dimanche 31 mai 2009

QUESTIONS INDECENTES

Une question indécente est celle qui est susceptible de plonger un interlocuteur dans l'embarras de la réponse. Et ceci, pour de multiples raisons : le caractère tabou du sujet évoqué; la nature de l'environnement dans lequel le sujet est évoqué; un certain nombre de faits précédents qui peuvent prêter à connotation… C'est justement pour préserver la décence que le Français dit qu'on "ne parle de la corde dans la maison d'un pendu". C'est tout simplement indécent.
Mais il faut aussi remarquer que l'indécence n'est nullement une donnée immuable. Une question donnée pour anodine dans un environnement précis peut devenir très indécente dans un autre. Ainsi en est-il de cette manœuvre qui consiste au cours des réunions amicales, familiales ou communautaires à demander aux participants de se présenter en déclinant le métier qu'ils exercent. C'est vrai que c'est déjà un exercice pas toujours facile pour la simple et bonne raison qu'en général, dans des pays où l'orientation scolaire et plus tard professionnel n'est pas la chose la mieux partagée, au moins une personne sur deux n'exerce pas forcément le métier de ses rêves et n'est donc pas à l'aise pour en parler. Les uns et les autres s'envient parfois mutuellement et certains pensent même qu'ils ont tout simplement raté leur vie. Dès lors, leur demander de parler de leur métier, c'est un peu comme si on demandait à quelqu'un de lire sa propre oraison funèbre.
Cette question prend une tournure parfois dramatique dans les milieux des immigrés africains en France et certainement dans d'autres pays du monde qui les accueillent. Ici, un pourcentage très élevé de gens ne sont pas toujours fiers du métier qu'ils exercent pour gagner leur vie. On pourrait même dire qu'ils en ont constamment honte. Et on peut les comprendre. Ce n'est pas toujours gai de se représenter en train de faire un métier de vigile ou d'éboueur après avoir soutenu une thèse de doctorat. En général, lorsque deux immigrés se rencontrent, ils peuvent tout se dire mais évitent soigneusement la question de savoir ce que l'autre fait comme travail. On préfère souvent s'arrêter à une rengaine tout ce qu'il y a d'ennuyeux : "çà fait très longtemps". Et l'autre de répondre : "çà fait vraiment très longtemps". Tout çà, pour ne pas évoquer la question de ce que l'autre devient. Et lorsque, par inadvertance ou par ignorance des règles du milieu, on s'y hasarde, cela produit souvent des étincelles.
C'est ce qui s'est produit au cours d'une réunion communautaire à Paris. Un des responsables de la réunion a eu l'outrecuidance de demander aux participants de se présenter et dire ce qu'ils exercent comme métier. A priori, son intention, comme il l'expliquera plus tard, n'était nullement malveillante. Il ne s'agissait pas du tout d'un voyeurisme professionnel comme l'ont interprété plusieurs personnes. Dans une optique d'entraide qui est souvent le but poursuivi par ces associations, il voulait, a-t-il précisé, que les gens se passent, si possible, des informations utiles sur leurs métiers et sur l'environnement du travail en France. Ainsi, a-t-il soutenu, ceux qui sont les mieux placés peuvent aider les autres dans la recherche du travail ou dans la promotion dans leur travail.
Mais plusieurs personnes dans l'assemblée n'ont pas compris la démarche de cette façon là et l'ont très mal prise. Sans passer par quatre chemins, ils ont accusé l'énonciateur de la proposition de voyeurisme professionnel. Surtout que la personne qui a fait la proposition était ce qu'on peut qualifier de mauvaise personne. Pas mauvaise personne au sens où on l'entend régulièrement, mais en raison des connotations qui peuvent être faites à la suite de son énonciation, compte tenu de son statut. Médecin de son état, beaucoup de personnes ont vu dans sa démarche une mauvaise curiosité, une façon pour lui de rassembler suffisamment d'informations sur leurs vies pour mieux les regarder en surplomb et créer une sorte d'apartheid au sein de la réunion.
Alors, l'un des participants, sans doute le plus courageux, mais le plus remonté aussi a pris la parole : "mon frère, est-ce que c'est vraiment important le fait de savoir ce que nous faisons ici comme travail. Nous sommes en famille. Je crois que le plus important c'est de savoir que chacun cotise régulièrement sa tontine et qu'il est assuré de telle sorte que, s'il meurt, son corps ne cale pas en France. Quant à savoir d'où vient l'argent qu'il paie ici, je crois que ce n'est pas le plus important. Si quelqu'un vend ses prunes à château rouge et qu'il a la volonté de venir cotiser, pourquoi vouloir l'amener à dire que c'est l'argent des prunes qu'il nous donne? L'argent n'a pas de couleur, ni d'odeur". Aussitôt, son intervention est appuyé par d'autres allant dans le même sens et même un peu plus polémistes : "il est médecin et peut dire ce qu'il fait avec aisance. Il croit que c'est aussi facile pour tout le monde. Je crois que si on vient ici pour que ceux qui ont réussi se moquent des autres, qu'on nous le dise hein. Si c'est comme çà, je crois que ce serait mieux alors qu'on se réunisse selon le travail qu'on exerce. Comme çà, les laveurs de cadavres vont se retrouver entre eux. Les médecins et autres ingénieurs vont se retrouver entre eux".
Et puis la polémique a continué dans une sorte de métacomunication, c'est-à-dire un jeu qui consiste à broder des communications secondaires autour d'une communication principale et ceci dans un ballet de sous entendu. Il aura fallu l'intervention déridée d'un aîné pour mettre fin aux empoignades : "Dis donc, il ne veut quand même pas que quelqu'un lui dise que pendant la première partie de la journée, il vide les poubelles de 2 immeubles et que pendant la seconde, il accompagne deux chiens se dégourdir les jambes et faire pipi!", s'est-il exclamé. Cela a eu pour effet de détendre un peu l'atmosphère. Mais on était passé à coté d'un drame à cause d'une proposition indécente.

Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"
http://www.edetayo.blogspot.com/

vendredi 22 mai 2009

RENOV'AFRICA : QUAND AFRIKA FIRST PENSE L'AFRIQUE DE DEMAIN


Le 10 mai dernier, plusieurs dizaines de personnes se sont retrouvées au restaurant dit Chalet des îles Daumesnil. C'était à l'invitation de l'Association "Afrikafirst" qui y offrait un déjeuner.

Ce repas convivial n'était qu'une escale dans la pléthore d'activités devant marquer la deuxième fête musicale Renov'Africa, laquelle fête musicale devait paver d'action d'éclat, le chemin menant à l'événement majeur qu'est le festival Renov Africa prévu en 2010.
Présidé par l'Ambassadeur de la République unie de Tanzanie, Hassan Omar Gumbo Kibelloh, qu'accompagnaient plusieurs représentants de chefs de missions diplomatiques représentés à Paris, ce déjeuner était animé les SKY SINGERS. A coté des repas qui n'ont finalement été qu'un prétexte à la rencontre, les invités ont bénéficié d'un concert de Gospel très improvisé mais particulièrement entraînant. De même, les invités ont eu droit à une exposition vente d'objets d'art comprenant les photographies de Nora H. ainsi que les sculptures de Pierre Mitsieno et Inoussa Daouda.
Prenant la parole en ouverture du repas, Mme Solange Nguéa Mandengué, présidente de Afrikafirst, a tenu à présenter les activités de son association et surtout à lever un pan de voile sur le projet majeur qu'est le festival Renov'Africa devant se tenir en 2010 et dont toutes les activités engagées à ce jour par l'association pavent le chemin y conduisant.
Le projet Renov'Africa est l'un de ces projets citoyens qui accompagneront à coup sûr la renaissance africaine. Parce qu'il émane de la société civile, il a l'avantage de porter la marque de ceux qui sont le plus concernés par les problèmes notamment environnementaux que soulève avec une expertise certaine l'Association Afrika first. Une expertise parce que Mme Nguéa Mandengué qui porte ce projet au travers de l'Association Afrikafirst, est d'abord une architecte de formation qui a pensé la rénovation des villes africaines à l'heure où dans certains pays du continent, des mégalopoles sont en train de se mettre en place en générant de bidonvilles géants.
Au niveau de Afrika First, on pense que, "parce que la problématique des bidonvilles doit devenir une cause mondiale; parce que aujourd'hui le fait urbain en Afrique est trop important pour être ignoré; parce que face aux enjeux mondiaux de l'environnement; parce que les actions entreprises aujourd'hui pour la préservation de la planète sont importantes pour le mieux vivre ensemble demain, il faut trouver des solutions durables et adaptées aux problématiques urbaines". Pour ses ambitions, Afrika First bénéficie à ce jour de l'enthousiasme et du dynamisme de ses membres. L'association est ainsi représentée par 70 membres et sympathisants d'origines diverses (africaines, européennes et caribéennes) ayant des compétences professionnelles en ingénierie, architecture, urbanisme, programmation, éducation, informatique et finances ; dont les membres sont présents en France, en Irlande, au Canada, aux USA, au Cameroun et au Congo.

La méthode
Pour atteindre ses objectifs, et conscient de ce que les actions majeurs de développement et surtout des problématiques comme le développement durable ne sont pas toujours celles qui font courir le grand monde, l'association Afrika First a concocté un ensemble d'événements variés devant ratisser large dans l'opinion mais dont l'objectif est de canaliser toutes les énergies et toutes les attentions vers le projet Renov'Africa. Depuis deux ans au moins et par touches successives, le projet prend corps et s'incruste dans les mémoires aussi bien des populations que des institutionnels.
Le 28 novembre 2008 déjà, à la résidence de l'Ambassadeur d'Afrique du Sud à Paris, les Ambassadeur des pays africains ont voté une motion en faveur du projet Renov'Africa, afin d'en saisir leurs gouvernements respectifs et de la soumettre au soutien de l'union africaine. A l'heure où le continent africain, après une prise de conscience majeure est en train de faire sa mue au travers de l'édification des Etats-Unis d'Afrique, la motion des Ambassadeurs africains prend toute une autre dimension. Cette onction au niveau continental a permis à Afrika First de se déployer dans son programme.
Au bout du compte, l'Association souhaite parvenir à : Un projet global de renouvellement urbain des villes africaines et de leurs bidonvilles ; Un concours d'Architecture et d'Urbanisme sur l’ensemble du continent africain; Un FESTIVAL INTERNATIONAL du 10 au 20 mai 2010 ; 10 projets lauréats suivis de travaux concrets ; Un budget de 100.000€ TTC par projet. Pour ce qui est justement des projets, l'Association a lancé un concours auprès de toutes les villes africaines en vue de sélectionner les 10 meilleurs projets devant bénéficier de financement.
Demain, c'est sûr, l'Afrique aura un autre visage, certainement très éloigné du visage de l'Afrique des clichés, alors, les promoteurs des associations visionnaires, à l'instar de Afrika First ne seront plus là pour recevoir des satisfecit mais ils vivront éternellement à travers leurs œuvres. C'est aussi çà l'avantage de penser au-delà de sa propre vie sur terre.

Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"