BARACK OBAMA : LECONS D'UNE ELECTION
Maintenant que l'essai Obama a été transformé aux Etats-Unis, maintenant que la fièvre est retombée et que le quotidien reprend le dessus, il est temps pour nous qui avons souhaité ce sacre de Barack Hussein Obama, de tirer les leçons du sacre du nouveau président américain.
La première leçon nous fait comprendre que la stratégie du métissage, de la synthèse, du consensus et du step by step contre la stratégie de l'extrémisme, de tout et tout de suite et du repli sur soi. De quoi s'agit-il?
L'élection de Barack Obama a démontré que dans un processus de négociation ou même d'affrontement, la solution durable se trouve finalement au centre, dans le métissage, la synthèse, le consensus, dans une démarche consistant à grimper un escalier après un autre. Cette démarche qui étale la conquête sur le temps et qui privilégie la ruse, a l'avantage de préserver les vies humaines. La solution ne se trouve nullement dans les extrêmes, dans le radicalisme, dans la stratégie du tout et tout de suite. Cette démarche qui privilégie l'affrontement permanent, fait du sang des humains le lubrifiant de la conquête. C'est vrai que les extrêmes sont nécessaires dans une lutte au moins pour maintenir la pression et obtenir une meilleure position de négociation mais il faut pouvoir les contenir et toujours les maintenir dans la portion congrue. Un chef qui se laisse déborder par les faucons de son camp a perdu l'essentiel de ce qui fait un chef.
Je me rappelle une discussion que j'eus, il y a quelques mois, avec un militant de la cause noire à la maison de Mines à Paris. Il disait ceci à propos de Barack Obama : "Je n'ai pas confiance en ce Obama pour porter la parole des Noirs parce qu'il est métis et les métis ont souvent trahi". Il le disait avec une telle conviction que j'ai eu du mal à le convaincre malgré l'aide qu'a bien voulu m'apporter Yves Ekoué Amaïzo. J'ai compris qu'il faisait reposer sa conviction sur les récentes déclarations de certains leaders noirs des Etats Unis tels les pasteurs Jesse Jackson et Jeremiah Right. Mais malgré tout, je lui ai dis qu'il commettait là une grave erreur de jugement et faisait courir au monde un grand péril parce que sa démarche était empreinte de la théorie de la pureté de la race qui comme on sait a été à l'origine de plus d'une calamité humaine. En repoussant Obama chez les Blancs, il le condamnait par le seul fait qu'il porte du sang blanc. Ce qui était à la fois regrettable et particulièrement dommageable pour ce Obama qui du coup et de ce fait se retrouvait "sans race" puisque les métis sont comme on le sait, biologiquement rejeté par les blancs qui leur colle souvent et systématiquement l'étiquette de Noir, surtout lorsqu'ils n'ont pas réussi. Je lui ai demandé s'il n'était pas stratégique pour la communauté noire d'ouvrir grandement la porte aux métis et leur permettre de faire leurs preuves et ne les juger qu'au résultat?
Obama a été ferme avec les extrémistes afro américains qui eux aussi lui déniaient la qualité de représentant des Noirs du simple fait qu'il n'est pas descendant d'esclave. Ce qu'il ne revendiquait d'ailleurs pas, pour ne pas apparaître comme un candidat communautaire, même s'il se positionnait dans le trajectoire de Martin Luther King. Face à son Pasteur Jeremiah Right, Obama est resté ferme et il a gagné. Il a gagné parce que les masses noires des Etats-Unis ont compris ce qu'il pouvait leur apporter sur le plan psychologique bien qu'étant métis, bien que n'étant pas un descendant des esclaves. Ce sont finalement ces masses qui ont obligé leurs leaders à mettre de l'eau dans leur vin et à apporter leur soutien Obama. Les larmes du Pasteur Jesse Jackson à l'annonce des résultats traduisent sans doute ce drame intérieur qui devait habiter ce grand militant des droits civiques.
Mais ce que les afro américains n'ont pas compris ou ne peuvent pas comprendre tant la blessure est encore profonde, c'est que Obama est bel et bien un des leurs. Comme eux, il exhale aussi l'odeur des plantations de canne à sucre. Et d'où lui vient cette odeur? De son épouse Michelle à qui personne ne peut dénier la qualité de descendante d'esclave. En épousant Michelle Robinson, alors qu'il pouvait se trouver une fille blanche de son entourage familiale pour rassurer sa grand-mère qui, comme il l'a révélé lui-même, avait peur des noirs, Barack Obama acceptait ainsi de porter à sa façon les chaînes de l'esclavage qu'il a bien sûr aussitôt brisé. Elevé par sa famille blanche, rien n'obligeait Obama à décevoir les siens en leur imposant une belle sœur noire, descendante d'esclave. Et pourtant il l'a fait. Si ce n'est pour l'amour de la race noire, que l'on me dise pourquoi il l'a fait. C'aurait donc été une grave erreur, qu'alors qu'il venait ainsi de poser un acte révolutionnaire, que par manque de discernement, la communauté noire américaine le repousse à son tour. Tout le monde sait aujourd'hui que si Obama n'avait pas été élu, cela aurait représenté un retard encore plus grand pour la communauté afro américaine et pour les Noirs de la planète en général.
C'est vrai qu'on peut comprendre mais c'est l'approuver, le scepticisme et l'extrême prudence des leaders afro américains. Les souffrances multiformes ont fait d'eux un bloc uniformes si bien qu'ils ont chaud au même moment, ils rient au même moment, ils pleurent au même moment bref, ils surfent sur le même registre. C'est vrai qu'on ne saurait leur lancer la pierre en les taxant de communautarisme puisqu'au regard des dernières élections, on constate que le communautarisme n'est pas l'apanage des seuls noirs. En effet, en votant à plus de 60% pour Mc Cain, la communauté blanche des Etats-Unis a bien démontré qu'elle aussi avait une démarche communautaire. Mais il faut se féliciter des 40% des bancs qui en accordant leur suffrage à Obama ont suivi la vague presque planétaire des supporters d'Obama qui, le temps d'une élection, se sont senti Américains mais surtout citoyen de l'Amérique d'Obama.
La seconde leçon qui se dégage de l'élection d'Obama est la conviction que j'ai désormais de l'existence d'une justice immanente en cette terre et non point dans un quelconque au-delà. L'adhésion presque spontanée de la majorité des population du monde, plus de 84% des Français, autant dans toutes les autres vieilles démocraties esclavagistes d'Europe, à l'Obamania a toutes les allures d'une repentance et d'une volonté des uns et des autres de tenter de solder la dette esclavagiste et coloniale. Chacun voulait par cette adhésion payer un tribut pour toutes les souffrances endurées par le peuple noir depuis des siècles et qui continuent d'ailleurs si l'on s'en tient à ce qui s'est passé avec l'ouragan Katrina dans la Nouvelle Orléans aux Etats-Unis. Je m'étais toujours dit qu'un être humain doté de conscience ne pouvait pas infliger de telles souffrances à d'autres êtres humains et rester à jamais indifférent.
Si je peux me permettre de décrypter les larmes du pasteur Jackson, ces lèvres qui vibrent, secoué par le reliquat des sanglots qu'il n'avait pas pu verser à la mort de Martin Luther King, je dirai qu'il voit en l'élection de Barack Obama la réparation d'une injustice. Il était aux cotés du Pasteur Martin Luther King lorsqu'une balle raciste lui a ôté la vie. Il a pensé que le rêve se brisait avec son porteur. Il a vu au cours de ces années raciales, ces hommes à la tunique blanche se réunir dans le cadre du Ku klux Klan pour tuer et brûler d'autres hommes tout simplement parce qu'ils étaient noirs. En homme d'église, il a dû se faire violence pour dire : "Nous n'y arriverons jamais. Ce monde n'est pas le nôtre. Nous sommes certainement maudits". En portant sa main sur son visage et en laissant les larmes ruisseler le long de ses joues et tremper sa chemise, le pasteur Jackson mesurait sans doute le chemin parcouru et voyait comment la justice peut être rendue avec une telle célérité, moins de 40 ans après la mort de Martin Luther King. Cette justice là n'est pas celle des hommes même si elle est rendue sur terre.
Ce n'est pas Obama qui développera l'Afrique!
La troisième leçon est tirée pour le peuple africain. C'est bien de danser à tout rompre pour Obama, c'est bien de se l'approprier – par contre ce n'est pas bien de décréter le férié comme on l'a fait au Kenya – mais il faut garder à l'esprit cette certitude : le développement de l'Afrique se fera par les Africains eux-mêmes ou ne se fera pas. Ce que Obama apporte à l'Afrique est plus symbolique que réel. Il apporte au peuple africain et au Noir en particulier, ce supplément psychologique qui lui permettra de marcher désormais la tête haute et d'affronter avec plus d'aisance les vicissitudes de la vie. Ce que Obama apporte au monde en général et au monde de la finance en particulier c'est la confiance, ce lubrifiant du lien social et des échange économiques qui manquait désormais tant au monde. Au soir de l'élection d'Obama, on a vu dans tous les continents, des hommes blancs, noirs, jaunes, s'embrasser dans une liesse interminable. Ce qui veut dire que la méfiance, ce sable de la machine monde, a été défaite. Autrement dit, Obama n'a pas des cartons de poisson à distribuer à l'Afrique mais il a des cannes à pêche à offrir au monde entier y compris au peuple d'Afrique. C'est à chacun, à son niveau et avec ses moyens, de transformer l'essai, de fructifier le capital, d'aller à la pêche, non pas au sens figuré de la démission mais au sens propre d'aller chercher du poisson.
C'est vrai qu'en Afrique, il y a beaucoup de personnes qui comprennent parfaitement qu'il faut absolument mettre un bémol par rapport aux attentes portées en Obama. Mais par manque de discernement, certaines personnes l'expriment mal. C'est sans doute le cas de mon ami de Bamako, Modibo qui dans un mail m'a demandé si je ne voyais que cette hystérie des Noirs pour Obama est une sorte de racisme à l'envers. Non, Modibo, ce n'est pas encore le racisme. Le fait de vanter son champion et même de verser dans une sorte de chauvinisme n'est pas le racisme. Il y a racisme lorsqu'il y a la négation de l'autre, lorsqu'il y a la volonté de réduire l'autre à l'état de chose pour mieux l'asservir et l'anéantir. L'Africain doit être fier d'Obama. Il doit même porter de façon ostensible des objets renvoyant à lui si cela lui chante. Il doit évoquer son nom à chaque fois qu'il se trouve devant un acte de discrimination visant à nier aux Noir des compétences. Je voudrais dire à Modibo que la peur du racisme est un racisme paradoxal qui paralyse.
Dans leur stratégie pour fructifier le capital que leur lègue l'élection d'Obama, les Africains doivent copier le colibri. En effet, d'après une légende amérindienne rapportée par Pierre Rabhi, "lors d'un feu de forêt, ce petit oiseau faisait des allers et retours de la source d'eau pour éteindre l'incendie. Tous les autres animaux de la forêt, atterrés, la regardait brûler et regardaient le colibri s'affairer. Puis le Tatou lui dit : ce n'est pas avec ces quelques gouttes que tu vas arrêter le feu, colibri. Le petit oiseau lui réponde : Je le sais mais je fais ma part. Chacun peut faire quelque chose. Si nous sommes nombreux à le faire, çà fait beaucoup". Les Africains doivent être capables chacun dans son pays d'aider à porter le rêve au pouvoir comme les Américains l'ont fait. Il y a partout en Afrique des dictateurs qui ont bouché tous les horizons à leur peuple et continuent de s'incruster au pouvoir. Le peuple souverain doit prendre ses responsabilités et faire triompher le rêve au lieu d'attendre que la concrétisation du rêve des autres leur soit bénéfique. La réussite de Obama doit leur servir de modèle, de repère et non point d'une source de mendicité.
Il a beau avoir la fibre africaine, mais la tâche d'Obama à la tête des Etats-Unis, pays pour lequel il a été élu et donc les objectifs peuvent bien diverger de ceux de l'Afrique, est immense. Il hérite d'un pays en crise dont la dette culmine à 10 000 milliards de dollars, un pays engagé dans des guerres ruineuses qui selon Joseph Stiglitz, le Prix Nobel d'économie, et Linda Bilmes, professeur à Harvard, spécialiste des questions budgétaires, estiment "qu'elle a déjà coûté 3 000 milliards de dollars aux Etats-Unis, dans un livre intitulé The Three Trillion Dollar War". Dans le réel, Obama doit satisfaire l'électorat de son pays qui l'a porté aux affaires. Il s'agit d'une tâche prenante à coté de laquelle l'Afrique ne compte et ne doit d'ailleurs pas compter absolument.
La ruée vers l'Obama, si on revient sur terre, montre que le peuple du monde, effrayé par des nouvelles toujours plus catastrophistes qui sortent des bourses et de la bouche des gouvernants, cherche le Messie venu pour le sauver. Mais Obama n'ayant pas une baguette magique, et n'étant pas un faiseur de miracle, ceux qui voudraient tout et tout de suite passer du changement symbolique et du don symbolique qu'apporte Obama à un don matériel risquent une bonne dose de déception. Mais cela n'enlève rien au rêve et à l'apport psychologique qu'il charrie.
Etienne de Tayo
Promoteur de Afrique Intègre
http://www.edetayo.blogspot.com/
Maintenant que l'essai Obama a été transformé aux Etats-Unis, maintenant que la fièvre est retombée et que le quotidien reprend le dessus, il est temps pour nous qui avons souhaité ce sacre de Barack Hussein Obama, de tirer les leçons du sacre du nouveau président américain.
La première leçon nous fait comprendre que la stratégie du métissage, de la synthèse, du consensus et du step by step contre la stratégie de l'extrémisme, de tout et tout de suite et du repli sur soi. De quoi s'agit-il?
L'élection de Barack Obama a démontré que dans un processus de négociation ou même d'affrontement, la solution durable se trouve finalement au centre, dans le métissage, la synthèse, le consensus, dans une démarche consistant à grimper un escalier après un autre. Cette démarche qui étale la conquête sur le temps et qui privilégie la ruse, a l'avantage de préserver les vies humaines. La solution ne se trouve nullement dans les extrêmes, dans le radicalisme, dans la stratégie du tout et tout de suite. Cette démarche qui privilégie l'affrontement permanent, fait du sang des humains le lubrifiant de la conquête. C'est vrai que les extrêmes sont nécessaires dans une lutte au moins pour maintenir la pression et obtenir une meilleure position de négociation mais il faut pouvoir les contenir et toujours les maintenir dans la portion congrue. Un chef qui se laisse déborder par les faucons de son camp a perdu l'essentiel de ce qui fait un chef.
Je me rappelle une discussion que j'eus, il y a quelques mois, avec un militant de la cause noire à la maison de Mines à Paris. Il disait ceci à propos de Barack Obama : "Je n'ai pas confiance en ce Obama pour porter la parole des Noirs parce qu'il est métis et les métis ont souvent trahi". Il le disait avec une telle conviction que j'ai eu du mal à le convaincre malgré l'aide qu'a bien voulu m'apporter Yves Ekoué Amaïzo. J'ai compris qu'il faisait reposer sa conviction sur les récentes déclarations de certains leaders noirs des Etats Unis tels les pasteurs Jesse Jackson et Jeremiah Right. Mais malgré tout, je lui ai dis qu'il commettait là une grave erreur de jugement et faisait courir au monde un grand péril parce que sa démarche était empreinte de la théorie de la pureté de la race qui comme on sait a été à l'origine de plus d'une calamité humaine. En repoussant Obama chez les Blancs, il le condamnait par le seul fait qu'il porte du sang blanc. Ce qui était à la fois regrettable et particulièrement dommageable pour ce Obama qui du coup et de ce fait se retrouvait "sans race" puisque les métis sont comme on le sait, biologiquement rejeté par les blancs qui leur colle souvent et systématiquement l'étiquette de Noir, surtout lorsqu'ils n'ont pas réussi. Je lui ai demandé s'il n'était pas stratégique pour la communauté noire d'ouvrir grandement la porte aux métis et leur permettre de faire leurs preuves et ne les juger qu'au résultat?
Obama a été ferme avec les extrémistes afro américains qui eux aussi lui déniaient la qualité de représentant des Noirs du simple fait qu'il n'est pas descendant d'esclave. Ce qu'il ne revendiquait d'ailleurs pas, pour ne pas apparaître comme un candidat communautaire, même s'il se positionnait dans le trajectoire de Martin Luther King. Face à son Pasteur Jeremiah Right, Obama est resté ferme et il a gagné. Il a gagné parce que les masses noires des Etats-Unis ont compris ce qu'il pouvait leur apporter sur le plan psychologique bien qu'étant métis, bien que n'étant pas un descendant des esclaves. Ce sont finalement ces masses qui ont obligé leurs leaders à mettre de l'eau dans leur vin et à apporter leur soutien Obama. Les larmes du Pasteur Jesse Jackson à l'annonce des résultats traduisent sans doute ce drame intérieur qui devait habiter ce grand militant des droits civiques.
Mais ce que les afro américains n'ont pas compris ou ne peuvent pas comprendre tant la blessure est encore profonde, c'est que Obama est bel et bien un des leurs. Comme eux, il exhale aussi l'odeur des plantations de canne à sucre. Et d'où lui vient cette odeur? De son épouse Michelle à qui personne ne peut dénier la qualité de descendante d'esclave. En épousant Michelle Robinson, alors qu'il pouvait se trouver une fille blanche de son entourage familiale pour rassurer sa grand-mère qui, comme il l'a révélé lui-même, avait peur des noirs, Barack Obama acceptait ainsi de porter à sa façon les chaînes de l'esclavage qu'il a bien sûr aussitôt brisé. Elevé par sa famille blanche, rien n'obligeait Obama à décevoir les siens en leur imposant une belle sœur noire, descendante d'esclave. Et pourtant il l'a fait. Si ce n'est pour l'amour de la race noire, que l'on me dise pourquoi il l'a fait. C'aurait donc été une grave erreur, qu'alors qu'il venait ainsi de poser un acte révolutionnaire, que par manque de discernement, la communauté noire américaine le repousse à son tour. Tout le monde sait aujourd'hui que si Obama n'avait pas été élu, cela aurait représenté un retard encore plus grand pour la communauté afro américaine et pour les Noirs de la planète en général.
C'est vrai qu'on peut comprendre mais c'est l'approuver, le scepticisme et l'extrême prudence des leaders afro américains. Les souffrances multiformes ont fait d'eux un bloc uniformes si bien qu'ils ont chaud au même moment, ils rient au même moment, ils pleurent au même moment bref, ils surfent sur le même registre. C'est vrai qu'on ne saurait leur lancer la pierre en les taxant de communautarisme puisqu'au regard des dernières élections, on constate que le communautarisme n'est pas l'apanage des seuls noirs. En effet, en votant à plus de 60% pour Mc Cain, la communauté blanche des Etats-Unis a bien démontré qu'elle aussi avait une démarche communautaire. Mais il faut se féliciter des 40% des bancs qui en accordant leur suffrage à Obama ont suivi la vague presque planétaire des supporters d'Obama qui, le temps d'une élection, se sont senti Américains mais surtout citoyen de l'Amérique d'Obama.
La seconde leçon qui se dégage de l'élection d'Obama est la conviction que j'ai désormais de l'existence d'une justice immanente en cette terre et non point dans un quelconque au-delà. L'adhésion presque spontanée de la majorité des population du monde, plus de 84% des Français, autant dans toutes les autres vieilles démocraties esclavagistes d'Europe, à l'Obamania a toutes les allures d'une repentance et d'une volonté des uns et des autres de tenter de solder la dette esclavagiste et coloniale. Chacun voulait par cette adhésion payer un tribut pour toutes les souffrances endurées par le peuple noir depuis des siècles et qui continuent d'ailleurs si l'on s'en tient à ce qui s'est passé avec l'ouragan Katrina dans la Nouvelle Orléans aux Etats-Unis. Je m'étais toujours dit qu'un être humain doté de conscience ne pouvait pas infliger de telles souffrances à d'autres êtres humains et rester à jamais indifférent.
Si je peux me permettre de décrypter les larmes du pasteur Jackson, ces lèvres qui vibrent, secoué par le reliquat des sanglots qu'il n'avait pas pu verser à la mort de Martin Luther King, je dirai qu'il voit en l'élection de Barack Obama la réparation d'une injustice. Il était aux cotés du Pasteur Martin Luther King lorsqu'une balle raciste lui a ôté la vie. Il a pensé que le rêve se brisait avec son porteur. Il a vu au cours de ces années raciales, ces hommes à la tunique blanche se réunir dans le cadre du Ku klux Klan pour tuer et brûler d'autres hommes tout simplement parce qu'ils étaient noirs. En homme d'église, il a dû se faire violence pour dire : "Nous n'y arriverons jamais. Ce monde n'est pas le nôtre. Nous sommes certainement maudits". En portant sa main sur son visage et en laissant les larmes ruisseler le long de ses joues et tremper sa chemise, le pasteur Jackson mesurait sans doute le chemin parcouru et voyait comment la justice peut être rendue avec une telle célérité, moins de 40 ans après la mort de Martin Luther King. Cette justice là n'est pas celle des hommes même si elle est rendue sur terre.
Ce n'est pas Obama qui développera l'Afrique!
La troisième leçon est tirée pour le peuple africain. C'est bien de danser à tout rompre pour Obama, c'est bien de se l'approprier – par contre ce n'est pas bien de décréter le férié comme on l'a fait au Kenya – mais il faut garder à l'esprit cette certitude : le développement de l'Afrique se fera par les Africains eux-mêmes ou ne se fera pas. Ce que Obama apporte à l'Afrique est plus symbolique que réel. Il apporte au peuple africain et au Noir en particulier, ce supplément psychologique qui lui permettra de marcher désormais la tête haute et d'affronter avec plus d'aisance les vicissitudes de la vie. Ce que Obama apporte au monde en général et au monde de la finance en particulier c'est la confiance, ce lubrifiant du lien social et des échange économiques qui manquait désormais tant au monde. Au soir de l'élection d'Obama, on a vu dans tous les continents, des hommes blancs, noirs, jaunes, s'embrasser dans une liesse interminable. Ce qui veut dire que la méfiance, ce sable de la machine monde, a été défaite. Autrement dit, Obama n'a pas des cartons de poisson à distribuer à l'Afrique mais il a des cannes à pêche à offrir au monde entier y compris au peuple d'Afrique. C'est à chacun, à son niveau et avec ses moyens, de transformer l'essai, de fructifier le capital, d'aller à la pêche, non pas au sens figuré de la démission mais au sens propre d'aller chercher du poisson.
C'est vrai qu'en Afrique, il y a beaucoup de personnes qui comprennent parfaitement qu'il faut absolument mettre un bémol par rapport aux attentes portées en Obama. Mais par manque de discernement, certaines personnes l'expriment mal. C'est sans doute le cas de mon ami de Bamako, Modibo qui dans un mail m'a demandé si je ne voyais que cette hystérie des Noirs pour Obama est une sorte de racisme à l'envers. Non, Modibo, ce n'est pas encore le racisme. Le fait de vanter son champion et même de verser dans une sorte de chauvinisme n'est pas le racisme. Il y a racisme lorsqu'il y a la négation de l'autre, lorsqu'il y a la volonté de réduire l'autre à l'état de chose pour mieux l'asservir et l'anéantir. L'Africain doit être fier d'Obama. Il doit même porter de façon ostensible des objets renvoyant à lui si cela lui chante. Il doit évoquer son nom à chaque fois qu'il se trouve devant un acte de discrimination visant à nier aux Noir des compétences. Je voudrais dire à Modibo que la peur du racisme est un racisme paradoxal qui paralyse.
Dans leur stratégie pour fructifier le capital que leur lègue l'élection d'Obama, les Africains doivent copier le colibri. En effet, d'après une légende amérindienne rapportée par Pierre Rabhi, "lors d'un feu de forêt, ce petit oiseau faisait des allers et retours de la source d'eau pour éteindre l'incendie. Tous les autres animaux de la forêt, atterrés, la regardait brûler et regardaient le colibri s'affairer. Puis le Tatou lui dit : ce n'est pas avec ces quelques gouttes que tu vas arrêter le feu, colibri. Le petit oiseau lui réponde : Je le sais mais je fais ma part. Chacun peut faire quelque chose. Si nous sommes nombreux à le faire, çà fait beaucoup". Les Africains doivent être capables chacun dans son pays d'aider à porter le rêve au pouvoir comme les Américains l'ont fait. Il y a partout en Afrique des dictateurs qui ont bouché tous les horizons à leur peuple et continuent de s'incruster au pouvoir. Le peuple souverain doit prendre ses responsabilités et faire triompher le rêve au lieu d'attendre que la concrétisation du rêve des autres leur soit bénéfique. La réussite de Obama doit leur servir de modèle, de repère et non point d'une source de mendicité.
Il a beau avoir la fibre africaine, mais la tâche d'Obama à la tête des Etats-Unis, pays pour lequel il a été élu et donc les objectifs peuvent bien diverger de ceux de l'Afrique, est immense. Il hérite d'un pays en crise dont la dette culmine à 10 000 milliards de dollars, un pays engagé dans des guerres ruineuses qui selon Joseph Stiglitz, le Prix Nobel d'économie, et Linda Bilmes, professeur à Harvard, spécialiste des questions budgétaires, estiment "qu'elle a déjà coûté 3 000 milliards de dollars aux Etats-Unis, dans un livre intitulé The Three Trillion Dollar War". Dans le réel, Obama doit satisfaire l'électorat de son pays qui l'a porté aux affaires. Il s'agit d'une tâche prenante à coté de laquelle l'Afrique ne compte et ne doit d'ailleurs pas compter absolument.
La ruée vers l'Obama, si on revient sur terre, montre que le peuple du monde, effrayé par des nouvelles toujours plus catastrophistes qui sortent des bourses et de la bouche des gouvernants, cherche le Messie venu pour le sauver. Mais Obama n'ayant pas une baguette magique, et n'étant pas un faiseur de miracle, ceux qui voudraient tout et tout de suite passer du changement symbolique et du don symbolique qu'apporte Obama à un don matériel risquent une bonne dose de déception. Mais cela n'enlève rien au rêve et à l'apport psychologique qu'il charrie.
Etienne de Tayo
Promoteur de Afrique Intègre
http://www.edetayo.blogspot.com/
2 commentaires:
Je ne crois pas qu’il y ait une race pure—nous sommes tous métis—et de toutes les façons M. Barack Obama se définit comme Noir, et, donc, pour moi il est Noir, mais aussi …Américain comme M. G. W. Bush l’est. C’est un progrès énorme pour les Etats-Unis d’Amérique que les habitants de ce pays aient dépassé l’apparence corporelle pour choisir celui qu’ils ont jugé compétent pour leurs affaires pendant les quatre prochaines années. Et c’est tant mieux pour eux !
Mais moi, Africain, Noir, Musulman et ne vivant pas aux E.U d’A. j’attends très peu de choses de ce nouveau président américain. Et ce serait fou d’attendre qqchse de ce monsieur ! D’ailleurs la preuve m’a été donnée hier soir lors de sa première conférence de presse. Sur la seule question relative aux affaires extérieures, sa réponse est celle-ci : « inacceptable » la possibilité que l’Iran ait l’arme atomique et que l’Iran continue à soutenir le terrorisme. C’est sa réponse après avoir eu sa première réunion avec le CIA, une agence connue et équipée pour travailler contre la paix internationale.
Porter beaucoup d’espoir sur Obama—qui est par ailleurs un monsieur appréciable—est en vain !
Doualeh
Julio Barthson in his Own Words: On the Campaign Trail for Barack Obama
http://www.dibussi.com/2008/11/in-their-own-words-moving-our-country-forward-with-presidentelect-obama.html#comment-139535500
+++++++++++++
Foot Soldiers of President Obama's Victory March: An Exclusive Interview with Nfor Julio Barthson
http://www.chiareport.com/2008/11/by-innocent-chia--as-global-citizens-continue-expressing-joy-and-disbelief-in-the-election-of-barack-obama-as-the-44th-us-pre.html
http://www.chiareport.com/2008/11/foot-soldiers-of-president-obamas-victory-march-an-exclusive-interview-with-nfor-julio-barthson.html
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