lundi 15 novembre 2010

LA LISTE DANS LA PRATIQUE POLITIQUE AU CAMEROUN

Une liste est un alignement de noms de personnes ou de choses sur une feuille de papier ou sur n’importe quel autre présentoir. Et ceci, pour diverses utilisations ultérieures. En fonction de ce qu’elle peut représenter pour des personnes y figurant, une liste peut être un lieu de réalisation de soi parce que permettant d’accéder à des strates supérieures de la société. La liste du gouvernement par exemple. Une liste peut, par contre aussi, avoir une portée tout à fait dramatique pour ceux qui y figure. Ceci parce qu’elle est la manifestation d’un drame annoncé ou d’un drame subi. Tout au long de sa vie, qu’il le veuille ou pas, avec ou contre son gré, un Homme voit son nom inscrit dans un certain nombre de listes.

Le journal « Dikalo » du 20 août 2010, a titré sur une escroquerie politique dont était accusé Mme Françoise Foning, de la part de trois journalistes : Jean Marie Tchatchouang du journal « l’Anecdote » ; Aristide Nguekam du journal « Pélican » et Emmanuel Towa de « Hit Radio ». Ils dénoncent l’inscription de leurs noms dans une liste accompagnant la motion de soutien des élites politiques, forces vives et chefs de communautés de l’Ouest vivant à Douala. Liste publiée dans le journal « Cameroon Tribune » du 06 août 2010.

Nous sommes là en plein dans un cas pratique de l’utilisation de la liste pour soutenir l’action politique. Françoise Foning est présidente de la section RDPC de Douala 5e et Maire de la même ville. Pour être totalement en phase avec la saison des motions et ne pas être accusée de tiédeur politique, elle a invité les élites politiques et les forces vives de l’Ouest dont il est originaire. Mais elle aussi invité des journalistes pour donner ensuite l’écho de la manifestation dans leurs différents médias. Comme d’habitude, une liste a circulé et tout le monde y a mis le nom, y compris les journalistes. Si l’on en croit Aristide Nguekam, les journalistes auraient signé en pensant à l’autre liste, la liste d’émargement qui ouvre droit à rétribution : « Ils exigent souvent qu’on le fasse (que nous mettions nos noms sur le liste) mais c’est exclusivement pour compenser nos frais de transport », se lamente le journaliste.

Il se trouve qu’après le départ des journalistes qui, certainement, ont été plutôt bien traités, les organisateurs ont eu envie d’allonger leur liste, question d’impressionner peut-être au niveau du pouvoir et d’assurer sa fidélité . Ils se sont alors servi les noms de tous les journalistes originaires de l’Ouest ayant pris part à la manifestation, qu’ils aient pris part en tant que participants ou journalistes. C’est ainsi que d’autres journalistes en dehors de trois protestataires ont eu leurs noms dans cette même liste et s’en sont accommodé. Tout est fonction des objectifs qu’on se fixe dans la vie.

Un voyage dans l’historiographie récente des listes au Cameroun, nous renseigne que le Cameroun a connu au moins trois listes célèbres qui ont fait des vagues au sein de la société camerounaise :

La liste des « neuf de Bépanda ». Une sombre affaire qui était partie de la plainte d’une jeune fille accusant certains jeunes du quartier Bépanda à Douala, d’avoir volé sa bouteille de gaz. D’après la presse de l’époque, qui a largement publié une liste de neuf personnes, ces dernières auraient été arrêtées à la suite de l’enquête et aurait tout simplement disparu. Selon les organisations de défense des droits de l’Homme, ces personnes auraient sans doute été exécutées par les soins du commandement opérationnel, une unité d’élite créée par le gouvernement pour combattre le grand banditisme à Douala et sa région. Une affaire qui a ensuite pris une dimension internationale et a fini paradoxalement par faire le bonheur de plus d’une personne.

Il y a eu la ou plutôt les listes des enseignants d’universités appelant à soutenir le président Paul Biya après sa réélection de 2004. C’est une liste qui a connu des vagues au sens propre du terme. A sa sortie, il y eut un petit nombre d’enseignants qui trouva la force de dénoncer la manœuvre. Pour cela, ils développaient un argumentaire tout à fait respectable, rappelant qu’un enseignant d’université est un intellectuel qui doit se tenir éloigné de la politique surtout partisane. Mais en face, d’autres enseignants pour la plupart des responsables, qui n’avaient pas été associé à la confection de la première liste, faisaient des coudes pour voir leurs noms figurer dans la seconde liste… de rattrapage. Depuis, l’affaire de la liste – qui avait quand même secoué la classe politique à l’époque – s’est tassée. Et ses principaux initiateurs, promus à des postes de responsabilité parfois juteux, cueillent tranquillement les fruits de leur « courage » politique.

Il y a eu en 2006 les listes des présumés homosexuels qui ont créées de l’émoi dans l’opinion et ont fait les choux gras de la presse à sensation. Le drame venait de ce que la société camerounaise tient encore en horreur les pratiques homosexuelles d’ailleurs réprimées par le code pénal, mais surtout parce que, ce qu’ils considèrent comme une déviance serait devenu paradoxalement un des éléments majeurs de la reproduction politique. Et le fait que ces listes aient été truffées des noms des membres de gouvernement en fonction venait presque corroborer l’imaginaire construit d’une connivence dangereuse entre les pratiques homosexuelles et l’ascension sociale et politique. En tout cas, ce marqueur sexuel, qui consacrait du même coup la sexualisation du politique et la politisation du sexe au Cameroun, aura été pour beaucoup dans la distance qui s’est créée entre les populations et la classe politique et spécifiquement le pouvoir. Ce que confirme d’ailleurs Pommerolle lorsqu’elle affirme que les listes ainsi que la rumeur qui les accompagnait « conférait au personnel politique des pratiques contraires aux bonnes mœurs sociales, le mettait à distance et marquait ainsi le refus populaire de côtoyer ce pouvoir ».

La démocrature des listes
Mais Il y a deux types listes qui nous intéresseront particulièrement dans cette réflexion. Ceci, en raison de l’importance croissante dans la pratique politique au Cameroun. En effet, sans en donner l’air, la conception d’un certain nombre de listes, est devenue un élément presque structurant du champ politique et social camerounais. Au point qu’on parlerait facilement de la démocratie des listes. Il s’agit de la liste des contributions et de la liste accompagnant la motion de soutien et de déférence au président de la République ou au président nationale du parti RDPC.

Nous chercherons à comprendre pourquoi ces deux types de listes particulières sont devenus des ressorts majeurs qui structurent les logiques politiques des acteurs et comment ils les intègrent dans leurs stratégies politiques au quotidien en essayant de les capitaliser au maximum. Nous verrons enfin quel impact, ces comportements politiques plutôt originaux, ont dans la marche de la démocratie camerounaise.

La liste des contributions est celle qu’on rédige après une réunion politique et qui récapitule les contributions des membres du parti en vue d’une action future. Ces listes sont tenues aussi par le Trésorier du parti chez qui les âmes généreuses viennent subvenir au besoin financier de la formation politique. Il peut aussi s’agir d’une liste de contributions au niveau communautaire. Ainsi, un chef supérieur – pour des régions où cela signifie encore quelque chose – peut lancer des appels à contribution à l’attention de ses sujets en vue de la construction d’un ouvrage communautaire par exemple.

Dans le landerneau politique camerounais, cette liste est un élément capital pour qui veut entreprendre avec succès une carrière politique. Pour cela, il faut régulièrement y faire figurer son nom et avec des montants d’argent conséquents. Au siège du parti, la prise en compte de ces listes de contribution est souvent déterminante dans le positionnement politique des récipiendaires. C’est l’épaisseur de la contribution qui oblige souvent les hiérarques du parti à s’intéresser à une personne et à l’adouber ensuite. C’est vrai que dans toutes les démocraties, les partis politiques ont des contributeurs parfois occultes. Le problème au Cameroun vient de ce que le lien trop étroit entre la contribution et la volonté du contributeur de rentabiliser personnellement son investissement introduit une sorte de hiatus qui fait de la contribution l’unique à valoir du contributeur.

Bien se comporter dans la liste
Ailleurs, on entre en politique et on réussit en politique en faisant jouer d’autres arguments que l’argument financier qui peut parfois n’être qu’un adjuvent. Par exemple en se faisant remarquer de façon positive par une participation lumineuse aux débats citoyens. Ce qui contribue à l’animation de l’espace public et peut-être à la civilisation des mœurs politiques. On peut le faire aussi par une participation éclatante à un meeting politique comme ce fut le cas de Barack Obama en juillet 2004 lors de la convention du parti démocrate de Boston où le jeune afro-américain encore inconnu, avait marqué d’une pierre, disons noire, sa progression vers la Maison Blanche. On se souvient aussi du cas de Nicolas Sarkozy lorsque, jeune militant de l’UDR aux cheveux encore longs, il participa au grand congrès de ce parti tenu en juin 1975 à Nice. C’est au cours de ce congrès et surtout grâce à un discours dans lequel il affirma « qu’être jeune gaulliste c’est être révolutionnaire », qu’il se fit remarquer d’abord par Charles Pasqua et ensuite par Jacques Chirac. Une fois de plus c’est son éloquence au cours de ce meeting, comme celle d’Obama à Boston, presque 30 ans après qui a permis de faire son entrée en politique. Aujourd’hui, ces deux jeunes d’hier sont respectivement président des Etats-Unis et de la France.

Au Cameroun on entre en politique par la liste et surtout par sa bonne tenue au sein des listes de contribution. C’est dans la liste que tout se joue. Celui qui n’a pas compris cela et tente d’utiliser d’autres moyens pour y accéder l’apprend souvent à ses dépens. C’est parfois un gros piège dans lequel ceux des politiciens qui viennent de la diaspora et qui ont l’habitude des joutes politiques et de la grandiloquence du propos se trouvent souvent pris .

Il y a au Cameroun même le cas du jeune Charles Atéba Eyéné, écrivain prolixe, homme politique courageux et grand débatteur. On peut l’aimer ou ne pas l’aimer, mais apprécier la façon par laquelle il s’inscrit dans l’espace public camerounais et tente de faire bouger ses frontières. Sauf que ce dynamisme là puisqu’il ne s’inscrit pas dans la logique des listes, gène particulièrement certaines personnes au sein même de son parti le RDPC. Il avoue avoir été obligé de déserter le siège du parti au pouvoir où il occupe quand même le poste de délégué à la presse et à la communication de l’organe des jeunes du RDPC parce que justement il y était isolé, pris, qu’il est aussi, dans la lutte des hiérarques qui jouent des listes pour exister.

Au niveau des communautés, les listes de contribution constituent plutôt un élément déstructurant de la cohésion sociale. Et pourtant, copiant les travers des politiques, les tenants de cet ordre, à savoir les chefs traditionnels, ont eux aussi pris l’habitude de structurer leur société uniquement à partir des listes de contribution. C’est sa bonne tenue dans ces listes qui permet à une élite d’engranger les titres de notabilité qui sont l’équivalent traditionnel de tous les titres administratifs pour lesquels courent ces mêmes élites. Lorsqu’un chef traditionnel scrute une liste, son attention est en général attirée par le nom devant lequel s’affiche le plus grand montant de contribution. Tout de suite il cherche le rapprochement avec cet individu et lui propose des titres sans se préoccuper de sa capacité à avoir un comportement éthique, sa capacité à rassembler la communauté, la dimension de sa générosité.

La conséquence de cette situation est que le chef, qui s’est laissé ainsi entraîné dans la politique des listes, se trouve ipso facto coupé de son peuple qui, tant bien que mal, continue quand même à s’arc bouter sur des valeurs sur lesquelles la société a toujours fondé la promotion sociale. Conséquence aussi, des titres de notabilité, distribués à la pelle ont perdu toute valeur aux yeux de la communauté et leurs détenteurs peinent à se faire accepter comme faisant partie de la noblesse.

La liste et la corruption
Lorsqu’on scrute leur mécanisme de plus près, on peut constater que les listes de contribution sont aussi pour beaucoup dans la prolifération de la corruption au Cameroun. Une des innovations que le régime du renouveau aura apportées à la pratique politique au Cameroun, est son ouverture aux fonctionnaires, aux hommes d’affaires et à toutes les personnes qui se sentent la capacité d’inscrire un gros montant devant leur nom dans une liste de contribution.

La corruption vient de ce que le fonctionnaire qui veut faire de la politique se retrouve en concurrence dans la liste des contributions avec des hommes d’affaires, généralement des feymen, une espèce d’escrocs des temps modernes. Les feymen ont l’habitude de mettre la barre très haute dans l’échelle des contributions, c’est le seul argument dont ils disposent. Du coup, la concurrence politique qui devrait avoir lieu dans les échanges au sein de l’espace public, a été ramené au sein des listes où, sans mot dire, on peut tout à fait damer le pion à ses adversaires. Dans ce contexte marqué par la prédominance des gens sans foi ni loi, et où le langage, à la limite de la trivialité vole parfois très bas, on entend souvent dire : « si tu n’as pas ton nom dans la bonne liste, tu es un homme mort ».

Pour faire face à la concurrence, le fonctionnaire, dont les seuls revenus ne lui permettront jamais de renverser la vapeur, se voit obligé de plonger la main dans les caisses de l’Etat. Et puisqu’il le fait pour la bonne cause, celle qui contribue à maintenir le parti au pouvoir en place, dans un premier temps, il n’avait jamais été inquiété. Il s’était même trouvé en train de faire équipe avec le feyman pour se servir les deniers publics. En quelque temps, des fonctionnaires, qui étaient tenus en dehors de la pratique politique sous le régime d’Ahidjo, sont devenus des entrepreneurs politiques parfaitement rationnels. On a ainsi vu des fonctionnaires, gagnant à peine 200 000 F CFA (300 euros), miser jusqu’à deux millions de francs CFA (3000 euros) dans une liste de contribution, question de se faire remarquer au sommet du parti. Sauf que pour le faire, il doit accéder à une autre planète : celle des corrupteurs et des corrompus.

La liste accompagnant la motion de soutien et de déférence au président de la République et au président national du RDPC est l’une des plus cotée au Cameroun aujourd’hui. Il s’agit pour les populations, de se réunir par affinité tribale, confessionnelle, professionnelle, amicale, confraternelle et autres, pour adresser une motion de soutien au président de la République ou au président national du parti au pouvoir qui sont pour le cas du Cameroun une et même personne. Ces motions viennent souvent lorsque le chef de l’Etat est l’objet des attaques. Elles ont alors d’après leurs initiateurs, pour but de lui marquer leur soutien et lui signifier qu’il n’est pas seul dans l’adversité. Elles émanent aussi très souvent des militants du RDPC qui ont institué une motion de soutien au président national en conclusion de tous leurs meetings. Parfois aussi, les étudiants qui ont bénéficié de la magnanimité du chef de l’Etat à travers l’attribution de bourses spéciales sont aussi à l’origine des motions de soutien.

Paul Biya n’est pas dupe !
Le phénomène des motions de soutien est élément si massif au Cameroun aujourd’hui que le pouvoir, pourtant principal bénéficiaire peine à le canaliser et à lui donner sens pour se campagnes futures. Sur inspiration du secrétariat général de la Présidence de la République du Cameroun, la société d’édition et de presse du Cameroun, SOPECAM, qui édite le quotidien national « Cameroon Tribune », a déjà édité deux volumes des motions de soutien au chef de l’Etat sous le titre de « l’appel du peuple ». Mais au rythme où les motions de soutien pleuvent en cette veille de l’élection présidentielle de 2011, on a l’impression qu’au sein du pouvoir, on paierait cher pour voir mettre de l’ordre dans tout çà. Et si le pouvoir a cette attitude là au lieu de s’en contenter, c’est parce qu’il n’est pas dupe.

Au sein du pouvoir, et d’ailleurs Paul Biya lui-même sait que ceux qui inondent le quotidien gouvernemental de motion de soutien, soutiennent plutôt la réalisation d’un pronostic de leur réussite personnelle qu’il ont fait, des paris qu’ils ont misé sur la réélection de Paul Biya, laquelle réélection leur permettra de conserver les privilèges ou d’accéder à la mangeoire. Ils agissent en faisant triompher cette magnifique formule de Félix Cyriaque Ebole bola : « près de l’Eglise, loin de Dieu ».

Mais ce qui est intéressant, c’est la liste qui accompagne la motion de soutien elle-même et qui est publiée en même temps qu’elle dans le quotidien gouvernemental « Cameroon tribune ». Pour ses concepteurs, cette liste doit impressionner par sa longueur et ensuite par la qualité des personnes qui y figurent. Pour des besoins de la conception de la liste, certaines élites, pourtant en guerre ouverte pour le positionnement, arrivent parfois à taire leurs querelles. Dans la liste, il y a d’abord les initiateurs qui sont parfois seuls à connaître des objectifs bien précis qu’ils assignent à la liste. Ce sont des élites agissant en entrepreneurs politiques rationnels qui ont foi de devoir rentabiliser l’investissement politique engagé. Et comme la politique, à la différence des affaires au sens pur du terme, nécessite la participation populaire, ils cooptent, parfois à coups de corruption ou de chantage, d’autres personnes, en général des cadres qui aspirent à des nominations, pour allonger la liste. Et si la chose n’est pas bien conduite, cela peut aboutir à des éclats de voix.

Ainsi va donc la démocratie des listes. Tout se joue dans les listes. Si jamais votre nom apparaît dans une liste accompagnant un mémorandum hostile au gouvernement alors que vous êtes pro gouvernemental, fendez-vous d’un communiqué dans le quotidien gouvernemental faisant savoir que vous n’appartenez ni de près ni de loin à ce groupe, ni ne partagez les idées des promoteurs. Si par contre, votre nom est absent de la liste accompagnant la motion de soutien des élites de votre localité. Sachez que c’est un coup monté par vos adversaires et faites un communiqué pour vous faire rétablir dans vos droits.



Etienne de Tayo


Promoteur « Afrique Intègre »


www.edetayo.blogspot.com










mardi 26 octobre 2010

Où VA LA COTE D'IVOIRE?

Le 31 octobre prochain se tient en Côte d’Ivoire une élection présidentielle cruciale pour l’avenir de ce pays, poumon de l’Afrique de l’Ouest. Cette élection, plusieurs fois reportée, s’annonce plutôt sous de bons auspices et finit par déjouer tous les pronostics de ceux qui croyaient la Côte d’Ivoire frappée de quelque malédiction. La campagne électorale ouverte le 15 octobre dernier voit 14 candidats sur le starting block. Le représentant du secrétaire général des Nations Unies parle « d’un bon début de campagne électorale qui se déroule dans le calme et la sérénité ».

http://www.triparvisor.fr/
Cette élection ivoirienne recouvre un enjeu à la fois sous régional, africain et même mondial. Et pour cause, la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial du cacao, matière première essentielle à la base de la fabrication du chocolat. « Si les élections se passent mal, vous paierez un peu plus cher votre chocolat », prévient le professeur Malick Ndiaye lors d’une conférence à Paris.

Au lendemain du 31 octobre prochain, la Côte d’Ivoire saura si oui ou non elle est définitivement sortie de la crise dans laquelle l’a plongée le coup d’Etat du 19 septembre 2002 qui a vu une tentative de partition du pays : « on verrait bientôt la fin du Western. Est-ce le jeune homme qui va triompher des bandits ou ce sont ces derniers qui vont l’emporter », s’interroge Malick Ndiaye, un rien sibyllin.

C’est vrai, aujourd’hui, le désir du peuple ivoirien de confondre ceux qui ont conduit la déstabilisation de leur pays, est plutôt grand. Ce désir, on le relève souvent dans les refrains des chansons à succès : « la guerre, on est fatigué ». Demain sans doute, la Côte d’Ivoire retrouvera une paix durable après une sortie de crise honorable. Et l’histoire retiendra qu’un homme, Laurent Koudou Gbagbo, aura pesé de tout son poids afin que cela soit.

Jeune enseignant, Laurent Gbagbo s’est longuement opposé, parfois au péril de sa vie, au « concierge » de l’immeuble Côte d’Ivoire qu’était Félix Houphouët Boigny. Mais, historien de son état et fils d’ancien combattant, Gbagbo a aussi compris qu’il doit résister au détenteur du titre foncier de cet immeuble, la France en l’occurrence. Sinon, même après avoir franchi l’obstacle Houphouët, il se trouvera confronté à un autre obstacle encore plus redoutable : la Françafrique.

En s’opposant à une certaine France de manière parfois violente, une fois aux affaires, le président Laurent Gbagbo a montré qu’il appréhende parfaitement les deux dimensions qui caractérisent le combat de tout Africain issu d’un pays anciennement colonisé : la dimension interne dirigée contre le concierge et la dimension extérieure devant conduire au démantèlement du vaste complot international conduit parfois par ce qu’on qualifie de communauté internationale. Sans l’intégration de cette double dimension, l’opposant africain n’est souvent qu’une marionnette, jouant des partitions écrites par des « maîtres » dissimulés.

En refusant de se plier au diktat de l’administration Chirac au plus fort de la crise en Côte d’ivoire, notamment en repoussant les accords dit de Marcoussis, sans que pour autant le ciel lui tombe sur la tête, le président Laurent Gbagbo a fait un apport psychologique déterminant aux autres chefs d’Etat africains qui peuvent désormais s’adresser à la France, non point comme un élève parle à son maître, mais comme représentants d’Etats souverains, en la mettant devant ses responsabilités. L’audace de Laurent Gbagbo a apporté à l’Afrique de quoi faire reculer la Françafrique et toutes les autres perversions diplomatiques.

L’intérêt supérieur de la Côte d’Ivoire

Ce que le président Gbagbo a subi en 8 ans de trouble en Côte d’Ivoire est insupportable d’un point de vue politique et même humain. Etre président de la république et se voir traiter d’égal à égal avec des rebelles qui ont pris des armes contre les institutions républicaines. Etre chef d’Etat et voir une partie de son pays lui échapper pour se retrouver entre les mains des groupes qui y organisent un pillage systématique de ses ressources. Avoir une armée nationale et se voir imposer un embargo sur les armes alors même que les rebelles sont puissamment armés. Par-dessus tout, Gbagbo a affronté un mépris parfois grossier des autorités françaises et de la communauté internationale qui n’ont même pas mis un voile sur leur volonté de leur débarquer.

Et pourtant, puisant au fonds de lui-même, cette humilité qui est aussi et surtout une valeur africaine, et certainement, mettant la paix en Côte d’Ivoire au dessus de toutes les autres considérations, Laurent Gbagbo a tout accepté, même de partager le pouvoir avec ceux qui avaient pris les armes contre lui et qui aujourd’hui, organisent le dépeçage de la Côte d’Ivoire après avoir tenté de la diviser. Pendant la crise ivoirienne, Laurent Gbagbo a posé un certain nombre d’actes politiques sur lesquels il convient de revenir pour mieux appréhender et apprécier son positionnement dans le jeu des acteurs de la scène politique ivoirienne.

En repoussant les accords dit de Marcoussis, Laurent Gbagbo a offert une chance à une solution africano-africaine au conflit ivoirien. Ce faisant, il a donné un contenu et un sens à la quête et à la conquête de la vraie souveraineté qui devrait habiter tout dirigeant africain. Il a rendu concrète, la volonté selon laquelle, les problèmes africains doivent être résolus par des Africains. Depuis, le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, a pris en main le dossier ivoirien qui pourrait, avec les élections du 31 octobre, connaître une fin heureuse.

En refusant d’engager les troupes de son pays et de se prêter au jeu de la France en participant au défilé des troupes africaines sur les Champs Elysées le 14 juillet 2010, le président Gbagbo s’est une fois de plus mis du bon coté de l’histoire. Il eût été d’ailleurs assez surprenant et regrettable qu’un pays qui se voit aujourd’hui privé d’un des éléments majeurs de la protection de la souveraineté nationale, à savoir l’armée, du fait de la France et de la communauté internationale, accepte de participer à l’exposition des Champs Elysées. Laurent Gbagbo a invité le France à réparer le différend qui les oppose.

Au plan de la politique intérieure, le président Gbagbo est devenu le plus modéré de son camp et finalement le modérateur de la scène politique en général. Il n’y a qu’à relever ses visites de travail à ses principaux rivaux que sont Alassane Dramane Ouattara et Henri Konan Bedié, pour comprendre la volonté du président sortant de se mettre au dessus du lot pour sauver la maison Côte d’ivoire.

En confiant l’organisation des élections au premier ministre Guillaume Soro, l’ancien secrétaire général des forces nouvelles et en nommant à la commission électorale indépendante (CEI), Youssouf Bakayoko, un militant du parti démocratique de côte d’ivoire de Henri Konan Bedié, le président Gbagbo montre aux yeux des observateurs, un certain détachement par rapport à une certaine volonté des dirigeants africains à la conservation du pouvoir par tous les moyens.

Le 31 octobre, le scrutin opposera en fait 3 candidats avec 11 autres candidats animant le décor. Au bout du compte on pourrait d’ailleurs parler de deux camps : le Front patriotique ivoirien de Laurent Gbagbo et ses patriotes contre le Front houphouëtistes formé par le parti démocratique de Côte d’Ivoire et le Rassemblement des républicains d’Allasane Dramane Ouattara. Il sera surtout question, soit de consolider la libération de la Côte d’ivoire qui a été amorcée par Laurent Gbagbo ou alors remettre les compteurs à zéro par rapport à la souveraineté de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique en général. On espère que les électeurs, au-delà de toutes les contingences électorales, verront bien le sens du vent qui souffle et doit souffler sur l’Afrique.



Etienne de Tayo

Promoteur « Afrique Intègre »

www.edetayo.blogspot.com



ENTRETIEN

Pour décrypter la situation en Côte d’Ivoire et envisager l’avenir de l’Eléphant d’Afrique, nous avons rencontré le professeur Malick Ndiaye, sociologue, enseignant à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Suivons son éclairage.

« Ce vote ne peut être morale, acceptable pour la morale universelle que s’il revêt un coté référendaire »


En tant qu’observateur, comment envisagez-vous la sortie de crise en Côte d’Ivoire à travers l’élection présidentielle du 31 octobre ?

Pr Malick Ndiaye : La trame de la crise ivoirienne est constituée par l’émergence en face de l’Etat légal et légitime, d’une force armée qui par le jeu de la communauté internationale est devenu un Etat dans la pure tradition sociologique édictée par Max Weber. A savoir que l’Etat constitue le monopole de la violence légitime à partir du moment où on lève les impôts, qu’on crée une administration avec des comzone ou des gouverneurs, à partir du moment où on érige une économie plus ou moins informelle et qu’il y a des transactions sur les produits vivriers ou de rente. A partir de cet instant, il s’érige, quelqu’en soit la définition, un pouvoir de fait qui est devenu un pouvoir de droit.

Dès ce moment là, le pronostic concernant la Côte d’Ivoire a un caractère alternatif : ou bien l’Etat légal et légitime dirigé par Gbagbo, au-delà des élections calamiteuses – qui n’en a pas en Afrique – soit rétabli dans ses fonctions avec l’aide morale, matérielle de la communauté internationale ou bien, les mêmes causes produisant les mêmes effets, les forces qui ont aidé le second Etat à se mettre en place, vont cristalliser à l’issue de ces élections et instrumentaliser les enjeux véritables qui ne sont pas le choix des ivoiriens entre 14 candidats. Pour moi, les élections ce n’est pas une affaires des 14 candidats mais c’est la réponse à la question suivante : est ce que c’est la guerre qui a amené la crise ou bien c’est la crise qui a amené la guerre ?

N’avez-vous pas l’impression que la communauté internationale accompagne plutôt la partition de la Côte d’Ivoire, et même l’utilise comme chantage à l’endroit du pouvoir en place ?

Pr Malick Ndiaye : Dans un livre à paraître que je rédige avec d’autres confrères africains depuis plus de deux ans, nous avons défini un corpus et élaboré des textes qui vont paraître. Nous ne voulions pas gêner le processus électoral mais ces textes là précisent bien une dualité du pouvoir en Côte d’Ivoire vis-à-vis de laquelle la communauté internationale n’a pas répondu aux attentes : comment peut-on mettre sur le même pied d’égalité un Etat envahi par des corps expéditionnaires bien identifiés et ceux qui ont organisé cette déstabilisation sont reçus partout avec des honneurs dus à des chefs d’Etat.

A ce moment là c’est la morale universelle qui a été bafouée. Dès lors, il est indécent de considérer que cette élection ivoirienne a pour but de désigner le président de la République. Pour moi, l’enjeu réel de l’élection c’est de savoir si oui ou non la légalité ivoirienne va être confirmée ou dénigrée.

Sans tomber dans les travers de la théorie du complot, plusieurs personnes font observer le cas de la déstabilisation de la République démocratique du Congo dans l’unique but de piller ses ressources du sous sol. Avez-vous l’impression que c’est le même schéma qui se met en place en Côte d’Ivoire. Si oui, à qui profite le crime ?

Pr Malick Ndiaye : La grande innovation stratégique du Congo qui est passée dans les annales depuis l’intervention des différentes forces des Nations Unies dans la crise des années 61, 62, c’est que aujourd’hui, c’est que nous sommes tenté de faire la comparaison entre les deux situations. C’est facile de parler de Lumumba parce que la haute figure de Lumumba dominait l’Afrique nouvelle.

Il y a une relation avec une crise qui continue de perdurer au Congo, notamment à l’Est du Congo. Nous avons vu comment des pays comme le Rwanda sont devenus exportateurs d’un certain nombre de ressources dont ils ne sont pas producteurs. Au nord de la Côte d’Ivoire, nous avons un certain pays qui, par le jeu de l’informel qui s’est installé dans la région, est devenu un exportateur de cacao.

Dans ces conditions là, il y a une analogie vers laquelle, la pensée pousse tout élément qui réfléchi à aller. C’est vrai, comparaison n’est pas raison mais pouvons-nous refuser l’hypothèse à vérifier que la communauté internationale ou une partie de celle-ci est en train d’accompagner le processus de partition de la Côte d’ivoire en utilisant les élections comme faire valoir pour qu’on voit au grand jour que ce que la rébellion armée n’a pas pu faire, que les circonstances électorales vont enfin permettre.

Alors, à qui profite le crime ?

Pr Malick Ndiaye : En tout cas, il ne profitera pas à l’Afrique. Parce que les pays qui dépendent de la Côte d’Ivoire pour l’approvisionnement, ces pays là attendent de la Côte d’Ivoire nouvelle que la croissance y continue et que les circonstance apaisée s’y installe afin que l’Eléphant d’Afrique puisse donner le message de paix que nous attendons de cette Côte d’ivoire fraternelle, cosmopolite qui est en train de surmonter les écueils du racisme, du régionalisme, des différences d’ethnies et autres au profit de la construction de l’identité nouvelle que tout le monde attend, c'est-à-dire, une Côte d’ivoire ivoirienne dans une Afrique nouvelle.

Si vous aviez des pronostics par rapport à l’élection qui arrive, le profil de celui qui peut gagner et dont la victoire ferait du bien à la Côte d’ivoire ?

Pr Malick Ndiaye : Ce vote ne peut être morale, acceptable pour la morale universelle que s’il revêt un coté référendaire. A savoir qOùue la mémoire historique de la Côte d’Ivoire, battue en brèche par des corps expéditionnaires, faut-il oui ou non rétablir cette mémoire, cette légalité, au quel cas, la force restera à la loi et à la République ou alors, va-t-on favoriser l’émergence en Côte d’ivoire des contre modèle et des contre valeurs, signifiant que finalement en Afrique, on peut parfaitement chercher à prendre le pouvoir par tous les moyens y compris les armes avec l’aval d’une communauté internationale qui aujourd’hui a de la peine à expliquer pourquoi l’Etat légal a été désarmé face à l’envahissement de son territoire par des corps expéditionnaires dont on sait d’où ils viennent.

Propos recueillis à paris par : Etienne de Tayo

mardi 19 octobre 2010

Grèves : Quand l'arrogance du pouvoir et l'impatience de l'opposition prennent la France en Otage

Depuis 3 semaines, la France est prise dans une spirale de grèves à répétitions, suite à la volonté du gouvernement de faire voter la loi sur la réforme des retraites. Chaque soir des manifestations, gouvernement et syndicats avec l’opposition en embuscade, l’opinion publique tribunalisée et l’élection présidentielle de 2012 en ligne de mire, font un décompte du nombre de manifestants pour voir celui qui a gagné.


Source : Le Parisien du 17 octobre 2010

Le soir du lundi 18 octobre 2010, le conseiller social du président avance le chiffre de 825 000 manifestants et « crie presque victoire en pensant que le souffle de mobilisation est en train de tomber », d’après le Parisien. Cependant que les syndicats revendiquent 3 millions de manifestants. En fait chacun voit midi à sa porte. Le soir du mardi 19 octobre, la même surenchère continue dans la comptabilité des manifestants. 3,5 millions selon les syndicats et 1,1 million d’après les chiffres du ministère de l’intérieur. Chaque jour néanmoins, la grève gagne en violence et on parle déjà de blocage du pays.

Jouant la montre à fond, le gouvernement ne compte rien céder et sombre même parfois dans ce que l’opposition qualifie d’arrogance : « plus qu’une semaine à tenir avant les vacances », annonce-t-on du coté de l’Elysée. De son coté, l’opposition trépigne et voudrait user de tous les moyens – y compris l’utilisation des lycéens comme bouclier dans les manifestations - pour capitaliser l’anti sarkozisme ambiant afin de lui ravir son trône à Nicolas en 2012. Le comportement des principaux acteurs politiques français aujourd’hui recèle un certain nombre de tares et est caractéristique de ce que le philosophe Cornelius Castoriadis qualifie d’insignifiance : « ce ne sont pas des politiques, mais des politiciens au sens de micropoliticiens. Ils n’ont aucun programme. Leur but est de rester au pouvoir ou de revenir au pouvoir, et pour cela, ils sont capables de tout », s’indigne Castoriadis. Pendant ce temps, la France court tranquillement vers l’asphyxie.

Comme c’est souvent le cas, déclencher un mouvement de grève, c’est parfois mettre le doigt dans un engrenage, sans assurance d’en maîtriser tous les effets. Les syndicats ont appelé les Français à manifester pour amener le gouvernement à retirer son projet ou du moins à y apporter des amendements substantiels. Mais le plus gros danger qui guette la France aujourd’hui et, qui a pour nom la pénurie d’essence, a toute une autre origine située bien loin de la réforme des retraites : « huit cent stations d’essence à sec », annonce le Parisien alors que toujours ce journal, « les compagnies aériennes vont faire le plein en Suisse ou en Libye ». Des rangs s’allongent à la pompe même si ce n’est pas encore la grande panique.

L’effet papillon

Il s’agissait à l’origine, « du refus de la CGT du port de Marseille et des terminaux pétroliers de Fos d’appliquer la loi visant à mettre la France en phase avec la concurrence internationale ». Mais l’antisarkozisme aid ant, la réforme des retraites peut devenir un bon prétexte pour fédérer les mécontentements et faire descendre le maximum de Français dans la rue dans l’optique d’obliger le gouvernement à reculer. Car, il faut se le dire, très peu de manifestants dans les cortèges peuvent soutenir une discussion sur la réforme des retraites, trop alambiquées, mais ils ont tous en commun cette dent qu’ils gardent contre Nicolas Sarkozy, auteur de plusieurs autres réformes qui troublent leur tranquillité et bouscule l’exception française. On en veut pour preuve le sens des slogans scandés pendant les manifestations et qui brocardent systématiquement le président de la République : « Sarko = Louis XVI, qu’on lui coupe la tête » ; « Sarkozy abat les retraites, il doit battre en retraite » ; « Quel rabot dans les niches pour le nabot des riches ».

On ne saura jamais si l’attitude du gouvernement est une conséquence du manque de considération que la presse et les Français en général mettent dans le traitement de l’institution présidentielle ou en est-elle plutôt la conséquence. En tout cas, Nicolas Sarkozy et les siens ne font rien qui aille dans le sens de vouloir redorer leur blason auprès de leurs contempteurs. On a même l’impression qu’ils s’arrangent pour mériter tous les qualificatifs déshonorants que leurs adversaires leur lancent.

C’est d’ailleurs Sarkozy qui le premier a tiré le vocabulaire vers le bas, notamment en tenant ces propos restés célèbres à l’endroit d’une personne qui a refusé de lui serrer la main : « casse-toi pauvre con », lui avait lancé le président de la République. En se comportant comme çà, pensent les observateurs, il abaissait du même coup la fonction présidentielle qu’il incarne. Mais d’autres observateurs y voient non sans admiration, la nature d’un homme entier qui est dans le réel du politique au lieu d’être constamment dans la représentation comme ses prédécesseurs. Toujours est-il que les adversaires de Nicolas Sarkozy ne l’ont pas raté en soutenant qu’il n’aura récolté que ce qu’il aura semé. Un journal, Marianne en l’occurrence, l’a quand même qualifié de « voyou de la République » parce qu’il dit exactement le contraire de ce qu’il pense, d’après Jean François Khan, l’auteur de l’article. Alors qu’un prêtre, au sujet des Roms, disait prier afin que « Nicolas Sarkozy ait une crise cardiaque ». Tout çà est assez violent. Sachant que tout ce qui est excessif est insignifiant et ayant appris chez les Georges Bush et autres Donald Rumsfeld l’art de se faire détester pour mieux rebondir, Nicolas Sarkozy accuse d’abord le coup, joue ensuite la victime mais n’hésite pas à faire dans de la provocation bien maîtrisée. Il lui arrive aussi de donner de violents coups de griffe lorsque sa victime est à sa portée. Certains journalistes s’en souviendront longtemps. Mais ce que d’aucuns qualifient d’arrogance plonge certainement ses racines dans un certain nombre de certitudes.

Arrogance contre impatience

Cette arrogance est celle d’un gouvernement qui, sachant qu’ayant maîtrisé les techniques modernes de manipulation communicationnelle, n’éprouve aucune crainte de voir le contrôle du peuple lui échapper. Lorsqu’on lit « les stratégies et les techniques des maîtres du monde pour la manipulation de l’opinion publique et de la société », extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles » et présenté en 10 point par Sylvain Timsit, on comprend qu’au moins une personne dans l’entourage proche de Nicolas Sarkozy, si ce n’est lui-même, en a fait son livre de chevet. L’anticipation sur un certain nombre de situations fait que l’effet de surprise est presque effacé. Tout se passe comme si au gouvernement ils écrivent et mettent en musique des partitions que se contentent de jouer leurs adversaires. Ils sont seuls à savoir à quel moment elles peuvent s’arrêter.

Cette arrogance est celle d’un gouvernement hyper sécuritaire à la tête duquel trône un super flic, en la personne de Nicolas Sarkozy. Par ses deux passages au ministère de l’Intérieur, il a prouvé qu’il était imbattable sur le thème de la sécurité et la gauche lui rend d’ailleurs un précieux service en l’entrainant sur ce terrain. Ce qui va se passer c’est que, si la manifestation se mue en insurrection avec le blocage du pays comme cela se dessine en faisant bondir de joie l’extrême gauche, Nicolas Sarkozy va durcir son gouvernement. Il va s’entourer des durs et d’hommes à poigne capables de répondre du tic au tac, tels Brice Hortefeux qui pourra à l’occasion hériter de la primature. Il n’hésitera pas à se séparer des collaborateurs tièdes et mous. Et pour le reste, il fera du temps son précieux allié. Surtout quand il sait qu’en face, il a des adversaires particulièrement impatients d’en découdre.

L’impatience est celle d’une opposition qui, portée par les sondages qui lui sont favorables depuis plusieurs mois, n’en peut plus d’être privé du pouvoir suprême. Elle se comporte à deux ans de l’élection présidentielle comme si elle avait déjà entamé la dernière ligne droite menant à l’Elysée. Autant on doit se réjouir de voir dans les manifestations une reprise des mobilisations sociales seules à même de soutenir la démocratie, autant l’opposition doit être assez lucide pour reconnaître qu’elle accompagne, certes en spectateur engagé mais en spectateur quand même, des manifestations dont le maître d’œuvre reste le mouvement syndical. De même, l’impression de racolage qui teinte l’attitude des partis de l’opposition n’est pas de nature à leur assurer une meilleure capitalisation du mécontentement général.

L’impatience est aussi celle d’une opposition qui veut avoir la peau du gouvernement par tous les moyens y compris en encourageant l’engagement des lycéens dans les rues. Un pari très risqué quand on sait que cette opposition surfe sur un fil de rasoir avec pour partenaire un mouvement syndical qui en d’autres circonstance qu’il pouvait être complaisant vis-à-vis du gouvernement dès que celui-ci lui assure un certain nombre de garanties pas toujours transparentes. Au finish, si çà tourne mal ou si le gouvernement parvient à résister et à prendre le dessus, cette épisode permettra plutôt au gouvernement de renforcer le régime sécuritaire et durcir son discours pour capter encore plus l’électorat de l’extrême droite qui en France est plus large que l’on ne laisse croire.

Entre ces deux tares que trainent les deux pôles du champ politique français, le problème des Français est réel et reste entier. Il peut se résumer dans cette question générique : pour un pays qui est réduit à raboter les niches fiscales pour combler le déficit comment continuer à assurer un niveau de vie décent à la population ? Face à cette question la droite et la gauche ont deux approches divergentes.

La gauche a une approche de partage du gâteau national sans se soucier de la constitution de ce gâteau. Elle ne croit pas à l’idée d’une France pauvre et pense plutôt à une mauvaise répartition de la richesse. C’est pourquoi elle propose de taxer la fortune et mettre sur pieds des mécanismes pour mieux rémunérer le travail au détriment du capital.

La droite a une approche de la constitution du gâteau national en vue de son partage. Prenant en compte la volatilité des capitaux aujourd’hui, elle pense qu’il faut leur cirer la patte aux détenteurs des capitaux afin qu’ils investissent en France et augmente ainsi le gâteau à partager. D’où l’idée du bouclier fiscal que condamne la gauche.

Mais l’urgence aujourd’hui est d’éviter à la France une asphyxie qui l’empêcherait elle-même de s’assumer. Et la responsabilité incombe au premier chef aux deux principaux acteurs que sont le pouvoir et l’opposition.



Etienne de Tayo


Promoteur Afrique Intègre


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Les stratégies et les techniques des maîtres du monde pour la manipulation de l’opinion publique et de la société

1 – La stratégie de la diversion

2 – Créer des problèmes puis offrir des solutions

3 – La stratégie du dégradé

4 – La stratégie du différé

5 – S’adresser au public comme à des enfants de bas âge

6 – Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion

7 – Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise

8 – Encourager le public à se complaire dans la médiocrité

9 – Remplacer la révolte par la culpabilité

10 – Connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes






dimanche 10 octobre 2010

C'EST QUOI LE PRIX NOBEL?

Le prix Nobel de la paix 2010 vient d’être attribué à Liu Xiaobo, un dissident chinois condamné récemment à 11 ans de prison pour subversion du pouvoir de l’Etat. La décision du jury d’Oslo, accompagnée des félicitations des principaux dirigeants occidentaux, a bien évidemment provoqué l’ire des autorités chinoises qui y voient une grave ingérence dans leurs affaires intérieures.

Cette affaire et la polémique qui l’entoure, nous amène à nous interroger sérieusement sur l’institution prix Nobel mais surtout sur le sens que veulent prendre les décisions du jury d’Oslo, lesquelles suscitent de plus en plus de la controverse. C’est quoi le prix Nobel ? L’esprit du Nobel a-t-il été dévoyé ? Le Nobel tel que pensé par Alfred avait-il vocation à devenir une arme de propagande géopolitique occidentale et d’assimilation des autres peuples ? Doit-on croire en la sincérité des membres du jury d’Oslo qui disent ne se battre que pour la promotion des droits de l’homme et de la démocratie dans le monde ? Leur combat n’est-il pas à tête chercheuse ?

Le prix Nobel est né de la seule volonté du Suédois Alfred Bernhard Nobel, chimiste, fabricant d’armes et inventeur de la dynamite. A l’échelle de son époque, on pouvait présenter Alfred Nobel comme le concepteur d’une arme de destruction massive. Au soir de sa vie, certainement pour se soulager la conscience du « marchand de la mort » qu’il était, Alfred Nobel a décidé de léguer l’intégralité de sa fortune, estimée à 32 millions de couronnes, pour la création du prix Nobel.

D’après les volontés d’Alfred Nobel, décédé le 10 décembre 1896, « l’institution se chargera de récompenser des personnes qui ont rendu de grands services à l’humanité, permettant l’amélioration ou un progrès considérable dans les domaines des savoirs et de la culture dans les cinq disciplines différentes : paix ou diplomatie, littérature, chimie, physiologie ou médecine, physique ». Et de préciser – détail important - que « la nationalité des savants ne doit jouer aucun rôle dans l’attribution du prix ».

Le premier prix Nobel a été attribué en 1901. Mais si l’unanimité est souvent faite autour des autres prix, force est de reconnaître que le prix Nobel de la paix nourrit la polémique chaque fois que le nom de l’heureux récipiendaire est publié. Ceci provient du fait que le jury d’Oslo, pour des raisons qui restent encore inconnues, a souvent décidé de faire du prix Nobel de la paix une sorte de moyen de pression en direction des régimes qui ne veulent pas se plier au modèle occidental de gouvernement et de gestion de la Cité. Cela passe concrètement par la distinction des dissidents qui, dans leurs pays, passent pour des chantres de la démocratie et des droits de l’homme.

L'ultime provocation

Une posture qui trahit l’esprit même du prix par rapport au rôle que ne doit pas jouer la nationalité du récipiendaire et qui découlerait de l’unique volonté des occidentaux de tailler le monde à leur mesure. C’est dans cette optique qu’il faut comprendre les prix attribués à Tensin Gyatso, le 14e Dalaï Lama en 1989 ; à la Birmane Aung San Suu Kyi en 1991 ; à l’Iranienne Cherine Ebadi en 2003 et aujourd’hui au Chinois Liu Xiaobo. Tous sont en rupture, pour une raison ou pour une autre, avec le système politique en cours dans leurs pays et font la promotion de la démocratie et des droits de l’homme tels que conçu et vulgarisé en Occident.

Ainsi transformé en arme de propagande, que ses détenteurs croient redoutable, le prix Nobel a été mis au service d’une volonté d’occidentalisation du monde par l’imposition, parfois aux forceps, de certaines valeurs chères à l’Occident : la démocratie, les droits de l’homme, le marché, la liberté… Par la seule volonté des occidentaux, détenant des positions de puissance, le modèle occidental, le mode de vie de l’Occident, est devenu le modèle universel par lequel tous les autres peuples doivent passer pour accéder à la vraie civilisation. L’Occident et ses valeurs sont ainsi considérés comme le modèle standard sur lequel il faut aligner toutes les autres cultures. Ainsi, il suffit pour un écrivain parfois médiocre ou à tout autre activiste de dénigrer sa propre culture et/ou encenser la culture occidentale pour se voir attribuer le Nobel ou tout autre prix de même acabit.

Pour ramener le problème à la France par exemple, il suffit de faire l’étude des trajectoires de deux écrivains noirs qui ont marqué leur temps : Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire. Pour avoir été particulièrement complaisant vis-à-vis de la France colonisatrice et de l’Occident en général et, en ridiculisant le nègre, le réduisant à sa dimension émotionnelle, le premier s’est vu couvrir d’innombrables prix et même que les portes de l’académie française lui ont été ouverte. Quant au second, malgré son immense œuvre littéraire et même son action politique, les prix se sont détournés de lui. Ainsi vont les prix.

La vision d’un Occident qui serait la lumière devant briller pour effacer les dernières poches de ténèbres encore présentes dans d’autres contrées du monde, cette vision portée aujourd’hui malheureusement par le jury du prix Nobel, sans doute en parfaite trahison de l’esprit d’Alfred Nobel, est une vision à la fois prétentieuse et mégalomaniaque. Elle est même anachronique et irresponsable si l’on tient compte du niveau des rapports de force aujourd’hui dans le monde.

Le problème est ailleurs

L’affaire Xiaobo remet au goût du jour l’affrontement politico-économique qui oppose depuis quelques années l’Occident et la Chine, présentée comme le chef de file des pays émergents qui menacent le leadership de l’Occident aujourd’hui. Cela coule de source que dans cette affaire, il y a une volonté de déstabilisation du régime chinois et de freiner par la même occasion son essor économique, seul vrai crime pour lequel l’Occident condamne la Chine aujourd’hui. Autrement dit, si la Chine n’était pas devenue la deuxième puissance économique du monde, on pourrait continuer à y violer les droits de l’homme sans que cela émeuvent les pays occidentaux. Il suffit juste de voir ce qui se passe en Afrique par exemple où ces mêmes pays occidentaux, ardents défenseurs des droits de l’homme lorsqu’il s’agit de la Chine, soutiennent des dictatures sanglantes.

Le déclin économique de l’Occident est aujourd’hui un fait avéré et le mal est profond. D’ailleurs, la crise grecque qu’on pourrait aussi qualifier de tragédie grecque est en fait une tragédie occidentale si l’on sait ce que la Grèce représente pour l’Occident. Ce constat, l’éditorialiste des « Enjeux les Echos » le perçoit avec une inégalable lucidité et l’exprime avec clarté et courage : « Il y a trois ans Alan Greenspan découvrait, comme il l’avouera penaud devant le Sénat américain que le monde auquel il accordait foi était bâti sur une erreur intellectuelle : la finance est stable et toujours efficace », soutient Eric le Boucher. L’aveu d’Alan Greenspan, ancien patron de la Fed et considéré comme le gourou des marchés, semble sonner une remise en cause fondamentale du modèle occidental de développement ou du moins, révèle la profondeur de la trahison qu’a subi le capitalisme.

Parallèlement à cette morosité du monde occidental, la montée en puissance de la Chine, dans le domaine économique, n’est pas toujours bien vue dans les milieux occidentaux. En fait, cela montre que la crise est bien le résultat d’une mauvaise gestion, d’une prise de risque irresponsable et non point une malédiction. Comme le soutient Jean Marc Vittori dans « Enjeux les Echos », « la réussite de la Chine constitue pour nos vieilles démocraties le plus grand défi qu’elles ont jamais eu à relever ». Un défi qui est essentiellement économique mais qui pourrait devenir civilisationnel. Mais au lieu de regarder la réalité en face pour y apporter une réponse adéquate en réorganisant leur propre système, les dirigeants occidentaux louvoient et procèdent comme à leur habitude par le dénigrement systématique de l’empire du milieu, présenté comme un enfer du point de vue de la promotion des droits de l’homme. Aussi transportent-ils le problème sur le terrain des droits de l’homme et promettent de civiliser la Chine. Or, en matière des droits de l’homme, tout le monde a quelque chose à apprendre ou à se reprocher. Les Etats Unis, champion toutes catégories pour les libertés, selon la conception occidentale, viennent d’ôter la vie à une femme atteinte de démence.

Pour expliquer leur acharnement contre la Chine, les membres du jury du Nobel soutiennent que l’empire du milieu étant entré dans le cercle des grandes puissances, elle a l’obligation de respecter un certain nombre de codes propres à cette nouvelle classe. Mais cela ne suffit pas pour éloigner le sentiment d’une opération à tête chercheuse, destinée à mettre les bâtons dans les roues d’un concurrent. En Russie par exemple, les journalistes sont souvent emprisonnés et même tués. Mais la Russie ne représentant plus une menace économique pour l’Occident aujourd’hui, le jury d’Oslo ferme les yeux sur ces autres droits de l’homme violés.

Tout chemin mène en Chine

Tout le problème est que, pour réussir son décollage économique, et au contraire du Japon et d’autres petits dragons d’Asie du sud Est, la Chine n’a pas eu besoin des théories et des experts de Wall Street. Puisant sa force dans sa culture séculaire, le pays de Mao Tse Toung et de Deng Xiao Ping a montré que « tout chemin mène en Chine » sans passer par l’occident. Et c’est là tout le désarroi des occidentaux que Jean Marc Vittori exprime en ces termes en les conseillant de mettre un peu d’eau dans leur vin : « Dans les années à venir, les vieilles démocraties devront retrouver leur capacité à faire rimer liberté et efficacité économique, à se lancer à la recherche du temps long perdu. Sinon, les électeurs finiront par se lasser. Ils seront de plus en plus nombreux à se laisser tenter par de nouvelles formes d’autoritarisme que l’on sent prête à fleurir ici et là, par l’idée qu’ils auraient intérêt à abandonner un peu de liberté pour un bon steak ». En d’autres termes, lorsque les usines auront tous fermés en occident pour suivre les bas salaires dans les pays émergents, on aimerait voir les chantres des libertés, mettre un peu de cette liberté à bouillir pour nourrir leurs familles.

Selon toute vraisemblance, la Chine aurait des choses à apprendre au reste de l’humanité et plus encore à l’Occident : « L’action politique et économique des pays industrialisés est soumise au diktat du court terme. Un seul pays échappe à cette course folle : la Chine », nous révèle Jean Marc Vittori. Le secret du « fantastique succès chinois » qu’il verrait dans ce qu’il appelle « le consensus de Pékin », tiendrait dans « sa capacité à s’inscrire dans le temps » : « il n’est pas question de maximiser le taux de croissance du prochain trimestre mais de faire accéder des centaines de millions de personnes à la prospérité en une ou deux générations. Il ne s’agit pas de gagner la prochaine élection mais de perpétuer le pouvoir du parti ». Voilà autant d’avance que la Chine a prise sur ses concurrents occidentaux. Mais au lieu de se mettre à son école, ils procèdent par tacle irrégulier. Seulement, l’occident a-t-il aujourd’hui les moyens de faire plier la Chine ?

Face à la puissance de la Chine qui, avec ses 2500 milliards de dollars des réserves de change est considérée comme la banque du monde, la manœuvre du Nobel est rétrogradée au simple rang de gesticulation sans conséquence un peu comme un cyclone est rétrogradé au rang de vulgaire tempête tropicale. Ce n’est pas parce qu’il reçoit le prix Nobel de la paix ou encore parce que les leaders politiques occidentaux exigent sa libération, que le dissident Liu, présenté par les officiels chinois comme « un criminel ayant transgressé les lois chinoises », pourra recouvrer la liberté. A ce jour, le régime Birman, moins puissant économiquement que la Chine continue de maintenir en détention 20 ans après l’opposante Aung San Suu Kyi, lauréate du Nobel en 1991.

Il y a aussi que pour plusieurs pays occidentaux, contrairement aux apparences, la Chine détient l’arme alimentaire au sens le plus trivial du terme. Elle suscite une concurrence parfois féroce entre les Etats Unis et l’union européenne pour l’obtention des contrats. C’est pourquoi, certains gouvernements ne condamnent la Chine qu’à voix basse et même lorsqu’ils l’ont fait, des émissaires sont rapidement envoyés à Pékin pour arrondir les angles. Tout ceci parce que des gros intérêts sont en jeu. A la même Chine, l’Europe veut vendre ses Airbus, cependant que les Etats-Unis proposent leurs Boeings. Des actions comme celles des membres du Nobel ne visent qu’à contenter des opinions publiques qui sont pour la plupart en retard de plusieurs combats.

Alors, si l’on s’accorde sur le fait que l’arme du Nobel s’avère finalement un pétard mouillé, c’est qu’il existe une autre raison qui pousse néanmoins les dirigeants occidentaux à la soutenir. Cette raison, c’est la volonté de ces dirigeants de défiler systématiquement devant leurs responsabilités par rapport aux défis qui se posent aujourd’hui aux pays occidentaux. Comment des pays surendettés, qui ont atteint la saturation, réduits à raboter les niches fiscales pour combler les déficits et qui ne pourront que difficilement atteindre un taux de croissance supérieur à 5%, comment ces pays parviendront-ils à créer la richesse nécessaire au soutien du pouvoir d’achat d’une population dont le niveau de consommation donne le vertige ? Voilà l’un des défis majeurs dont la posture de vendeur des valeurs de droits de l’homme, de liberté ou tout simplement de civilisation permet au moins de dissimuler sinon de botter en touche. C’est plus facile de taper sur la Chine qui ne respecterait pas les droits de l’homme que d’offrir des emplois décents à son propre peuple. Que le jury du prix Nobel soit rentré dans ce jeu est tout simplement dommage.



Etienne de Tayo

Promoteur « Afrique Intègre »

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jeudi 30 septembre 2010

DECLIN : COMPRENDRE L'EROSION DE L'INFLUENCE FRANCAISE EN AFRIQUE

Bleu-Blanc-rouge et Noir (Source : Le Messager)
« Cinquantenaires : appel au boycott contre la France en Afrique ». Ce titre à la Une du journal camerounais « Le Messager » en dit long sur les difficultés que rencontre la France, aujourd’hui, dans son désir d’étendre son influence sur son précarré africain. L’article est publié en prélude à une manifestation planétaire que se proposent d’organiser, une dizaine d’organisations de la société civile qui forme le collectif afro manif et des amis de l’Afrique. Ces associations comptent manifester devant les ambassades de France dans le monde et l’Assemblée nationale française à Paris. Un front de dénonciation de la politique africaine de la France et plus largement la Françafrique.

Prenant appui et puisant leur force sur le « non » au Général de Gaulle et à la France du leader guinéen Ahmed Sekou Touré, un certain 28 septembre 1958, le collectif réclame le « désengagement renégocié de la France de l’Afrique sous peine de représailles ». Ces représailles pourraient aller jusqu’à l’appel au boycott des produits et services français et leur remplacement par l’offre des pays émergents. Au plan culturel, il serait question dans les pays francophones, de se couper du Français et de la Francophonie au profit de l’Anglais et de la culture anglophone. L’objectif de ces associations est « d’en finir avec la Françafrique et tous les instruments à son service ».

La Françafrique peut être définie comme un ensemble de réseaux plus ou moins occultes qui ont servi et servent encore à la France de soumettre ses anciennes colonies et maintenir ainsi le régime colonial. L’imagerie populaire lui attribue un certain nombre d’actions ayant conduit à la déstabilisation des régimes et au pillage des richesses de l’Afrique.

Le 24 juin 2010 s’est tenu à l’Assemblée nationale française un colloque organisé par l’institut français des relations internationales (IFRI). Le thème : « la francophonie en Afrique : quel avenir ? », appelait à réfléchir sur l’influence de la France en Afrique au travers de sa langue. Il est ressorti des débats que la langue française est en net recul en Afrique. Et l’un des conférenciers, Michel Guillou de s’interroger : « Dans 50 ans, qui parlera encore le Français en Afrique ? ». Il y a en plus ce que le directeur Afrique et océan indien au ministère français des affaires étrangères a qualifié d’une « approche politique renouvelée et diversifiée de l’Afrique ». Une approche qui parce qu’elle privilégie la diversification des relations franco-africaine, semble avoir tourné le dos au régime du précarré. Ce qui, semble t-il, a mis à mal les réseaux françafricains.

Mais quel qu’en soit la puissance qu’on lui attribue, la Françafrique reste une nébuleuse, un vrai serpent de mer dont l’état de santé est aujourd’hui sujet à caution. Nous essayerons de comprendre dans cette réflexion, quel aura été sa part de responsabilité dans l’érosion constatée de l’influence française en Afrique aujourd’hui.

La lente agonie de la Françafrique

N'allez surtout pas le dire à l'ancien secrétaire d'Etat français chargé de la coopération et de la Francophonie, Jean Marie Bockel que la Françafrique est agonisante. Il ne vous croira pas. Lui qui porte encore la cicatrice d'une morsure (1) à lui infligée par le monstre (2) de la coopération franco-africaine.

Et pourtant, si l'on s'en tient à un certain nombre de faits récents, il est loisible d'affirmer que la Françafrique, du moins sous sa forme la plus funeste, vit ses derniers instants. Il y en a même pour croire que la Françafrique n'est qu'une pure création de l'esprit n'ayant aucune prise sur la réalité : "La Françafrique est une façon d'exprimer la complexité des relations entre la France et l'Afrique", souligne Nicolas Normand (3) , le nouvel ambassadeur de France au Sénégal. Mais attention, bien que son arrêt de mort ait déjà été effectivement signé, comme l'affirmait Bockel (4) , l'agonie peut encore durer quelques années et même plus. Telle une bête sauvage que le village traque, la Françafrique pourrait encore faire ses dernières victimes avant de tirer définitivement sa révérence. Ce qui vient de se passer au Togo jette une lumière presqu'incandescente sur le fonctionnement de la Françafrique en même temps que cela met à nu sa nature désormais morbide.

Au Togo, lors d'un meeting de l'opposition le 10 août dernier, Komi Agbedivlo plus connu sous son pseudonyme de Didier Ledoux, photographe au journal "Liberté", s'est laissé intriguer par la présence d'un officier Blanc, sanglé dans l'uniforme kaki de l'armée togolaise et qui semblait superviser le traitement au gaz lacrymogène de la manifestation par les forces de l'ordre. Il s'agit du lieutenant colonel Romuald Letondot, un officier "prêté" par l'armée française à l'armée togolaise, d’après une source du ministère français de la Défense.

Le photographe décide alors de le prendre en photo. Ce que n'apprécie pas du tout l'officier qui lui intime l'ordre, l'air particulièrement menaçant, de supprimer le cliché : "je m'en fous que tu sois de la presse, tu enlèves la photo. Tu veux qu'on mette un coup sur l'appareil ou quoi?", demande l'officier français. Mais le journaliste ne se laisse pas intimider et le ton monte. Alors le lieutenant colonel Letondot menace : "Vous savez qui je suis? Je suis le conseiller du chef d'Etat major de l'armée de terre. Vous voulez qu'on appelle le RCGP (régiment des commandos de la garde présidentielle) pour foutre un peu d'ordre là dedans?" Et lorsque les gendarmes togolais amènent le journaliste, l'officier donne un dernier ordre : "Tu le mets en taule". Finalement, le journaliste a consenti à effacer le cliché querellé et la chose aurait dû se muer en non événement.

Sauf que non loin de là, un caméraman de l'agence Reuters a laissé tourner sa caméra et n'a rien raté de la scène. Le lieutenant colonel Letondot tentera d’ailleurs de lui faire confisquer sa camera mais sans succès, le morceau Reuters est plus gros que le photojournaliste togolais. Quelques heures après, la vidéo d’une minute 43 secondes était sur You tube. Le buzz est inévitable. La vidéo est regardée par près d'un demi-million d'internautes dans le monde. Pris de court, la France a préféré faire profil bas. Le lieutenant colonel Letondot a été obligé de présenter ses excuses au journaliste Didier Ledoux dans les locaux de l'ambassade de France à Lomé avant d'être rappelé à Paris où une sanction disciplinaire de 10 jours d'arrêt de rigueur lui a été infligée.

Il faut dire que dans un premier temps, les autorités françaises voulaient simplement obliger le lieutenant colonel Letondot à demander des excuses publiques au photographe togolais. Ce qui en soi était déjà une vraie déculotté dans un contexte françafricain. Mais une lettre énergique (5) de protestation de l'opposant togolais et candidat disqualifié à la dernière élection présidentielle, Kofi Yamgnane, a obligé Paris à se montrer plus rigoureux vis-à-vis du comportement indigne de son soldat. Une suggestion qui s’est transformée presqu’en ordre pour les autorités françaises. Et on peut comprendre qu’après avoir contribué à lui barrer la voie (6) de la Présidence togolaise à Kofi Yamgnane, la France ne souhaite pas l’effaroucher outre mesure

Voulant certainement laver l'affront de cette affaire et surtout se dédouaner aux yeux de l'opinion publique française toujours tenue au secret de l’existence de la Françafrique et des agissements de la France dans ses anciennes colonies, l'officier français a avoué au journal l'Express qu'il a "été piégé" et qu'il se "considère comme victime". Une sortie qui a obligé finalement le journaliste Didier Ledoux à porter plainte. Donc affaire à suivre.

La belle époque coloniale et postcoloniale

En quoi donc cette affaire du lieutenant colonel Letondot peut-elle traduire le déclin de la Françafrique? En ceci que seulement 25 ans auparavant, du temps où la Françafrique était au firmament de sa gloire, cet incident se serait conclu de la manière à peu près suivante : l'officier français aurait obtenu facilement des gendarmes togolais sous ses ordres qu’ils détruisent, séance tenante, l'appareil du photojournaliste. Ensuite, ce dernier, après avoir reçu une bonne raclée sur place pour montrer l'exemple à tous les autres indigènes présents, aurait été amené vers une destination inconnue, ce qui dans le langage de l'époque voudrait tout simplement dire qu'il aurait disparu sans laisser de traces. Chacune des personnes ayant assisté à la scène s’empresserait de l’effacer de sa mémoire et se maudirait d’ailleurs d’avoir eu la malchance de se retrouver à cet endroit à ce moment. Les journalistes présents étant ceux qui travaillent sous contrôle du gouvernement, ils n’auraient jamais eu l’outrecuidance de laisser transpirer une telle information. Il n'y aurait donc eu que quelques uns de ses amis et sa famille pour constater sa disparition et porter secrètement le deuil. Parfois même, l'officier français aurait demandé et obtenu des excuses du président de la République togolaise. Voilà comment les choses fonctionnaient dans la planète françafricaine. Une époque que le lieutenant colonel Letondot croyait encore vivre.

L'incident du Togo a eu aussi l'avantage de jeter de la lumière sur le fonctionnement de la Françafrique. D'abord pour garantir l'offre de la Françafrique - plus principalement dans sa dimension de la barbouzerie - et susciter la demande chez les chefs d'Etats africains clients, la France, du temps du parti unique, s’arrangeait pour choisir parmi les candidats potentiels à la succession en Afrique, les plus falots et les moins disant d’un point de vue du charisme et du leadership, c’est la fameuse politique du troisième homme qui veut dire en réalité l’homme que personne n’attendait.

Lorsqu’au début des années 1990, est apparu la démocratie en Afrique, les réseaux françafricains contribuaient à fausser le jeu démocratique dans les pays africains par la caution de la France donnée au trucage des élections, à la manipulation des constitutions, à l’anéantissement des oppositions par la brimade et même l’assassinat des opposants. L'objectif étant de placer au pouvoir des hommes illégitimes, impopulaires, coupés de leurs peuples et manquant de leadership au sein même de la classe politique. Lorsque le mal élu est en place, la Françafrique lui propose le service des barbouzes pour, dit-elle, assurer sa sécurité, en matraquant le peuple et en terrorisant tous les autres membres de la classe politique. Ils sont donc des conseillers des chefs d’Etat major des armées comme le lieutenant colonel Letondot ou encore d’autres officiers à la retraite. Ainsi, parce qu’ils sont retraités, leur action n’engage pas directement la France. Et pourtant…

Un chef de l'Etat africain – on parlerait mieux d'un chef de l'Etat françafricain - ainsi mis sous protection extérieure, française en l'occurrence, ne pouvait que se soumettre à toutes les demandes de la France, y compris les plus scandaleuses. Dès lors les plus gros contrats étaient réservés à la France, les meilleurs cadeaux à l'instar des diamants de Bokassa (7) étaient servis au chef de l'Etat français et aux hommes influents au sein du pouvoir français, les fonds gigantesques étaient mobilisés pour le financement des campagnes électorales en France. A l'époque de la fameuse « Rue de Grenelle puis la Rue de l'Elysée » à Paris où était logée la cellule africaine, cette entreprise était conduite de main de maître par un certain Jacques Foccart qui en assurait la maîtrise d'ouvrage. Quant à la maîtrise d'œuvre, elle incombait sur le terrain à un certain Bob Denard et bien d'autres barbouzes moins connus.

Lorsqu'il était déclaré qu'il a désobéi à la puissance tutrice qu'était la France, le chef de l'Etat africain en question était tout de suite mis à l'index à Paris. Dès lors le dispositif était déclenché pour sa mise à mort. En général, la Françafrique sous traitait ce sale boulot aux officiers locaux qu'on avait au préalable repéré et préparé lors de leur passage presque obligé à l'école de guerre en France. Il n'avait plus qu'à conduire le coup d'état, assuré qu'il était de la protection de la France au cas où. En général, son discours de prise de pouvoir était déjà rédigé par les soins de la Françafrique. D'où le caractère presque identique de ces discours. Lorsqu'il était en place, la Françafrique remettait le disque à la fin du générique et le pillage du continent pouvait continuer. Tous les chefs d'Etats africains de l'époque connaissaient ce dispositif et s'effrayaient eux-mêmes à l'idée de devoir désobéir à la France. Car, ils savaient que quelque part, ils signaient leur arrêt de mort.

Il faut dire que le réseau Foccart travaillait aussi étroitement avec une certaine presse néocoloniale de Paris. Ainsi, lorsqu’un chef de l’Etat africain était lâché, la « rue de Grenelle» s’arrangeait pour sortir tous les petits secrets gênants qu’on avait au préalable accumulé sur lui et les balançait à la presse qui, parfois sans vérification aucune, en faisait de gros titre. Cette campagne pernicieuse visait dans un premier temps à saper le moral du chef de l’Etat en question, dans un second temps à le couper encore plus de son peuple et de l’élite de son pays. Pendant ce temps, on recherchait dans l’armée locale, un volontaire pouvant conduire l’insurrection. C’est lorsque tout ce scénario ne marchait pas que la France pouvait faire intervenir directement son dispositif militaire pour opérer le coup d’Etat.

L’affaire Bokassa reste un véritable cas d’école où la Françafrique a presque franchi toutes les étapes évoquées plus haut avant de parvenir à la déposer. Après l’avoir soutenu dans toutes ses folies en contrepartie des diamants et tous les autres privilèges, le président français de l’époque Valery Giscard d’Estaing qui revendiquait une relation presque filiale avec Bokassa, avait décidé contre toute attente de le lâcher. Dès lors une campagne médiatique violente fut menée contre Bokassa par la presse française. Il a été présenté comme un tueur d’enfants après la répression d’une manifestation de lycéens infiltrés par des éléments aux ordres de la Françafrique. Une forte rumeur relayée parfois par la presse laissait entendre qu'on aurait trouvé de la chair humaine dans les congélateurs de Bokassa (8) , tentant ainsi de faire valider la thèse de cannibale qu’il était. Finalement c’est l’opération Barracuda menée par les troupes françaises stationnées à Bangui qui servira à déposer Bokassa en visite officielle en Lybie. L’ancien président David Dacko sera tiré de son lit à Paris par la Françafrique et conduit à Bangui en pyjama où il a été porté au pouvoir. Une façon bien simple de l’humilier pour mieux le tenir. C’est vrai, Bokassa était un dictateur à la dérive qui était devenu dangereux même pour lui-même, mais on peut être surpris qu’alors que ses extravagances crevaient les yeux depuis plusieurs années, la France n’ait pu constater cela que des années après l’avoir utilisé dans toutes sortes de magouilles. Mais ce qui est finalement intéressant dans cette affaire, c’est que dans sa chute, le renégat Bokassa a quand même réussi à entraîner son « frère » Valery Giscard d’Estaing (9) qui n’a pas survécu au scandale des diamants de Bokassa. Et au passage, la presse parisienne en a profité pour se racheter.

Que les temps changent!
Lorsqu'on rapproche le déroulement des élections présidentielles d'avril 2010 au Togo (la disqualification de Kofi Yamgnane, les fraudes massives comme à l’accoutumée, le maintien aux forceps de Faure Gnassimbe, la répression des membres de l'opposition) et l'incident de Lomé au centre duquel s'est retrouvé le lieutenant colonel Letondot, on voit tout de suite un dispositif françafricain. Mais une Françafrique bien moribonde puisqu'il a fallu juste le flash d'un appareil photo et une vidéo d’une minute 43 secondes pour qu'elle vole en éclat et s'aplatisse : "ce n'est pas un vocabulaire et une attitude compatibles avec ce qu'on attend de notre personnel, et des cadres de la défense", s'est confondu Laurent Teisseire, le porte parole du ministère français de la Défense. Lorsqu’on visionne la vidéo par laquelle le scandale est arrivé, on constate que les gendarmes portant les casques ne se plient pas immédiatement aux injonctions du l’officier français. Ils préfèrent calmer le jeu alors qu’en d’autres temps, ils auraient bondi sur le journaliste pour lui refaire le portrait au goût du lieutenant colonel. On entend d’ailleurs l’un des gendarmes dire : « Doucement mon colonel, doucement, on va régler çà ».

La réaction presque autoflegllatrice mais énergique du ministre de la défense Hervé Morin, qui a sanctionné l'officier après l’avoir obligé à demander des excuses publiques au journaliste, montre bien que la Françafrique n'a plus de véritables appuis dans la France de Nicolas Sarkozy, ni même d'ailleurs en Afrique où ses deux plus grands défenseurs, Félix Houphouët-Boigny et Omar Bongo Ondimba ont depuis libéré le planché. En France, d’après certaines sources, seul un ministre de l'ouverture qui lui-même est complètement marginalisé dans le gouvernement, prêterait encore une oreille attentive aux tambours françafricains. A coté de lui, quelques autres individus, généralement hors circuit, revendiquent aussi la paternité de la Françafrique et se prennent pour des Jacques Foccart du 21e siècle. Notamment un certain avocat parisien qui, de l’avis d’un observateur averti, « parle trop pour être pris au sérieux » car, comme on le sait, dans la loi de la barbouzerie, plus on parle, moins on est. Comme le fait observer un autre observateur, « ces messieurs ont troqué la Françafrique foccartienne, qui avait quand même le mérite de défendre les intérêts de la France, contre une Françafrique alimentaire (10) qui spolie l'Afrique et se joue de la France ».

Dans les rangs des chefs d'Etats africains aujourd'hui, et d'ailleurs pas les plus progressistes, c'est désormais très ringard de s'afficher comme l'homme de la France alors que cela était encore très valorisant il y a seulement une vingtaine d'années. On a l'impression que chacun cherche à se démarquer de cette image françafricaine qui rebute. Ce recouvrement de la liberté de certains chefs d'Etats africains, du moins encore dans les discours, est tel que la France aura certainement de la peine à contrôler le flot.

Après s'être rapproché du Soudanais Omar El Béchir qu'il a reçu à Ndjamena en faisant un doigt d'honneur à la CPI (11) (Cour Pénale Internationale), laquelle souhaitait le voir l'arrêter dans le cadre de l’exécution du mandat d’arrêt international, Idriss Deby Itno vient de cracher dans le plat françafricain. Lors de la célébration de la fête marquant le cinquantenaire de l'indépendance du Tchad le 11 août dernier, le président tchadien a remis en cause la présence militaire française à travers le dispositif Epervier (12) . Il demande ainsi de clarifier ce que la France doit payer au Tchad (13) : "Nous nous acheminons vers un accord de siège entre Epervier et le Tchad" a déclaré le président tchadien. Face à ce véritable casus belli de la part d'un des chefs d'Etat qui a le plus bénéficié du dispositif françafricain notamment à travers le fameux Epervier, la France s'est dite "prête à examiner" : "Si les souhaits (du président Deby) nous étaient confirmés officiellement dans le cadre de la relation bilatérale, bien évidemment, nous serions prêts à les examiner", a dit Laurent Teisseire, porte parole du ministère français de la Défense. Une réaction bien molle de l'ancienne puissance colonisatrice qui montre bien que les choses changent.

Il faut dire que jusque là, les accords militaires entre la France et l’Afrique étaient des accords secrets, comportant des clauses dont seule la Françafrique maîtrisait les contours. Depuis quelques temps, la France a entrepris de réviser ces accords de défense (14) et même à démanteler les bases militaires françaises dans certains pays dont la Cote d’Ivoire et le Sénégal. Au Tchad, le dispositif Epervier servait à vendre les services de la Françafrique au gouvernement tchadien et au gouvernement centrafricain. Deux pays à la tête desquels trônent deux individus particulièrement mal élus. En 2008, n’eut été l’intervention des troupes françaises, le président Idriss Deby Itno aurait été débarqué du pouvoir par les rebelles qui étaient déjà parvenus dans Ndjamena, la capitale tchadienne. Si aujourd’hui, ce dernier fait du chantage à la France par rapport à sa présence militaire en territoire tchadien, c’est qu’il sait désormais sur quoi il compte pour sa sécurité. Et le récent rapprochement d’avec le président Soudanais Omar El Béchir, son pire ennemi il y a encore quelques années seulement, est un élément qu’il faut sérieusement prendre en compte.

Françafrique? Non merci
Le président Paul Biya du Cameroun est, avec ses 28 ans de pouvoir au compteur, l'un des doyens de l'Afrique francophone que la France semble courtiser pour porter le manteau de la Françafrique. Mais tout laisse croire que le sphinx de Yaoundé n'en veut pas. On a bien vu la prestigieuse place de droite que le président Nicolas Sarkozy lui a accordé lors de sa participation en France au traditionnel défilé du 14 juillet auquel étaient conviées les armées africaines, en fête pour le cinquantenaire de leurs indépendances. Mais avant d’arriver en France, le président Biya avait déjà célébré, le 20 mai, la fête nationale marquant le cinquantenaire de l'indépendance du Cameroun. Dans le cadre de cette célébration, le président camerounais a organisé, les 18 et 19 mai dernier, en grande pompe, et en s'impliquant de façon tout à fait remarquable, la conférence Africa 21.

Un forum où plusieurs chefs d'Etats africains et des experts venus du monde entier ont planché sur le devenir de l'Afrique. A Yaoundé, les observateurs étaient surpris devant l'activisme du président camerounais et surtout sa capacité chaque fois à attirer ses pairs dans ses propres manifestations alors qu’il traîne la réputation d’absentéiste invétéré lors des manifestations des autres. Une performance qui doit bien avoir une explication. (15) Dans la déclaration de Yaoundé, publié à l'issue de la conférence, il ressort en substance que "l'Afrique étant maintenant capable de réaliser son unité dans la plupart des domaines, il est temps qu'elle contribue de manière significative à l'émergence de ces solutions". Une position qui tranche avec les visées françafricaines d'une Afrique sous tutelle et maintenue dans la pauvreté.

Et le président camerounais ne s'arrête pas en si bon chemin. Toujours dans le cadre du cinquantenaire, Paul Biya a commis en compagnie d'Abdoulaye Bio Tchané, le président de la Banque Ouest africaine de développement et du chanteur sénégalais Youssou Ndour, un ouvrage interview conduit par les journalistes français Christian Malard et Florence Klein-Bourbon. Dans cet ouvrage publié au "Cherche Midi" et dont le titre est : "Emergence de l'Afrique" (16) , le président camerounais ne semble pas ménager particulièrement les anciens partenaires économiques du Cameroun dont la France est l'un des leaders en raison des liens historiques qui lient les deux pays.

Ainsi le président camerounais se montre très agacé lorsque les journalistes veulent lui faire comprendre, à mots à peine couvert, que l'Afrique fait fausse route en ouvrant la porte aux pays émergents : "je crois savoir que l'Union européenne est aujourd'hui le premier partenaire économique de la Chine. Pourquoi nous serait-il interdit de créer et d'entretenir des relations mutuellement bénéfiques avec les pays émergents? (…) Je l'ai dit en septembre 1986 à Hambourg lors de ma visite officielle en Allemagne : « Le Cameroun n'est la chasse gardée de personne ». Notre pays est un Etat libre et souverain" (17) , déclare Paul Biya, un rien « révolutionnaire ». Et lorsque les journalistes l'interrogent sur ce qu'ils qualifient de "controverse de l'empreinte des économies émergents sur le continent africain", le président camerounais vide son cœur : "Mais, sans répondre directement à votre question, on ne peut s'empêcher de constater qu'est née depuis un certain temps déjà dans l'opinion une espèce de cabale contre l'arrivée des partenaires du sud Est asiatique, notamment les Chinois, sur le marché africain; quitte à se demander à qui profite la cabale… (…) Ces pays sont moins disant en matière de coût de l'investissement et de plus value pour l'économie camerounaise (…) Que l'on cesse donc de diaboliser le partenariat avec les pays émergents : après tout, ils sont peut-être les mieux placés pour appréhender nos problèmes de développement et de croissance" (18) , conclut-il. Tenant de tels propos, il est tout à fait clair que le président Paul Biya tourne le dos à l'offre françafricaine.

Ali Ben Bongo Ondimba est le chef de l'Etat africain dont la Françafrique a récemment revendiqué ouvertement avoir contribué à sa réélection (19) à la tête du Gabon. Ce qui pouvait aller de soi puisque son père Omar Bongo Ondimba était le dernier parrain africain de la Françafrique. Or, depuis qu'il est aux affaires, Ali ne cesse de se démarquer, du moins dans le discours, faisant dire d'ailleurs qu'il est en plein exécution d'un véritable parricide.

Lors de la conférence Africa 21 à Yaoundé, le président gabonais a marqué la jeunesse africaine dans un discours à elle entièrement consacré. Ainsi, au risque de mettre mal à l'aise ses aînés chefs d'Etats dont certains totalisent déjà plus de 25 ans de pouvoir, il a condamné la "boulimie du pouvoir" en recommandant de savoir faire la place aux jeunes : "Le progrès auquel aspire la jeunesse africaine, c'est-à-dire nos dirigeants de demain, doit être placé au cœur des gouvernants africains que nous sommes. Pour ma part, je reste convaincu que les jeunes africains peuvent changer le monde et doivent changer le monde", souligne le président gabonais.

Il y a aujourd’hui un maillage intra-africain des expertises qui fait que de plus en plus, des dirigeants africains recrutent dans leur entourage les sommités intellectuels africains pour leur apporter un savoir purement africain et devant favoriser le développement endogène de l’Afrique. Bien évidemment, cette opération se fait au détriment des réseaux françafricains qui avaient aussi pour fonction entre autre de fournir l’assistance technique aux dirigeants africains. Ainsi, le président Gabonais, Ali Bongo Ondimba a pris dans son cabinet, l’astrophysicien d’origine malienne Cheikh Modibo Diarra (20). Aux dernières nouvelles, le président congolais Denis Sassou-Nguesso se serait attaché les services du linguiste Théophile Obenga (21) qui n’est autre que l’un des disciples les plus proches du professeur Cheikh Anta Diop (22) , l’Egyptologue et l’immense savant sénégalais dont les travaux sur l’Egypte ont contribué à donner un peu plus de dignité aux Africains. On peut tout dire, mais que Denis Sassou-Nguesso ait consenti à avoir à ses cotés une personne qui lui tient un discours différent de celui de la Françafrique est un immense progrès qui montre qu’aujourd’hui, chaque dirigeant africain francophone est en train de faire son chemin de Damas.

La devise de la Françafrique a toujours été : la France d’abord, ses dirigeants et les barbouzes ensuite, et les miettes pour l’Afrique. Une devise à laquelle consentaient, peut-être malgré eux, certains dirigeants africains. Aujourd’hui, chez tous les Africains, y compris leurs dirigeants, l’heure est à l’affirmation de la priorité africaine. Nous avons évoqué le livre auquel le président camerounais a participé et dont le titre est : « L’émergence de l’Afrique ». Le président de la commission de l’Union africaine Jean Ping a publié un ouvrage dont le titre est : « Et l’Afrique brillera de mille feux » (23) . Un volontarisme qui tranche avec la morosité et l’afropessimisme qu’engendre la Françafrique.

L'autre indice de l'agonie de la Françafrique, ce sont les plaintes des entreprises françaises en Afrique. Désormais, ces entreprises se voient damer le pion par les entreprises des pays émergents dans l'octroi des marchés publics sur le continent. Et que fait le Medef? Elle n'a plus que ses yeux pour pleurer. Lors du dernier sommet Afrique-France tenu à Nice en France, le Medef (24) a présenté une charte de l'entrepreneur en Afrique dite "charte de responsabilité sociale". Dans cette charte, entre autre, les entreprises françaises présentes en Afrique prennent l'engagement de combattre la corruption et de désormais favoriser le développement des pays d'accueil. La charte et ses promesses étaient dirigées vers les chefs d'Etat africains présents au sommet de Nice. Au bon vieux temps de la Françafrique triomphante, le Medef n'aurait pas eu besoin de faire des promesses. La France aurait fait fonctionner le réseau françafricain et les chefs d'Etat africains ciblés se seraient exécutés parfois sans contrainte. Aux yeux de la France, ces anciens "élèves" sont devenus des amis infidèles qui se permettent même de taper sur la France.

Le "french bashing" comme moyen d'affirmation
En fait, en Afrique, les chefs d'Etats adopteront de plus en plus cette attitude du "french bashing" tant il est vrai que cela leur donne un visage plus humain auprès de leurs peuples qui eux, sont en rupture nette avec la France et en incompréhension avec les Français. (25) Taper sur la France pour se bonifier auprès de son peuple ou la soutenir pour aggraver son illégitimité auprès de ce peuple. Voilà le dilemme devant lequel beaucoup de chefs d'Etats africains francophones ne perdront plus du temps à trop réfléchir. Ils constatent que celui qu'on peut considérer comme le véritable tombeur de la Françafrique, le président ivoirien Laurent Gbagbo, est toujours au pouvoir en Côte d'Ivoire et est même d'ailleurs assuré de sa réélection prochaine. Ceci, malgré les coups de boutoir qu'il porte à la Françafrique et même à la France puisqu'il a été le seul chef d'Etat invité à bouder le défilé du 14 juillet sur le Champs Elysées à Paris.

S'il peut aujourd'hui revendiquer une certaine indépendance et gagner en popularité auprès de son peuple, c'est parce que Laurent Gbagbo a compris que la protection d'un chef d'Etat africain ne dépend pas de quelques barbouzes que lui prête la Françafrique mais bien d'un encrage au sein de son peuple qui constitue le plus grand bouclier. La preuve, c'est presque à mains nues qu'en 2005, au plus fort de la crise en Côte d'Ivoire entre la force française Licorne et les ivoiriens, les patriotes de Charles Blé Goudé avaient réussi à faire reculer les militaires français. Et c'est tout le dispositif françafricain qui était ainsi démystifié.

Pour plusieurs chefs d'Etat francophones aujourd'hui, la France n'est plus qu'un partenaire parmi tant d'autres. Ne devant plus bénéficier d'aucun privilège, elle doit travailler à gagner sa place auprès de ses anciennes colonies qui pour la plupart ont grandement ouvert les portes aux nouveaux partenaires et ne s'en cachent d'ailleurs pas. C'est ce message de rupture que le président gabonais Ali Bongo Ondimba a tenu à signifier à la France lors d'une conférence de presse tenue dans le cadre de la célébration des cinquante ans de l'indépendance du Gabon. Face aux journalistes, le successeur d'Omar Bongo Ondimba a dit ceci : « Le Gabon est ouvert à tous, sans exclusive. A tous ceux qui veulent venir travailler. Nous avons aussi nos partenaires traditionnels. Ce qu’ils font est peut-être moins excitant, apparaît moins que les actions de ceux qui viennent d’arriver, mais ils sont toujours là. Nous avons accueilli ici le président Nicolas Sarkozy et nous avons redéfini notre partenariat. Mais vous comprenez que chacun puisse avoir ses partenaires. La France a ses partenaires, les pays africains peuvent aussi avoir leurs partenaires. Ce ne sont pas des relations exclusives. Cela n’existe plus. C’est terminé cela.». Une rupture qui vient du Gabon, tout un symbole.

En France, les tenants de la Françafrique continuent de berner le peuple avec un discours suranné qui consiste à dire que si la France va en Afrique, c'est pour apporter la civilisation, nourrir et soigner les populations délaissées par leurs dirigeants corrompus. L'Afrique, couverte de tous les clichés dégradants, continue d'être présentée comme une charge pour la France. Un discours qui malheureusement continue de mettre le peuple français en porte à faux avec tous les autres peuples du monde qui lui étaient proches du fait des affinités de l'histoire. La baisse de l'influence en Afrique et dans le monde n'enchante personne. En tout cas, pas les locuteurs de la langue française que nous sommes puisque quelque part, c'est notre influence propre qui s'effrite aussi.

Mais avec ce qui s'est passé au Togo, les Français, qui sont un peuple généreux dans son ensemble, devraient quand même se poser un certain nombre de questions : comment tout un lieutenant colonel, formé avec l'argent du contribuable français et représentant la grandeur de la France, peut-il accepter d'être commis comme superviseur des actions de répression de l'armée togolaise sur le terrain. Qu'est ce qui peut motiver cela si ce n'est l'appât du gain. Lorsqu'on vient pour l'assistance technique - dont l'Afrique n'a même plus besoin aujourd'hui puisqu'elle a des experts dans presque tous les domaines – ne peut-on pas au moins avoir l'élégance de rester dans le back office pour concevoir. Pourquoi tant de zèle qui pousse un officier étranger à se comporter dans un pays souverain comme s’il était en territoire conquis ? En tout cas, le lieutenant colonel Romuald Letondot a contribué à sa manière à creuser encore plus profond, la tombe de la Françafrique.


Etienne de Tayo

Promoteur "Afrique Intègre"


Auteur de l'ouvrage : "Pour la dignité de l'Afrique, laissez-nous crever" aux éditions Menaibuc

http://www.edetayo.blogspot.com/

Notes de bas de pages :

1 - Lors du remaniement ministériel du 18 mars 2008, Jean Marie Bockel quitte le secrétariat d'Etat à la Coopération et à la Francophonie pour celui des anciens combattants. Plusieurs observateurs voient en cette mutation, une sorte de disgrâce. D'après ces personnes, il paierait ses propos au sujet de la Françafrique dont il avait annoncé la mort prochaine. Ces propos auraient été très mal pris par le président gabonais Omar Bongo Ondimba qui aurait demandé et obtenu la tête de Jean Marie Bockel auprès de Nicolas Sarkozy.

2 - D'après le site Wikipédia, "l'expression « Françafrique » désigne les réseaux d'influence français en Afrique, qui sont une composante des relations diplomatiques entre la France et ses anciennes colonies africaines. Elle recoupe largement l'espace de la Francophonie. L'expression semble avoir été employée pour la première fois, en 1955, par l’ancien président de la Côte d'Ivoire, Félix Houphouët-Boigny. La Françafrique implique des détournements de fonds, le soutien de dictateurs, des assassinats politiques qui ne sont pas dévoilés au public français".

3 - Monsieur Normand a été nommé pour remplacer Jean Christophe Rufin, débarqué pour cause de ses relations difficiles avec le président Sénégalais Abdoulaye Wade. Dans un quotidien privé sénégalais "L'Observateur", le nouvel ambassadeur revient d'ailleurs sur cette affaire en promettant de corriger le tir : "Je n`ai pas le sentiment de marcher sur des œufs. Jean-Christophe Rufin a sa personnalité, c`est un écrivain, un académicien. Il a un charisme important. Moi, je suis un fonctionnaire, un diplomate, un spécialiste de l`Afrique".

4 - Jean-Marie Bockel avait déclaré lors de ses vœux à la presse, le 15 janvier, que «l’un des premiers freins au développement, c’est la mauvaise gouvernance, le gaspillage des fonds publics, l’incurie de structures administratives défaillantes, la prédation de certains dirigeants». Par la suite, le secrétaire d'Etat à la Coopération et à la Francophonie avait déclaré dans «Le Monde» que la «Françafrique» était «moribonde»: «Je veux signer son acte de décès», avait-il poursuivi.

5 - Dans sa missive datée du 12 août, l’ancien ministre français écrivait ceci : « Pensez-vous que les seules excuses que vous demandez à votre agent de présenter au journaliste suffisent à apaiser la colère de tout un peuple qui ne veut plus être méprisé ? Ne pensez-vous pas que par son comportement, le lieutenant colonel Letondot a déshonoré l’uniforme de l’armée française et qu’il doit, pour cela, être immédiatement rapatrié pour s’expliquer devant sa hiérarchie ? »

6 - Sur décision de la Cour constitutionnelle du Togo, Kofi Yamgnane avait été écarté de la course à l’élection présidentielle de mars 2010. La Cour avait relevé que, sur ses papiers d’identité français, Yamgnane était né le 11 octobre 1945 ; et sur ses documents togolais, le 31 décembre 1945. “Cette situation est de nature à semer la confusion sur l’identité de la personne et par voie de conséquence à fragiliser la sécurité juridique et judiciaire inhérente à la magistrature suprême du pays”, avait tranché la Cour.

7 - L'affaire des diamants est déclenchée le 10 octobre 1979 par le "Canard Enchaîné". D'après ce journal, des diamants de 30 carats d'une valeur de 1 million de francs auraient été remis en 1973 à Valery Giscard d'Estaing, alors ministre français des Finances par le président de la République Centrafricaine, Jean Bedel Bokassa.

8 - Des rumeurs prétendaient que Bokassa s'adonnait au cannibalisme à l'occasion, ce qui lui valut le surnom de « l'Ogre de Berengo », mais ces accusations furent rejetées lors de son procès et jugées improbables par les nombreux enquêteurs dépêchés sur place à la suite de son renversement. Il semblerait que cette histoire ait été inventée par les services secrets français pour ajouter du crédit à l'image de monstre qu'on voulait donner de Bokassa à l'époque pour justifier son renversement.

9 - Lorsque l'affaire des diamants avait été déclenchée, Giscard d'Estaing a déclaré : "il faut laisser les choses basses mourir de leur propre poison". Il avait sous estimé l'ampleur du "complot des diamants" : «J'imaginais que les Français savaient que je me consacrais entièrement à ma tâche et qu'ils écarteraient d'eux-mêmes l'hypothèse d'une telle médiocrité», écrira plus tard VGE dans Le Pouvoir et la vie. Son attitude, perçue comme de l'arrogance et un aveu de culpabilité, l'a sans doute handicapé pour la campagne présidentielle de 1981

10 - En poste comme ambassadeur de la France à Dakar, l'écrivain Jean Christophe Rufin a eu maille à partir avec la Françafrique alimentaire. Il était d'autant plus désorienté qu'il avait cru au discours sur la rupture de Nicolas Sarkozy. Il vient d'être démissionné de son poste suite à une cohabitation plutôt difficile avec le président sénégalais Abdoulaye Wade. Rufin revient sur terre : " Sarkozy avait promis d'en finir avec la Françafrique, ce réseau d'intermédiaires qui vendent leur influence auprès des dirigeants du continent noir aux hommes d'affaires qui y travaillent. Comme un con, j'ai cru à la rupture. Je m'aperçois que rien n'a changé. Les réseaux se sont reconstitués, plus puissants que jamais".

11 - Le président soudanais est poursuivi par cette même cour pour crime de guerre et crime contre l’humanité du fait de son rôle présumé dans les atrocités commises au Darfour, dans l’ouest du Soudan.

12 - D'après le site Wikipédia, l'opération Épervier au Tchad, a été déclenchée début février 1986 à l'initiative de la France après le franchissement du 16e parallèle par les forces armées libyenne venues soutenir Goukouni Oueddei qui avait été renversé fin 1981 par Hissène Habré avec le soutien de la France et des États-Unis. Elle succède à l'Opération Manta qui en 1983-1984 avait été déclenchée pour les même raisons.

13 - En matière d'accord militaire, le Tchad est un symbole. Le pays est présenté comme le coin supérieur droit du pré carré français – s'il tombe, alors tout l'édifice s'écroule. Le Tchad fait partie des premiers signataires des accords de défense ratifiés par la France dans la période des indépendances. Puis en 1976, ces accords furent remplacés par un accord de coopération militaire et technique. Ce qui dans le fonds, ne changeait rien.

14 - D'après le site Rue89, ces accords signés entre la France et ses anciennes colonies, intègrent toujours une convention sécrète de maintien de l'ordre qui "sert à garantir aux potentats locaux africains la tranquillité, une sorte d'assurance vie ou plutôt d'assurance de conserver le pouvoir. Ces textes secrets prévoient une intervention, à la discrétion du président de la République française, en faveur des présidents africains qui en font la demande. Le document publié par le site Rue89 prévoit 3 points majeurs : Premier point : la France « peut » intervenir, mais n'a aucune obligation de le faire. C'est à la discrétion du président de la République française, seul décisionnaire sur ce sujet. La demande passe par l'ambassadeur de France. Deuxième point : c'est le chef de l'Etat africain qui formule sa demande « dans une situation particulièrement grave ». Laquelle situation n'est pas plus détaillée : il n'est pas fait mention d'agression extérieure ou de menace quelconque. Les termes restent suffisamment vagues pour justifier toute demande. Troisième point : le commandement des troupes locales et l'usage du feu sont immédiatement transférés à l'officier français envoyé sur place.

15 - Il se trouve que Paul Biya maîtrise parfaitement l'art de savoir rester distant, se faire oublier pour apparaître ensuite aux yeux des autres comme un objet de curiosité. C'est cet art qui ressemble à s'y méprendre au charisme qui lui permet à chaque fois de drainer ses pairs africains dans ses manifestations alors qu'il ne se dérange pas souvent pour les assister lorsqu'ils ont besoin de lui dans leurs propres manifestations. On l’a vu par exemple répondre aux abonnés absents au sommet de l’OUA alors que un an auparavant la quasi-totalité des chefs d’Etat africains étaient venus participer au sommet de Yaoundé. Mais cela n’a pas empêché que quelques années après, lorsqu’il recevait le sommet Afrique France, que les mêmes chefs d’Etat accourent.

16 - Christian Malard et Florence Klein-Bourbon, L'Emergence de l'Afrique, Paris, Le cherche midi, 2010

17 - L'Emergence de l'Afrique, pp 17-18

18 - L'Emergence de l'Afrique, Paris, Le cherche midi, 2010, pp 21-22

19 - Pendant la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle gabonaise, alors que les soupçons d'un soutien français au candidat Ali Bongo faisaient le tour des rédactions et des chaumières, Robert Bourgi, l'avocat de Paris, chantre de la Françafrique déclare : "Au Gabon, la France n'a pas de candidat, mais le candidat de Robert Bourgi, c'est Ali Bongo. Or je suis un ami très écouté de Nicolas Sarkozy. De façon subliminale, l'électeur le comprendra".

20 - Cheick Modibo Diarra est un astrophysicien malien, né en 1952 à Nioro du Sahel, au Mali. Il est aujourd'hui président de Microsoft Afrique]

21 - Théophile Mwené Ndzalé Obenga, né à Mbaya, (République du Congo) le 2 février 1936, est Egyptologue, linguiste et historien. Avec Cheikh Anta Diop, il défend une vision de l'histoire africaine recentrée sur les préoccupations des chercheurs et intellectuels africains, soucieux de revisiter leur patrimoine (Afrocentricité). (Wikipédia)

22 - Cheikh Anta Diop (né le 29 décembre 1923 à Thyetou - mort le 7 février 1986 à Dakar) est un historien et anthropologue sénégalais. Il a mis l'accent sur l'apport de l'Afrique et en particulier de l'Afrique noire à la culture et à la civilisation mondiales

23 - Et l’Afrique brillera de mille feux, Paris, l'Harmattan, collection Grandes figures d'Afrique, juin 2009

24 - Le Mouvement des entreprises de France, en abrégé MEDEF, est une organisation patronale représentant les dirigeants des entreprises françaises.

25 - Selon des télégrammes envoyés par des diplomates français basés en Afrique, il y a une incompréhension entre l'opinion française, qui tend à voir dans les Africains "des gens pauvres parce que corrompus", et l'opinion africaine qui voit une France "frileuse, doutant de ses intérêts, méfiante à l'égard de la jeunesse africaine". (Nouvel Observateur)