vendredi 17 avril 2009

PROSPERITE ET PAUVRETE DES NATIONS : L'ECONOMIE MONDIALE FACE AU DEFI DU DETERMINISME MORAL


La crise financière et économique que traverse le monde actuellement risque d'être plus longue et plus dévastatrice. C'est du moins l'une des prédictions de Joseph Stiglitz, le prix Nobel de l'économie en rupture avec le consensus ambiant. La crise sera d'autant plus meurtrière qu'elle a trouvé des dirigeants du monde populistes, retors et hypocrites. Ils préfèrent à la franchise du discours – ce qui contribuerait à donner la mesure réelle des défis et préparer les esprits à les affronter – une sorte de cache sexe rhétorique qui en réalité ne cache rien. Et qui révèle plutôt la face immorale qu'arbore le système financier mondial.

Au sortir du sommet du G20, les Etats participants ont décidé l'ouverture des économies comme l'une des conditions majeures de la réussite des réformes. Or, selon Stiglitz, "sur les 20 membres du G20, 17 ont déjà pris des mesures protectionnistes en contradiction avec les engagements pris". A commencer par les Etats-Unis qui ont font la promotion du "Achetez Américain". Sans compter que la plupart des pays riches, continuent d'arroser les agriculteurs des subventions qui créent comme on sait des distorsions pour la compétitivité des autres pays, surtout ceux les moins avancés.
Il est difficile voire utopique de prétendre conduire une régulation globale et concertée de l'économie mondiale. Tant les divergences sont grandes entre les pays et le risque que chacun balaie d'abord devant sa porte est énorme. C'est un peu comme si les conducteurs d'un même train s'entendaient pour accélérer et que individuellement, chacun freinait en cachette ou qu'ils s'entendaient pour freiner et qu'individuellement chacun accélérait en cachette.
C'est vrai qu'en matière de gestion d'une crise économique, il faut éviter de céder à la panique au risque de déclencher des effets systémiques parfois incalculables. C'est vrai aussi qu'une certaine médecine dit qu'ignorer l'ampleur de la maladie est déjà en soi un bon début de traitement. Mais encore faut-il que la maladie soit plus psychologique que somatique. Or tel n'est pas le cas de la crise économique qui a un impact chiffrable la santé économique, qui a une incidence palpable sur le vécu quotidien des populations. Elles la ressentent comme on ressent le froid dans les pôles et comme on ressent la chaleur au désert. Suite à une crise économique dont le corollaire est la récession, une nation peut passer de la prospérité la plus insolente à la pauvreté la plus abjecte.

La théorie
En 1776, l'économiste Adam Smith publie son ouvrage fondateur du libéralisme économique : "Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations". Dans cet ouvrage, il développe trois idées forces : "l'ordre naturel, l'individualisme et la main invisible". Il fait reposer les causes de la richesse des nations sur deux piliers : le travail comme source de formation initiale du capital et les échanges. Ainsi, soutient-il :"le travail annuel d'une nation est le fonds primitif qui fournit à sa consommation annuelle toutes les choses nécessaires et commodes à la vie. Et ces choses sont toujours ou le produit immédiat du travail ou achetées des autres nations avec ce produit". Malgré le caractère empirique de son étude, on constate néanmoins qu'Adam Smith a produit un ouvrage plus éthique que pragmatique. Il n'a pas voulu partir de ce qui est pour faire ses recommandations. Mais il a voulu directement suggérer ce qui devrait être. Il a construit son discours en ignorant ce qui est et en espérant que ses théories aideront à changer la donne dans le monde. Car, en effet, il lui suffisait déjà à son époque de regarder juste autour de lui pour constater que les causes des richesses des nations relèvent essentiellement de l'immoralité. Peut-être ne pouvait-il pas voir parce qu'il était d'abord professeur de philosophie morale.
Aussi bien hier qu'aujourd'hui, la richesse des nations, au-delà des causes honorables qu'évoque Adam Smith a toujours reposé sur un socle de l'immoralité. Cette richesse, les nations riches l'ont obtenue en pillant les patrimoines des civilisations déclinantes. Ainsi, les Egyptiens, les Mayas, les Asthèques, les Romains… ont vu leurs trésors emportés par des explorateurs de tout bord. La deuxième cause c'est l'esclavage et le travail forcé qui a permis aux nations riches d'aujourd'hui d'amasser des richesses en exploitant la force de travail des peuples soumis. La troisième cause, ce sont des connexions coloniales qui ont permis aux nations coloniales d'exploiter les ressources du sous-sol de leurs colonies. Et plus le monde s'humanisait, plus les méthodes toujours immorales d'accumulations des richesses se sont multipliées en se raffinant. On parle ainsi aujourd'hui de paradis fiscaux, de secret bancaire, de hedge fund… Il y a aussi la dialectique de la destruction reconstruction à travers des guerres impérialistes comme en Irak, en Afghanistan, au Kosovo… Ces instruments frauduleux sont tellement prégnants dans le fonctionnement des nations qu'on en vient à se demander si un pays peut goûter aux délices de la prospérité économique sans avoir y recours. D'où l'idée d'un certain déterminisme immoral. L'homme Adam-smthien est appréhendé dans son état de nature c'est-à-dire qu'il échappe à la contrainte de l'Etat moderne seul détenteur du monopole de la violence légitime. Cet homme là, que célèbre le capitalisme au sens le plus libéral du terme, peut facilement basculer dans l'immoralité. C'est cet homme là qui a l'habitude de dire que l'Etat n'est qu'un appendice de ses affaires privées.

La pratique des promesses
A l'issue de leur récent sommet, les membres du G20 ont promis d'insuffler un substrat moral au capitalisme. Cela passe par le démantèlement de tous les mécanismes frauduleux qui émaillent le fonctionnement du système financier. Prenons donc le G20 au mot et supposons qu'ils vont parvenir à la moralisation et à l'humanisation du capitalisme. Dès lors, plusieurs questions s'offrent à nous : maintenant que l'éthique des affaires va être restaurée, sur quoi les nations dites riches vont-elles faire reposer désormais les ressorts de leur prospérité économique? Ne courent-elles pas finalement vers un déclin inexorable? Par ailleurs, comment les nations dites pauvres peuvent-elles profiter de cet assainissement du monde des affaires pour se tailler une place qu soleil et construire leur propre prospérité? Le capitalisme est-il vraiment intimement lié à l'immoralité comme pensent certains?
J'avais rédigé une réflexion dans laquelle je m'insurgeais contre des formes d'escroqueries développées par certains Africains dans le monde et connu au Cameroun sous le nom de "Feymania". Le titre de cet article était : "Feymania : non à la légitimation du crime". Dans cet article, je réagissais à un article dans lequel, l'auteur essayait de construire un contenu idéologique pour la feymania. Notamment en disant par exemple que l'action des feymen est louable parce qu'elle permet de récupérer les richesses que els autres nations avaient volées à l'Afrique pour devenir plus riche. Je trouvais qu'il s'agit d'un fabuleux raccourci juste pour se soulager la conscience d'escroc et que rien ne pouvait servir d'explication et a fortiori de justification à de l'escroquerie..
Un lecteur qui réagissait à mon article m'a trouvé bien naïf. Il m'a dit en substance que toutes les nations qui se sont développées ont utilisé les services des pires brigands et de pires escrocs pour spolier d'autres peuples. On les appelait joliment explorateurs. Du haut de ma morale, je lui ai rappelé que, même si cela était vrai, les Africains n'étaient pas obligé d'emprunter les mêmes voies que ces nations amoralement riches. Je lui ai dit, déclinant ainsi ma conviction profonde, que l'Afrique doit emprunter la voie de la fierté et de la dignité, quoi que cela lui coûte. Pour cela, il est hors de question de plonger comme tout le monde. Il m'a répondu qu'alors, nous attendrons la prospérité longtemps ou devons nous tout simplement nous inscrire au rang des éternels clandestins de la planète. Il trouvait ma démarche à la fois utopique et naïve.

Le déterminisme immoral
Il posait là sans le savoir, le déterminisme immoral de la réussite dans les affaires. Il posait le problème de la formation initial du capital. En clair, où doit-on tenir la fortune nécessaire à la fructification? Cette question se pose autant à un individu qu'à une nation. Mon contradicteur ne se posait pas la question supplémentaire. Il disait qu'il faut encourager les escrocs à amasser la fortune nécessaire à la formation initiale du capital nécessaire au décollage économique.
Aujourd'hui, l'effondrement du système financier a révélé des escrocs de gros calibre de la trempe de Bernard Madoff, spécialiste des montages financiers frauduleux qui se singularise par l'éloquence de son tableau de chasse ou encore Allen Stanford, un richissime homme d'affaire texan accusé aujourd'hui de fraude pyramidale. N'est ce pas de simples feymen d'un autre genre? Pour autant, devrais-je encourager la feymania? Une fois de plus, non! L'effondrement du capitalisme à l'occidental montre bien les limites de cette approche. IL faut se démarquer des approches manichéennes. Entre le capitalisme sauvage et le communisme soporifique, il y a bien quelque chose de plus humain. Appelons cela : un capitalisme à visage humain ou un socialisme moins naïf et moins utopique. C'est ce qu'il faut à l'Afrique.

Etienne de Tayo
Promoteur Afrique Intègre
Auteur de l'ouvrage : "Pour la dignité de l'Afrique, laissez-nous crever"

http://www.edetayo.blogspot.com/

1 commentaire:

Anonyme a dit…

la solution au dilemne:
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=26796