lundi 9 mars 2009

GUADELOUPE, MARTINIQUE... QUI A PEUR DE L'INDEPENDANCE?


Le leader du collectif LKP Elie Domota, porte parole du mouvement social qui paralyse la Guadeloupe depuis 44 jours, et le préfet de ce département français des Antilles, Nicolas Desforges, ont signé mercredi un accord appelant "à la reprise de l'activité normale". Mais une semaine après ce qui s'apparente comme l'enterrement de la hache de guerre, le calme est loin de revenir dans les îles. Au contraire, d'autres départements telle la Réunion appellent eux aussi à une grève générale pour les mêmes raisons de profitasion.


Dans une réflexion consacrée à cet événement, nous affirmions déjà que si le problème, posé par les Antillais, a une dimension politique, les solutions alimentaires, telles les 165 d'avantages accordés en vue de la valorisation du niveau de vie, seraient largement insuffisantes pour la résolution du problème. Cela semble se confirmer aux dernières déclarations des leaders du collectif LKP. Il suffit juste d'être plus attentif et laisser se dissiper le nuage alimentaire pour voir le problème politique se présenter sous la forme d'une revendication indépendantiste. On parlerait d'une intention indépendantiste. C'est vrai que jusqu'à présent, aucun leader de premier rang ne l'assume véritablement. C'est plutôt du coté du gouvernement qu'on souhaite l'instrumentaliser, question de jeter plus de confusion.
Selon un sondage IFOP datée du 27 février, "51% des Français hexagonaux seraient favorables à l'indépendance des Antilles". Raphaël Confiant qui voit dans ce sondage "une bonne nouvelle", révèle qu'au cours d'une réunion relative à la crise des Antilles, la président Nicolas Sarkozy "s'est déclaré favorable à une évolution institutionnelle et à la création d'une collectivité unique".
Mais ce qui est curieux, c'est que d'après les déclarations d'un leader guadeloupéen sur France Inter, rapportées par Raphaël Confiant, "s'il y avait un référendum sur l'indépendance en Guadeloupe, seuls 5 à 6% de la population voterait pour". Cela veut dire que, si nous devons prendre ces données grossièrement, nous dirons qu'on est dans une situation où le peuple de la métropole et les dirigeants de la République veulent bien laisser les Antilles faire les premiers pas vers l'autonomie et pourquoi pas l'indépendance à terme et que c'est ce peuple qui hésite. Au-delà des déclarations du leader guadeloupéen, force est de reconnaître qu'il y a de la part des politiques des îles une réelle démarche autonomiste. En effet, "la Martinique a réuni son congrès le 18 décembre dernier et a voté à une très large majorité pour une consultation référendaire". Une brèche dans laquelle s'enfonce Raphaël Confiant pour affirmer que "l'autonomie n'est qu'une étape sur le chemin de la pleine et entière souveraineté. Tôt ou tard, il faudra poser la nécessaire question de l'indépendance de la Martinique et là encore, le plus tôt sera le mieux".

Qui veut piéger Elie Domota?
Le sondage IFOP, en plus de démontrer que la majorité des Français de l'Hexagone veulent se séparer des îles qu'ils considèrent rien moins que comme une charge pour la République, a finalement été un déclencheur d'un vrai débat sur l'opportunité d'une revendication indépendantiste des peuples des Antilles françaises. C'est d'abord Raphaël Confiant qui s'efforce de démontrer l'inanité de la solution alimentaire apportée à travers la signature des protocoles entre le patronat et les organisations syndicales sous l'égide de l'Etat. Dans un article publié par le site Montraykreyol.org, il tente de démontrer les insuffisances des deux acquis de ces accords. Son analyse se situe au double plan de l'emploi et de l'environnement. Ainsi, révèle t-il que "la revendication de la priorité d'embauche pour les Antillais n'est pas tenable dans le cadre départementalo-régional actuel. Elle est illégale dans le cadre franco français". De même, il pense que "la lutte pour la privatisation du littoral ne peut être vraiment efficace que dans un cadre autonome (ou indépendant)".
Cette position indépendantiste affirmée de Raphaël Confiant a été violemment attaquée par un étudiant d'origine des îles. Kolbe Gauthier s'attaque au préalable au sondage IFOP qu'il trouve dangereux : "au nom de qui et de quoi les Français de l'hexagone ont-ils le droit de se prononcer sur l'indépendance des départements dans lesquels ils ne vivent pas et les peuples aux quels ils n'appartiennent pas". Aux hexagonaux qui veulent voir les Antilles détachées de la Français, Gauthier fait un petit cours d'histoire : "historiquement, nous sommes Français depuis 1635, depuis bien plus longtemps que des Savoyard et les Jurassiens ou des Nordistes et qu'en toute circonstance, nous avons défendu la patrie avec autant - sinon plus – d'acharnement, de volonté et de courage que nos compatriotes hexagonaux". Mais très vite, on peut constater que la plus grande peur de Kolbe Gauthier réside dans ce que l'indépendance représente un saut dans l'inconnu. Il ne veut pas se projeter dans des lendemains qu'il n'est pas sûr de maîtriser : "le fait que la situation économique de la Guadeloupe à l'issue de la grève sera tellement catastrophique, l'indépendance équivaudrait tout simplement à une condamnation à mort", soutient-il. Cet étudiant avance plusieurs autres raisons pour soutenir son argumentation d'une absurdité de l'indépendance accordée aux îles. Mais il suffit juste de le psychanalyser pour remarquer cette peur bleue de se voir couper de la métropole et de se voir ainsi privé de tous les avantages qu'il croit que son peuple des Antilles, tire de son rattachement à l'hexagone. Ce faisant, il se comporte exactement comme un jeune qui ne veut pas quitter la maison parentale tout simplement parce qu'il ne sait pas ce qu'il deviendra sans ses parents. Il accrédite aussi l'image qu'en hexagone on a malheureusement des Français d'Outre Mer.

Les clichés ont la peau dure
En effet, d'après des clichés largement répandus en France métropolitaine, le peuple des Antilles est traité de "fainéant, grippe sous ou encore emmerdeurs". Des poncifs qui se sont malheureusement glissés dans l'éditorial de Christophe Barbier du journal l'Express. Et cela donne ceci : "L'Etat ne saurait cautionner une spoliation vengeresse, ni ouvrir aux frais des métropolitains un guichet dégoulinant d'allocations injustifiés". Barbier parle ainsi des Français des Tropiques qui "veulent travailler à l'Antillaise et consommer à la métropolitaine". Et pour montrer aux Antillais qu'ils constituent réellement la sous France et aussi pour les aider à construire un imaginaire de peur devant les dissuader par rapport à une éventuelle option indépendantiste, Christophe Barbier soutient que "hors de France, les Antilles seraient au mieux, une usine à touristes américains, au pire un paradis fiscal rongé par la mafia ou un Haïti bis ravagé par les "tontons macoutes" moins débonnaires que Yves Jego". Tout est presque dit dans ces quelques fragments de l'interview de Christophe Barbier. Mais sans vraiment vouloir blâmer la victime, je dirai que la responsabilité de ce manque de considération incombe aux Antillais eux-mêmes qui n'ont jamais pu développer leurs revendications loin des considérations purement alimentaires.
Dans ma réflexion citée plus haut (www.edetayo.blogspot.com/2009/02/guadeloupe-probleme-solution.html), je disais que le peuple antillais manquait d'ancrage identitaire sur ce territoire dans lequel leurs ancêtres avaient été transportés. Or, cet ancrage identitaire qu'on retrouve par exemple chez les Kanaks de la nouvelle Calédonie, est un élément essentiel sur lequel il faut faire reposer toute revendication indépendantiste. Mais il y a surtout qu'un peuple ne peut pas porter honorablement la revendication indépendantiste, s'il continue à laisser cette aspiration être emprisonnée par les considérations alimentaires. En clair, un peuple qui a encore faim, qui n'est pas encore capable de tirer un trait sur les acquis matériel pour servir un idéal spirituel, aura tous les problèmes du monde pour revendiquer et acquérir l'indépendance.
L'indépendance c'est le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Pour parvenir à la revendication de l'indépendance, il faut être capable de s'approprier cette phrase du leader guinéen Ahmed Sekou Touré : "Nous préférons la liberté dans la misère que l'opulence dans la soumission et l'esclavage". Cette phrase là était contenue dans le discours historique de rupture que le syndicaliste guinéen prononça pour dire non au Général de Gaulle qui était venu lui proposer la création de l'union française. Cette allocution deviendra un discours fondateur de fédération des revendications et de l'acquisition des indépendances par les peuples coloniaux d'Afrique. Car, si Sekou Touré n'avait pas eu le courage de dire non, personne n'est capable de dire quelle aura été le destin des peuples d'Afrique. Pour faire un tel discours, il fallait s'affranchir au préalable des préoccupations alimentaires.
L'indépendance est un acquis immatériel qui parvient quand même à offrir aux peuples qui y accèdent, une fierté et une dignité qu'aucun acquis matériel ne peut apporté. Et contrairement à ce que dit Christophe Barbier, lorsque vous rencontrez en France un Haïtien et un Antillais, vous pouvez constater que le premier, qui a souvent une situation matérielle plus inconfortable, est en général plus épanoui que le second qui pourtant affiche une situation matérielle plus enviable. Un peuple qui a encore des préoccupations ne relevant que du contenu de son porte monnaie, doit ajourner le problème de l'indépendance et le léguer à la postérité. Mais de devoir déjà penser est très important pour un peuple.

Etienne de tayo
Promoteur "Afrique Intègre"
http://www.edetayo.blogspot.com/

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