ai sauté en lui disant qu'il était trop petit pour prendre de l'alcool et que je m'arrangerais pour qu'on lui trouve une boisson gazeuse. Il m'a regardé méchamment sans rien dire et j'ai cru apercevoir du sang dans son regard. Il avait un regard d'adulte et pas de n'importe quel adulte. Je n'ai pas l'habitude par respect et de par mon éducation à porter des jugements sur les gens. Mais le cas de cet enfant m'a amené à enfreindre à ma propre loi. Et ceci, plus par amour pour lui que par autre chose. Il est mon neveu et il aurait pu être mon propre fils. A le regarder, il avait l'air un peu trop abîmé pour son âge. Il était comme un chat sauvage : il avait le visage couvert de bouton, les cheveux ébouriffé et la mise pas du tout soignée. Cela se voyait que depuis quelques jours, il n'a pas laisser couler l'eau sur lui. Je n'avais même pas eu le temps de réfléchir sur son cas que mon frère m'a conseillé discrètement de lui donner cette boisson qu'il réclamait, bien que alcoolisée : "ce n'est pas ton problème qu'il prenne de l'alcool ou pas, donne le lui et tu quittes derrière les problèmes", m'a dit mon frère. Ce que j'ai fait, compte tenu de tout ce que j'ai relevé. Plus tard dans la soirée du même jour, lorsque j'ai vu ce gamin aligner et vider les bouteilles de bière, j'ai compris que je n'y étais pas du tout et que j'avais encore des choses à apprendre de cet environnement nouveau qui a pris place dans nos villages jadis si paisibles. J'ai compris que le modernisme, ce n'était pas simplement, comme on veut nous faire croire, toutes ces choses matérielles qui rendent la vie moins pénible, c'était aussi une nouvelle structure mentale qui encense l'autodestruction de l'eau et de son environnement. J'ai compris que dans son regard, mon petit neveu qui se déploie dans une planète désormais bien différente de la mienne, devait avoir sérieusement pitié de moi. Pitié parce qu'en voulant prendre des impasses pour des issues de secours, c'est moi qui court le risque de périr dans l'incendie qui embrase nos pays depuis quelques années et dont nous sommes en droit de démasquer la main qui l'a allumé et qui l'attise.

Le piège du modernisme
Beaucoup de personnes qui ont embarqué aujourd'hui dans les caravanes des abolitionnistes du travail des enfants ignorent parfois des tenants et des aboutissants de cette entreprise bonhomique. Dans cette affaire, les couches populaires de la population, celles qui en toute bonne foi veulent mener une vie paisible sont pris dans un double piège. D'abord au niveau international et ensuite au niveau national.
Au niveau international, les instances en charge de l'élaboration des conventions privilégient les standards occidentaux pris comme étalon de vie pour le reste de la planète. Et pourtant la marche du monde aujourd'hui nous donne des raisons de douter d'une telle approche. Ceci revient à faire entrer presque aux forceps les autres sociétés et surtout la société africaine dans la modernité au mépris total de leurs réalités. Il s'en suit une inadaptation criarde de l'imposition des lois internationales conçues pour des sociétés dites modernes, urbanisées et individualistes et imposé aux sociétés communautaires, agricoles. En France par exemple, les banlieues ont été soumises à ce modèle de l'enfant roi qui ne doit aucunement s'occuper des travaux domestiques et dont les parents ont été transformés en domestiques pour leur compte. A ce jour, les ravages sont incommensurables. Un jour, mon fils qui a à peine 7 ans et à qui j'apprends déjà le fait de laver parfois son assiette lorsqu'il a fini de manger, de retour de l'école, m'a posé une question complètement hors contexte. Et j'ai compris qu'il était sous l'emprise de ce discours sur le travail des enfants. Il m'a demandé ceci : "Papa, lorsque tu avais mon âge qu'est ce que tu faisais à la maison comme travail?". Alors, j'ai pris mon temps pour lui raconter une partie de mon enfance sans rien ajouter ni retrancher. Je lui ai dit ceci : "Lorsque j'avais ton âge, je fréquentais à 6 kilomètres de la maison. Je devais parcourir trois kilomètres de pistes et trois kilomètres de routes carrossables où à tout moment, je manquais de me faire écraser par une voiture et où, je devais souffrir la poussière pendant la saison sèche et me faire éclabousser pendant la saison pluvieuse. Chaque matin, pendant la saison de récolte de café, je devais avant d'aller à l'école, trier l'équivalent d'un saut de deux litres de café que mes aînés sont allés eux laver au marigot dès le lever du jour. A midi, lorsque je revenais de l'école, je devais m'arrêter à la plantation et après avoir mangé rapidement mon repas de midi, je devais aussi cueillir l'équivalent de deux litres de cerises de café. Je m'occupais ainsi de soulager les branches les plus basses de leur fruit. Le soir, de retour de l'école, je devais en compagnie des enfants de mon âge, ramasser tous les grain de café tombés dans la cour. Tout ce travail était pour le compte de mon père. Pour le compte de ma mère, je devais aller chercher l'eau au marigot avec une calebasse de 2 litres. Et gare à moi si elle se brisait, j'avais droit à une bonne fessée. Le week-end, entre deux jeux, je devais aller chercher du bois de chauffe", lui avais-je raconté. Lorsque j'avais fini, il m'a regardé et m'a posé cette question qui avait aussi tout l'air d'une exclamation : "Tu as fait tout çà?!" Je lui ai répondu par l'affirmative. Et il n'a plus jamais évoqué le sujet. Depuis, il se propose lui-même de s'adonner à certains petits travaux de la maison. Je sais que, s'il continue comme çà, il réussira dans sa vie.
Dans un premier temps en France, le fait de dresser les enfants contre leurs parents était une façon de punir les familles immigrées toujours trop nombreuses. Conduits plusieurs fois dans les commissariats et condamnés dans les tribunaux sur dénonciation des assistantes sociales, les parents qu'on accusait de maltraitance et autres, ont lâché du lest et ont encaissé l'humiliation. Ils ont laissé leur liberté aux enfants libérés. Aujourd'hui, ces enfants, devenus adultes et orientés dans les lycées professionnels ou en déperdition scolaire, ne savent souvent rien faire et ne veulent rien faire. Ayant parfois pris conscience du piège dans lequel ils ont été pris, ils s'en prennent à la France. Ils ont pris les banlieues en otage et dicte leur loi. Ils disent vouloir "niquer" la France jusqu'à ce qu'elle se soumette. Dans leur démarche, les organisations internationales, abolitionnistes du travail des enfants, veulent faire des pays africains, une sorte de banlieue du monde dit développé. Nous devons refuser cela.
Au niveau national de chaque pays, les divers dysfonctionnements dans le système démocratique engendrent une mauvaise représentation populaire et font que les lois nationales sont d'abord calquées sur les conventions internationales dont nous avons relevé l'inadéquation par rapport aux réalités africaines. Ces lois sont élaborées finalement en référence aux réalités vécues par la classe aisée et occidentalisée de la population. Une classe qui dans la plupart des pays représente à peine 10% de la population. On note ainsi la volonté de faire de l'école occidentale l'unique forme de socialisation acceptable et surtout dans l'exclusion de toutes les autres formes qu'il faut même au besoin combattre. Ce qui représente une incongruité dans un pays qui reste à 80% agricole. Quel mal y a-t-il pour un jeune, fils de vigneron, de maîtriser la profession de son père en même temps qu'il assimile l'école occidentale? Il faut noter aussi le fait que les organisations internationales, du fait qu'elles ont parfois en face une administration nationale complètement clochardisée et truffée parfois d'experts en mal de patriotisme, interfèrent parfois grossièrement dans l'élaboration des politiques publiques en instrumentalisant aussi bien ces experts au sein des ministères que les parlementaires au sein de l'Assemblée nationale et même curieusement certains Ong plus portés à s'enrichir qu'à défendre les intérêts des couches les plus vulnérables de la population. Un pays n'acquiert son indépendance intégrale que lorsqu'il comprend dans son élite, des hommes et femmes capables de résister. Des patriotes qui doivent refuser de tout brader quoi que cela leur coûte. Les pays qui se sont libérés sont ceux qui comptent parmi leurs experts, des hommes et des femmes qui liront les conventions internationales non pas comme les enfants lisent des livres de compte. Mais qui les lisent en ayant conscience que ces textes peuvent n'être qu'un cheval de Troie pouvant dissimuler des "armes de destruction massives" pour leur peuple.
Dans la plupart des pays d'Afrique malheureusement, on assiste de plus en plus à la formation des pouvoirs oligarchiques constitués autour d'une élite fortement occidentalisée, "prébendière" et couarde plus portée à satisfaire les intérêts de la puissance colonisatrice d'abord, les leurs propres ensuite au lieu de satisfaire ceux des couches populaires du pays. Le résultat c'est que, près de 90% de la population se trouve exclu du processus d'élaboration des lois devant les administrer. Rejetée, cette population se referme sur elle-même et se suicide en suicidant la pays.

Par Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"
www.edetayo.blogspot.com