Depuis 3 semaines, la France est prise dans une spirale de grèves à répétitions, suite à la volonté du gouvernement de faire voter la loi sur la réforme des retraites. Chaque soir des manifestations, gouvernement et syndicats avec l’opposition en embuscade, l’opinion publique tribunalisée et l’élection présidentielle de 2012 en ligne de mire, font un décompte du nombre de manifestants pour voir celui qui a gagné.
Source : Le Parisien du 17 octobre 2010 |
Le soir du lundi 18 octobre 2010, le conseiller social du président avance le chiffre de 825 000 manifestants et « crie presque victoire en pensant que le souffle de mobilisation est en train de tomber », d’après le Parisien. Cependant que les syndicats revendiquent 3 millions de manifestants. En fait chacun voit midi à sa porte. Le soir du mardi 19 octobre, la même surenchère continue dans la comptabilité des manifestants. 3,5 millions selon les syndicats et 1,1 million d’après les chiffres du ministère de l’intérieur. Chaque jour néanmoins, la grève gagne en violence et on parle déjà de blocage du pays.
Jouant la montre à fond, le gouvernement ne compte rien céder et sombre même parfois dans ce que l’opposition qualifie d’arrogance : « plus qu’une semaine à tenir avant les vacances », annonce-t-on du coté de l’Elysée. De son coté, l’opposition trépigne et voudrait user de tous les moyens – y compris l’utilisation des lycéens comme bouclier dans les manifestations - pour capitaliser l’anti sarkozisme ambiant afin de lui ravir son trône à Nicolas en 2012. Le comportement des principaux acteurs politiques français aujourd’hui recèle un certain nombre de tares et est caractéristique de ce que le philosophe Cornelius Castoriadis qualifie d’insignifiance : « ce ne sont pas des politiques, mais des politiciens au sens de micropoliticiens. Ils n’ont aucun programme. Leur but est de rester au pouvoir ou de revenir au pouvoir, et pour cela, ils sont capables de tout », s’indigne Castoriadis. Pendant ce temps, la France court tranquillement vers l’asphyxie.
Comme c’est souvent le cas, déclencher un mouvement de grève, c’est parfois mettre le doigt dans un engrenage, sans assurance d’en maîtriser tous les effets. Les syndicats ont appelé les Français à manifester pour amener le gouvernement à retirer son projet ou du moins à y apporter des amendements substantiels. Mais le plus gros danger qui guette la France aujourd’hui et, qui a pour nom la pénurie d’essence, a toute une autre origine située bien loin de la réforme des retraites : « huit cent stations d’essence à sec », annonce le Parisien alors que toujours ce journal, « les compagnies aériennes vont faire le plein en Suisse ou en Libye ». Des rangs s’allongent à la pompe même si ce n’est pas encore la grande panique.
L’effet papillon
Il s’agissait à l’origine, « du refus de la CGT du port de Marseille et des terminaux pétroliers de Fos d’appliquer la loi visant à mettre la France en phase avec la concurrence internationale ». Mais l’antisarkozisme aid ant, la réforme des retraites peut devenir un bon prétexte pour fédérer les mécontentements et faire descendre le maximum de Français dans la rue dans l’optique d’obliger le gouvernement à reculer. Car, il faut se le dire, très peu de manifestants dans les cortèges peuvent soutenir une discussion sur la réforme des retraites, trop alambiquées, mais ils ont tous en commun cette dent qu’ils gardent contre Nicolas Sarkozy, auteur de plusieurs autres réformes qui troublent leur tranquillité et bouscule l’exception française. On en veut pour preuve le sens des slogans scandés pendant les manifestations et qui brocardent systématiquement le président de la République : « Sarko = Louis XVI, qu’on lui coupe la tête » ; « Sarkozy abat les retraites, il doit battre en retraite » ; « Quel rabot dans les niches pour le nabot des riches ».
On ne saura jamais si l’attitude du gouvernement est une conséquence du manque de considération que la presse et les Français en général mettent dans le traitement de l’institution présidentielle ou en est-elle plutôt la conséquence. En tout cas, Nicolas Sarkozy et les siens ne font rien qui aille dans le sens de vouloir redorer leur blason auprès de leurs contempteurs. On a même l’impression qu’ils s’arrangent pour mériter tous les qualificatifs déshonorants que leurs adversaires leur lancent.
C’est d’ailleurs Sarkozy qui le premier a tiré le vocabulaire vers le bas, notamment en tenant ces propos restés célèbres à l’endroit d’une personne qui a refusé de lui serrer la main : « casse-toi pauvre con », lui avait lancé le président de la République. En se comportant comme çà, pensent les observateurs, il abaissait du même coup la fonction présidentielle qu’il incarne. Mais d’autres observateurs y voient non sans admiration, la nature d’un homme entier qui est dans le réel du politique au lieu d’être constamment dans la représentation comme ses prédécesseurs. Toujours est-il que les adversaires de Nicolas Sarkozy ne l’ont pas raté en soutenant qu’il n’aura récolté que ce qu’il aura semé. Un journal, Marianne en l’occurrence, l’a quand même qualifié de « voyou de la République » parce qu’il dit exactement le contraire de ce qu’il pense, d’après Jean François Khan, l’auteur de l’article. Alors qu’un prêtre, au sujet des Roms, disait prier afin que « Nicolas Sarkozy ait une crise cardiaque ». Tout çà est assez violent. Sachant que tout ce qui est excessif est insignifiant et ayant appris chez les Georges Bush et autres Donald Rumsfeld l’art de se faire détester pour mieux rebondir, Nicolas Sarkozy accuse d’abord le coup, joue ensuite la victime mais n’hésite pas à faire dans de la provocation bien maîtrisée. Il lui arrive aussi de donner de violents coups de griffe lorsque sa victime est à sa portée. Certains journalistes s’en souviendront longtemps. Mais ce que d’aucuns qualifient d’arrogance plonge certainement ses racines dans un certain nombre de certitudes.
Arrogance contre impatience
Cette arrogance est celle d’un gouvernement qui, sachant qu’ayant maîtrisé les techniques modernes de manipulation communicationnelle, n’éprouve aucune crainte de voir le contrôle du peuple lui échapper. Lorsqu’on lit « les stratégies et les techniques des maîtres du monde pour la manipulation de l’opinion publique et de la société », extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles » et présenté en 10 point par Sylvain Timsit, on comprend qu’au moins une personne dans l’entourage proche de Nicolas Sarkozy, si ce n’est lui-même, en a fait son livre de chevet. L’anticipation sur un certain nombre de situations fait que l’effet de surprise est presque effacé. Tout se passe comme si au gouvernement ils écrivent et mettent en musique des partitions que se contentent de jouer leurs adversaires. Ils sont seuls à savoir à quel moment elles peuvent s’arrêter.
Cette arrogance est celle d’un gouvernement hyper sécuritaire à la tête duquel trône un super flic, en la personne de Nicolas Sarkozy. Par ses deux passages au ministère de l’Intérieur, il a prouvé qu’il était imbattable sur le thème de la sécurité et la gauche lui rend d’ailleurs un précieux service en l’entrainant sur ce terrain. Ce qui va se passer c’est que, si la manifestation se mue en insurrection avec le blocage du pays comme cela se dessine en faisant bondir de joie l’extrême gauche, Nicolas Sarkozy va durcir son gouvernement. Il va s’entourer des durs et d’hommes à poigne capables de répondre du tic au tac, tels Brice Hortefeux qui pourra à l’occasion hériter de la primature. Il n’hésitera pas à se séparer des collaborateurs tièdes et mous. Et pour le reste, il fera du temps son précieux allié. Surtout quand il sait qu’en face, il a des adversaires particulièrement impatients d’en découdre.
L’impatience est celle d’une opposition qui, portée par les sondages qui lui sont favorables depuis plusieurs mois, n’en peut plus d’être privé du pouvoir suprême. Elle se comporte à deux ans de l’élection présidentielle comme si elle avait déjà entamé la dernière ligne droite menant à l’Elysée. Autant on doit se réjouir de voir dans les manifestations une reprise des mobilisations sociales seules à même de soutenir la démocratie, autant l’opposition doit être assez lucide pour reconnaître qu’elle accompagne, certes en spectateur engagé mais en spectateur quand même, des manifestations dont le maître d’œuvre reste le mouvement syndical. De même, l’impression de racolage qui teinte l’attitude des partis de l’opposition n’est pas de nature à leur assurer une meilleure capitalisation du mécontentement général.
L’impatience est aussi celle d’une opposition qui veut avoir la peau du gouvernement par tous les moyens y compris en encourageant l’engagement des lycéens dans les rues. Un pari très risqué quand on sait que cette opposition surfe sur un fil de rasoir avec pour partenaire un mouvement syndical qui en d’autres circonstance qu’il pouvait être complaisant vis-à-vis du gouvernement dès que celui-ci lui assure un certain nombre de garanties pas toujours transparentes. Au finish, si çà tourne mal ou si le gouvernement parvient à résister et à prendre le dessus, cette épisode permettra plutôt au gouvernement de renforcer le régime sécuritaire et durcir son discours pour capter encore plus l’électorat de l’extrême droite qui en France est plus large que l’on ne laisse croire.
Entre ces deux tares que trainent les deux pôles du champ politique français, le problème des Français est réel et reste entier. Il peut se résumer dans cette question générique : pour un pays qui est réduit à raboter les niches fiscales pour combler le déficit comment continuer à assurer un niveau de vie décent à la population ? Face à cette question la droite et la gauche ont deux approches divergentes.
La gauche a une approche de partage du gâteau national sans se soucier de la constitution de ce gâteau. Elle ne croit pas à l’idée d’une France pauvre et pense plutôt à une mauvaise répartition de la richesse. C’est pourquoi elle propose de taxer la fortune et mettre sur pieds des mécanismes pour mieux rémunérer le travail au détriment du capital.
La droite a une approche de la constitution du gâteau national en vue de son partage. Prenant en compte la volatilité des capitaux aujourd’hui, elle pense qu’il faut leur cirer la patte aux détenteurs des capitaux afin qu’ils investissent en France et augmente ainsi le gâteau à partager. D’où l’idée du bouclier fiscal que condamne la gauche.
Mais l’urgence aujourd’hui est d’éviter à la France une asphyxie qui l’empêcherait elle-même de s’assumer. Et la responsabilité incombe au premier chef aux deux principaux acteurs que sont le pouvoir et l’opposition.
Etienne de Tayo
Promoteur Afrique Intègre
www.edetayo.blogspot.com
Les stratégies et les techniques des maîtres du monde pour la manipulation de l’opinion publique et de la société
1 – La stratégie de la diversion
2 – Créer des problèmes puis offrir des solutions
3 – La stratégie du dégradé
4 – La stratégie du différé
5 – S’adresser au public comme à des enfants de bas âge
6 – Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion
7 – Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise
8 – Encourager le public à se complaire dans la médiocrité
9 – Remplacer la révolte par la culpabilité
10 – Connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes
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