jeudi 22 novembre 2007

JACQUES CHIRAC ET LE DESTIN DES ANCIENS CHEFS DE L'ETAT



L'ancien président français, Jacques Chirac a été mis en examen par la juge Xavière Siméoni. Il est poursuivi pour détournement de fonds publics dans l'affaire dite des emplois fictifs de la Mairie de Paris. C'est une première dans la cinquième République. Son avocat, Me jean Veil a annoncé la nouvelle devant la presse un peu comme dans des sociétés féodales, on annonce la mort d'un dignitaire.

Et pour lui faire comprendre à l'ancien président que la justice ne blague plus et que le vent a changé de direction, la juge Siméoni au contraire de ses prédécesseurs, a tenu à convoquer Jacques Chirac dans ses bureaux. Au bout de la procédure, Jacques Chirac risque une peine de 10 ans de prison et 100 000 euros d'amendes. A plus de 75 ans, l'épreuve est difficile pour le vieil homme qui, après 40 ans de combats politiques sans répit, aspirait à un repos mérité sur terre en attendant le repos éternel. Mais comme le rosier, la fonction présidentielle a ses épines et qui s'y frotte, s'y pique parfois mortellement. Certains ont depuis pensé à s'en préserver. Mais ce n'est pas toujours évident.
Une personne, habituée des milieux des pouvoirs en Afrique me rapporta cette conversation entre deux chefs d'Etat africains : "Mon frère, dans ces choses là, il faut éviter que demain, on ait l'occasion de dire de toi : voilà l'ancien chef de l'Etat. Et pour cela, tu sais ce qu'il te reste à faire". Et ce qu'il reste à faire justement, c'est ce qui se passe partout en Afrique et dans d'autres régions du monde. A savoir, la modification de la constitution afin d'instaurer une présidence à vie de fait. Une éventualité que Jacques Chirac n'avait pas totalement écarté puisque la constitution française lui en donnait la possibilité. Mais, aspiré par le sarkozysme à la fois séduisant et terrifiant, les fidèles de Jacques Chirac sont partis les uns après les autres à l'exception de Jean Louis Débré qu'il retrouve au conseil constitutionnel.
Cette conversation, qu'elle soit réelle ou imaginaire, révèle au moins au chose : bien qu'il y ait une vie après la présidence, force est de reconnaître que cette vie là n'est faite que de tourments et de cauchemars. Raison pour laquelle beaucoup préfèrent mourir au pouvoir pour ne pas avoir à vivre l'enfer sur terre. Jacques Chirac est en France le premier ancien président à être mis en examen sous la cinquième République. Mais dans le monde, il ne se met que derrière un long rang d'anciens chefs d'état malmenés par la justice de leur pays. Entre 1980 et 2002, les protagonistes au sommet des régimes politiques africains se sont correctement crêpés le chignon.
En Afrique, l'ancien président du Cameroun Ahmadou Ahidjo a été condamné à mort par contumace en février 1984 pour complot contre le président Paul Biya à qui il avait remis volontairement le pouvoir en novembre 1982; Jean Bedel Bokassa, l'ex empereur de Centrafrique a été condamné à mort en juin 1987 pour avoir ordonné le massacre d'enfants; Pascal Lissouba du Congo a été condamné par contumace en décembre 2001 à 30 ans de travaux forcés pour haute trahison. Il avait déjà été condamné à 20 ans de réclusion en décembre 1999 officiellement pour complot visant à assassiner le président Sassou Nguessou; Olesegun Obasanjo, actuel président du Nigéria qui avait déjà gouverné ce pays de 1976 à1979 avait été condamné à la prison à vie en juillet 1995 pour son implication dans une tentative de coup d'état contre Sani Abacha; En 1997, l'ancien président zambien Kenneth Kaunda fut détenu et inculpé, par son successeur Frédérik Chiluba de rétention d'informations. Le même Frédérik Chiluba devenu ex président a été inculpé par son successeur Lévi Mwanawassa de corruption et de détournement de fonds. L'ex président Rwandais Pasteur Bizimungu est écroué depuis le 23 avril 2002 pour "atteinte à la sûreté" de l'Etat et "détention illégale d'armes". L'ex président de Madagascar Didier Ratsiraka a été condamné par contumace à 10 ans de travaux forcés pour "détournement de deniers publics". Il existe même des inculpations à la fois grossières et fantaisistes comme celle de l'ex président du Zimbabwe Canaan Banana qui avait été condamné en 1998 à un an de prison ferme pour sodomie et crime sexuels lors de sa présidence.
Dans le reste du monde, on peut citer les cas de Bénazir Bhutto, l'ancienne premier ministre du Pakistan, condamnée pour détournement de fonds; au Philippines, l'ex président Joseph Estrada a été condamné à vie par une juridiction anti corruption qui l'a reconnu coupable de détournement de fonds; au Chili, malgré ses 89 ans, Agusto Pinochet a été condamné dans l'affaire de l'opération Columbo durant laquelle 119 dissidents politiques avaient disparu dans les années 70; au Cambodge, l'ancien président Kmers rouges Khieu Sanphan vient d'être arrêté. Il est inculpé pour crime contre l'humanité et crime de guerre par un tribunal parrainé par les Nations Unies. Condamné aussi pour crime contre l'humanité, l'ancien président irakien Saddam Hussein a été pendu. Et cette liste macabre n'est du tout pas exhaustive.
"TUEURS EN SERIE"
Parfois, dans ces tourments des anciens chefs de l'état, on veut y voir la main du nouveau régime qui veut régler les comptes. Mais il faut tout de suite dire que si cette possibilité n'est pas à écarter, la main des nouveaux régimes n'est pas toujours évidente. Il se trouve que la fin, somme toute, dramatique est presque consubstantielle à la fonction de chef de l'Etat. D'aucuns diraient que c'est la prix de la gloire.
Au cours de leur exercice du pouvoir, les chefs d'état commettent tellement d'actes répréhensibles qu'il suffit à la justice juste un peu plus de sérieux pour se courber sur leur route et ramasser à la pelle des pièces à conviction. Certaines de ces pièces sont couvertes par ce qu'on appelle astucieusement secret d'état mais d'autres sont visibles à l'œil nu. Jean Paul Sartre disait des hommes politiques qu'ils ont "les mains sales" parce qu'ils les ont trempés constamment dans le sang
Un président de la République, malgré l'attrait que sa fonction provoque chez les autres citoyens et malgré les paillettes qui entourent cette fonction, n'est finalement qu'un vulgaire "tueur en série". Les chefs d'état "tuent" sciemment pour certains et malgré eux pour les autres. Et c'est seulement à ce niveau que se situe la différence entre un démocrate et un dictateur. Bien sûr, il faut faire la différence entre la mort politique et la mort clinique.
Pour ce qui est de Jacques Chirac qui vient d'être mis en examen, le lieu du crime aura été l'hôtel de ville de Paris. Là bas, l'ancien Maire de Paris et éternel candidat à l'Elysée a "tué" ses cinq directeurs de cabinet : Robert Pandraud, Daniel Naftalski, Michel Roussin, Rémy Chardon, Bernard Bled. Plus tard, sur son chemin, il a "abattu" Alain Juppé, Jean Tibéri, Charles Pasqua qui a entraîné avec lui son fils. Dominique de Villepin, empêtré dans l'affaire Clairstream est aujourd'hui la dernière perdrix "abattue" par le chasseur Chirac. Tous les autres membres de la chiraquie à commencer par Nicolas Sarkozy, François Fillon, Philippe Séguin, l'ont échappé belle. Ils ont eu juste le temps de s'autonomiser et même de se placer en rival pour les deux premiers ou encore de se mettre à l'abri pour le dernier. Michèle Alliot Marie qui peut être considéré comme le dernier des mohicans de la chiraquie, se débat encore dans le gouvernement Fillon et d'aucuns pensent qu'ils finiront par avoir sa peau. Simple hasard de calendrier ou fait prémédité, toujours est-il que MAM a été convoquée le même jour que Chirac était mis en examen pour répondre comme simple témoin dans l'affaire Clearstream.
Il faut relever le fait que Jacques Chirac prend sa mis en examen avec une certaine élégance. Et on peut même dire qu'il y a de sa part et de la part de ses proches une sorte de mis en scène. Sa ligne de défense tient en deux chose : tout le monde faisait la même chose à cette époque et en faisant cela, je ne me suis pas enrichi personnellement. Cette posture, à la limite masochiste, a eu pour avantage de diviser l'opinion jusque dans les rangs de l'UMP où certains n'ont pas hésité à se prendre de compassion pour l'ancien chef de l'Etat. Même à gauche où on aurait pu s'attendre à l'enfoncement du clou ou du moins à l'indifférence, certains leaders comme Arnaud Montebourg écrasent une larme pour le vieil homme.
Cette volonté d'affronter la justice ressemble à s'y méprendre à celle affiché par Dominique de Villepin dans l'affaire Clearstream. Chez l'un et chez l'autre et d'ailleurs, chez les deux ensemble il y a une volonté de jouer l'opinion publique et de contre attaquer sur le terrain politique. Ceci tient au fait que chez certains membres de la chiraquie – aussi bien ceux qui sont déclaré ou ceux qui se sont camouflés - réside encore la croyance selon laquelle, le sarkozysme ne serait qu'une bulle qui finira par exploser. Alors, à ce moment là l'opinion publique pensera à ses victimes et surtout aux grosses pointures de ses victimes.
Dans l'affaire Clearstream, Dominique De villepin avait la possibilité d'échapper à la justice classique au vu de son statut d'ancien chef de gouvernement. Mais il a voulu affronter la justice et ouvrir parallèlement un front politique - et même un front de la provocation politique comme le pensent certains - question de jouer la victime et attendre son heure lorsque la bulle Sarkozy éclatera. En prenant la même posture de conquérant face à la justice comme De Villepin, Jacques Chirac qui ne peut plus prétendre revenir aux affaires, veut-il apporter son soutien à son filleul ou c'est la guerre des chefs qui continue? L'avenir nous le dira.

Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"
http://www.edetayo.blogspot.com/
Lire aussi : http://www.afriblog.com/blog.asp?code=tayo&no_msg=919

lundi 12 novembre 2007

DESTIN : LE CREPUSCULE DE LA DEMOCRATIE


Le présentoir et son contenu étaient pourtant si alléchants. Sur ce plateau en or était disposé, comme des fruits de saison, la recette suivante : Démocratie, droits de l'Homme, gouvernance, développement, prospérité… Et pour convaincre les sceptiques, cette équation émergeait de tout cela, un peu comme une cerise sur le gâteau : Démocratie + Bonne gouvernance = Développement, Prospérité, Bonheur pour tous.

Qui pouvait alors y résister! C'était l'époque du discours de la Baule. C'était l'époque de l'effondrement du mûr de Berlin et ses conséquences sur l'équilibre géopolitique et géostratégique du monde. C'était l'époque du capitalisme mondial triomphant. C'était l'époque du triomphe du modèle occidental de développement. La Banque mondiale et le Fonds Monétaire International, symboles du capitalisme, resté longtemps en hibernation, venaient de trouver le temps de gloire.
Comme dans un barrage resté longtemps fermé, les vannes de la démocratie ont été brusquement ouvertes. Et les peuples entiers se sont déversés pour célébrer ce bonheur qui leur avait été longtemps caché. Goûtant le fruit du suffrage électoral dans une émotion parfois indescriptible, beaucoup y sont allés avec la sincérité de leur cœur. Ils y sont allés en espérant que, comme le laissait croire l'équation évoquée plus haut, qu'avec un peu d'efforts, ils trouveront la prospérité au bout du chemin.
Aujourd'hui, sans douter du caractère humaniste et humanisant du système démocratique et en reconnaissant qu'il reste le moins mauvais des systèmes, pouvons-nous pour autant faire l'économie de cette question lancinante : Pourquoi, alors qu'il a été plébiscité dans les années 90 par la majorité des peuples jadis opprimés comme le meilleur des systèmes de gestion de la cité, aujourd'hui, des doutes subsistent quant à la capacité de la démocratie à libérer les hommes, à libérer les énergies et à impulser le développement? Pourquoi le projet d'exportation de la démocratie par certains empires est désormais voué à l'échec? Comment expliquer le fait que même dans ces pays exportateurs de démocratie, ce bien soit en net recul?
En Afrique par exemple mais aussi dans les pays de l'Europe de l'Est, les élections, l'autre symbole de la société démocratique, sont devenus un véritable repoussoir pour la majorité des peuples. Partout, y compris curieusement dans le monde occidental pourtant détenteur du brevet d'invention de la démocratie, le pouvoir est de plus en plus confisqué par des groupuscules aux intérêts essentiellement particuliers et égoïstes. La société démocratique et du bonheur promis n'est plus qu'un rêve bien lointain.
D'abord une petite définition pour savoir ce qu'est une société démocratique. C'est une société dans laquelle un certain nombre de conditions doivent être remplies. A savoir :
- Libertés individuelles garanties;
- Médias libres et indépendants;
- Peuple informé et capable d'un minimum de discernement;
- Elections libres et transparentes;
- Forte participation des populations au vote;
- Liberté d'association garantie;
- Syndicats puissants et indépendants.

LA DEMOCRATIE! QUELLE DEMOCRATIE?

La plupart des pays à qui les pays occidentaux ont essayé de vendre ou d'imposer la démocratie comme modèle d'administration des hommes sont ceux qui avaient été colonisés. Et si ces pays se sont laissés finalement soumettre, c'est moins à cause de la puissance de feu de quelques divisions blindées comme pensent d'aucuns que par la relative cohérence du modèle de société qu'ils promettaient et surtout par sa capacité présumée à générer le développement, la progrès et le bonheur.
Ces peuples avaient cru hier à leur maîtres lorsqu'ils leur parlèrent de civilisation. Des années après, ils leur ont encore servi le bon Dieu sans confession pour ce qui est de la démocratisation. Ce qui veut dire que pour eux, l'histoire se répète et même qu'il bégaie un peu. Autant pour la décolonisation, on avait théoriquement libéré les territoires sans transférer les pouvoirs, autant pour ce qui est de la démocratisation, on a vendu un matériel sans accessoire un peu comme on vendrait un réfrigérateur à une personne habitant une région sans électricité et sans autre source d'énergie. Les pays colonisateurs ont décrété que, comme ils avaient offert l'indépendance, ils avaient décidé d'octroyer la démocratie aux peuples jadis opprimés.
Pour prendre le cas spécifique de la France, à la Baule, François Mitterrand avait ouvert les vannes de la démocratie mais en maintenant solidement ancré, le système de prédation et même de terreur mis en place au lendemain de la décolonisation. Or ce système, parce qu'il se nourri d'opacité joue forcément contre la démocratie. On a promis la démocratisation et la prospérité en maintenant le système de l'aide publique au développement, cet écran de fumée qui a toujours servi à dissimuler les pillages de toutes sortes et qui contient une très forte charge d'asservissement. C'est pourquoi, au lieu de contribuer au développement, cette aide est devenue sous développante, selon l'expression du collectif "cercle vertueux pour une nouvelle Afrique", et même infantilisante. Elle a plutôt généré la misère.
En accueillant la démocratie, c'est moins pour ces peuples, comme une acquisition d'abord individuelle et une fin qui consacrera leur participation à la gestion des affaires de la cité, que comme un moyen devant leur permettre de se donner des dirigeants capables de les sortir de la misère. C'est-à-dire que leur priorité, c'est la sortie du gouffre et la démocratie telle qu'elle leur a été présentée, peut être un moyen. Il s'agit même d'un instinct de conservation si on prend en compte l'état de pauvreté et de précarité dans lequel se trouvent englués certaines de ces populations.

MIRAGE DEMOCRATIQUE

C'est donc avec ce schéma en tête que beaucoup de pays jadis opprimés se sont engouffrés dans la brèche ouverte dans les années 90. Moins de deux décennies après, la désillusion est au rendez-vous. La cause est que, la prospérité qu'ils attendaient au bout de la démocratisation tarde à venir. C'est ensuite parce que les pays occidentaux, détenteurs du brevet d'invention de la démocratie, sont aujourd'hui en très mauvaise posture par rapport à diffusion de cette idéologie. Une situation qui déteint forcément sur les pays en développement et montre à quel point, même l'occident n'a pas la maîtrise du monde qui est le nôtre aujourd'hui.
Selon le sociologue américain L. Wallerstein, « nous sommes entrés dans une ère de transition anarchique. Personne ne contrôle complètement la situation, surtout pas une puissance hégémonique déclinante comme les USA. Les défenseurs de l’empire américain pensent qu’ils ont le vent dans les voiles, les vents en fait soufflent dans toutes les directions à la fois et le vrai problème, pour tous les bateaux, est d’éviter le naufrage".
Et ce naufrage a pour nom : déclin de la démocratie. Ce déclin est aussi celui du capitalisme mondial marqué selon Toni Negri et Michael hardt comme "le déclin définitif des Etats souverains, la dérégulation des marchés internationaux et la fin des antagonismes entre les Etats assujettis". Mais le plus grand péril se dégage de l'observation de la société occidentale telle qu'elle fonctionne aujourd'hui et qui n'est pas loin du déni de la démocratie. Pour le savoir, il suffit de relever certains travers qui marquent cette société et qui ne font pas toujours bon ménage avec la société démocratique.
- Le mensonge : Le mensonge est l'un des vice les plus méprisable de la race humaine. Et celui qui use du mensonge se trouve ipso facto dévalorisé aux yeux des autres. L'usage du mensonge peut transformer le maître en esclave et vice versa. Dans son célèbre ouvrage, "Discours sur le colonialisme", Aimé Césaire le relevait avec une acuité incomparable lorsqu'il affirmait que : "Les colonisés savent désormais qu'ils ont sur les colonisateurs un avantage. Ils savent que leurs maîtres provisoires mentent. Donc que leurs maîtres sont faibles". Or, que constate t-on aujourd'hui? Que dans des sociétés dites démocratiques, le mensonge a été érigé en système de gouvernement. Du mensonge d'Etat tel les armes de destruction massives qui ont justifié la guerre d'Irak au mensonge domestique, la société semble s'éloigner des valeurs qui ont fondé la démocratie et qui ont forgé son respect. Ce qui est déplorable, c'est que les gouvernants réussissent le tour de magie d'entraîner la presse dans leurs petites combines. Ce qui fait s'écrouler un pan tout aussi important de la société démocratique.
- Une presse au garde à vous : C'est un fait, aujourd'hui, la presse s'est prise de façon tout à fait servile dans l'agenda exclusif des gouvernants. A part quelques titres qui cherchent à se prouver à eux-mêmes qu'ils sont réellement indépendants, tous les autres médias jouent chaque jour des pièces écrites et mises en scènes par les gouvernants et les pouvoirs d'argent, propriétaires de ces médias. Ils sont chargés de bourrer la tête du peuple et de l'empêcher d'avoir quelques instants de lucidité. En son temps, Patrick Le lay, alors PDG de TF1 avait caricaturé le phénomène en faisant cette déclaration pleine de mépris pour le peuple des téléspectateurs : "Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible".
- Un peuple conditionné : Hier les dictatures conditionnait le peuple en le coupant de la lecture et de la culture, considéré comme étant des éléments pouvant forger son esprit critique et peut-être rebelle. Aujourd'hui, la donne a changé. Par l'hypermédiatisation de la société, les gouvernants réussissent à saturer le peuple, l'empêchant ainsi d'avoir des instants de lucidité pouvant lui permettre de se rendre compte de ce qui lui arrive et où on l'amène. L'hypermédiatisation permet aussi de fournir au peuple presque en temps réel les catastrophes et les drames de par le monde, question de lui dire qu'il n'est pas le seul à souffrir et que d'ailleurs, sa souffrance est moindre par rapport à celle des autres peuples. Çà marche car lorsqu'on prend conscience de ce qu'on n'est pas seul à souffrir, on souffre moins. A la maison, on a la radio et la télévision. On a aussi le téléphone (fixe et portable). On a le poste Pc pour Internet. Dans le train ou le métro on a son téléphone bien sûr. On a parfois l'ordinateur portable pour achever le travail de bureau ou le devoir d'école, on a les journaux gratuits. Au travail, on est utilisé à plein pour les tâches. On a juste le temps de prendre une pause de quelques minutes, le temps de parcourir les journaux payants offerts par l'entreprise ou de sortir pour fumer dans la cour. Il faut dire que tous ces journaux racontent les mêmes choses. Le week-end, croyant se couper de cette logique de semaine, on regarde les matches de football ou autres et les films. Dites moi à quel moment on peut trouver le temps pour se demander comment on est gouverné? Ce qui est amusant, c'est que ce peuple là croit toujours qu'il a sa liberté intacte et donc sa capacité de jugement. Et c'est là où se trouve sa faiblesse. Car il n'y a pas pire malade que celui qui veut croire qu'il n'est pas malade et pourtant il l'est.
- La confiscation des libertés individuelles : La marge de manœuvre des populations en matière des libertés n'a jamais été aussi faible. Sous le couvert de la lutte contre le terrorisme, tout genre de mesures restrictives et surtout des méthodes d'une autre époque ont été mis sur pied pour confisquer les libertés. Désormais, sans qu'on leur demande leur avis, les citoyens sont écoutés, filmés. Aux Etats-Unis et même en France, des drones, une sorte d'avion sans pilotes devront désormais survoler les quartiers difficiles. Dans un autre pays, en plus des caméras, le gouvernement a installé dans les rues, des micros détecteurs de bruits suspects. Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que dans la plupart de ces pays, au lieu de se réconcilier avec ses exclus, la République a plutôt trouvé la manœuvre de les classer comme des nouveaux barbares. Elle promet au reste de la société de le protéger contre eux. Mais ce n'est qu'une manière bien astucieuse pour les gouvernants de confisquer les libertés individuelles et de confisquer aussi la démocratie. Et malheureusement, se faisant, ils confisquent aussi la prospérité.
- La montée de la pauvreté : Dans le plupart des pays occidentaux – et c'est un fait nouveau – le nombre de personnes vivants sous le seuil de pauvreté ne fait que augmenter d'années en années. C'est 12,1% de Français aujourd'hui qui vivent cet enfer. Cela fait quand même plus de 6 millions d'habitants. Il faut aussi relever la dégringolade du pouvoir d'achat chez ceux qui font partie de la classe intermédiaire. Cette situation pousse évidemment le peuple à la xénophobie. Ne sachant pas ce qui lui arrive, il s'acharne sur l'immigré, présenté comme la source de tous les malheurs. Une stratégie qui curieusement recette et donne des ailes aux partis d'extrême droite. L'ineptie du parti UDC en Suisse, qui pense que bouter le mouton noir de la confédération helvétique réglera tous leurs problèmes n'est pourtant pas un cas isolé.
- Forte prédominance des calculs géostratégique : Ces derniers temps, de puissantes campagnes médiatiques sont menées en faveur du Soudan et de la Birmanie. Il est question pour la plupart des pays occidentaux de restaurer la démocratie en Birmanie et arrêter le génocide au Darfour. Des objectifs somme toute nobles. Sauf que la Birmanie dont il est question aujourd'hui avait connu une révolte en 1988 au cours de laquelle plus de 2000 personnes avaient été massacrées par la junte au pouvoir. A l'époque, cela n'avait pas connu dans les médias les retentissements d'aujourd'hui. Même les sanctions économiques prises pour contraindre la junte à entendre raison avaient été violées par la plupart des pays même démocratiques. Le bois Birman est très prisé en Europe. La Birmanie n'intéresse aujourd'hui que parce qu'elle est un enjeu géostratégique entre l'occident et la Chine. De même un pays comme le République démocratique du Congo a connu et connaît encore une guerre civile particulièrement meurtrière avec plus de 2 millions de morts. Mais comme la RDC ne constitue pas encore un réel enjeu géostratégique, les médias et les politiques en occident ignorent royalement cette guerre là et se focalisent sur le Darfour à cause de la présence dans l'ordre bord de la Chine.

Comme on peut le constater, le monde court aujourd'hui au devant d'un péril certain. Sous nos yeux, des dictatures, pires que celles du 20e siècle sont en train de se constituer. Prenant prétexte sur les difficultés réelles que traverse l'humanité, des affairistes qui se sont emparés du pouvoir dans plusieurs pays et qui vont s'en emparer dans d'autres, vont tout simplement décréter une pause démocratique. Ils parlent juste d'une transition, le temps pour les uns de neutraliser l'ennemi intérieur connu sous le nom du jeune des banlieues ou bien l'ennemi extérieur appelé terroriste.
"La possibilité que cette transition aboutisse à un ordre plus égalitaire et démocratique est totalement incertaine. Chose certaine, le monde qui émerge de cette anarchie sera la conséquence de nos actions, collectives et concrètes, dans les décennies à venir. »

Par Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"