Du 24 au 29 février 2008, le Cameroun a connu une poussée d'émeutes d'une violence inouïe. A l'heure de la comptabilité macabre on en est à 24 morts avoués par le gouvernement et à une centaine avancée par les organisations de défense des droits de l'homme. Une chose est sûre que les observateurs ont reconnu la supériorité de la température qu'ont dégagée ces manifestations sur celle qu'on a connu au début des années 90.
Face à l'escalade, le président Paul Biya est sorti dans un discours à la fois accusateur et ferme, d'aucuns l'on même traité de discours va-t-en guerre. Il a ainsi accusé les "apprentis sorciers qui dans l'ombre manipulent les jeunes". Il a promis que "tous les moyens légaux dont dispose l'Etat seront mis en œuvre pour que force reste à la loi". Bien sûr, l'opposition qui est visée dans le propos du président de la République réfute les accusations : "Je lui (Paul Biya) donne le conseil donc de chercher les causes de ce malaise national au sein de son parti, le Rdpc et dans l’échec de sa politique des ‘‘grandes ambitions’’, ‘‘le grand large débat’’ et ‘‘démocratie avancée’’", déclare John Fru Ndi, le leader du principal parti de l'opposition le Sdf. Pour les causes, on a parlé de la cherté de la vie et de la contestation préventive face à la volonté du gouvernement de modifier l'article 6.2 de la constitution en vue de faire sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels. Une manœuvre interprétée par les opposants comme une volonté du président Paul Biya de s'éterniser au pouvoir.
Que ce soit l'une ou l'autre des causes, tout ceci relève selon les politologues d'un mode de fonctionnement normal d'un Etat. C'est ce que Ruffolo décrit en ces termes : "la somme des pulsions innovatrices de la société est constitutive de la dynamique des transformations sociales que chaque Etat tente toujours d'ordonner, d'orienter et de gouverner" (Abé, 2006). Jean Leca dit presque la même chose lorsqu'il affirme que : "tout régime politique est une technique de domestication de la guerre sociale" (Leca, 1986). Plus près et analysant à chaud les émeutes, le philosophe politique Sindjoun Pokam[1] soutient que : "au Cameroun, le peuple n'est plus le peuple, ce sont des figures dégradées (…) ce sont des gens qui sont prêts à tout risque. On est dans une dialectique de lutte à mort". On peut même dire que le conflit est consubstantiel à la formation des Etats modernes puisqu'il a été prévu : "l'admission des conflits (sur qui repose t-il)? L'expression des conflits (comment s'expriment-ils)? La résolution des conflits (comment se résout-ils)?" Il s'agit donc, pour le cas des émeutes qui ont secoué le Cameroun, des dynamiques de décompositions et de recompositions politiques et des dynamiques de transformations sociales s'inscrivant dans un cadre général de la pratique politique au Cameroun et pouvant déboucher sur des crises très violentes.
Ce thème a inspiré un certain nombre de chercheurs dont Claude Abé qui a traité de "l'espace public et recompositions de la pratique politique au Cameroun"[2]. Dans un travail d'une richesse remarquable, il s'est intéressé "aux mutations qui ont cours au Cameroun depuis la fin de la décennie 80" (Abé, 2006) et plus particulièrement à la transition démocratique du début des années 90. Après moult démonstrations, il parvient à la conclusion suivante : "Tenant la transition politique pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une crise, l’article démontre que la construction de l’espace public au Cameroun est une ingénierie de sortie de la crise. La déconstruction du paradigme du conflit à laquelle elle donne lieu débouche en effet sur la mise sur pied et l’affirmation de celui de la communication. L’analyse des dynamiques qui traversent le champ médiatique camerounais aujourd’hui tel que le retour de la défense des chapelles identitaires montre que le nouveau paradigme est lui-même en équilibre instable. Ce qui invite à s’intéresser aux contraintes auxquelles le procès de civilisation des moeurs politiques au Cameroun doit faire face" (Abé, 2006).
Dans la présente réflexion, je voudrais rebondir sur les deux dernières phrases de la conclusion de Claude Abé qui sonne comme des doutes qu'il émet, des perspectives qu'il ouvre, des pistes de recherche qu'il balise.
Je fais une première l'hypothèse suivante : si on est d'accord sur le fait que l'émergence de l'espace public au Cameroun apparaît comme un processus de sortie de crise politique par la déconstruction du paradigme du conflit, le doute persiste sur l'acquisition automatique, "la mise en œuvre et l'affirmation" (Abé, 2006) du paradigme de communication qui viendrait en remplacement du conflictualisme politique, à fortiori, affirmer que ce changement inaugure une entrée dans une ère de civilisation des mœurs politiques. C'est vrai que l'émeute est une forme particulière de communication reconnue en démocratie. Olivier Duhamel parle de "démocratie émeutière". Mais encore faut-il qu'elle soit bien décryptée par celui ou ceux à qui elle est adressée pour qu'on parle réellement d'une dialectique communicationnelle et que par ailleurs, il n'y ait pas de confusion de cible. Bien que le décret N° 002/CAB/PM du 23 juillet 1992 marque une volonté du gouvernement d'accéder au paradigme de communication, le contexte de signature de ce texte qui était une réponse "aux manœuvres d'intoxication des esprits et de déstabilisation sociopolitique", nous laisse penser qu'il n'aura été qu'un texte opportuniste et essentiellement révocable. Il est donc possible que le gouvernement ait depuis tourné la page et est revenu aux vieilles habitudes.
Je pose la seconde hypothèse en disant qu'il faut faire attention de ne pas confondre une société de communication régie justement par le paradigme de communication avec une société hypermédiatique, le préfixe hyper étant entendu ici comme "trop et mal" informé. Dans une société hypermédiatique, le débat est abandonné aux médias qui s'enferment dans une sorte de monologue. Les politiques qui se sont mis en sécurité ou sont désormais immunisés contre les piqûres de la presse leur lancent ceci : "Causez toujours". Il faut savoir que l'irruption de la société hypermédiatique – où on assiste à une sorte de "lucarnisation" du champ politique - et donc d'un peuple "trop et mal" informé, sans que certaines conditions soit remplies, peut installer ce peuple dans une sorte de schizophrénie existentielle et empêcher à jamais l'encrage d'un paradigme de communication à tout le moins retarder sérieusement son enracinement. Certes on ne peut nier les deux acquis que sont la libération de la parole et la libéralisation du champ médiatique qui, selon Claude Abé "ont permis l'émergence de l'espace public. Mais force est de reconnaître qu'on assiste en réalité à une sorte de libertinage qui, parce qu'il tue la liberté, peut ruiner les acquis.
A la lumière des événements de février dernier et du traitement qui en a été fait par les politiques, notamment le discours de Paul Biya, la "déclaration des forces vives du Mfoundi" et subsidiairement la sortie des chefs supérieurs Sawa et du chef supérieur Déido, Essaka Ekwalla, je voudrais porter un certain nombre d'interrogations sur la pratique communicationnelle au Cameroun à partir du champ de la politique. Je me demande si on n'est pas revenu à l'ère du conflictualisme politique qu'on avait peut-être trop tôt enterré? Et si je fais l'effort d'admettre l'existence d'un processus de "déconflictualisation" du champ politique, je me demande s'il n'existe pas entre le paradigme du conflit et le paradigme de communication, un paradigme intermédiaire, lequel nous sommes en train d'expérimenter aujourd'hui? Appelons le paradigme hypermédiatique.
Conflictualisme recyclé :
Le 24 février dernier, un objet contestataire non identifié (Ocni) a fait irruption dans le champ politique camerounais et a remis le conflit au centre des préoccupations. Face à cette irruption, le président Biya a certainement paniqué et doublement d'ailleurs. D'abord parce qu'il avait affaire à un ocni donc difficilement cernable, ensuite parce que, au vu de la situation, le Cameroun était à deux doigts de basculer dans la guerre civile. Et si cela arrivait, comme le dit Soudjoun Pokam, "le prince en porterait la responsabilité historique". En effet, aux bandes des jeunes certainement de bonne foi qui manifestaient, les uns pour la cherté, les autres contre la révision constitutionnelle ou les deux à la fois, s'étaient mêlés des criminels de haut vol et des repris de justice qui pouvaient tout faire basculer. Mais rien ne pouvait justifier les mûrs d'incommunication que ce discours a semblé élever entre le président Biya et les jeunes manifestants. C'était un discours de la négation de la communication et inutilement belliqueux dans lequel on a eu l'impression qu'il était à la recherche de bouc émissaire ou d'un adversaire. Pour l'anthropologue Séverin Cécile Abega, "la de l'Etat ne s'adressait pas à la question posée"[3] Cela sautait pourtant aux yeux que l'opposition qu'il a fini par accuser à mots à peine couverts avait déjà était disqualifiée par l'apparition de l'Ocni. Elle était désormais réduite à réfuter l'accusation montrant par là que même elle aussi ne maîtrise plus rien. Au Cameroun aujourd'hui d'après Cecile Abéga, "tous les leaderships sont déconsidérés. On a des difficultés à voir émerger de nouveaux leaders alors que le milieu politique est riche et que la société civile se reconstitue". La cause de ce paradoxe, c'est dans le malaise social et dans le mal être individuel qu'expérimente chaque camerounais.
Dans un article prémonitoire publié le 8 janvier 2008, Serge Alain Godong entrevoyait l'explosion sociale non pas en prophète de malheur mais en analyste éclairé. En effet, ayant révélé que "dans le Cameroun actuel, c'est moins de 80% de la population au moins qui est hors des sentiers de la réussite, il évaluait la classe moyenne du Cameroun, c'est-à-dire la masse critique d'individu qui parce que détenteur du pouvoir d'achat doit tirer le reste de la population, à quelque 1,5 million de personnes sur une population de 18 millions. Et il se demandait "comment dans une population de 18 millions seul 1,5 million d'individus peuvent avoir la charge de supporter, dans tous les sens du terme, les autres 16 millions". Tirant la conclusion, il écrivait que : "la situation actuelle du pays ouvre donc la voie, tout insidieusement aux plus graves révoltes sociales dans les années qui viennent. Aucun Etat ne peut prétendre à une quelconque paix sans générer une bourgeoisie certaine". Deux mois après cette analyse, l'histoire lui a donné raison.
Sur 5 jeunes de moins de 30 ans que vous rencontrez aujourd'hui au Cameroun, 3 ne rêvent que de quitter le pays. Aussi échafaudent-ils chaque jour des histoires abracadabrantesques pour tenter de rejoindre l'Europe ou n'importe quel autre ailleurs où ils pensent échapper au mal vivre du Cameroun; un quatrième, s'il consent à rester au pays n'a qu'une préoccupation : lui casser la gueule au gouvernement qu'il identifie comme la source de ses malheurs; il n'y a finalement qu'un seul qui consent à rester au pays pour travailler au développement de ce dernier. Sur cinq autres jeunes que vous piquez au hasard à Douala, Yaoundé, Bafoussam 4 sont sans emplois et ne sont pas mariés. Parmi les quatre, deux sont veufs. Seul le cinquième a pu trouver un travail, est marié avec femme et enfants.
Lorsqu'on a une marmite comme celle-ci et que le couvercle se soulève légèrement laissant échapper une vapeur brûlante, il faut s'entourer de beaucoup de tact et d'humilité dans la recherche de solutions visant à refermer la marmite. Pour revenir aux récentes émeutes, Sevérin Cécile Abega, recommande : "Ce n'est pas la violence qui peut être la réponse parce que le problème est réel. Même le policier qui réprime a une femme qui se plaint du prix de l'huile, du riz, des bananes, etc., qui est très élevé". Lorsqu'on y oppose la violence c'est qu'on tente de recycler le paradigme conflitualiste.
La marche arrière :
Dans le discours du président Biya dont la fermeté pouvait être compréhensible au vu de la situation se sont pourtant retrouvé des expressions qui rappelaient une époque qu'on croyait bien révolue. Il y a d'abord le mot "apprentis sorciers" certes d'une tonalité un peu faible mais qui se rapproche dangereusement des mots comme "ennemis de la nation", "maquisards", "subversifs" qui faisaient partie du répertoire du président Ahidjo. On sait qu'il ne faisait pas mystère de son choix de conduire les affaires du pays et tenter de contrôler les transformations sociales à l'aide du paradigme conflictualiste : "Sous Ahidjo, une véritable chasse aux sorcières en vue de rechercher les ennemis de la nation même en dehors des rangs des maquisards a aussi vu le jour. Les notions de subversion et atteinte à l'ordre publique sont les prolongements de la politique de chasse aux sorcières qui a vu le jour à la fin des années 50 (…) Tout ceci s'appréhende comme des technologies de mise en place et d'entretien du conflictualisme comme fil d'Ariane de la pratique politique" (Abé, 2006). Il y a aussi cette volonté qu'a affiché Paul Biya dans son discours de mettre en œuvre tous les moyens légaux dont dispose le gouvernement pour que force reste à la loi. Cette phrase se rapproche à quelque chose près, pour ceux qui ont fait l'université de Yaoundé dans les années 70, à une autre phrase prononcée par le président Ahidjo dans des conditions difficiles de grèves d'étudiants et qui est restée célèbre : "L'ordre règnera à l'université de Yaoundé par tous les moyens". Il y a juste le mot "légaux" qui a été ajouté. On voit là que, dans sa stratégie de contrôle ou d'adaptations bénéfiques aux dynamiques des transformations sociales, Paul Biya tente de mobiliser le binôme paix et stabilité qu'il incarne contre les "apprentis sorciers" qui sont porteurs de guerre et déstabilisation. Seulement, il est intéressant de faire observer que les mots paix et stabilité sont inscrits au recto d'une pièce dont le verso porte les mots guerre et terrorisme. Il suffit donc juste de retourner la pièce. En son temps déjà Ahidjo faisait "une instrumentalisation radicale du dualisme entre artisan de l'unité nationale et ennemis de la construction nationale. Une approche qui n'a pas été étrangère à l'adoption du conflictualisme comme principe directeur de la pratique politique au Cameroun" (Abé, 2006).
Il y a enfin dans ce discours cette volonté de ne voir derrière l'action des jeunes qu'une manipulation. Ce qui veut dire que pour le président Biya et ses conseillers, les jeunes camerounais ne sont pas capables de réflexion pouvant les amener à prendre conscience de leurs problèmes et de les poser. Cette une conception aussi très proches des conceptions de l'ancien régime. Sous Ahidjo, le peuple était appréhendé comme des "enfants immatures" selon l'expression de Jean François Bayart. Ce qui veut dire que les jeunes, peut-être, étaient perçus comme des embryons humains. Or, aujourd'hui, les jeunes qui sont connectés pour beaucoup sur le monde veulent se faire comprendre par leurs gouvernants, et lorsqu'ils ont l'impression qu'ils ne sont pas compris, ils portent le conflit sur la place public.
Le discours du président Biya a été finalement une adresse assez mal inspirée – et il faut parfois avoir le courage de reconnaître qu'on peut être mal inspiré comme Nicolas Sarkozy l'a reconnu récemment par rapport à son discours de Dakar – qui a tenté comme nous l'avons vu de ressusciter le paradigme conflictualiste. Ce discours a surtout inspiré certains Camerounais qui ont cru que le président avait ainsi lancé une chasse aux "apprentis sorciers".
Les vieux démons :
Le 29 février 2008, deux jours après le discours du président Biya, les forces vives du Mfoundi – c'est le département sur lequel est situé la capitale Yaoundé - ont décidé de faire entendre leur voix. A l'appel de l'Association fraternelle pour l'entraide et la solidarité du Mfoundi (Asfesem), présidé par André Mama Fouda, ministre de la Santé Publique, une vingtaine de notables du Mfoundi ont signé ce qui restera dans les annales "la déclaration des forces vives du Mfoundi". Ce texte, entre autre, appelle tous ceux qui ne sont pas du Mfoundi et que les signataires soupçonne d'être les "apprentis sorciers" dont parlait le discours présidentiel, "à quitter rapidement et définitivement notre sol car, ils ne seront plus jamais en sécurité. Qu'ils disent à leurs commettants que les forces vives du Mfoundi ont à nouveau revêtu la tenue de combat de leurs ancêtres. Lesquels ont longtemps résisté à la pénétration allemande". Pour qui connaît la géopolitique de cette région de la capitale et les conditions de la cohabitation des populations qui y ont cours et surtout des précédents connus lors des heurts politiques des années 90 et 91, cela peut donner froid au dos. Mais pour les politologues dont la froideur de l'analyse est inégalable, cette sortie des "hérauts identitaires" du Mfoundi participe du fonctionnement normal d'une société en recomposition ou en décomposition. C'est le résultat des calculs réalistes des entrepreneurs politiques. En effet, "les dynamiques et recompositions sociales sont toujours des opportunités d'émancipation sociocommunautaires des individus. Ce sont des conjonctures critiques qui nourrissent les logiques pratiques d'acteurs sociaux en quête d'intérêts et gains divers. Ce sont des chances de faire aboutir des stratégies collectives ou individuelles" (Abé). Avec les forces vives du Mfoundi, on se trouve dans le cas de l'instrumentalisation du non désordre pour donner du sens au champ politique.
C'est dans ce même registre que l'on doit classer la sortie des chefs Sawa du Wouri. Le 18 février 2008, ces dignitaires signaient un communiqué dans lequel ils déclaraient que "les autorités traditionnelles Sawa du Wouri expriment leur vive préoccupation quant au malaise quasi permanent que certains compatriotes tendent à entretenir à Douala relativement à la paix et à l'ordre public". Le même registre accueille la déclaration du chef supérieur Déido Essaka Ekwalla, le 26 février 2008. Au cours d'une rencontre avec les journalistes, il disait entre autre que, "nous n'allons pas tolérer que les gens quittent leurs quartiers pour venir brûler le nôtre". Tout cela participe d'un manichéisme qui veut dire "nous sommes les bons, les fauteurs de trouble c'est les autres". Un peu comme l'enfer de Jean Pau Sartre. Ce marché politique dans lequel l'identité ou l'ethnie est la principale marchandise, "ressort très clairement dans la contribution de Fendjongue Houli sur la construction de l’ethnicité ‘Kirdi’ en capital politique dans un contexte de transformations politiques au Cameroun. Le ‘Kirdi’ est un label politique, voire une marque politique déposée et appropriée par des entrepreneurs politiques qui se projettent socialement sous la figure d’hérauts identitaires" (Tchouala, 2006).
Ces agissements peuvent donc relever de l'initiative personnelle des entrepreneurs politiques qui veulent tirer le maximum de bénéfice des situations conflictuelles. Par exemple le chef Déido dont l'une des élites est ministre d'Etat secrétaire général de la Présidence voudrait montrer que son village et son quartier est en dehors du désordre et préserver par le fait même son élite d'une probable éviction du gouvernement. Pour ce qui s'est passé à dans le Mfoundi, la stratégie de positionnement est doublée d'une rivalité entre jeunes "notables" depuis la disparition des patriarches Amah Basile et Andze Tsoungui, Omgba Damase n'étant pas toujours d'humeur à se mêler des affaires du monde des lumières.
Il faut reconnaître que, malgré son caractère incendiaire reconnu de tous, la tonalité de la déclaration des forces vives du Mfoundi est bien chétive par rapport à ce qu'on avait vu des tracts et des symboles des années de braise. On pense par exemple au symbole des armes que Emah Basile offre au Président Biya au cours d'une réception à Yaoundé. Le fait que la déclaration des forces vives du Mfoundi ait été dénoncé jusque dans les rangs du parti au pouvoir et même d'autres fils du Mfoundi tient au moins deux choses : De la personnalité même de Mama Fouda qui parce qu'il n'a pas encore une carrure de patriarche dans cette société de lignage se voit contester par certains de ses frères, ce qu'ils considèrent comme des ambitions démesurées. Mais cet apaisement observé tient surtout à ce que Claude Abé appelle, "le processus de civilisation des mœurs politiques au Cameroun", consécutive à l'appropriation par les acteurs politiques du paradigme de communication. Si l'ambiance d'apaisement général qui a été perçu devrait continuer, cela serait très bénéfique pour le climat politique au Cameroun. En effet, beaucoup d'observateurs pensent que le président Biya est à ce jour prisonnier d'un groupe de faucons dont-il s'accommode plutôt bien. Mais le fait que le holà général a été lancé contre des faucons, il pourrait profiter pour s'en débarrasser et c'est tant mieux pour la paix sociale.
La xénophobie a ceci de dramatique qu'il s'agit d'un jeu de cercles concentriques. Le xénophobe commence par chasser ceux qui sont éloignés du centre du cercle qui se trouve être son territoire, son périmètre de sécurité. Et progressivement, au fil de la confrontation des intérêts, il s'en prend aux personnes occupant des positions de plus en plus proches du centre jusqu'à ce qu'il amène la guerre dans la famille. Un homme politique devrait se méfier de ceux qui disent le soutenir en s'appuyant sur des arguments xénophobes. Prenons le cas des forces vives du Mfoundi qui inscrivent leur action dans le soutien qu'ils apportent au président Paul Biya. Or, ce dernier n'est pas un "Mongo Nam" (enfant du terroir) au sens où l'entendraient les forces vives du Mfoundi. Il est donc fort probable que le jour où il arriverait à s'opposer à un fils du terroir, qu'il s'entende dire, par les mêmes signataires de la déclaration d'aujourd'hui, qu'il doit descendre quelques kilomètres au sud de Yaoundé pour être réellement en sécurité chez lui à Mvomeka'a.
Une autre chose qu'il faut relever, est le ton presque apaisant de tous les médias. On a ainsi vu des médias privés donner des leçons d'apaisement à leurs confrères de la presse officielle, leur reprochant d'avoir diffusé des déclarations de la haine. Ce qui tranche nettement avec ce qu'on avait connu dans les années 90 avec les journaux tels : "Challenge Hebdo", Le Témoin", "L'œil du Sahel"… Dans ce contexte, ce sont les médias publics qui devraient raser les murs par rapport à la communauté internationale. Mais dans l'ensemble, tout laisse penser que les médias d'aujourd'hui ont plus évolué sur les chemins de la pacification des moeurs politiques que les politiques qui continuent de croire qu'ils ne peuvent prospérer que dans le conflit. Ainsi, en parlant d'apprentis sorciers, le discours du Président Biya laissait penser qu'il pourrait y avoir une chasse aux sorcières dès lors qu'ils sont répérés et leur existence confirmée. Ce que certains de ses collaborateurs du gouvernement le suggèrent d'ailleurs dans leur propos. C'est par exemple, le cas du vice premier ministre Amadou Ali qui au cours d'un point de presse relatif aux émeutes n'a pas hésité à affirmer la main sur le cœur : "Je suis formel là-dessus, il y a des commanditaires. Ce n'est pas une affaire spontanée. Il s'agit des enfants qu'on a jetés dans la rue afin que la situation devienne incontrôlable. Des gens qu'on a intéressés, drogués ou menacés". Comme si cela ne suffisait pas le ministre d'Etat Marafa Hamidou Yaya lui a emboité le pas pour accuser nomément le leader du social Democratic Front (Sdf), John Fru Ndi, qu'il aurait vu avec un repris de justice en train de planifier une opération dénommée "Kenya". Par ces déclarations, d'une époque qu'on voudrait voir s'éloigner du Cameroun, ces membres du gouvernement tentent de rétablir le paradigme conflictualiste.
Dialogue des sourds :
C'est un fait aujourd'hui que le président Biya n'a pas bien décrypté les messages émis par ses jeunes compatriotes dont l'hostilité à son égard personnel n'est parfois pas toujours ce qu'il pense. La tonalité de son discours a montré que dans sa cible, il n'a pas voulu séparer la bonne graine de l'ivraie. Car en face, il y avait comme je l'ai dit plus haut des camerounais de bonne foi mais aussi des bandits de grand chemin et des repris de justice qui, il faut le reconnaître, sont aussi des Camerounais poussé sur le bord du chemin par l'Etat impartial. Plus leur nombre sera élevé, plus les risques pour le Cameroun de sombrer dans le désordre seront multipliés. Lorsque le nombre des jeunes qui à trente ans ne sont pas encore mariés donc n'ont aucune responsabilité les obligeant à préserver leur vie sera de plus en plus nombreux le Cameroun côtoiera le péril.
Prenons donc les Camerounais de bonne foi qui formaient le noyau de ceux qui exprimaient une colère légitime. Qui sont-ils? C'est une nouvelle race de citoyens qui sont connectés au monde et déconnectés du Cameroun. Mais il revient aux gouvernants de s'adapter à eux et non le contraire parce que c'est eux la modernité contre les archaïsmes qu'incarnent malheureusement beaucoup de dirigeants dans le monde. Qui sont-ils donc? C'est l'étudiant de n'importe quelle université du Cameroun - ou n'importe quel jeune qui est capable de se laisser pénétrer par le monde - qui, lorsqu'il rentre dans sa chambre, qu'il allume son poste de télévision câblée ou lorsqu'il se connecte sur Internet dans le cybercafé du coin devient citoyen du monde. Il a les pieds au Cameroun mais la tête dans le monde et de préférence dans le monde des paillettes que le lucarne lui permet de voir et de rêver. Il est au courant de ce qui se passe à Londres, à Paris, à New York… comme s'il y était. A travers son écran de télévision, ils admirent tout ce que le développement peut apporter en terme d'amélioration du cadre de vie. Il suit les débats politiques dans les télévisions françaises ou anglaises où des hommes et des femmes s'affrontent à cours d'arguments. Lorsqu'il est abonné à Canal+, il suit le championnat de France, d'Italie ou d'Espagne et même la Champions League comme s'il vivait en Europe.
Mais lorsqu'il sort de sa chambre ou du cybercafé et qu'il veut traverser la route, il plonge son pied dans une flaque d'eau ou se fait éclabousser par un véhicule qui passe. S'il est "benskineur" de Douala par exemple, lorsqu'il enfourche sa moto, il se fait détrousser au prochain carrefour par un policier rompu à la corruption. Ce sont ces deux faits qui le ramènent dans la réalité du pays dans lequel il vit. C'est au détour de ces accidents qu'il découvre en réalité ce qu'il est un peu comme ces enfants de l'immigration africaine nés en Europe et qui ne découvrent la couleur de leur peau que face à une discrimination. Lorsque après, il tourne le bouton de son téléviseur sur une chaîne locale, il manque de s'étrangler devant ces réalités qu'il ne veut point voir parce qu'elle le révèle à lui même. Les débats politiques lui paraissent ternes, à sens unique, les hommes politiques des éternels flagorneurs qui chantent à satiété les louanges du père de la Nation. Même le championnat de football qui est retransmis parfois ne vaut même plus la peine d'être regardé.
Ce peuple, devenu Schizophrène est en proie à plusieurs maux : Il a reçu une quantité intense d'information sans grille de lecture, ce que Jacques Ellul appelle "des tiroirs pour le rangement des informations". Or, dans de pareilles circonstances, d'après Ellul, "l'information fait naître chez le citoyen un sentiment d'infériorité et d'impuissance". En fait, la société hypermédiatique qui est la sienne contribue plutôt à le déstabiliser. Il se sent dévalué et dévalue tout autour de lui, y compris les gouvernants qui sont doublement dévalués parce qu'il leur fait porter la responsabilité de sa tourmente. Alors, il se révolte d'abord pour se débarrasser du tourment personnel et ensuite pour traiter des problématiques plus générales. S'il ne réussit pas à quitter cet enfer en quittant le Cameroun pour tenter de rejoindre "le monde de ses rêves" comme l'enfant de la chanteuse Michèle Torre "qui n'est pas bien dans sa vie, qui tourne la tête quand on lui sourit… qui, assis à coté de son lit, regarde les passer les trains dans la nuit". Alors, il cherche, par tous les moyens, à se débarrasser du système qui l'oppresse et le déprime.
Nous voyons donc que tous ces jeunes souffrent d'un problème de décalage entre le rêve et la réalité. Ce décalage est très proche d'un autre. Il s'agit d'un décalage entre ce qui est prévu et ce qui se pratique qui, selon Claude Abé, "peut s'appréhender comme une contribution de fait à l'érection du paradigme conflictualiste comme principe structurant de la pratique politique au Cameroun". Achille Mbembé préférait parler de la politique de simulacre. Ce système génère des citoyens violents parce qu'ils n'ont plus rien à perdre. Mais c'est la responsabilité des gouvernants de les comprendre et créer les conditions de leur réintégration au sein de la nation camerounais. Lorsqu'on ne l'a pas compris on peut tout naturellement dire qu'ils sont manipulés et installer ainsi le paradigme de communication dans une instabilité périlleuse ou tout simplement retomber dans le paradigme conflictualiste.
Par Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"
http://www.edetayo.blogspot.com/
[1] Interview parue dans le journal "Le Jour Quotidien", édition du 25 février 2008
[2] Polis/R.C.S.P./C.P.S.R. Vol. 13, Numéros 1 - 2, 2006
[3] Mutations du 3 mars 2008
Face à l'escalade, le président Paul Biya est sorti dans un discours à la fois accusateur et ferme, d'aucuns l'on même traité de discours va-t-en guerre. Il a ainsi accusé les "apprentis sorciers qui dans l'ombre manipulent les jeunes". Il a promis que "tous les moyens légaux dont dispose l'Etat seront mis en œuvre pour que force reste à la loi". Bien sûr, l'opposition qui est visée dans le propos du président de la République réfute les accusations : "Je lui (Paul Biya) donne le conseil donc de chercher les causes de ce malaise national au sein de son parti, le Rdpc et dans l’échec de sa politique des ‘‘grandes ambitions’’, ‘‘le grand large débat’’ et ‘‘démocratie avancée’’", déclare John Fru Ndi, le leader du principal parti de l'opposition le Sdf. Pour les causes, on a parlé de la cherté de la vie et de la contestation préventive face à la volonté du gouvernement de modifier l'article 6.2 de la constitution en vue de faire sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels. Une manœuvre interprétée par les opposants comme une volonté du président Paul Biya de s'éterniser au pouvoir.
Que ce soit l'une ou l'autre des causes, tout ceci relève selon les politologues d'un mode de fonctionnement normal d'un Etat. C'est ce que Ruffolo décrit en ces termes : "la somme des pulsions innovatrices de la société est constitutive de la dynamique des transformations sociales que chaque Etat tente toujours d'ordonner, d'orienter et de gouverner" (Abé, 2006). Jean Leca dit presque la même chose lorsqu'il affirme que : "tout régime politique est une technique de domestication de la guerre sociale" (Leca, 1986). Plus près et analysant à chaud les émeutes, le philosophe politique Sindjoun Pokam[1] soutient que : "au Cameroun, le peuple n'est plus le peuple, ce sont des figures dégradées (…) ce sont des gens qui sont prêts à tout risque. On est dans une dialectique de lutte à mort". On peut même dire que le conflit est consubstantiel à la formation des Etats modernes puisqu'il a été prévu : "l'admission des conflits (sur qui repose t-il)? L'expression des conflits (comment s'expriment-ils)? La résolution des conflits (comment se résout-ils)?" Il s'agit donc, pour le cas des émeutes qui ont secoué le Cameroun, des dynamiques de décompositions et de recompositions politiques et des dynamiques de transformations sociales s'inscrivant dans un cadre général de la pratique politique au Cameroun et pouvant déboucher sur des crises très violentes.
Ce thème a inspiré un certain nombre de chercheurs dont Claude Abé qui a traité de "l'espace public et recompositions de la pratique politique au Cameroun"[2]. Dans un travail d'une richesse remarquable, il s'est intéressé "aux mutations qui ont cours au Cameroun depuis la fin de la décennie 80" (Abé, 2006) et plus particulièrement à la transition démocratique du début des années 90. Après moult démonstrations, il parvient à la conclusion suivante : "Tenant la transition politique pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une crise, l’article démontre que la construction de l’espace public au Cameroun est une ingénierie de sortie de la crise. La déconstruction du paradigme du conflit à laquelle elle donne lieu débouche en effet sur la mise sur pied et l’affirmation de celui de la communication. L’analyse des dynamiques qui traversent le champ médiatique camerounais aujourd’hui tel que le retour de la défense des chapelles identitaires montre que le nouveau paradigme est lui-même en équilibre instable. Ce qui invite à s’intéresser aux contraintes auxquelles le procès de civilisation des moeurs politiques au Cameroun doit faire face" (Abé, 2006).
Dans la présente réflexion, je voudrais rebondir sur les deux dernières phrases de la conclusion de Claude Abé qui sonne comme des doutes qu'il émet, des perspectives qu'il ouvre, des pistes de recherche qu'il balise.
Je fais une première l'hypothèse suivante : si on est d'accord sur le fait que l'émergence de l'espace public au Cameroun apparaît comme un processus de sortie de crise politique par la déconstruction du paradigme du conflit, le doute persiste sur l'acquisition automatique, "la mise en œuvre et l'affirmation" (Abé, 2006) du paradigme de communication qui viendrait en remplacement du conflictualisme politique, à fortiori, affirmer que ce changement inaugure une entrée dans une ère de civilisation des mœurs politiques. C'est vrai que l'émeute est une forme particulière de communication reconnue en démocratie. Olivier Duhamel parle de "démocratie émeutière". Mais encore faut-il qu'elle soit bien décryptée par celui ou ceux à qui elle est adressée pour qu'on parle réellement d'une dialectique communicationnelle et que par ailleurs, il n'y ait pas de confusion de cible. Bien que le décret N° 002/CAB/PM du 23 juillet 1992 marque une volonté du gouvernement d'accéder au paradigme de communication, le contexte de signature de ce texte qui était une réponse "aux manœuvres d'intoxication des esprits et de déstabilisation sociopolitique", nous laisse penser qu'il n'aura été qu'un texte opportuniste et essentiellement révocable. Il est donc possible que le gouvernement ait depuis tourné la page et est revenu aux vieilles habitudes.
Je pose la seconde hypothèse en disant qu'il faut faire attention de ne pas confondre une société de communication régie justement par le paradigme de communication avec une société hypermédiatique, le préfixe hyper étant entendu ici comme "trop et mal" informé. Dans une société hypermédiatique, le débat est abandonné aux médias qui s'enferment dans une sorte de monologue. Les politiques qui se sont mis en sécurité ou sont désormais immunisés contre les piqûres de la presse leur lancent ceci : "Causez toujours". Il faut savoir que l'irruption de la société hypermédiatique – où on assiste à une sorte de "lucarnisation" du champ politique - et donc d'un peuple "trop et mal" informé, sans que certaines conditions soit remplies, peut installer ce peuple dans une sorte de schizophrénie existentielle et empêcher à jamais l'encrage d'un paradigme de communication à tout le moins retarder sérieusement son enracinement. Certes on ne peut nier les deux acquis que sont la libération de la parole et la libéralisation du champ médiatique qui, selon Claude Abé "ont permis l'émergence de l'espace public. Mais force est de reconnaître qu'on assiste en réalité à une sorte de libertinage qui, parce qu'il tue la liberté, peut ruiner les acquis.
A la lumière des événements de février dernier et du traitement qui en a été fait par les politiques, notamment le discours de Paul Biya, la "déclaration des forces vives du Mfoundi" et subsidiairement la sortie des chefs supérieurs Sawa et du chef supérieur Déido, Essaka Ekwalla, je voudrais porter un certain nombre d'interrogations sur la pratique communicationnelle au Cameroun à partir du champ de la politique. Je me demande si on n'est pas revenu à l'ère du conflictualisme politique qu'on avait peut-être trop tôt enterré? Et si je fais l'effort d'admettre l'existence d'un processus de "déconflictualisation" du champ politique, je me demande s'il n'existe pas entre le paradigme du conflit et le paradigme de communication, un paradigme intermédiaire, lequel nous sommes en train d'expérimenter aujourd'hui? Appelons le paradigme hypermédiatique.
Conflictualisme recyclé :
Le 24 février dernier, un objet contestataire non identifié (Ocni) a fait irruption dans le champ politique camerounais et a remis le conflit au centre des préoccupations. Face à cette irruption, le président Biya a certainement paniqué et doublement d'ailleurs. D'abord parce qu'il avait affaire à un ocni donc difficilement cernable, ensuite parce que, au vu de la situation, le Cameroun était à deux doigts de basculer dans la guerre civile. Et si cela arrivait, comme le dit Soudjoun Pokam, "le prince en porterait la responsabilité historique". En effet, aux bandes des jeunes certainement de bonne foi qui manifestaient, les uns pour la cherté, les autres contre la révision constitutionnelle ou les deux à la fois, s'étaient mêlés des criminels de haut vol et des repris de justice qui pouvaient tout faire basculer. Mais rien ne pouvait justifier les mûrs d'incommunication que ce discours a semblé élever entre le président Biya et les jeunes manifestants. C'était un discours de la négation de la communication et inutilement belliqueux dans lequel on a eu l'impression qu'il était à la recherche de bouc émissaire ou d'un adversaire. Pour l'anthropologue Séverin Cécile Abega, "la de l'Etat ne s'adressait pas à la question posée"[3] Cela sautait pourtant aux yeux que l'opposition qu'il a fini par accuser à mots à peine couverts avait déjà était disqualifiée par l'apparition de l'Ocni. Elle était désormais réduite à réfuter l'accusation montrant par là que même elle aussi ne maîtrise plus rien. Au Cameroun aujourd'hui d'après Cecile Abéga, "tous les leaderships sont déconsidérés. On a des difficultés à voir émerger de nouveaux leaders alors que le milieu politique est riche et que la société civile se reconstitue". La cause de ce paradoxe, c'est dans le malaise social et dans le mal être individuel qu'expérimente chaque camerounais.
Dans un article prémonitoire publié le 8 janvier 2008, Serge Alain Godong entrevoyait l'explosion sociale non pas en prophète de malheur mais en analyste éclairé. En effet, ayant révélé que "dans le Cameroun actuel, c'est moins de 80% de la population au moins qui est hors des sentiers de la réussite, il évaluait la classe moyenne du Cameroun, c'est-à-dire la masse critique d'individu qui parce que détenteur du pouvoir d'achat doit tirer le reste de la population, à quelque 1,5 million de personnes sur une population de 18 millions. Et il se demandait "comment dans une population de 18 millions seul 1,5 million d'individus peuvent avoir la charge de supporter, dans tous les sens du terme, les autres 16 millions". Tirant la conclusion, il écrivait que : "la situation actuelle du pays ouvre donc la voie, tout insidieusement aux plus graves révoltes sociales dans les années qui viennent. Aucun Etat ne peut prétendre à une quelconque paix sans générer une bourgeoisie certaine". Deux mois après cette analyse, l'histoire lui a donné raison.
Sur 5 jeunes de moins de 30 ans que vous rencontrez aujourd'hui au Cameroun, 3 ne rêvent que de quitter le pays. Aussi échafaudent-ils chaque jour des histoires abracadabrantesques pour tenter de rejoindre l'Europe ou n'importe quel autre ailleurs où ils pensent échapper au mal vivre du Cameroun; un quatrième, s'il consent à rester au pays n'a qu'une préoccupation : lui casser la gueule au gouvernement qu'il identifie comme la source de ses malheurs; il n'y a finalement qu'un seul qui consent à rester au pays pour travailler au développement de ce dernier. Sur cinq autres jeunes que vous piquez au hasard à Douala, Yaoundé, Bafoussam 4 sont sans emplois et ne sont pas mariés. Parmi les quatre, deux sont veufs. Seul le cinquième a pu trouver un travail, est marié avec femme et enfants.
Lorsqu'on a une marmite comme celle-ci et que le couvercle se soulève légèrement laissant échapper une vapeur brûlante, il faut s'entourer de beaucoup de tact et d'humilité dans la recherche de solutions visant à refermer la marmite. Pour revenir aux récentes émeutes, Sevérin Cécile Abega, recommande : "Ce n'est pas la violence qui peut être la réponse parce que le problème est réel. Même le policier qui réprime a une femme qui se plaint du prix de l'huile, du riz, des bananes, etc., qui est très élevé". Lorsqu'on y oppose la violence c'est qu'on tente de recycler le paradigme conflitualiste.
La marche arrière :
Dans le discours du président Biya dont la fermeté pouvait être compréhensible au vu de la situation se sont pourtant retrouvé des expressions qui rappelaient une époque qu'on croyait bien révolue. Il y a d'abord le mot "apprentis sorciers" certes d'une tonalité un peu faible mais qui se rapproche dangereusement des mots comme "ennemis de la nation", "maquisards", "subversifs" qui faisaient partie du répertoire du président Ahidjo. On sait qu'il ne faisait pas mystère de son choix de conduire les affaires du pays et tenter de contrôler les transformations sociales à l'aide du paradigme conflictualiste : "Sous Ahidjo, une véritable chasse aux sorcières en vue de rechercher les ennemis de la nation même en dehors des rangs des maquisards a aussi vu le jour. Les notions de subversion et atteinte à l'ordre publique sont les prolongements de la politique de chasse aux sorcières qui a vu le jour à la fin des années 50 (…) Tout ceci s'appréhende comme des technologies de mise en place et d'entretien du conflictualisme comme fil d'Ariane de la pratique politique" (Abé, 2006). Il y a aussi cette volonté qu'a affiché Paul Biya dans son discours de mettre en œuvre tous les moyens légaux dont dispose le gouvernement pour que force reste à la loi. Cette phrase se rapproche à quelque chose près, pour ceux qui ont fait l'université de Yaoundé dans les années 70, à une autre phrase prononcée par le président Ahidjo dans des conditions difficiles de grèves d'étudiants et qui est restée célèbre : "L'ordre règnera à l'université de Yaoundé par tous les moyens". Il y a juste le mot "légaux" qui a été ajouté. On voit là que, dans sa stratégie de contrôle ou d'adaptations bénéfiques aux dynamiques des transformations sociales, Paul Biya tente de mobiliser le binôme paix et stabilité qu'il incarne contre les "apprentis sorciers" qui sont porteurs de guerre et déstabilisation. Seulement, il est intéressant de faire observer que les mots paix et stabilité sont inscrits au recto d'une pièce dont le verso porte les mots guerre et terrorisme. Il suffit donc juste de retourner la pièce. En son temps déjà Ahidjo faisait "une instrumentalisation radicale du dualisme entre artisan de l'unité nationale et ennemis de la construction nationale. Une approche qui n'a pas été étrangère à l'adoption du conflictualisme comme principe directeur de la pratique politique au Cameroun" (Abé, 2006).
Il y a enfin dans ce discours cette volonté de ne voir derrière l'action des jeunes qu'une manipulation. Ce qui veut dire que pour le président Biya et ses conseillers, les jeunes camerounais ne sont pas capables de réflexion pouvant les amener à prendre conscience de leurs problèmes et de les poser. Cette une conception aussi très proches des conceptions de l'ancien régime. Sous Ahidjo, le peuple était appréhendé comme des "enfants immatures" selon l'expression de Jean François Bayart. Ce qui veut dire que les jeunes, peut-être, étaient perçus comme des embryons humains. Or, aujourd'hui, les jeunes qui sont connectés pour beaucoup sur le monde veulent se faire comprendre par leurs gouvernants, et lorsqu'ils ont l'impression qu'ils ne sont pas compris, ils portent le conflit sur la place public.
Le discours du président Biya a été finalement une adresse assez mal inspirée – et il faut parfois avoir le courage de reconnaître qu'on peut être mal inspiré comme Nicolas Sarkozy l'a reconnu récemment par rapport à son discours de Dakar – qui a tenté comme nous l'avons vu de ressusciter le paradigme conflictualiste. Ce discours a surtout inspiré certains Camerounais qui ont cru que le président avait ainsi lancé une chasse aux "apprentis sorciers".
Les vieux démons :
Le 29 février 2008, deux jours après le discours du président Biya, les forces vives du Mfoundi – c'est le département sur lequel est situé la capitale Yaoundé - ont décidé de faire entendre leur voix. A l'appel de l'Association fraternelle pour l'entraide et la solidarité du Mfoundi (Asfesem), présidé par André Mama Fouda, ministre de la Santé Publique, une vingtaine de notables du Mfoundi ont signé ce qui restera dans les annales "la déclaration des forces vives du Mfoundi". Ce texte, entre autre, appelle tous ceux qui ne sont pas du Mfoundi et que les signataires soupçonne d'être les "apprentis sorciers" dont parlait le discours présidentiel, "à quitter rapidement et définitivement notre sol car, ils ne seront plus jamais en sécurité. Qu'ils disent à leurs commettants que les forces vives du Mfoundi ont à nouveau revêtu la tenue de combat de leurs ancêtres. Lesquels ont longtemps résisté à la pénétration allemande". Pour qui connaît la géopolitique de cette région de la capitale et les conditions de la cohabitation des populations qui y ont cours et surtout des précédents connus lors des heurts politiques des années 90 et 91, cela peut donner froid au dos. Mais pour les politologues dont la froideur de l'analyse est inégalable, cette sortie des "hérauts identitaires" du Mfoundi participe du fonctionnement normal d'une société en recomposition ou en décomposition. C'est le résultat des calculs réalistes des entrepreneurs politiques. En effet, "les dynamiques et recompositions sociales sont toujours des opportunités d'émancipation sociocommunautaires des individus. Ce sont des conjonctures critiques qui nourrissent les logiques pratiques d'acteurs sociaux en quête d'intérêts et gains divers. Ce sont des chances de faire aboutir des stratégies collectives ou individuelles" (Abé). Avec les forces vives du Mfoundi, on se trouve dans le cas de l'instrumentalisation du non désordre pour donner du sens au champ politique.
C'est dans ce même registre que l'on doit classer la sortie des chefs Sawa du Wouri. Le 18 février 2008, ces dignitaires signaient un communiqué dans lequel ils déclaraient que "les autorités traditionnelles Sawa du Wouri expriment leur vive préoccupation quant au malaise quasi permanent que certains compatriotes tendent à entretenir à Douala relativement à la paix et à l'ordre public". Le même registre accueille la déclaration du chef supérieur Déido Essaka Ekwalla, le 26 février 2008. Au cours d'une rencontre avec les journalistes, il disait entre autre que, "nous n'allons pas tolérer que les gens quittent leurs quartiers pour venir brûler le nôtre". Tout cela participe d'un manichéisme qui veut dire "nous sommes les bons, les fauteurs de trouble c'est les autres". Un peu comme l'enfer de Jean Pau Sartre. Ce marché politique dans lequel l'identité ou l'ethnie est la principale marchandise, "ressort très clairement dans la contribution de Fendjongue Houli sur la construction de l’ethnicité ‘Kirdi’ en capital politique dans un contexte de transformations politiques au Cameroun. Le ‘Kirdi’ est un label politique, voire une marque politique déposée et appropriée par des entrepreneurs politiques qui se projettent socialement sous la figure d’hérauts identitaires" (Tchouala, 2006).
Ces agissements peuvent donc relever de l'initiative personnelle des entrepreneurs politiques qui veulent tirer le maximum de bénéfice des situations conflictuelles. Par exemple le chef Déido dont l'une des élites est ministre d'Etat secrétaire général de la Présidence voudrait montrer que son village et son quartier est en dehors du désordre et préserver par le fait même son élite d'une probable éviction du gouvernement. Pour ce qui s'est passé à dans le Mfoundi, la stratégie de positionnement est doublée d'une rivalité entre jeunes "notables" depuis la disparition des patriarches Amah Basile et Andze Tsoungui, Omgba Damase n'étant pas toujours d'humeur à se mêler des affaires du monde des lumières.
Il faut reconnaître que, malgré son caractère incendiaire reconnu de tous, la tonalité de la déclaration des forces vives du Mfoundi est bien chétive par rapport à ce qu'on avait vu des tracts et des symboles des années de braise. On pense par exemple au symbole des armes que Emah Basile offre au Président Biya au cours d'une réception à Yaoundé. Le fait que la déclaration des forces vives du Mfoundi ait été dénoncé jusque dans les rangs du parti au pouvoir et même d'autres fils du Mfoundi tient au moins deux choses : De la personnalité même de Mama Fouda qui parce qu'il n'a pas encore une carrure de patriarche dans cette société de lignage se voit contester par certains de ses frères, ce qu'ils considèrent comme des ambitions démesurées. Mais cet apaisement observé tient surtout à ce que Claude Abé appelle, "le processus de civilisation des mœurs politiques au Cameroun", consécutive à l'appropriation par les acteurs politiques du paradigme de communication. Si l'ambiance d'apaisement général qui a été perçu devrait continuer, cela serait très bénéfique pour le climat politique au Cameroun. En effet, beaucoup d'observateurs pensent que le président Biya est à ce jour prisonnier d'un groupe de faucons dont-il s'accommode plutôt bien. Mais le fait que le holà général a été lancé contre des faucons, il pourrait profiter pour s'en débarrasser et c'est tant mieux pour la paix sociale.
La xénophobie a ceci de dramatique qu'il s'agit d'un jeu de cercles concentriques. Le xénophobe commence par chasser ceux qui sont éloignés du centre du cercle qui se trouve être son territoire, son périmètre de sécurité. Et progressivement, au fil de la confrontation des intérêts, il s'en prend aux personnes occupant des positions de plus en plus proches du centre jusqu'à ce qu'il amène la guerre dans la famille. Un homme politique devrait se méfier de ceux qui disent le soutenir en s'appuyant sur des arguments xénophobes. Prenons le cas des forces vives du Mfoundi qui inscrivent leur action dans le soutien qu'ils apportent au président Paul Biya. Or, ce dernier n'est pas un "Mongo Nam" (enfant du terroir) au sens où l'entendraient les forces vives du Mfoundi. Il est donc fort probable que le jour où il arriverait à s'opposer à un fils du terroir, qu'il s'entende dire, par les mêmes signataires de la déclaration d'aujourd'hui, qu'il doit descendre quelques kilomètres au sud de Yaoundé pour être réellement en sécurité chez lui à Mvomeka'a.
Une autre chose qu'il faut relever, est le ton presque apaisant de tous les médias. On a ainsi vu des médias privés donner des leçons d'apaisement à leurs confrères de la presse officielle, leur reprochant d'avoir diffusé des déclarations de la haine. Ce qui tranche nettement avec ce qu'on avait connu dans les années 90 avec les journaux tels : "Challenge Hebdo", Le Témoin", "L'œil du Sahel"… Dans ce contexte, ce sont les médias publics qui devraient raser les murs par rapport à la communauté internationale. Mais dans l'ensemble, tout laisse penser que les médias d'aujourd'hui ont plus évolué sur les chemins de la pacification des moeurs politiques que les politiques qui continuent de croire qu'ils ne peuvent prospérer que dans le conflit. Ainsi, en parlant d'apprentis sorciers, le discours du Président Biya laissait penser qu'il pourrait y avoir une chasse aux sorcières dès lors qu'ils sont répérés et leur existence confirmée. Ce que certains de ses collaborateurs du gouvernement le suggèrent d'ailleurs dans leur propos. C'est par exemple, le cas du vice premier ministre Amadou Ali qui au cours d'un point de presse relatif aux émeutes n'a pas hésité à affirmer la main sur le cœur : "Je suis formel là-dessus, il y a des commanditaires. Ce n'est pas une affaire spontanée. Il s'agit des enfants qu'on a jetés dans la rue afin que la situation devienne incontrôlable. Des gens qu'on a intéressés, drogués ou menacés". Comme si cela ne suffisait pas le ministre d'Etat Marafa Hamidou Yaya lui a emboité le pas pour accuser nomément le leader du social Democratic Front (Sdf), John Fru Ndi, qu'il aurait vu avec un repris de justice en train de planifier une opération dénommée "Kenya". Par ces déclarations, d'une époque qu'on voudrait voir s'éloigner du Cameroun, ces membres du gouvernement tentent de rétablir le paradigme conflictualiste.
Dialogue des sourds :
C'est un fait aujourd'hui que le président Biya n'a pas bien décrypté les messages émis par ses jeunes compatriotes dont l'hostilité à son égard personnel n'est parfois pas toujours ce qu'il pense. La tonalité de son discours a montré que dans sa cible, il n'a pas voulu séparer la bonne graine de l'ivraie. Car en face, il y avait comme je l'ai dit plus haut des camerounais de bonne foi mais aussi des bandits de grand chemin et des repris de justice qui, il faut le reconnaître, sont aussi des Camerounais poussé sur le bord du chemin par l'Etat impartial. Plus leur nombre sera élevé, plus les risques pour le Cameroun de sombrer dans le désordre seront multipliés. Lorsque le nombre des jeunes qui à trente ans ne sont pas encore mariés donc n'ont aucune responsabilité les obligeant à préserver leur vie sera de plus en plus nombreux le Cameroun côtoiera le péril.
Prenons donc les Camerounais de bonne foi qui formaient le noyau de ceux qui exprimaient une colère légitime. Qui sont-ils? C'est une nouvelle race de citoyens qui sont connectés au monde et déconnectés du Cameroun. Mais il revient aux gouvernants de s'adapter à eux et non le contraire parce que c'est eux la modernité contre les archaïsmes qu'incarnent malheureusement beaucoup de dirigeants dans le monde. Qui sont-ils donc? C'est l'étudiant de n'importe quelle université du Cameroun - ou n'importe quel jeune qui est capable de se laisser pénétrer par le monde - qui, lorsqu'il rentre dans sa chambre, qu'il allume son poste de télévision câblée ou lorsqu'il se connecte sur Internet dans le cybercafé du coin devient citoyen du monde. Il a les pieds au Cameroun mais la tête dans le monde et de préférence dans le monde des paillettes que le lucarne lui permet de voir et de rêver. Il est au courant de ce qui se passe à Londres, à Paris, à New York… comme s'il y était. A travers son écran de télévision, ils admirent tout ce que le développement peut apporter en terme d'amélioration du cadre de vie. Il suit les débats politiques dans les télévisions françaises ou anglaises où des hommes et des femmes s'affrontent à cours d'arguments. Lorsqu'il est abonné à Canal+, il suit le championnat de France, d'Italie ou d'Espagne et même la Champions League comme s'il vivait en Europe.
Mais lorsqu'il sort de sa chambre ou du cybercafé et qu'il veut traverser la route, il plonge son pied dans une flaque d'eau ou se fait éclabousser par un véhicule qui passe. S'il est "benskineur" de Douala par exemple, lorsqu'il enfourche sa moto, il se fait détrousser au prochain carrefour par un policier rompu à la corruption. Ce sont ces deux faits qui le ramènent dans la réalité du pays dans lequel il vit. C'est au détour de ces accidents qu'il découvre en réalité ce qu'il est un peu comme ces enfants de l'immigration africaine nés en Europe et qui ne découvrent la couleur de leur peau que face à une discrimination. Lorsque après, il tourne le bouton de son téléviseur sur une chaîne locale, il manque de s'étrangler devant ces réalités qu'il ne veut point voir parce qu'elle le révèle à lui même. Les débats politiques lui paraissent ternes, à sens unique, les hommes politiques des éternels flagorneurs qui chantent à satiété les louanges du père de la Nation. Même le championnat de football qui est retransmis parfois ne vaut même plus la peine d'être regardé.
Ce peuple, devenu Schizophrène est en proie à plusieurs maux : Il a reçu une quantité intense d'information sans grille de lecture, ce que Jacques Ellul appelle "des tiroirs pour le rangement des informations". Or, dans de pareilles circonstances, d'après Ellul, "l'information fait naître chez le citoyen un sentiment d'infériorité et d'impuissance". En fait, la société hypermédiatique qui est la sienne contribue plutôt à le déstabiliser. Il se sent dévalué et dévalue tout autour de lui, y compris les gouvernants qui sont doublement dévalués parce qu'il leur fait porter la responsabilité de sa tourmente. Alors, il se révolte d'abord pour se débarrasser du tourment personnel et ensuite pour traiter des problématiques plus générales. S'il ne réussit pas à quitter cet enfer en quittant le Cameroun pour tenter de rejoindre "le monde de ses rêves" comme l'enfant de la chanteuse Michèle Torre "qui n'est pas bien dans sa vie, qui tourne la tête quand on lui sourit… qui, assis à coté de son lit, regarde les passer les trains dans la nuit". Alors, il cherche, par tous les moyens, à se débarrasser du système qui l'oppresse et le déprime.
Nous voyons donc que tous ces jeunes souffrent d'un problème de décalage entre le rêve et la réalité. Ce décalage est très proche d'un autre. Il s'agit d'un décalage entre ce qui est prévu et ce qui se pratique qui, selon Claude Abé, "peut s'appréhender comme une contribution de fait à l'érection du paradigme conflictualiste comme principe structurant de la pratique politique au Cameroun". Achille Mbembé préférait parler de la politique de simulacre. Ce système génère des citoyens violents parce qu'ils n'ont plus rien à perdre. Mais c'est la responsabilité des gouvernants de les comprendre et créer les conditions de leur réintégration au sein de la nation camerounais. Lorsqu'on ne l'a pas compris on peut tout naturellement dire qu'ils sont manipulés et installer ainsi le paradigme de communication dans une instabilité périlleuse ou tout simplement retomber dans le paradigme conflictualiste.
Par Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"
http://www.edetayo.blogspot.com/
[1] Interview parue dans le journal "Le Jour Quotidien", édition du 25 février 2008
[2] Polis/R.C.S.P./C.P.S.R. Vol. 13, Numéros 1 - 2, 2006
[3] Mutations du 3 mars 2008
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