La fin de l'état de grâce de Nicolas Sarkozy - marquée par une chute vertigineuse du Président de la République dans les sondages (48% des français disent avoir une mauvaise opinion du président contre 45% qui disent le contraire) - étale t-elle un voile de peur sur la France? Divers sondages montrent que les Français sont plus pessimistes aujourd'hui, par rapport à l'avenir, qu'avant l'élection de Nicolas Sarkozy. Un pessimisme diversement interprété au sein de la classe politique.
Le 14 février dernier, alors que certains offraient des roses d'amour, 17 personnalités françaises, les "févrieristes" comme on les appelle déjà, ont servi une lettre bien corsée au président Sarkozy. Dans cette note teintée d'émotion, ils appellent à la "vigilance républicaine" contre tout "dérive confinant à la monarchie élective". Par gentillesse, Nicolas Sarkozy n'est pas cité mais çà crève les yeux qu'il est la principale cible. Ah, la dérive monarchique! En avril 2007, à la veille de l'élection présidentielle et, analysant l'état d'esprit des français à cette époque cruciale, j'avais publié dans ce blog, une réflexion intitulée : ET SI LES FRANCAIS AVAIT BESOIN D'UN ROI? . Il s'en était trouvé des gens pour m'accuser d'anachronisme et bien d'autres choses. En tout cas, le tabou avait pris le dessus et il ne fallait pas évoquer un tel sujet après que les français eussent décapité le roi plus de deux siècles auparavant.
Bien entendu, le président Sarkozy et son entourage nient toute dérive, à fortiori monarchique. Ils s'émeuvent même devant cette formidable alchimie qui a pu produire dans la tête de ses contempteurs le couple "monarchie élective". Mais ceux qui, même s'ils ne le disent pas, se présentent comme les garants de la République, persistent et signent. Alors, pour les départager les uns et les autres et détendre un peu l'atmosphère, pourquoi ne chanterons-nous pas avec eux : "Alors garants de la patrie, le jour de gloire finira par arriver… marchons… marchons…" Espérons seulement qu'à force de descendre dans les sondages, le président Sarkozy finisse par trouver le pétrole qui, au vu des cours très élevés, renflouera les caisses de l'Etat et réconciliera peut-être tout le monde.
Les difficultés politiques de Nicolas Sarkozy sont réelles. Selon un sondage BVA pour BFM et les Echos, "plus de 60% des français désapprouvent la politique du président". 72% de français sont moins confiants dans la politique économique contre 36% en juin 2007. Evidemment, en cette veille d'élections municipales et sénatoriales, les difficultés du président, candidat victorieux de l'UMP à l'élection présidentielle de mai 2007, sont du pain béni pour la gauche qui trouve là une occasion de prendre sa revanche. Et les leaders de la gauche ne se font pas prier pour s'engouffrer dans cette brèche et tirer tout le bénéfice possible. C'est la politique serait-on tenté de dire. Mais la gauche, qui a intérêt à bien analyser les résultats des sondages, doit prendre au moins trois précautions :
- Ne pas mal interpréter l'humeur des français
- Ne pas donner l'impression d'acculer et de s'acharner sur un homme déjà en difficulté;
- Ne pas se montrer trop opportuniste dans l'exploitation de la situation politique présente.
Ces précautions sont à prendre sinon, la bête qu'ils s'empressent à achever se relèvera, reprendra ses esprits et les pulvérisera.
L'HUMEUR DES FRANÇAIS :
Ce qui est vrai et ne souffre d'aucun doute, c'est que les Français sont remontés contre Nicolas Sarkozy. Ce courroux est à la hauteur de l'espoir qu'ils avaient placé en l'homme par rapport à la résolution de leur angoisse existentielle. Les sondages le montrent à suffisance. Mais si l'on peut considérer que ce qui s'est passé en mai dernier entre Nicolas Sarkozy et les Français est un mariage, sommes nous aujourd'hui dans un divorce ou une simple scène de ménage? Ce qui est sûr c'est que après presque 8 mois de mariage, pour rester dans cette métaphore, et sans précédent fâcheux, on ne saurait vraiment parler de divorce même s'il n'est pas exclu qu'il se profile à l'horizon. On parlerait mieux d'une scène de ménage un peu mouvementée. Et pour revenir à la politique, on parlerait mieux d'une fin de l'état de grâce.
Tous les chefs d'Etat connaissent la fin de l'état de grâce, celle-ci étant présentée comme la période magique d'absolution qui se rapporte aux premiers mois de règne. Tous les prédécesseurs de Sarkozy l'ont connue : Mitterrand aux environs de janvier 1982 après qu'il a essuyé un échec cuisant aux législatives partielles; Chirac l'a connue et a réagi en dissolvant l'assemblée nationale. Donc, c'est une constante dans la pratique politique. Mais que reproche vraiment les Français à Nicolas Sarkozy?
Les français reprochent sincèrement au moins 4 choses à Nicolas Sarkozy :
- l'affichage ostentatoire avec les puissances d'argent et surtout ceux qui, selon l'opinion gagneraient facilement l'argent alors qu'on leur demande de travailler plus pour espérer gagner plus;
- La démystification de la fonction présidentielle : il y a ceux qui comme Jean Louis Debré, qui n'a pas hésité à griller son devoir de réserve en tant que président du conseil constitutionnel pour demander de "faire attention de ne pas désacraliser les fonctions officielles". C'était au lendemain du mariage de Nicolas Sarkozy à l'Elysée;
- La tentative de concentration du pouvoir au travers de ses conseillers que ses adversaires qualifient de sa cour ou encore de la "République des conseillers", d'après Pierre Moscovici. Ce République des conseillers mettrait en scène une certaine cacophonie. Les plus durs y voient la dérive monarchique;
- La navigation à vue sur le plan économique. Et ce point intéresse le commun des Français qui veut voir sa situation financière s'améliorer.
Pour revenir à la métaphore du mariage donc, le mari qui est Nicolas Sarkozy peut-il facilement remonter la pente et éviter la rupture définitive? Il faut dire que sur les quatre griefs, deux intéressent l'élite politique, à savoir : la désacralisation de la fonction présidentielle et la dérive monarchique. C''est ce qu'on peut qualifier de combat des gens d'en haut. Deux autres préoccupent le commun des français : l'affichage ostentatoire et la navigation à vue au plan économique avec un risque de compromission du pouvoir d'achat promis.
Il y a un premier groupe d'observateurs qui pensent que ce qui arrive à Sarkozy était prévisible. Pire, ils croient que cette situation est irréversible. Pour eux la magistrature suprême était une fin pour Sarkozy. Il a mis toute sa lucidité à la chercher, il l'a atteint et ne peut plus que descendre jusqu'à ce qu'il disparaisse. Ces personnes exultent chaque fois que les sondages lui sont défavorables. Certains vont même un peu trop loin dans le registre psychiatrique en disant que la gloire a fait perdre la tête au président et qu'il est difficile qu'il se retrouve. Le philosophe Régis Debray parle par exemple "d'obscénité démocratique" pour décrire la mise en scène de la vie privée du chef de l'Etat. Ces opinions, on les retrouve généralement au sein de la gauche et chez tous ceux qui se sont déclaré anti-sarkosistes. C'est vrai que certaines sorties de Nicolas Sarkozy peuvent choquer surtout les personnes qui idéologiquement étaient déjà éloignés de lui.
Un deuxième groupe d'observateurs – en général ses partisans et ceux qui se déclarent neutres - pensent que dans la résolution de ses problèmes personnels – son divorce et son remariage – Nicolas a semblé tourner le dos aux Français. Il s'agirait donc, selon eux, d'une frasque amoureuse d'un mari qui s'est laissé attirer par une autre. Il suffirait donc d'après eux qu'il revienne à la maison et qu'il se montre plus attentionné pour se faire pardonner. Son mariage presque à huis clos montre bien que Sarkozy a compris le message des Français sur son ostentation. Reste le terrain économique où le président se débat à coup de visite des usines et autres effets d'annonce. Pour l'amour des Français qui le lâchent, il n'a pas hésité à faire son voyage de noces dans une usine de l'arrière pays. On verra dans quelques mois s'il a pu sauver cet autre mariage. En attendant, ses adversaires se donnent à cœur joie dans les coups qu'ils lui portent.
LA PSYCHOLOGIE DES FRANÇAIS :
Nicolas Sarkozy est en difficulté et çà se voit. Il suffit de scruter son visage lorsqu'il se trouve au milieu des ouvriers tentant de reconquérir l'adhésion de ces Français qui doutent de lui. Il suffit de voir ses traits tirés pour comprendre qu'il est en peine. Qu'il est non seulement en peine mais qu'il se donne du mal pour en sortir. Lorsque je regarde Nicolas Sarkozy, il me donne l'image d'un boxeur qui vient de recevoir un uppercut et qui a mis un genou par terre. Il est en train d'essayer de se relever. Dès lors, les coups que lui assènent ses adversaires, alors qu'il est compté, courent le risque d'être mal perçu par les spectateurs. C'est vrai que Nicolas Sarkozy n'est pas un enfant de chœur. Et on pourrait dire avec ce jeune : "bien fait pour lui, tous les hommes politiques sont des salauds qui ne méritent pas une compassion. Au diable!". Mais que pense le peuple français profond qui est le censeur suprême?
Pour avoir analysé les résultats des élections législatives depuis 30 ans en France, je suis arrivé à la conclusion que le peuple français n'est pas un peuple cynique. C'est un peuple généreux qui arrive toujours à repêcher celui qui est en grande difficulté. Même s'il est toujours là aussi à rappeler à celui qui vient de s'endetter auprès de lui, en gagnant une élection, qu'il ne doit pas se laisser griser par la victoire. En fait, c'est un peuple qui a la caractéristique de tous les peuples : il oublie vite et pardonne aussi. Nicolas Sarkozy, le traite de la fin des années 90, celui là même qui se faisait huer dans les meeting était devenu l'enfant chéri après la présidentielle de 2002 et c'est presque en triomphe qu'il a été élu en 2007. Aujourd'hui, il se retrouve encore au creux de la vague. C'est çà les dents de scie que le peuple dresse souvent sur le chemin des leaders politique.
Depuis 1978 le peuple français électeur procède à un partage généreux de ses suffrages entre la droite et la gauche ne permettant à aucun de dominer durablement l'autre. Après avoir porté Valery Giscard D'Estaing au pouvoir en 1974, les français le désillusionnent en 1978 lors de l'élection législative. Son parti l'UDF ne recueille que 123 sièges contre 154 pour le RPR et 113 pour les socialistes. Cet attelage permet à Chirac de donner son soutien à Mitterrand au cours de la présidentielle de 1981. Ce dernier dissout l'assemblée nationale demandant ainsi aux Français de lui donner les moyens pour gouverner. Ce qui est fait avec la manière puisqu'il rafle la mise avec 285 sièges pour le parti socialiste; le RPR recueille 88 sièges; quand à l'UDF il s'effondre avec seulement 62 sièges. Chirac et son allié du centre n'avaient plus que leurs yeux pour pleurer. Cependant que Mitterrand claironnait avec les communistes. Mais comme nous avons affaire à un peuple prodigue, il a ressuscité les pleureurs lors des législatives de 1986 : le parti socialiste ne recueille plus que 212 sièges, son allié la parti communiste 35 sièges; à droite, le RPR s'empare de 155 sièges et l'UDF a 131 sièges. La droite et le centre forment donc le gouvernement. C'est la première cohabitation.
En 1988, contre toute attente, Mitterrand se fait réélire. Pour la deuxième fois, il dissout l'Assemblée et pour la deuxième fois les France lui donnent les moyens de gouverner. Lors des législatives de juin 1988 le parti socialiste recueille 275 sièges, le RPR 130 et l'UDF 90. En 1993, les Français qui avaient pourtant plébiscité la gauche 5 ans auparavant, l'humilie pratiquement puisque le parti socialiste ne recueille que 57 sièges contre 257 pour le RPR et 215 pour l'UDF. La droite se déchire au cours de l'élection présidentielle de 1995 où Chirac est opposé à Balladur. Les Français n'ont certainement pas apprécié. Qui plus est Chirac tente de les rouler dans la farine par rapport à la promesse de réduction de la fracture sociale. Confronté à la fronde des français, Chirac, qui veut imiter Mitterrand commet la plus grosse erreur de sa carrière politique. Il dissout l'Assemblée nationale et récolte la tempête : la France généreuse se souvient du parti socialiste et lui accorde 250 sièges contre 142 au RPR et 82 à l'UDF. Malheureusement Mitterrand n'est plus là pour voir ce cadeau à titre posthume. Dans cette affaire, Chirac sacrifie la carrière de l'un des technocrates les plus brillants de la cinquième République : Alain Juppé quitte Matignon avec ses Jupettes.
En 2002, après avoir été élu comme dans une République bananière, Chirac lance l'UMP et sollicite les moyens pour gouverner. Les Français lui confirme le plébiscite en accordant 365 sièges à l'UMP contre 141 pour le parti socialiste et 29 pour l'UDF. En 2007, Nicolas Sarkozy émerge et remporte les suffrages des français lors de la présidentielle d'avril-mai. Mais au cours des législatives qui ont suivi l'UMP n'a pas fait le ras de marée qu'on lui prédisait. Le peuple français a pensé à relever un peu la gauche qui était en grande difficulté.
C'est vrai qu'en politique, on peut aisément user de cet adage qui dit que : "tous les moyens sont bons, pourvu qu'ils soient efficace". Mais, n'y a-t-il pas un risque à vouloir s'appuyer sur les frasques de Nicolas Sarkozy – que ne partagent pas tous les élus UMP – pour solliciter un vote sanction contre des élus locaux dont le seul péché c'est de partager le même parti que Sarkozy? Les victoires acquises suite à un vote sanction sont parfois des cadeaux empoisonnés. C'est en général un chèque en blanc signé au profit d'un parti qui, pour n'avoir pas opposé un vrai programme, ne saura pas quelle promesse tenir. Sans compter que, comme le soulignait un invité d'une émission sur Itélé, "chaque fois que la parti socialiste gagne de façon spectaculaire, cela étouffe les débats de fonds". Et pourtant, les débats de fonds sont légion à ce moment crucial pour ce parti.
La gauche française en général et le parti socialiste en particulier, est dans une phase de recomposition aussi bien d'un point de vue de l'idéologie que de celui du leader. Dans un monde qui épouse de plus en plus la réalismologie – définie comme la science de la réalité et du réalisme – au détriment de toutes les idéologies idéalistes qui firent le succès de la gauche, le parti socialiste doit repenser son discours de fond en comble. Il doit se faire violence sur le plan économique et bien méditer cette phrase de Tony Blair : "Le rôle de l'Etat c'est aider les gens à s'aider eux-mêmes". Tony Blair le dit parce qu'il sait que l'Etat providence est mort. Le parti socialiste doit se donner un nouveau leader. Aujourd'hui, pas moins de huit candidats se posent en successeurs de François Hollande et autant pour la succession de Ségolène Royal à l'investiture du parti pour 2012. J'ai l'impression que pour les empêcher de réfléchir profondément sur le devenir de leur parti, Nicolas Sarkozy jette à la face des leaders de gauche une série de thèmes de débat et cela m'amuse de les voir s'arracher les cheveux sur les plateaux de télévision et se laisser aller parfois dans ce qui peut permettre à Nicolas Sarkozy de se refaire : l'acharnement et l'éternelle tentative de diabolisation. Et si tout n'était qu'une mise en scène?
Le 14 février dernier, alors que certains offraient des roses d'amour, 17 personnalités françaises, les "févrieristes" comme on les appelle déjà, ont servi une lettre bien corsée au président Sarkozy. Dans cette note teintée d'émotion, ils appellent à la "vigilance républicaine" contre tout "dérive confinant à la monarchie élective". Par gentillesse, Nicolas Sarkozy n'est pas cité mais çà crève les yeux qu'il est la principale cible. Ah, la dérive monarchique! En avril 2007, à la veille de l'élection présidentielle et, analysant l'état d'esprit des français à cette époque cruciale, j'avais publié dans ce blog, une réflexion intitulée : ET SI LES FRANCAIS AVAIT BESOIN D'UN ROI? . Il s'en était trouvé des gens pour m'accuser d'anachronisme et bien d'autres choses. En tout cas, le tabou avait pris le dessus et il ne fallait pas évoquer un tel sujet après que les français eussent décapité le roi plus de deux siècles auparavant.
Bien entendu, le président Sarkozy et son entourage nient toute dérive, à fortiori monarchique. Ils s'émeuvent même devant cette formidable alchimie qui a pu produire dans la tête de ses contempteurs le couple "monarchie élective". Mais ceux qui, même s'ils ne le disent pas, se présentent comme les garants de la République, persistent et signent. Alors, pour les départager les uns et les autres et détendre un peu l'atmosphère, pourquoi ne chanterons-nous pas avec eux : "Alors garants de la patrie, le jour de gloire finira par arriver… marchons… marchons…" Espérons seulement qu'à force de descendre dans les sondages, le président Sarkozy finisse par trouver le pétrole qui, au vu des cours très élevés, renflouera les caisses de l'Etat et réconciliera peut-être tout le monde.
Les difficultés politiques de Nicolas Sarkozy sont réelles. Selon un sondage BVA pour BFM et les Echos, "plus de 60% des français désapprouvent la politique du président". 72% de français sont moins confiants dans la politique économique contre 36% en juin 2007. Evidemment, en cette veille d'élections municipales et sénatoriales, les difficultés du président, candidat victorieux de l'UMP à l'élection présidentielle de mai 2007, sont du pain béni pour la gauche qui trouve là une occasion de prendre sa revanche. Et les leaders de la gauche ne se font pas prier pour s'engouffrer dans cette brèche et tirer tout le bénéfice possible. C'est la politique serait-on tenté de dire. Mais la gauche, qui a intérêt à bien analyser les résultats des sondages, doit prendre au moins trois précautions :
- Ne pas mal interpréter l'humeur des français
- Ne pas donner l'impression d'acculer et de s'acharner sur un homme déjà en difficulté;
- Ne pas se montrer trop opportuniste dans l'exploitation de la situation politique présente.
Ces précautions sont à prendre sinon, la bête qu'ils s'empressent à achever se relèvera, reprendra ses esprits et les pulvérisera.
L'HUMEUR DES FRANÇAIS :
Ce qui est vrai et ne souffre d'aucun doute, c'est que les Français sont remontés contre Nicolas Sarkozy. Ce courroux est à la hauteur de l'espoir qu'ils avaient placé en l'homme par rapport à la résolution de leur angoisse existentielle. Les sondages le montrent à suffisance. Mais si l'on peut considérer que ce qui s'est passé en mai dernier entre Nicolas Sarkozy et les Français est un mariage, sommes nous aujourd'hui dans un divorce ou une simple scène de ménage? Ce qui est sûr c'est que après presque 8 mois de mariage, pour rester dans cette métaphore, et sans précédent fâcheux, on ne saurait vraiment parler de divorce même s'il n'est pas exclu qu'il se profile à l'horizon. On parlerait mieux d'une scène de ménage un peu mouvementée. Et pour revenir à la politique, on parlerait mieux d'une fin de l'état de grâce.
Tous les chefs d'Etat connaissent la fin de l'état de grâce, celle-ci étant présentée comme la période magique d'absolution qui se rapporte aux premiers mois de règne. Tous les prédécesseurs de Sarkozy l'ont connue : Mitterrand aux environs de janvier 1982 après qu'il a essuyé un échec cuisant aux législatives partielles; Chirac l'a connue et a réagi en dissolvant l'assemblée nationale. Donc, c'est une constante dans la pratique politique. Mais que reproche vraiment les Français à Nicolas Sarkozy?
Les français reprochent sincèrement au moins 4 choses à Nicolas Sarkozy :
- l'affichage ostentatoire avec les puissances d'argent et surtout ceux qui, selon l'opinion gagneraient facilement l'argent alors qu'on leur demande de travailler plus pour espérer gagner plus;
- La démystification de la fonction présidentielle : il y a ceux qui comme Jean Louis Debré, qui n'a pas hésité à griller son devoir de réserve en tant que président du conseil constitutionnel pour demander de "faire attention de ne pas désacraliser les fonctions officielles". C'était au lendemain du mariage de Nicolas Sarkozy à l'Elysée;
- La tentative de concentration du pouvoir au travers de ses conseillers que ses adversaires qualifient de sa cour ou encore de la "République des conseillers", d'après Pierre Moscovici. Ce République des conseillers mettrait en scène une certaine cacophonie. Les plus durs y voient la dérive monarchique;
- La navigation à vue sur le plan économique. Et ce point intéresse le commun des Français qui veut voir sa situation financière s'améliorer.
Pour revenir à la métaphore du mariage donc, le mari qui est Nicolas Sarkozy peut-il facilement remonter la pente et éviter la rupture définitive? Il faut dire que sur les quatre griefs, deux intéressent l'élite politique, à savoir : la désacralisation de la fonction présidentielle et la dérive monarchique. C''est ce qu'on peut qualifier de combat des gens d'en haut. Deux autres préoccupent le commun des français : l'affichage ostentatoire et la navigation à vue au plan économique avec un risque de compromission du pouvoir d'achat promis.
Il y a un premier groupe d'observateurs qui pensent que ce qui arrive à Sarkozy était prévisible. Pire, ils croient que cette situation est irréversible. Pour eux la magistrature suprême était une fin pour Sarkozy. Il a mis toute sa lucidité à la chercher, il l'a atteint et ne peut plus que descendre jusqu'à ce qu'il disparaisse. Ces personnes exultent chaque fois que les sondages lui sont défavorables. Certains vont même un peu trop loin dans le registre psychiatrique en disant que la gloire a fait perdre la tête au président et qu'il est difficile qu'il se retrouve. Le philosophe Régis Debray parle par exemple "d'obscénité démocratique" pour décrire la mise en scène de la vie privée du chef de l'Etat. Ces opinions, on les retrouve généralement au sein de la gauche et chez tous ceux qui se sont déclaré anti-sarkosistes. C'est vrai que certaines sorties de Nicolas Sarkozy peuvent choquer surtout les personnes qui idéologiquement étaient déjà éloignés de lui.
Un deuxième groupe d'observateurs – en général ses partisans et ceux qui se déclarent neutres - pensent que dans la résolution de ses problèmes personnels – son divorce et son remariage – Nicolas a semblé tourner le dos aux Français. Il s'agirait donc, selon eux, d'une frasque amoureuse d'un mari qui s'est laissé attirer par une autre. Il suffirait donc d'après eux qu'il revienne à la maison et qu'il se montre plus attentionné pour se faire pardonner. Son mariage presque à huis clos montre bien que Sarkozy a compris le message des Français sur son ostentation. Reste le terrain économique où le président se débat à coup de visite des usines et autres effets d'annonce. Pour l'amour des Français qui le lâchent, il n'a pas hésité à faire son voyage de noces dans une usine de l'arrière pays. On verra dans quelques mois s'il a pu sauver cet autre mariage. En attendant, ses adversaires se donnent à cœur joie dans les coups qu'ils lui portent.
LA PSYCHOLOGIE DES FRANÇAIS :
Nicolas Sarkozy est en difficulté et çà se voit. Il suffit de scruter son visage lorsqu'il se trouve au milieu des ouvriers tentant de reconquérir l'adhésion de ces Français qui doutent de lui. Il suffit de voir ses traits tirés pour comprendre qu'il est en peine. Qu'il est non seulement en peine mais qu'il se donne du mal pour en sortir. Lorsque je regarde Nicolas Sarkozy, il me donne l'image d'un boxeur qui vient de recevoir un uppercut et qui a mis un genou par terre. Il est en train d'essayer de se relever. Dès lors, les coups que lui assènent ses adversaires, alors qu'il est compté, courent le risque d'être mal perçu par les spectateurs. C'est vrai que Nicolas Sarkozy n'est pas un enfant de chœur. Et on pourrait dire avec ce jeune : "bien fait pour lui, tous les hommes politiques sont des salauds qui ne méritent pas une compassion. Au diable!". Mais que pense le peuple français profond qui est le censeur suprême?
Pour avoir analysé les résultats des élections législatives depuis 30 ans en France, je suis arrivé à la conclusion que le peuple français n'est pas un peuple cynique. C'est un peuple généreux qui arrive toujours à repêcher celui qui est en grande difficulté. Même s'il est toujours là aussi à rappeler à celui qui vient de s'endetter auprès de lui, en gagnant une élection, qu'il ne doit pas se laisser griser par la victoire. En fait, c'est un peuple qui a la caractéristique de tous les peuples : il oublie vite et pardonne aussi. Nicolas Sarkozy, le traite de la fin des années 90, celui là même qui se faisait huer dans les meeting était devenu l'enfant chéri après la présidentielle de 2002 et c'est presque en triomphe qu'il a été élu en 2007. Aujourd'hui, il se retrouve encore au creux de la vague. C'est çà les dents de scie que le peuple dresse souvent sur le chemin des leaders politique.
Depuis 1978 le peuple français électeur procède à un partage généreux de ses suffrages entre la droite et la gauche ne permettant à aucun de dominer durablement l'autre. Après avoir porté Valery Giscard D'Estaing au pouvoir en 1974, les français le désillusionnent en 1978 lors de l'élection législative. Son parti l'UDF ne recueille que 123 sièges contre 154 pour le RPR et 113 pour les socialistes. Cet attelage permet à Chirac de donner son soutien à Mitterrand au cours de la présidentielle de 1981. Ce dernier dissout l'assemblée nationale demandant ainsi aux Français de lui donner les moyens pour gouverner. Ce qui est fait avec la manière puisqu'il rafle la mise avec 285 sièges pour le parti socialiste; le RPR recueille 88 sièges; quand à l'UDF il s'effondre avec seulement 62 sièges. Chirac et son allié du centre n'avaient plus que leurs yeux pour pleurer. Cependant que Mitterrand claironnait avec les communistes. Mais comme nous avons affaire à un peuple prodigue, il a ressuscité les pleureurs lors des législatives de 1986 : le parti socialiste ne recueille plus que 212 sièges, son allié la parti communiste 35 sièges; à droite, le RPR s'empare de 155 sièges et l'UDF a 131 sièges. La droite et le centre forment donc le gouvernement. C'est la première cohabitation.
En 1988, contre toute attente, Mitterrand se fait réélire. Pour la deuxième fois, il dissout l'Assemblée et pour la deuxième fois les France lui donnent les moyens de gouverner. Lors des législatives de juin 1988 le parti socialiste recueille 275 sièges, le RPR 130 et l'UDF 90. En 1993, les Français qui avaient pourtant plébiscité la gauche 5 ans auparavant, l'humilie pratiquement puisque le parti socialiste ne recueille que 57 sièges contre 257 pour le RPR et 215 pour l'UDF. La droite se déchire au cours de l'élection présidentielle de 1995 où Chirac est opposé à Balladur. Les Français n'ont certainement pas apprécié. Qui plus est Chirac tente de les rouler dans la farine par rapport à la promesse de réduction de la fracture sociale. Confronté à la fronde des français, Chirac, qui veut imiter Mitterrand commet la plus grosse erreur de sa carrière politique. Il dissout l'Assemblée nationale et récolte la tempête : la France généreuse se souvient du parti socialiste et lui accorde 250 sièges contre 142 au RPR et 82 à l'UDF. Malheureusement Mitterrand n'est plus là pour voir ce cadeau à titre posthume. Dans cette affaire, Chirac sacrifie la carrière de l'un des technocrates les plus brillants de la cinquième République : Alain Juppé quitte Matignon avec ses Jupettes.
En 2002, après avoir été élu comme dans une République bananière, Chirac lance l'UMP et sollicite les moyens pour gouverner. Les Français lui confirme le plébiscite en accordant 365 sièges à l'UMP contre 141 pour le parti socialiste et 29 pour l'UDF. En 2007, Nicolas Sarkozy émerge et remporte les suffrages des français lors de la présidentielle d'avril-mai. Mais au cours des législatives qui ont suivi l'UMP n'a pas fait le ras de marée qu'on lui prédisait. Le peuple français a pensé à relever un peu la gauche qui était en grande difficulté.
C'est vrai qu'en politique, on peut aisément user de cet adage qui dit que : "tous les moyens sont bons, pourvu qu'ils soient efficace". Mais, n'y a-t-il pas un risque à vouloir s'appuyer sur les frasques de Nicolas Sarkozy – que ne partagent pas tous les élus UMP – pour solliciter un vote sanction contre des élus locaux dont le seul péché c'est de partager le même parti que Sarkozy? Les victoires acquises suite à un vote sanction sont parfois des cadeaux empoisonnés. C'est en général un chèque en blanc signé au profit d'un parti qui, pour n'avoir pas opposé un vrai programme, ne saura pas quelle promesse tenir. Sans compter que, comme le soulignait un invité d'une émission sur Itélé, "chaque fois que la parti socialiste gagne de façon spectaculaire, cela étouffe les débats de fonds". Et pourtant, les débats de fonds sont légion à ce moment crucial pour ce parti.
La gauche française en général et le parti socialiste en particulier, est dans une phase de recomposition aussi bien d'un point de vue de l'idéologie que de celui du leader. Dans un monde qui épouse de plus en plus la réalismologie – définie comme la science de la réalité et du réalisme – au détriment de toutes les idéologies idéalistes qui firent le succès de la gauche, le parti socialiste doit repenser son discours de fond en comble. Il doit se faire violence sur le plan économique et bien méditer cette phrase de Tony Blair : "Le rôle de l'Etat c'est aider les gens à s'aider eux-mêmes". Tony Blair le dit parce qu'il sait que l'Etat providence est mort. Le parti socialiste doit se donner un nouveau leader. Aujourd'hui, pas moins de huit candidats se posent en successeurs de François Hollande et autant pour la succession de Ségolène Royal à l'investiture du parti pour 2012. J'ai l'impression que pour les empêcher de réfléchir profondément sur le devenir de leur parti, Nicolas Sarkozy jette à la face des leaders de gauche une série de thèmes de débat et cela m'amuse de les voir s'arracher les cheveux sur les plateaux de télévision et se laisser aller parfois dans ce qui peut permettre à Nicolas Sarkozy de se refaire : l'acharnement et l'éternelle tentative de diabolisation. Et si tout n'était qu'une mise en scène?
LES "FEVRIERISTES"
Les signataires de cet appel sont les 17 personnalités suivantes: Pierre Lefranc, ancien chef de cabinet du Général de Gaulle Dominique de Villepin, ancien Premier ministre Ségolène Royal, ancien ministre, Présidente de la région Poitou-Charentes François Bayrou, ancien ministre, député des Pyrénées-Atmantiques Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre Corinne Lepage, ancien ministre Nicolas Dupont-AIgnan, député de l'Essonne Bertrand Delanoë, maire de Paris Maurice Leroy, député de Loir-et-Cher Nöel Mamère, député de la Gironde Jean-Christophe Lagarde, député de la Seine-Saint-Denis Marielle de Sarnez, conseillère de Paris André Gérin, député du Rhône Arnaud Montebourg, député de la Saône-et-Loire Jacqueline Gourault, sénatrice du Loir-et-Cher Jean-Pierre Brard, député de la Seine-Saint-Denis Jean-Paul Bled, président des Cercles universitaires d'études et de recherches gauliennes
Par Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"
www.edetayo.blogspot.com
Par Etienne de Tayo
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