Un président qui vient un autre qui part. Cela s'appelle alternance en démocratie. Cela peut aussi se traduire pour un peuple, la fin d'un calvaire.
J'ai regardé, comme d'ailleurs les deux millions de personnes qui ont bravé les températures polaires de Washington ou encore comme des milliards de téléspectateurs de la planète terre, la cérémonie d'investiture du 44e président de Etats-Unis, Barack Hussein Obama. Tous les superlatifs avaient déjà été épuisés pour décrire l'irruption de ce fils d'immigré kenyan à la tête de la nation la plus puissante de la planète. Pour moi, le miracle s'était déjà réalisé le 4 novembre 2008 avec cette image de Barack Obama se dessinant sur les écrans de télévision du monde comme celle du 44e président élu des Etats-Unis. Et au dessus du miracle, je ne voyais plus aucun autre événement, même pas son éventuel assassinat que certains esprits funestes ont subodoré et même attendu tout au long de la cérémonie. Je pense à ces commentateurs de télévision qui n'avaient de cesse de tracer un parallèle entre Obama et John Fitzgerald Kennedy.
J'ai donc décidé de ne pas regarder en priorité le cœur de la scène de cette cérémonie, mais de voir aussi le décor, les figurants, les acteurs de second ordre. C'est ainsi que j'ai vu tous ces hommes et femmes, ces Noirs et Blancs secoué par des sanglots et laissant couler sur leurs joues gelées, des larmes d'émotion et de joie. C'est ainsi que j'ai vu ces millions de mains en train de secouer le drapeau américain de toute leurs force comme s'ils voulaient exorciser un mal, comme s'ils voulaient rompre avec un passé qu'ils souhaitent oublier à jamais.
Mais les deux images qui m'auront le plus marqué, ce sont celles de George W. Bush et de son vice Dick Chenney. Le premier avait le sourire forcé, le geste imprécis, la mine défaite. Les journalistes ont dit de lui qu'il était déprimé et nerveux. Embarqué dans l'hélicoptère, il a quitté le lieu des cérémonies sous les quolibets d'un peuple qu'il a usé et abusé. Ce devait être la première de son histoire que le peuple Américain puisse ainsi griller la politesse à un de ses dirigeants.
La seconde image est celle de Dick Chenney cloué sur un fauteuil roulant parce qu'il aurait bloqué son dos en déménageant les cartons de la maison blanche. A dire qu'il est tellement impopulaire qu'il n'a même pas trouvé un agent pour lui faire ce travail de manutention. A la fin des cérémonies, j'ai vu les agents de sécurité, précipiter Dick Chenney dans son véhicule un peu comme un enfant viderait sa poubelle dans le bac approprié. Le rituel sécuritaire exécuté par les agents de la sécurité de Dick Chenney n'avait plus de sens puisqu'au vu de son état l'ancien vice-président suscitait plus de la pitié qu'autre chose. On avait de la peine à croire qu'il s'agissait là de l'idéologue du Bushisme qui a tenu les Etats-Unis et même le monde en haleine pendant 8 années et comme le dit Pascal Riché de Rue 89, "a entraîné le monde dans sa cure sanglante". L'idéologie ultra conservatrice qu'ils avaient ressuscitée visait selon eux à faire un monde unipolaire où les Etats-Unis confirmé dans son rôle d'empire, devait concrétiser le rêve impérialiste en mettant le reste du monde à ses pieds. Et pourtant au finish, ils n'ont réussi qu'à cristalliser la haine du monde sur le pays de l'Oncle Sam.
Avec les deux images relevées plus haut, le crépuscule venait ainsi de tomber sur un régime qui n'aura finalement été qu'un simple accident de l'histoire. Parce que à l'origine du Bushisme, il y a une terrible usurpation. De l'usurpation au sens où l'entend Nicolas Machiavel lorsqu'il déclare "qu'au commencement de tout pouvoir, il y a l'usurpation, qu'elle soit dû au hasard ou à l'illusion ou au coup de force". Et pour le comprendre, revisitons l'arrivée de George W. Bush au pouvoir des Etats-Unis en 2000. Cathérine Pouzoulet qui s'est penché sur le sujet brosse le contexte qui a vu l'arrivée de Bush au pouvoir : "Encore inconnu dans la vie politique nationale en 1994, lorsque, sans expérience aucune, il fut propulsé, grâce au clan Bush, gouverneur du Texas après une vie professionnelle sans autre titre de gloire que d’avoir redonné un peu de panache à l’équipe de base-ball de l’État (les Texas Rangers), George W. Bush avait été programmé par les élites républicaines, et particulièrement par le puissant lobby texan, pour être le prochain candidat à la Présidence. Fort d’un formidable trésor de guerre, et apte à se rendre populaire, son élection paraissait aussi improbable, au regard de son expérience politique réduite et de ses aptitudes à gouverner, d’emblée mises en doute, qu’inexorable, dans la mesure où George W. Bush réunissait tous les atouts pour une campagne moderne, à commencer par le soutien financier et médiatique des élites économiques".
Un usurpateur dans la maison
A l'issue de l'élection de 2000 justement, George Bush rafle les grands électeurs de la Floride où comme par hasard, son frère cadet Jeb Bush est gouverneur. Mais cette victoire s'avère très vite litigieuse. Un recomptage des voix est sérieusement recommandé et même qu'elle s'amorce. Mais de peur de voir les Etats-Unis aller au devant d'une crise institutionnelle majeure et aussi de peur de se voir complètement discrédité aux yeux des Américains, la cour suprême arrête de décomptage des voix et déclare George Bush vainqueur à la surprise générale. La cour suprême des Etats-Unis venait ainsi de fabriquer le parfait usurpateur et de lui confier le destin de la plus grande puissance du monde. Comme depuis son poste de gouverneur du Texas, on lui avait déjà décelé une incapacité à gouverner, George Bush ira chercher Machiavel pour qu'il lui dise ce qu'un usurpateur doit faire lorsqu'il arrive à s'emparer du pouvoir. Et que dit Machiavel?
Machiavel recommande de procéder par "institutionnalisation du politique qui aura pour but de masquer le hasard ou le coup de force en transformant le fait en droit et la force en justice". Et cette institutionnalisation passe nécessairement par la production des fictions. Et comme dit Machiavel, "c'est par la fiction entendue ici au sens d'illusion et de leurre, que le prince doit régler son gouvernement du peuple. Il ne s'agit nullement de question de moralité ou d'immoralité, mais d'une question politique : la fiction est une force qui s'associe à la force militaire".
Alors qu'il peine à s'imposer en tant que leader, quelques mois après son installation à la maison blanche, le 11 septembre - dont on ne saura jamais si cela relève de la fiction que recommande Machiavel ou bien d'une attaque terroriste comme l'a révélé la vérité officielle - tombe comme une véritable aubaine pour le pouvoir de George Bush. Comme le fait observer Vincent Michelot, "c'est le 11 septembre qui seul avait permis à George Bush d'acquérir la stature de sa fonction (…) Le 11 septembre a eu un effet mécanique de renforcement du pouvoir exécutif qui s'est encore accru avec l'entrée en guerre des Etats-Unis qui permet au président de revêtir l'uniforme de commandant en chef". Pour qui a vécu cette période avec les images de George Bush sur les décombres du world trade centre et sur les portes avions cela avait de forts relents de mise en scène et donc de fiction telle que recommandée par Machiavel. Cela veut dire quoi? Que, incapable d'apporter des réponses, qu'il n'avait pas évidemment, aux problèmes des Américains, George Bush s'est mis à construire un imaginaire de peur que Barack Obama dénonçait d'ailleurs dans son discours d'investiture. Il a entraîné le peuple américain dans ses guerres préventives et dans son intégrisme religieux.
En effet, si on est aujourd'hui amené à pinailler sur le second prénom de Barack Hussein Obama à cause de sa consonance arabe, c'est justement parce que l'imaginaire de la peur de l'Arabe assimilé au terroriste pousse les Américains à tourner le dos à une des libertés fondamentales qui est la liberté religieuse. La laïcité n'est pas concevable aux Etats-Unis. Comment peut-on valablement accuser les autres d'intégristes alors qu'aux Etats-Unis, pour aspirer à la fonction présidentielle par exemple, une loi non écrite vous oblige à décliner le nom de votre pasteur ou prêtre et que ce dernier confirme votre appartenance à la grande famille de l'église?
Illuminé aussi!
Il faut dire que sur ce registre de l'intégrisme religieux, George W. Bush était déjà dans une autre dimension : celle de l'illumination. En effet, d'après "le journal "le Monde" du 08 octobre 2005, reprenant une dépêche de l'agence "Reuters" qui rapporte les propos attribués au président américain par le chef de la diplomatie palestinienne, Nabil Chaath. Selon ce dernier, lors d'une rencontre qu'il a eu en juin 2003 avec Mahmoud Abbas, alors premier ministre palestinien, George W. Bush aurait dit ceci: "Je me suis vu confier une mission par Dieu. Dieu m'a dit: George (Dieu connaît son nom!!!) va combattre ces terroristes en Afghanistan. Et je l'ai fait. Et puis Dieu m'a dit: George, va mettre fin à la tyrannie en Irak. Et je l'ai fait. Et de nouveau maintenant, je sens le verbe de Dieu venir en moi: Va donner aux palestiniens leur Etat et aux Israéliens leur sécurité et fais la paix au moyen Orient. Et Dieu m'est témoin que je vais le faire". Toujours selon le journal Le Monde rapportant la même dépêche, la maison blanche s'est refusée à commenter ce qu'elle considère comme une conversation privée".
George Bush dont on dit déjà qu'il intéresse aussi bien les historiens que les politistes en tant que objet de recherche, s'inscrit déjà comme le président le plus impopulaire à la fin de son mandat de toute l'histoire américaine, avec plus de 74% des Américains qui désapprouvent sa politique et qui donc ne le regretterons jamais. Alors qu'il quitte la scène par la petite porte et doit très vite s'effacer des mémoires, le cas Bush repose la question de la destinée de l'homme politique que Edouard Balladur formule en ces termes : "La vie politique est-elle une sorte de sacerdoce au service des autres ou le prétexte nécessaire pour assouvir des épanouissements personnels?" Cette question est fondamentale parce qu'elle va chercher au cœur des motivations du politique. Pourquoi s'engage t-on en politique? Autrement, pourquoi George W. Bush a-t-il décidé (si seulement il a décidé!) d'aller à la conquête du pouvoir suprême américain?
Dans une tentative de réponse à la question générale, Edouard Balladur nous dit que "la justification de l'ambition de l'homme politique c'est qu'elle lui permette d'accomplir une œuvre utile, mémorable, donnant à croire qu'il a triomphé du temps qui passe et qui efface ou détruit (…) Le politique a le choix : conquérir le pouvoir afin d'y trouver les satisfactions et les exaltations de l'instant, ou bien compter dans l'histoire longtemps après sa mort. Les deux vont rarement de pair. Il ne font appel ni aux mêmes talents, ni aux mêmes vernis, ni aux mêmes défauts". Lorsqu'on appréhende l'accession au pouvoir, non pas comme un moyen pour atteindre des objectifs communs, pour réaliser un rêve et concrétiser une vision qu'on a eu pour son peuple, mais plutôt comme une fin, juste une plate forme à partir de laquelle on accumule les biens en vue de la jouissance au sens le plus charnel du terme, la fin est toujours amère. En 2000, George Bush, aidé par la cour suprême, avait triomphé de Al Gore. Et ce dernier, comme c'est la tradition au parti démocrate, est sorti de la politique pour se consacrer aux questions environnementales. Depuis, Al Gore a été consacré prix Nobel de la paix et est devenu une personnalité respectable dans le monde dont on parlera certainement après sa mort et en des termes honorables. Quant à Bush, il lui faudra beaucoup de courage pour sortir de son Texas natal où même son père n'est pas son plus grand supporter pour ne pas dire plus.
Vanité des vanités… Tout est vanité
Dans l'hélicoptère, puis dans l'avion qui le ramenait au Texas, George W. Bush était certainement un homme triste, un homme défait qui a laissé une lettre à son successeur sur le bureau de la Maison Blanche un peu comme un homme déçu laisse une lettre à sa compagne avant d'aller accomplir ce qu'on peut imaginer. Un jour peut-être on saura le contenu de cette lettre qu'il n'a pas eu le courage de donner à son successeur à main propre. Peut-être est-il en train de demander pardon au peuple américain pour tout le mal qu'il lui a causé? Bush est triste et même amère, pourtant il a sans doute atteint tous ses objectifs égoïstes. C'est un homme riche qui a profité à fond de ses connexions avec le complexe militaro industriel. C'est un homme qui, l'instant de deux mandats présidentiels, a dominé le monde et décidé de la vie ou de la mort des hommes et femmes de par le monde. Il est triste parce qu'ayant appréhendé le pouvoir comme une fin et non un moyen, il mourra de son manque.
Et pourtant, le pouvoir, le vrai pouvoir, celui qu'on quitte en sifflotant parce qu'on aura accompli de grandes œuvres pour l'humanité, a son lot de contraintes et de sacrifices que Edouard Balladur énonce sous forme de questionnements : "quel prix payer, à quelles contraintes s'astreindre, qu'exiger de soi même pour parvenir au pouvoir et l'utilise? Tout doit-il être subordonné à sa conquête? Comment croire à la valeur de ce qu'on veut accomplir grâce à sa possession après n'avoir rien négligé de moyens pour y accéder? Quelle différence entre les grands politiques et les autres avides d'ambitions médiocres? Ceux là privilégient leur réussite à court terme sans voir où ils vont, sans le savoir, sans même s'en soucier. Dans leur marche, ils ont déçus les autres; ils se sont déçus eux-mêmes, mais peu leur importe le mépris ou la haine qu'ils suscitent". Quel portrait qui sied parfaitement à celui de George W. Bush! Alors qu'on attendait d'eux qu'ils soulagent les souffrances du monde à la mesure du zèle qu'ils avaient à proclamer la suprématie de l'éconmie du marché, Bush et ses amis ont servi au monde l'une des crises économiques et financières les plus sévères de toute l'histoire.
Lorsque j'ai vu George Bush s'engouffrer dans l'hélicoptère et quitter le capitole, j'ai pensé à la fin du Maréchal Mobutu Séssé séko, un dictateur de la pire espèce qui s'était incruster sur le Zaïre pendant près de 40 ans et qui avait alors contribué à créer toutes les conditions du drame congolais d'aujourd'hui. Traqué dans son village natal Gbadolité par les troupes de Laurent Désiré Kabila auquel s'était mêlé curieusement l'ancien garde présidentielle jadis fidèle au Maréchal-Président, Mobutu n'avait plus qu'une poignée de fidèle pour assurer sa sécurité. Mesurant la situation, son chef de sécurité conseilla au Maréchal de décamper avant qu'il ne soit trop tard. Il n'y avait plus qu'un seul avion militaire sur le tarmac de l'aéroport de Gbadolité. Mais dans un dernier sursaut d'orgueil, Mobutu refusa en faisant comprendre à son ange gardien qu'il est un soldat et qu'un soldat ne fuit pas. Sans se démonter l'ange gardien dégaina et ordonna à son patron de s'exécuter. De force, il fut embarqué dans une voiture et conduit à l'aéroport où sa voiture s'est engouffrée dans la soute de l'avion qui était déjà prêt à décoller. C'est donc dans la soute de l'avion, assis dans sa voiture que Mobutu a fait le voyage vers le Togo où un autre dictateur, Etienne Gnagsimbe Eyadema s'était offert pour l'accueillir. Pendant que l'avion prenait son envol, les éléments de la garde présidentielle, arrivés à l'aéroport, se sont mis à le mitrailler. Dans l'avion Mobutu a fondu en larme : "Même mes propres enfants me tirent dessus!", avait-il dit. A Lomé, le ministre qui était venu l'accueillir attendait de voir l'ex président descendre de l'avion mais il est plutôt sorti de la soute en se dépoussiérant et a dit à son hôte non sans humour: "Euh oui, c'est bien moi!". Il était certainement triste et pourtant au cours de son long règne, il a accumulé des fortunes colossales. Il avait appréhendé le pouvoir comme une fin.
Avec Barack Obama, comme a pu dire Michel Fitoussi, "la sème a encore commencé à coulé dans le corps social américain". Mais le peuple américain n'oubliera jamais de si tôt et encore moins ne saura jamais pourquoi il s'est imposé cette mortification à travers 8 ans de bushisme.
Etienne de Tayo
Promoteur Afrique Intègre
http://www.edetayo.blogspot.com/
J'ai regardé, comme d'ailleurs les deux millions de personnes qui ont bravé les températures polaires de Washington ou encore comme des milliards de téléspectateurs de la planète terre, la cérémonie d'investiture du 44e président de Etats-Unis, Barack Hussein Obama. Tous les superlatifs avaient déjà été épuisés pour décrire l'irruption de ce fils d'immigré kenyan à la tête de la nation la plus puissante de la planète. Pour moi, le miracle s'était déjà réalisé le 4 novembre 2008 avec cette image de Barack Obama se dessinant sur les écrans de télévision du monde comme celle du 44e président élu des Etats-Unis. Et au dessus du miracle, je ne voyais plus aucun autre événement, même pas son éventuel assassinat que certains esprits funestes ont subodoré et même attendu tout au long de la cérémonie. Je pense à ces commentateurs de télévision qui n'avaient de cesse de tracer un parallèle entre Obama et John Fitzgerald Kennedy.
J'ai donc décidé de ne pas regarder en priorité le cœur de la scène de cette cérémonie, mais de voir aussi le décor, les figurants, les acteurs de second ordre. C'est ainsi que j'ai vu tous ces hommes et femmes, ces Noirs et Blancs secoué par des sanglots et laissant couler sur leurs joues gelées, des larmes d'émotion et de joie. C'est ainsi que j'ai vu ces millions de mains en train de secouer le drapeau américain de toute leurs force comme s'ils voulaient exorciser un mal, comme s'ils voulaient rompre avec un passé qu'ils souhaitent oublier à jamais.
Mais les deux images qui m'auront le plus marqué, ce sont celles de George W. Bush et de son vice Dick Chenney. Le premier avait le sourire forcé, le geste imprécis, la mine défaite. Les journalistes ont dit de lui qu'il était déprimé et nerveux. Embarqué dans l'hélicoptère, il a quitté le lieu des cérémonies sous les quolibets d'un peuple qu'il a usé et abusé. Ce devait être la première de son histoire que le peuple Américain puisse ainsi griller la politesse à un de ses dirigeants.
La seconde image est celle de Dick Chenney cloué sur un fauteuil roulant parce qu'il aurait bloqué son dos en déménageant les cartons de la maison blanche. A dire qu'il est tellement impopulaire qu'il n'a même pas trouvé un agent pour lui faire ce travail de manutention. A la fin des cérémonies, j'ai vu les agents de sécurité, précipiter Dick Chenney dans son véhicule un peu comme un enfant viderait sa poubelle dans le bac approprié. Le rituel sécuritaire exécuté par les agents de la sécurité de Dick Chenney n'avait plus de sens puisqu'au vu de son état l'ancien vice-président suscitait plus de la pitié qu'autre chose. On avait de la peine à croire qu'il s'agissait là de l'idéologue du Bushisme qui a tenu les Etats-Unis et même le monde en haleine pendant 8 années et comme le dit Pascal Riché de Rue 89, "a entraîné le monde dans sa cure sanglante". L'idéologie ultra conservatrice qu'ils avaient ressuscitée visait selon eux à faire un monde unipolaire où les Etats-Unis confirmé dans son rôle d'empire, devait concrétiser le rêve impérialiste en mettant le reste du monde à ses pieds. Et pourtant au finish, ils n'ont réussi qu'à cristalliser la haine du monde sur le pays de l'Oncle Sam.
Avec les deux images relevées plus haut, le crépuscule venait ainsi de tomber sur un régime qui n'aura finalement été qu'un simple accident de l'histoire. Parce que à l'origine du Bushisme, il y a une terrible usurpation. De l'usurpation au sens où l'entend Nicolas Machiavel lorsqu'il déclare "qu'au commencement de tout pouvoir, il y a l'usurpation, qu'elle soit dû au hasard ou à l'illusion ou au coup de force". Et pour le comprendre, revisitons l'arrivée de George W. Bush au pouvoir des Etats-Unis en 2000. Cathérine Pouzoulet qui s'est penché sur le sujet brosse le contexte qui a vu l'arrivée de Bush au pouvoir : "Encore inconnu dans la vie politique nationale en 1994, lorsque, sans expérience aucune, il fut propulsé, grâce au clan Bush, gouverneur du Texas après une vie professionnelle sans autre titre de gloire que d’avoir redonné un peu de panache à l’équipe de base-ball de l’État (les Texas Rangers), George W. Bush avait été programmé par les élites républicaines, et particulièrement par le puissant lobby texan, pour être le prochain candidat à la Présidence. Fort d’un formidable trésor de guerre, et apte à se rendre populaire, son élection paraissait aussi improbable, au regard de son expérience politique réduite et de ses aptitudes à gouverner, d’emblée mises en doute, qu’inexorable, dans la mesure où George W. Bush réunissait tous les atouts pour une campagne moderne, à commencer par le soutien financier et médiatique des élites économiques".
Un usurpateur dans la maison
A l'issue de l'élection de 2000 justement, George Bush rafle les grands électeurs de la Floride où comme par hasard, son frère cadet Jeb Bush est gouverneur. Mais cette victoire s'avère très vite litigieuse. Un recomptage des voix est sérieusement recommandé et même qu'elle s'amorce. Mais de peur de voir les Etats-Unis aller au devant d'une crise institutionnelle majeure et aussi de peur de se voir complètement discrédité aux yeux des Américains, la cour suprême arrête de décomptage des voix et déclare George Bush vainqueur à la surprise générale. La cour suprême des Etats-Unis venait ainsi de fabriquer le parfait usurpateur et de lui confier le destin de la plus grande puissance du monde. Comme depuis son poste de gouverneur du Texas, on lui avait déjà décelé une incapacité à gouverner, George Bush ira chercher Machiavel pour qu'il lui dise ce qu'un usurpateur doit faire lorsqu'il arrive à s'emparer du pouvoir. Et que dit Machiavel?
Machiavel recommande de procéder par "institutionnalisation du politique qui aura pour but de masquer le hasard ou le coup de force en transformant le fait en droit et la force en justice". Et cette institutionnalisation passe nécessairement par la production des fictions. Et comme dit Machiavel, "c'est par la fiction entendue ici au sens d'illusion et de leurre, que le prince doit régler son gouvernement du peuple. Il ne s'agit nullement de question de moralité ou d'immoralité, mais d'une question politique : la fiction est une force qui s'associe à la force militaire".
Alors qu'il peine à s'imposer en tant que leader, quelques mois après son installation à la maison blanche, le 11 septembre - dont on ne saura jamais si cela relève de la fiction que recommande Machiavel ou bien d'une attaque terroriste comme l'a révélé la vérité officielle - tombe comme une véritable aubaine pour le pouvoir de George Bush. Comme le fait observer Vincent Michelot, "c'est le 11 septembre qui seul avait permis à George Bush d'acquérir la stature de sa fonction (…) Le 11 septembre a eu un effet mécanique de renforcement du pouvoir exécutif qui s'est encore accru avec l'entrée en guerre des Etats-Unis qui permet au président de revêtir l'uniforme de commandant en chef". Pour qui a vécu cette période avec les images de George Bush sur les décombres du world trade centre et sur les portes avions cela avait de forts relents de mise en scène et donc de fiction telle que recommandée par Machiavel. Cela veut dire quoi? Que, incapable d'apporter des réponses, qu'il n'avait pas évidemment, aux problèmes des Américains, George Bush s'est mis à construire un imaginaire de peur que Barack Obama dénonçait d'ailleurs dans son discours d'investiture. Il a entraîné le peuple américain dans ses guerres préventives et dans son intégrisme religieux.
En effet, si on est aujourd'hui amené à pinailler sur le second prénom de Barack Hussein Obama à cause de sa consonance arabe, c'est justement parce que l'imaginaire de la peur de l'Arabe assimilé au terroriste pousse les Américains à tourner le dos à une des libertés fondamentales qui est la liberté religieuse. La laïcité n'est pas concevable aux Etats-Unis. Comment peut-on valablement accuser les autres d'intégristes alors qu'aux Etats-Unis, pour aspirer à la fonction présidentielle par exemple, une loi non écrite vous oblige à décliner le nom de votre pasteur ou prêtre et que ce dernier confirme votre appartenance à la grande famille de l'église?
Illuminé aussi!
Il faut dire que sur ce registre de l'intégrisme religieux, George W. Bush était déjà dans une autre dimension : celle de l'illumination. En effet, d'après "le journal "le Monde" du 08 octobre 2005, reprenant une dépêche de l'agence "Reuters" qui rapporte les propos attribués au président américain par le chef de la diplomatie palestinienne, Nabil Chaath. Selon ce dernier, lors d'une rencontre qu'il a eu en juin 2003 avec Mahmoud Abbas, alors premier ministre palestinien, George W. Bush aurait dit ceci: "Je me suis vu confier une mission par Dieu. Dieu m'a dit: George (Dieu connaît son nom!!!) va combattre ces terroristes en Afghanistan. Et je l'ai fait. Et puis Dieu m'a dit: George, va mettre fin à la tyrannie en Irak. Et je l'ai fait. Et de nouveau maintenant, je sens le verbe de Dieu venir en moi: Va donner aux palestiniens leur Etat et aux Israéliens leur sécurité et fais la paix au moyen Orient. Et Dieu m'est témoin que je vais le faire". Toujours selon le journal Le Monde rapportant la même dépêche, la maison blanche s'est refusée à commenter ce qu'elle considère comme une conversation privée".
George Bush dont on dit déjà qu'il intéresse aussi bien les historiens que les politistes en tant que objet de recherche, s'inscrit déjà comme le président le plus impopulaire à la fin de son mandat de toute l'histoire américaine, avec plus de 74% des Américains qui désapprouvent sa politique et qui donc ne le regretterons jamais. Alors qu'il quitte la scène par la petite porte et doit très vite s'effacer des mémoires, le cas Bush repose la question de la destinée de l'homme politique que Edouard Balladur formule en ces termes : "La vie politique est-elle une sorte de sacerdoce au service des autres ou le prétexte nécessaire pour assouvir des épanouissements personnels?" Cette question est fondamentale parce qu'elle va chercher au cœur des motivations du politique. Pourquoi s'engage t-on en politique? Autrement, pourquoi George W. Bush a-t-il décidé (si seulement il a décidé!) d'aller à la conquête du pouvoir suprême américain?
Dans une tentative de réponse à la question générale, Edouard Balladur nous dit que "la justification de l'ambition de l'homme politique c'est qu'elle lui permette d'accomplir une œuvre utile, mémorable, donnant à croire qu'il a triomphé du temps qui passe et qui efface ou détruit (…) Le politique a le choix : conquérir le pouvoir afin d'y trouver les satisfactions et les exaltations de l'instant, ou bien compter dans l'histoire longtemps après sa mort. Les deux vont rarement de pair. Il ne font appel ni aux mêmes talents, ni aux mêmes vernis, ni aux mêmes défauts". Lorsqu'on appréhende l'accession au pouvoir, non pas comme un moyen pour atteindre des objectifs communs, pour réaliser un rêve et concrétiser une vision qu'on a eu pour son peuple, mais plutôt comme une fin, juste une plate forme à partir de laquelle on accumule les biens en vue de la jouissance au sens le plus charnel du terme, la fin est toujours amère. En 2000, George Bush, aidé par la cour suprême, avait triomphé de Al Gore. Et ce dernier, comme c'est la tradition au parti démocrate, est sorti de la politique pour se consacrer aux questions environnementales. Depuis, Al Gore a été consacré prix Nobel de la paix et est devenu une personnalité respectable dans le monde dont on parlera certainement après sa mort et en des termes honorables. Quant à Bush, il lui faudra beaucoup de courage pour sortir de son Texas natal où même son père n'est pas son plus grand supporter pour ne pas dire plus.
Vanité des vanités… Tout est vanité
Dans l'hélicoptère, puis dans l'avion qui le ramenait au Texas, George W. Bush était certainement un homme triste, un homme défait qui a laissé une lettre à son successeur sur le bureau de la Maison Blanche un peu comme un homme déçu laisse une lettre à sa compagne avant d'aller accomplir ce qu'on peut imaginer. Un jour peut-être on saura le contenu de cette lettre qu'il n'a pas eu le courage de donner à son successeur à main propre. Peut-être est-il en train de demander pardon au peuple américain pour tout le mal qu'il lui a causé? Bush est triste et même amère, pourtant il a sans doute atteint tous ses objectifs égoïstes. C'est un homme riche qui a profité à fond de ses connexions avec le complexe militaro industriel. C'est un homme qui, l'instant de deux mandats présidentiels, a dominé le monde et décidé de la vie ou de la mort des hommes et femmes de par le monde. Il est triste parce qu'ayant appréhendé le pouvoir comme une fin et non un moyen, il mourra de son manque.
Et pourtant, le pouvoir, le vrai pouvoir, celui qu'on quitte en sifflotant parce qu'on aura accompli de grandes œuvres pour l'humanité, a son lot de contraintes et de sacrifices que Edouard Balladur énonce sous forme de questionnements : "quel prix payer, à quelles contraintes s'astreindre, qu'exiger de soi même pour parvenir au pouvoir et l'utilise? Tout doit-il être subordonné à sa conquête? Comment croire à la valeur de ce qu'on veut accomplir grâce à sa possession après n'avoir rien négligé de moyens pour y accéder? Quelle différence entre les grands politiques et les autres avides d'ambitions médiocres? Ceux là privilégient leur réussite à court terme sans voir où ils vont, sans le savoir, sans même s'en soucier. Dans leur marche, ils ont déçus les autres; ils se sont déçus eux-mêmes, mais peu leur importe le mépris ou la haine qu'ils suscitent". Quel portrait qui sied parfaitement à celui de George W. Bush! Alors qu'on attendait d'eux qu'ils soulagent les souffrances du monde à la mesure du zèle qu'ils avaient à proclamer la suprématie de l'éconmie du marché, Bush et ses amis ont servi au monde l'une des crises économiques et financières les plus sévères de toute l'histoire.
Lorsque j'ai vu George Bush s'engouffrer dans l'hélicoptère et quitter le capitole, j'ai pensé à la fin du Maréchal Mobutu Séssé séko, un dictateur de la pire espèce qui s'était incruster sur le Zaïre pendant près de 40 ans et qui avait alors contribué à créer toutes les conditions du drame congolais d'aujourd'hui. Traqué dans son village natal Gbadolité par les troupes de Laurent Désiré Kabila auquel s'était mêlé curieusement l'ancien garde présidentielle jadis fidèle au Maréchal-Président, Mobutu n'avait plus qu'une poignée de fidèle pour assurer sa sécurité. Mesurant la situation, son chef de sécurité conseilla au Maréchal de décamper avant qu'il ne soit trop tard. Il n'y avait plus qu'un seul avion militaire sur le tarmac de l'aéroport de Gbadolité. Mais dans un dernier sursaut d'orgueil, Mobutu refusa en faisant comprendre à son ange gardien qu'il est un soldat et qu'un soldat ne fuit pas. Sans se démonter l'ange gardien dégaina et ordonna à son patron de s'exécuter. De force, il fut embarqué dans une voiture et conduit à l'aéroport où sa voiture s'est engouffrée dans la soute de l'avion qui était déjà prêt à décoller. C'est donc dans la soute de l'avion, assis dans sa voiture que Mobutu a fait le voyage vers le Togo où un autre dictateur, Etienne Gnagsimbe Eyadema s'était offert pour l'accueillir. Pendant que l'avion prenait son envol, les éléments de la garde présidentielle, arrivés à l'aéroport, se sont mis à le mitrailler. Dans l'avion Mobutu a fondu en larme : "Même mes propres enfants me tirent dessus!", avait-il dit. A Lomé, le ministre qui était venu l'accueillir attendait de voir l'ex président descendre de l'avion mais il est plutôt sorti de la soute en se dépoussiérant et a dit à son hôte non sans humour: "Euh oui, c'est bien moi!". Il était certainement triste et pourtant au cours de son long règne, il a accumulé des fortunes colossales. Il avait appréhendé le pouvoir comme une fin.
Avec Barack Obama, comme a pu dire Michel Fitoussi, "la sème a encore commencé à coulé dans le corps social américain". Mais le peuple américain n'oubliera jamais de si tôt et encore moins ne saura jamais pourquoi il s'est imposé cette mortification à travers 8 ans de bushisme.
Etienne de Tayo
Promoteur Afrique Intègre
http://www.edetayo.blogspot.com/