vendredi 6 juin 2008

APPROPRIATION : BARACK OBAMA EST UN CAMEROUNAIS

L'autre jour, je discutais avec une personnalité camerounaise de passage à Paris. Nous évoquions alors la campagne présidentielle américaine marquée par le triomphe du candidat Barack Obama. Soudain, prenant un ton particulièrement enjoué et rassurant, il m'informe que le Sénateur de l'Illinois est un Camerounais. Connaissant son niveau de culture générale et sachant qu'il a l'habitude de mettre à jour ses connaissances, je n'ose donc pas l'insulter en me lançant dans une explication des origines du probable futur président des Etats-Unis. D'ailleurs, il sait que je sais et moi aussi je sais qu'il sait que Barack Obama est kenyan par son père.

Lorsque la personnalité camerounaise me dit que Obama est camerounais, même si je ne veux pas le froisser, je ne manque quand même pas d'écarquiller les yeux. Alors, il insiste et précise : "Mais je te dis qu'il est Camerounais. Il doit même être des environs de Yaoundé là. Souviens-toi du professeur Jean Baptiste Obama", précise t-il. Le professeur Jean Baptiste Obama est un brillant historien camerounais à la mémoire d'éléphant qui depuis a emporté son savoir au fond d'une tombe, comme d'ailleurs récemment son cadet, l'anthropologue Séverin Cecil Abéga.
Prenant du recul, je comprends finalement que cette personnalité camerounaise là émet, par son affirmation, à sa manière, le vœu de voir chaque Africain et au-delà, chaque Noir s'approprier Obama. Non pas dans l'exclusion des autres comme le monde avait fonctionné jusqu'à ce jour mais plutôt dans une sorte de symbiose arc-en-ciel. Parce que Barack Obama lui-même n'est pas le fruit de l'exclusion. Il n'est pas le produit de la division. Il symbolise la synthèse. Il est le pont, il est la passerelle. Il est le média par lequel, la puissance régénératrice de l'humanité veut s'exprimer aux hommes, à tous les hommes quel qu'en soit la couleur le leur peau et de leurs yeux, leur continent d'origine, leur religion, leurs opinions politiques. Et il suffit de jeter un regard dans sa généalogie pour comprendre que c'est l'humanité toute entière qui devrait se l'approprier.
Barack Hussein Obama Sr, le père de l'actuel candidat démocrate, est né en 1936 au Kenya. Fils d'un guérisseur de l'ethnie Luo, il a été éduqué à la religion musulmane mais il est néanmoins sans religion. Après de brillantes études d'économie à Havard aux Etats-Unis, il rentre au Kenya et intègre le gouvernement de Jomo Kenyatta dont il était l'un des piliers. Tombé en disgrâce, il sombre dans l'alcool et se tue dans un accident de circulation en 1982. Il faut précisé qu'il avait divorcé de la mère de Obama Junior et avait fondé une nouvelle famille au Kenya.
Quant à la mère du Sénateur de l'Illinois, Shirley Ann Dunham, morte en 1995, elle est une descendante de Jefferson Davis, le président des Etats confédérés d'Amérique. D'origine modeste et chrétienne, elle est néanmoins Agnostique. Elle était d'origine Cherokee par son père. Elle a fait des études en Anthropologie.
Selon certains témoignages, Barack Obama aurait une ancêtre commune, une française, avec l'ancien vice président américain Dick Cheney. On lui reconnaîtrait aussi des ascendances, anglaise, néerlandaises, allemandes et Irlandaises. Son nom signifie en hébreu "béni". Suivant sa mère dans un second mariage après le divorce avec son père, Barack Obama a vécu pendant 4 ans à Jakarta en Indonésie où il a assisté à la naissance de sa demi sœur Maya.
Comme on le voit donc, Obama est une synthèse : il n'est pas issu de l'esclave ou du potentiel esclave exclusivement, ni du maître totalement; il est issu des deux. Il n'est pas uniquement descendant de l'opprimé indien Cherokee, il est aussi de l'oppresseur Européen; il n'est ni exclusivement noir, ni totalement blanc, il est le métissage des deux; il n'est ni musulman, ni juif mais il est un peu de tout çà à la fois; il n'est ni d'Orient, ni d'occident, il a jeté un pont entre les deux; il n'est ni africain exclusivement, ni américain uniquement, il est l'ambassadeur des deux régions. Avec Barack Obama, tout semble se neutraliser.

Le Messie
Le fait pour l'Africain, pour le Noir de se sentir plus concerné que les autres dans l'ascension de Barack Obama ne participe du tout pas aux combats antérieurs ayant opposé ce peuple aux autres peuples du monde. Non, cela vient de très loin. Il suffit pour cela de lire entre les lignes du message de félicitation de la secrétaire d'Etat américaine Condolezza Rice, qui trouve que "Obama est un candidat attractif et et quelqu'un d'extraordinaire" pour comprendre que cette ultra conservatrice, très proche de Georges Bush, n'a pas pu dominer ce frisson racial qui l'a parcouru à l'annonce de la nomination de Brack Obama par les électeurs. Un frisson qu'il faut être noir ou d'ascendance, pour ressentir et dont l'explication rationnelle n'est pas toujours facile à donner. C'est que en moins de 50 ans, Barack Obama a multiplié dans la réalité cette fois ci, par 5 voire par 10 et peut-être même par l'infini, le rêve du pasteur Martin Luther lorsque le 23 août 1963, il prononça à Washington son fameux discours : "I have a dream", devant 250 000 personnes. Ce jour là, le rêve du pasteur King était celui d'une Amérique où ses enfants noirs marcheront un jour à coté des enfants blancs. Même dans ses rêves les plus fous et à l'échelle des siècles, King n'aurait jamais vu un noir aussi proche de la Maison blanche. Et pourtant, Obama n'est plus qu'à quelques mètres.
Obama, et cela, je voudrais rester dans des proportions humaines, est le Messie qui est venu enlever le péché du monde. Il est venu pour réconcilier, non pas seulement les Etats-Unis mais le monde entier avec lui-même. Il est venu pour rappeler que ceux qui avaient un jour pensé, pour des raisons bassement matérielles, à transformer des êtres humains en bête de somme, en objet de traite étaient dans l'erreur totale. Que ceux qui avaient pensé et qui pensent encore qu'ils pouvaient formater la mémoire des autres hommes pour mieux les dominer commettaient ou commettent un crime contre l'humanité. Que ceux qui, malheureusement aujourd'hui, pensent que la couleur de la peau et des yeux peut être des critères objectifs de distinction des individus, continuent de se tromper.
Mais si j'admets que Barack Obama est le Messie, qu'il est "l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde", je n'emprunte tout de même pas les mêmes voies sacrificielles que la prix Nobel Doris Lessing, encore Hillary Clinton ou bien d'autres qui n'ose pas réfléchir à haute voix et qui, bien que reconnaissant implicitement le statut de Messie de Barack Obama, préfèrent procéder par adaptations conservatrices pour voir et souhaiter son assassinat, son sacrifice. Bien qu'elles aient eu le mérite de dire tout haut ce que les autres pensent tout bas, mesdames Lessing et Clinton - et pour Hilary Clinton particulièrement ne sont pas neutres dans le jugement - pêchent quand même par cet appel à peine voilé au meurtre dans une Amérique où on connaît la gâchette facile et où des meurtres similaires avaient déjà eu lieu par le passé. Mais ce qu'elles doivent savoir, c'est que, contrairement à Jésus Christ dont le Royaume n'était pas de ce monde, le Royaume de Barack Obama est bien de ce monde. Ce Royaume là se trouve à la Maison Blanche à Washington. Il doit donc vivre, pour accéder à son Royaume terrestre.

Etienne de tayo
Promoteur "Afrique Intègre"
http://www.edetayo.blogspot.com/
Auteur de l'ouvrage : "Pour la Dignité de l'Afrique, Laissez-nous crever"

lundi 2 juin 2008

CRISE ALIMENTAIRE : LA FAIM JUSTIFIE LES MOYENS DE LA FAO


Les émeutes qu'ont connues récemment l'Egypte, le Cameroun, la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Burkina Faso, l'Indonésie, Madagascar ou encore Haïti ont replacé l'organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) sur les feux de l'actualité. Depuis lors, son Directeur Général Jacques Diouf parcoure le monde pour faire entendre raison aux Etats membres par rapport à la nécessité de soutenir les programmes agricoles mais surtout susciter la générosité des pays en excédents alimentaires afin qu'ils viennent en aide aux pays en déficit. Le 24 avril, il donnait une conférence de presse à Paris. Au moment où s'ouvre Le sommet mondial sur la sécurité alimentaire de la FAO, c'est le lieu de s'interroger sur la capacité ou non de cet organisme de venir à bout de la catastrophe qui menace l'humanité.

Il faut tout de suite reconnaître que face à l'ampleur et à la profondeur du problème qui déborde largement son mandat et ses moyens, la FAO semble bien démunie. Et malgré le volontarisme de Jacques Diouf, on est bien en droit de relever que c'est une crise alimentaire aux conséquences incalculables qui se profile à l'horizon : selon la FAO, "la facture des importations céréalières des pays les plus pauvres du monde devrait augmenter de 56% en 2007/2008 (…) pour les pays à faible revenu et déficit alimentaire en Afrique, cette facture augmentera de 74%". Toujours selon la FAO, "les stocks céréaliers mondiaux chuteraient à 405 millions de tonnes en 2007/2008, soit 21 millions de tonnes en moins de 5% que le niveau déjà réduit de l'année précédente".
A ce jour, les causes de la catastrophe sont à peu près cernées : mauvaises conditions climatiques, des stocks au plus bas depuis 1980, une demande en augmentation avec la croissance de la population mondiale, la spéculation, l'envolée des cours internationaux des céréales, des tarifs du fret et du baril du pétrole. La production des biocarburants est aussi citée comme l'une des causes majeures. D'autres causes connexes expliquent la situation critique que vit le monde aujourd'hui d'un point de vue alimentaire. Selon la fédération internationale des producteurs agricoles (FIPA), "le prix des engrais a doublé depuis un an seulement. Quant au coût du transport, il a augmenté de 100% au cours de chacune des trois dernières années. Le prix des semences a presque doublé également au cours des dernières années".

Le ver dans le fruit
Mais lorsqu'on observe de près, on constate que ces causes ne sont en réalité que des conséquences des causes encore plus profondes. Et la cause majeure est l'absence de prévisibilité et de visibilité des Etats du monde par rapport à la nutrition de la population de la planète. C'est ce que Jacques Diouf traduit en ces termes : "Tant qu'on ne sortira pas de ce schéma qui consiste à attendre qu'il y ait une crise avant de réagir en cherchant des boucs émissaires, on ne sera pas sorti de l'auberge". Et le bouc émissaire, c'est bien la FAO vers laquelle tous les regards sont tournés aujourd'hui.
Dans le monde, "37 pays sont actuellement confrontés à des crises alimentaires". Comme il est de coutume, les pays les plus touchés sont ceux de l'hémisphère sud et en particulier les pays africains. Il se trouve que dans les années 1980, tous les mécanismes visant à soutenir l'agriculture dans ces pays avaient été démantelés comme l'a relevé le directeur général de la FAO. Il s'agit des caisses de stabilisation des produits agricoles qui servaient à assurer un prix constant aux paysans et soutenir ainsi leur effort de production; il s'agit aussi des structures de machinisme agricole; il s'agit enfin de la suppression des subventions à l'achat des intrants (engrais et semences). Le responsable de ce démantèlement s'appelle Fonds monétaire international (FMI) qui avait introduit des plans d'ajustement structurels (PAS) dans ces pays. Le FMI est un géant contre lequel la FAO ne peut rien en raison de la strict répartition des tâches au sein du système des Nations Unies : "un mandat spécifique est confié à chaque institution par des Etats membre. La FAO n'est pas une institution de financement. Nous avons une mission d'information, d'étude et d'analyse", se justifie Jacques Diouf, un rien impuissant. Mais la plus grosse responsabilité incomberait aux Etats membres qui peinent toujours à mettre au point des programmes publics efficaces et cohérents susceptibles de doper la production intérieure afin d'assurer à terme la souveraineté alimentaire. Selon la FIPA, "certains pays tel l'Inde dépensent plus pour importer des céréales que les sommes qu'ils versent à leurs agriculteurs pour assurer la production locale". C'est ce qu'on appelle la dépendance agricole qui est malheureusement le lot de la plupart des pays de l'hémisphère sud.
Alors que peut faire la FAO en pareille circonstance? Presque rien en raison du caractère souverain de chaque Etat membre par rapport à ses choix en matière de politique agricole et en raison du rôle plutôt de consultant que joue finalement la FAO : "Le développement économique et social d'un pays dépend de son gouvernement et de son peuple et non de la FAO (…) Nous conseillons les pays et les aidons à préparer des programmes. Mon rôle est de faire des analyses, filière par filière et faire une documentation qui va être adoptée ou non par rapport par les Etats membres. Les politiques nationales sont du ressort des souverainetés nationales et non de la FAO", soutient Jacques Diouf qui ne manque pas de préciser à ceux qui souhaiteraient le voir critiquer le FMI qu'il est "un fonctionnaire qui a un devoir de réserve".
C'est vrai que la montée vertigineuse des cours du baril de pétrole et surtout la volonté de plus en plus affirmée de certains pays d'avoir recours au biocarburant sont des parfaits ingrédients d'une catastrophe alimentaire annoncée. En effet, la production des biocarburants viendra en diminution sensible des surfaces cultivables. Si en plus les prix des biocarburants sont confortables, l'esprit rationnel des populations du monde les poussera à se lancer dans la culture des biocarburants. Et du coup on se retrouvera dans la situation d'il y a une soixantaine d'années lorsque l'ordre mondial dominant avait imposé aux pays du sud la culture des produits industriels dont ils étaient seuls à maîtriser les prix. Aujourd'hui, l'urgence frappe à la porte, il n'est plus question de tergiverser. Les manifestations de février dernier dans une dizaine de pays ont donné un avant goût de ce que sera le monde si certains continuent à affamer les autres.
Néanmoins, la FAO ne se laisse pas aller au fatalisme mais prend des initiatives allant dans le sens de la sensibilisation des Etats membre. Par ailleurs, elle "exhorte les bailleurs de fonds et les institutions de financement internationales à revoir leurs programmes d'assistance en faveur des pays les plus affectés par la flambée des prix des denrées alimentaires". Mais on sait ce que les bailleurs de fonds et les puissances mondiales font souvent des demandes formulées en faveur des pays défavorisés. Selon les premières estimations de la FAO, "les financements supplémentaires requis pour mettre en œuvre les programmes et projets dans ces pays se situeraient entre 1,2 milliard et 1,7 milliard de dollars". La FAO vient de lancer "l'initiative visant à lutter contre la flambée des prix des denrées alimentaires (IFPA)". Et sans doute pour donner le bon exemple la FAO a déjà alloué 17 millions de dollars à cette initiative.

Etienne de Tayo
Promoteur Afrique Intègre
www.edetayo.blogspot.com