lundi 30 mars 2009

LES IDEOLOGIES SONT MORTES, VIVE LE REALISME POLITIQUE

Le peuple malgache, dans une ferveur inégalée, vient d'introniser Andry Rajoelina à la tête de la grande île de l'océan indien. En regardant la cérémonie d'investiture, nous croyons assister à une sorte de clonage événementiel par rapport à la cérémonie de 2002 lorsque ce même peuple avait porté en triomphe Marc Ravalomanana, celui-là qu'il voue aux gémonies aujourd'hui. A l'époque, Didier Ratsiraka avait été aussi humilié par ce même peuple malgache.

Tout ceci veut dire qu'à Madagascar, l'histoire se répète et se reproduit presque à l'identique. Même au niveau des deux hommes qui se succèdent dans la violence à la tête du pays, il y a ce que d'aucuns ont qualifié de clonage humain. Même morphologie, même trajectoire politique. Tous deux sont de fervents chrétiens sauf que l'un est catholique et l'autre protestant. Ce sont tous deux hommes d'affaires qui ont besoin du pouvoir pour booster leurs affaires. Nous dirons que ce sont tous deux des leaders réalismogistes.
Ce qui s'est passé à Madagascar a du bon et du mauvais. Le bon c'est un peuple qui semble avoir pris conscience de ce qu'il est le vrai propriétaire du pouvoir souverain et entend jouir de cette prérogative jusqu'au bout. Et qu'à ce titre, il peut le retirer chez un élu jugé incapable pour le confier à un autre. Appelons cela, l'alternance automatique dans une démocratie populaire. Il y a du mauvais parce que, malheureusement, les désirs d'un peuple étant insondables, ce jeu peut installer le pays dans une instabilité permanente. Surtout lorsqu'il y a, comme on le voit, une volonté d'humilier celui qui part. Il y a aussi que les peuples sont de plus en plus exposés aux manipulations des politiques qui ont parfois le contrôle des moyens de communication comme c'est le cas pour le jeune Rajoelina. Le risque est donc grand que parlant du changement, qu'il ne s'agisse en réalité que déshabiller Saint Pierre pour habiller Saint Paul. Et que très vite le peuple se retrouve sur sa soif.
Ce qui se passe à Madagascar n'est pas intéressant en soi parce que ne portant pas une originalité particulière. Cela ne devient intéressant que dans la mesure où le jeu politique sur la grande île nous aide à comprendre l'évolution de la pratique politique dans le monde aujourd'hui. Le conflit de Madagascar prospère à une période marquée par le renouveau politique dans le monde. Un renouveau dans lequel la démocratie est vouée à un péril certain. Dans quelques années, si rien n'est fait, le monde assistera à la crise de la démocratie comme on assiste aujourd'hui à la crise financière et économique. Il se trouve que, comme la finance, la démocratie est en train d'être détournée et même trahie par ceux là même qui disent faire sa promotion dans le monde. Cela veut dire que les deux piliers sur lesquels l'Occident a bâti sa stratégie de domination, à savoir la démocratie et l'économie de marché, risque de s'écrouler. Mais là n'est pas le débat.
Nous allons analyser dans le présent article, les conditions de l'émergence de la "réalismologie", entendu comme la doctrine du réalisme en politique; le danger qu'elle fait peser sur la démocratie et les sociétés démocratiques, les facteurs qui ont favorisé son émergence et enfin le sort de l'Afrique dans ce contexte.

Aujourd'hui, nous sommes en droit de valider la mort de toutes les idéologies jusque là à l'œuvre dans le champ politique. On peut bien rencontrer aujourd'hui un "sping doctor", ces maîtres à penser qui font élire les plus grands hommes politiques dans le monde qui ne sache pas la définition du mot idéologie. Dailleurs, Karl Rove, le gourou qui a fait élire Georges W. Bush par deux fois est un parfait autodidacte, n'ayant jamais pu décrocher le moindre diplôme universitaire. Il est d'ailleurs de plus en plus ringard dans un discours politique de construire son argumentaire à partir d'une idéologie quelle qu'elle soit. Ce qui était inimaginable il y a seulement 20 ans. Les idéologies ont donc été écrasées.
Et comme la nature a horreur du vide, et comme il faut quand même un système de représentation du monde dans lequel les peuples peuvent se retrouver et se reconnaître, une sorte d'objet politique non identifié (OPNI) est en train de prendre pied et de s'enraciner partout dans le monde. Cet objet, on ne saurait le qualifier d'idéologie parce que ne prenant pas sa source dans une idée mais plutôt dans la représentation d'une idée. Ce nouveau phénomène, appelons le "réalismologie" qui découle de la racine réalisme. Dès lors, dire qu'on est communiste, socialiste, capitaliste, anarchiste n'a plus de sens. C'est pourquoi, pour ne prendre que deux cas de la France et des Etats-Unis. En France, l'Ump, Nicolas Sarkozy peut intégrer des socialistes tels Bernard Kouchner dans son gouvernement. De même aux Etats-Unis, le démocrate Barack Obama ne n'éprouve aucune gêne à garder le républicain Robert Gates dans son gouvernement.
En fait, il existe désormais au sein des dirigeants et même des peuples du mondes, un gros contingent de "réalismologistes", c'est-à-dire ceux dont le comportement est constamment formaté par le réalisme, et de l'autre coté quelques résistants à cette vague. En France, c'est au nom de la "réalismologie" que des hommes et femmes porteurs des valeurs de gauche à savoir l'humanisme, la solidarité, l'égalité tels Rama Yade, Fadela Amara, Martin Hirsch, Jack Lang, Michel Rocard… acceptent de servir un pouvoir dit de droite qui lui au contraire affiche fièrement son credo "réalismologique" : travailler plus pour gagner plus. La presse a d'abord crié au scandale en voulant dénoncer cette tentative d'uniformisation du champ politique. Mais, elle aussi, a fini par s'en accommoder au nom de la "réalismologie". Lorsque l'on demande à ces personnalités pourquoi elles acceptent de servir ce pouvoir de droite, elles disent qu'elles essayent d'y apporter un peu d'humanisme, de le transformer de l'intérieur. Mais cela n'en est rien. Ce n'est qu'un discours qu'on a souvent entendu chez les ralliés qui ne savent plus quoi dire. Ils sont entraînés par la vague "réalismologique".
Les partis de gauche qui étaient plus porter à l'utilisation de l'idéologie qui est est même parfois consubstancielle, éprouvent beaucoup de difficultés à se déployer dans ce contexte post idéologie. Ils sont parfois obligés de s'embarquer dans les manifestations organisées par les syndicats. Ce qui n'est plus tout à fait du goût des leaders de ces derniers qui parlent de la volonté de gaarder leur indépendance.

D'où vient-elle?
La "réalismologie" est un monstre qui est né de la liaison incestueuse entre le monde de la politique et celui du business. C'est aussi une grosse vague de la taille de ce que le Tsunami avait fait déferler sur les cotes asiatiques. Elle repose sur au moins trois postulats :
- Des groupes d'intérêt et des personnes qui, avant n'avaient pas d'emprise directe sur le pouvoir politique, ont compris qu'il est plus juteux d'exercer le pouvoir en sous main au travers des hommes de paille qu'ils contribueront à porter au pouvoir;
- Ils sont de plus en plus nombreux des personnes, mues essentiellement par la cupidité, qui se disent qu'il serait idiot d'être pauvre et d'hypothéquer l'avenir de sa descendance parce qu'on a fait de la politique. Il n'est donc plus question d'aller s'appauvrir en politique comme par le passé mais d'aller s'enrichir en faisant la politique. Ils pensent plutôt que la politique doit aider à assurer la prospérité de leurs descendances sur plusieurs générations.
- Enfin, faire de la politique et surtout occuper de hautes fonctions dirigeantes à la tête des Etats, est devenu pour plusieurs personnes un tremplin pour des carrières plus juteuses ou tout simplement une garantie pour des revenus colossaux de retraite. Et pour récolter ainsi après le pouvoir, il faut semer pendant qu'on est au pouvoir.
Parlant justement de l'exercice du pouvoir par procuration, il existerait un groupe connu sous le nom de "maîtres du monde" et composé de personnalités de diverses obédiences. Ce groupe validerait en dernier ressort l'accès au pouvoir dans la plupart des pays occidentaux ainsi que dans ceux que ces pays ont sous leur contrôle en raison par exemple des liens coloniaux. A ce titre, l'élection de Georges Bush en 2000 et le scandale qu'il a engendré a mis à nu l'influence du groupe dit des "maîtres du monde".
Il découle de ceci que le dirigeant politique finalement révélé par la mise en scène électorale n'est plus forcément le leader qui, de par son charisme personnel, de par la pertinence de son programme politique, aura réussi à gagner les cœurs des électeurs et à l'emporter logiquement sur ses concurrents. Il est plutôt celui qui a su bien négocier son ticket de préférence longtemps à l'avance, auprès des "maîtres du monde". Et ceux-ci ont alors mis sur pieds la machine devant lui permettre de passer comme une lettre à la poste.
Mais ceci ne voudrait pas dire que les leaders réalismologistes sont forcément des cancres. On peut justifier d'une valeur intrinsèque respectable et s'inscrire dans une démarche "réalismologique". Il faut aussi remarquer qu'en France, pour réellement s'engager dans la conquête du pouvoir, Nicolas Sarkozy a tenu au préalable à tisser des relations solides avec les milieux des affaires en prenant un grand soin de s'attacher l'amitié des grands patrons de presse et ceux des instituts de sondage, tous ces lieux qui concourent à la fabrique de l'opinion. Cela s'appelle, assurer ses arrières. Pendant la campagne électorale de 2007, le candidat de l'Ump, et ceci malgré ce que cela pouvait lui coûter, a pris le risque de s'attaquer en les invalidant, aux leaders de mai 68 c'est-à-dire les promoteurs de l'idéalisme politique. Idéalisme qui, comme on, sait se situe aux antipodes du réalisme.

Comment fonctionne t-elle?
Le leader "réalismologiste" agit de façon assez simple mais suffisamment subtile pour perdre ses adversaires et même le petit peuple. D'abord, la "réalismologie" se moque de la démocratie perçue comme un système de bureaucratie politique dans lequel on perd trop de temps dans les conciliations. La démocratie doit se mettre à son service et non le contraire. Par contre, la "réalismologie" est mise au service de l'économie de marché dans ce qu'elle a de plus mercantile. Et puis, le leader "réalismologiste" se donne ceci pour credo : avant on s'appauvrissait en politique parce qu'on privilégiait un idéal qu'on souhaite atteindre et s'inscrire dans la postérité en de lettres honorables. Aujourd'hui, on doit vivre ici et maintenant le bonheur surtout matériel qui se cache derrière la pratique de la politique.
La fonction présidentielle sert bien sûr à la réalisation de la vision qu'on a eu en allant en politique. Mais elle doit aussi être une meilleure position pour mieux faire monter les enchères et pour aider ses amis des milieux des affaires dans la perspective d'un meilleur placement de soi même demain lorsqu'on quittera le pouvoir. C'est ainsi qu'après avoir quitté le pouvoir, Tony Blair s'est fait recruter comme conseiller à temps partiel dans le prestigieux cabinet JP Morgan pour un salaire mensuel de 80 000 euros.
D'après le journal Marianne, l'ancien chancelier allemand "Gherard Schröder n’a fait que rejoindre la société de gestion de pipe-line (Northern European Gas Pipeline Compagny) que sa fonction de Chancelier lui avait permis de favoriser" et ce ci pour un salaire de 250 000 euros l'an. Quant à l'ancien président américain Bill Clinton, ses conférences dans le monde lui rapporte tellement d'argent que le comité éthique du département d'Etat veut voir clair sur l'identité de ses bienfaiteurs. Des revenus qui ne laisseraient pas indifférent le président français Nicolas Sarkozy qui selon Marianne aurait tenu ces propos : "je fais çà 5 ans et ensuite je pars faire du fric comme Clinton". Georges W. Bush doit commencer bientôt une série de conférences dans le monde qui lui permettront d'amasser un précieux trésor.
Ainsi, à travers des connexions avec les milieux d'affaires, le leader réalismologiste réussit à faire main basse sur les moyens servant à la fabrique de l'opinion publique. Les médias sont conquis et transformés en une sorte de fusil mitraillette symbolique qui foudroie le petit peuple au travers d'un flow d'information démentiel et parfois inutile. Mais parce que prenant les apparences d'utilité, - en jouant justement sur le réalisme et l'utilitaire – occupe tout le cerveau du peuple ne laissant de la place et du temps que pour la publicité de coca cola comme le disait cyniquement Patrick Le Lay, ancien patron de TF1.
Dès lors que les instruments de la fabrique de l'opinion sont maîtrisés, on assiste à une sorte de conditionnement comparable à ce qui se passait sous les régimes communistes. Privé de lucidité, vidé de sa capacité de réflexion, le petit peuple est réduit à ne penser qu'à son ventre. C'est pourquoi, de plus en plus dans un pays comme la France, on constate que des revendications qui mobilisent encore, sont celles qui tournent autour du pouvoir d'achat ou encore de la sauvegarde des emplois, ce qui revient d'ailleurs au même. Un communiqué invitant les gens à venir défendre la démocratie par exemple, ne fera pas forcément foule. Non pas que le peuple ne trouve pas à redire sur le fonctionnement de la démocratie, mais parce que la réalismologie, du fait qu'elle s'adresse directement à l'individu dans sa distinction, fait exploser la notion d'appartenance et fait du peuple, non plus une entité épistémologiquement autonome et soudée, mais juste un assemblage d'individus incapables de réaliser la médiation politique nécessaire à tout combat. Tout le monde sait qu'il y a des problèmes, tout le monde voit qu'il y a des problèmes, mais comme ils ne peuvent pas fédérer leurs revendications, pris chacun qu'ils sont dans la satisfaction des besoins individuels, le peuple n'est plus qu'un troupeau de moutons qu'on peut diriger à la baguette.

Que va-t-il se passer?
Il se passe et il se passera de plus en plus que de petits groupes venant des extrêmes, qui ont pris conscience de la situation et qui gardent encore suffisamment de lucidité pour comprendre ce qui se passe, vont attaquer violemment les leaders réalismologistes parfois au travers des actions de rébellion. D'autres au sein de l'intelligentsia se laisseront, parce qu'ils perçoivent le problème plus que les autres, aller à une sorte de haine personnelle dirigée contre le leader réalismologiste. On peut relever en France le fait d'attaquer Nicolas Sarkozy sur son physique, sa petite taille, ses tics et le grossissement de certaines bourdes pour montrer son caractère irascible. Cela se voit plus au travers de l'utilisation des caricatures. C'est juste la pudeur qui empêche certaines personnes de l'attaquer sur ses origines. On assiste aussi à des dénonciations quelque peu décalées comme le fait d'accuser Nicolas Sarkozy de tendance monarchique. On peut relever aussi relever en Italie, le fait de partir de l'âge et des bourdes à répétition de Silvio Berlusconi pour évoquer son éventuelle sénilité.
Nous assistons en France à la formation des groupes révolutionnaires d'extrême gauche comme celui dont a accuse Julien Coupat d'être le leader. Ces groupes pourraient s'illustrer par des actes de rébellion. Des journalistes engagés s'empareront des "territoires libérés des médias" et lanceront à partir de là des attaques contre le régime qu'ils accusent de dérive monarchique mais en réalité de réalismologie. C'est le cas en France de certaines radios et de certains journaux où des chroniqueurs s'inscrivent dans une critique systématique du sarkozisme.
Mais toutes ces personnes risque de tomber dans un gros piège. Le risque est ainsi grand qu'ils finissent par ne jouer qu'une partition écrite par la réalismologie. En effet, les attaques violentes finiront par ressembler à de l'acharnement, à une sorte de lynchage symbolique. Et comme le petit peuple ou l'opinion publique qui est tribunalisé dans ce jeu, est foncièrement humaniste, il risque de se resserrer autour du leader réalismologique qui aura joué à fond la victimisation.
Les pouvoirs réalismologiques cultivent l'art de se faire détester. C'est un peu le jeu dans lequel excellait Donald Rumsfeld, le très conservateur secrétaire à la défense de Georges W. Bush. C'est dans le contexte de la haine que le leader réalismologiste parvient à s'imposer au peuple. Parce qu'en fin de compte, s'interroge t-il : à quoi sert l'amour d'un peuple pour un dirigeant qui sait d'avance que ses réformes seront impopulaires? Il s'inscrit ainsi dans le conflictualisme qui est décrit par certains doctrinaires comme le moteur du progrès sociopolitique.
En fait, on devrait remarquer qu'un peu partout, le gros du petit peuple a déjà validé la réalismologie même si on doit reconnaître qu'il le fait en toute inconscience. Sinon, Berlusconi ne serait pas revenu au pouvoir en Italie. Georges Bush n'aurait pas fait deux mandats à la tête des Etats-Unis. Il faut aussi reconnaître que Barack Obama a dû faire jouer son équation personnelle pour triompher de Mc Cain, porteur des valeurs réalismologiques. Le petit peuple reste passif face à la montée de la réalismologie parce que dans sa vie quotidienne, du fait justement de la dureté de cette vie, ils sont obligés d'avoir des conduites réalismologiques. Par exemple, ils n'iront plus manifester en masse dans les syndicats parce qu'ils veulent travailler plus pour gagner plus. Pour la première fois à la gare de Saint-Lazare à Paris, on a vu des gens qui, non seulement se montrent agacés par les grèves à répétition mais prennent à partie les agents de SNCF.

Et l'Afrique dans tout çà
Nous sommes entré par l'Afrique dans cet article, c'est donc judicieux de sortir par l'Afrique. Comme la plupart des pays du monde, les pays africains ont vu depuis les indépendances, des leaders de tous acabits. Des patriotes convaincus aux simples concierges à la solde de la métropole en passant par des illuminés. Aujourd'hui, la réalismologie est présente en Afrique. De tout temps en Afrique, le pouvoir est source d'enrichissement personnel et les connexions avec les milieux des affaires se font à ciel ouvert, notamment à travers l'intégration massive des hommes d'affaires dans le parti au pouvoir. Ceux qui arrivent au pouvoir continuent de se faire adouber par des groupes occultes intérieurs ou extérieurs à l'Afrique. Et lorsqu'ils arrivent au pouvoir, ils sont aussi obligés de s'appuyer sur les mêmes groupes pour s'éterniser au pouvoir.
Pour ce qui est des groupes extérieurs à l'Afrique, on a longtemps parlé des connexions de la Françafrique pour ce qui est des pays de l'ancien empire français. On croyait son influence sérieusement atteinte avec l'arrivée de Nicolas Sarkozy et ses promesses de rupture. Mais on a très vite compris que la Françafrique coupera la tête à qui osera lui pointer un doigt. L'ancien secrétaire d'Etat français à la coopération Jean Marie Bockel l'a appris à ses dépens. D'ailleurs, ce qui vient de se passer à Madagascar dégage une forte odeur françafricaine pour qui connaît les méthodes de ce serpent de mer. C'est après un séjour hexagonal que le jeune Maire de Tananarive était rentré lancé l'insurrection qui l'a finalement porté au pouvoir. Et au cours de son séjour parisien, des témoins rapporte qu'il avait rencontré l'ancien chef de l'Etat malgache Didier Ratsiraka. Et c'est d'ailleurs une interview de ce dernier qui a véritablement mis le feu aux poudres et contraint Marc Ravalomanana à jeter du lest. D'ailleurs, selon certaines sources à Madagascar, Roland Ratsiraka, le neveu de Didier Ratsiraka serait le vrai prétendant au trône.
Pour ce qui est des groupes intérieurs, l'Afrique affiche une particularité qui est le treillis. Contrairement à ce qui se passe ailleurs, l'armée a toujours été un acteur majeur du champ politique en Afrique. En Afrique, la caserne militaire côtoie de très près le palais présidentiel si ce n'est parfois le sous-sol du palais. Depuis les indépendances africaines en 1960, les militaires ont violé le pouvoir dans l'immense majorité des pays africains. Au début des années 1990, effrayé par la communauté internationale qui recommandait plus de démocratie, ils ont fait semblant de se retirer dans les casernes mais sont revenus aussitôt en force, soit pour s'emparer du pouvoir comme au Benin avec Mathieu Kérékou, au Congo avec Denis Sassou Nguessou soir en prenant les civils au pouvoir en otage.
Aujourd'hui, la majorité des pouvoirs civils en Afrique sont sous le contrôle direct des militaires qui font régner la terreur. On a vu comment au Cap Vert que, pour avoir été soupçonné par les militaires d'être mêlé à l'assassinat du chef d'Etat major des armées, le chef de l'Etat Nino Vierra a été torturé à mort par les militaires. Et on découvre après sa mort qu'il s'était laissé entraîner dans une affaire de trafic de drogue. Ce qui veut dire que le double drame qui s'est produit entraînant la mort du chef de l'Etat et son chef d'Etat major des armées n'est en fait qu'un règlement de compte entre dealer. Cela se passait au Cap Vert mais c'est un message des militaires à tous les pouvoirs civils d'Afrique qui oseraient trahir le pacte qui les lie aux militaires. Parlant justement de drogue, les enfants de Lansana conté, le défunt président de Guinée Conakry, viennent de passer aux aveux par rapport à leur implication dans le trafic de drogue.
Ce qui se passe à Madagascar et nous allons sortir par là, est une illustration parfaite de ce que l'Afrique est sous l'emprise de la réalismologie. Le jeune Andry Rajoelina, comme d'ailleurs son prédécesseur est un homme d'affaires et propriétaires des médias qui n'auront même plus besoin de tisser des connexions dans les milieux des affaires. C'est le Business au pouvoir. Il a une haute main sur les médias qui sont comme on sait de précieux instruments de la fabrique de l'opinion publique. Et comme un leader réalismogiste a toujours un groupe occulte de qui il répond, il a les militaires qui ont tout fait pour l'introniser. Il n'a qu'à leur assurer un bon traitement. Mais le plus à plaindre dans ce jeu, c'est le peuple malgache qui est à la recherche du changement, qui hier a intronisé Marc Ravalomanana, qui l'a chassé et jeté son dévolu sur Rajoelina pour lequel il risque d'être déçu demain.

Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"
http://www.edetayo.blogspot.com/

Prochain article : LES MILITAIRES AU POUVOIR EN AFRIQUE, QUAND L'EXCEPTION DEVIENT LA REGLE

samedi 21 mars 2009

COUPE DU MONDE 2010 : "ZAKUMI" A FAIT ESCALE A PARIS

A l'initiative de l'Ambassade d'Afrique du Sud en France, le président du comité d'organisation de la coupe du monde 2010 au pays de Nelson Mandela, a donné une conférence de presse à Paris. M. Danny Jordan, surmonté de la mascotte officielle "Zakumi", était entouré pour la circonstance bien sûr de l'Ambassadeur de l'Afrique du Sud, du directeur du Marketing de la FIFA ainsi que de l'international français Lilian Thuram.




Pour le premier, sa présence allait de soi. Mais pour Lilian Thuram, le président Jordan a tenu a donné quelques précisions : l'Afrique du Sud a participé à sa première coupe du monde en 1998 en France. Une compétition remportée par l'équipe de France dans laquelle brillait entre autre un certain Lilian Thuram, devenu depuis une véritable icône médiatique en France. En invitant Thuram, le président Jordan n'a pas caché sa volonté de forcer la main au sélectionneur français par rapport à sa participation à la prochaine coupe du monde en Afrique du Sud : "je souhaite que Thuram ne prenne sa retraite qu'après la coupe du monde de l'Afrique du Sud", a déclaré Danny Jordan.
Prenant la parole, et se montrant plus pessimiste que M. Jordan, Lilian Thuram a marqué sa tristesse de ne pouvoir participer à cette coupe du monde là : "Je prends la parole ici avec une certaine tristesse puisque sûrement, je ne participerai pas à cette coupe du monde", a-t-il dit. Puis, un peu comme pour se consoler, il a préféré placer l'organisation de la coupe du monde en Afrique du Sud dans une dimension plus rhétorique par rapport au destin de l'Afrique dans le monde : "l'Afrique c'est le retour au source, c'est le retour aux origines des hommes. C'est une coupe du monde et non seulement celle de l'Afrique du sud. Les gens sortiront de cette coupe du monde en disant tiens, je n'ai plus la même idée de l'Afrique. On m'a souvent dit tant de choses sur l'Afrique", a tenu à souligner Thuram.
Le Directeur Marketing de la FIFA était là pour rassurer : "on y est, il n'y a plus de doute. La coupe du monde 2010 aura lieu en Afrique du Sud. Il y a toujours beaucoup de questions. Mais je peux déjà vous dire que ce sera un événement exceptionnel. Je vais en Afrique du Sud au moins une fois par mois", a tenu à dire Thierry Weil. Il confirme en plus le fait qu'au niveau de la FIFA, ils ont recommandé à l'Afrique du Sud d'être plus agressive dans la recherche des partenaires à l'organisation de cette coupe du monde.
Mais la question récurrente par rapport à cette coupe du monde et qui trouve sa source dans les clichés dont souffrent l'Afrique en général et l'Afrique du Sud, c'est celui de la sécurité. Le président du comité d'organisation a tenu à rassurer. Plusieurs réunions de sécurité ont été organisées à ce jour et tout le monde est satisfait. Selon Danny Jordan, près de 41000 personnes s'occupent de la sécurité en général et 700 policiers ont été mobilisés. Pour ce qui est des coupures d'électricités, problème soulevé par un journaliste, il rassure que pendant la coupe du monde, "tous les stades auront une offre de courant autonome".
Déjà l'Afrique du Sud offrira en hors d'œuvre bientôt, la coupe des confédération qu'organise le pays de Desmond Tutu du 14 au 28 juin prochain. Ce sera un vrai test pour la coupe du monde qui aura lieu exactement dans un an. Déjà, l'Afrique du Sud avait déjà organisé une coupe d'Afrique des Nations ainsi que la coupe du monde de Rugby. Evénéments qui se sont soldés par des succès éclatants. Pour achever de convaincre les journalistes présents, Danny Jordan a tenu à faire défiler les diapositives montrant l'état d'avancement de la construction des stades devant accueillir l'événement mondial du football. Ainsi les stades suivants sont en traind e sortir de terre en Afrique du Sud : Cape Town, Durban, Nelson Mandela Bay Stadium, Mbombela Stadium (Nelspruit, Peter Mokaba Stadium (Polokwane), Johannesburg Soccer city Stadium.
A plan purement économique, la coupe du monde 2010 est une véritable aubaine pour le tourisme sud africain. Le pays attend 450 000 touristes. Et pour les accueillir 55 000 chambres supplémentaires d'hôtel sont à ce jour en construction. Près de 500 000 emplois sont attendus par les membres du comité d'organisation.
Pour la cérémonie de Paris, l'ambassade d'Afrique du Sud a tenu à associer le Nigeria dont l'Ambassadeur a délivré une allocution. L'union de ces deux géants de l'Afrique subsaharienne montre bien que l'éveil de l'Afrique passera peut-être par la coupe du monde 2010.

Etienne de Tayo

lundi 9 mars 2009

GUADELOUPE, MARTINIQUE... QUI A PEUR DE L'INDEPENDANCE?


Le leader du collectif LKP Elie Domota, porte parole du mouvement social qui paralyse la Guadeloupe depuis 44 jours, et le préfet de ce département français des Antilles, Nicolas Desforges, ont signé mercredi un accord appelant "à la reprise de l'activité normale". Mais une semaine après ce qui s'apparente comme l'enterrement de la hache de guerre, le calme est loin de revenir dans les îles. Au contraire, d'autres départements telle la Réunion appellent eux aussi à une grève générale pour les mêmes raisons de profitasion.


Dans une réflexion consacrée à cet événement, nous affirmions déjà que si le problème, posé par les Antillais, a une dimension politique, les solutions alimentaires, telles les 165 d'avantages accordés en vue de la valorisation du niveau de vie, seraient largement insuffisantes pour la résolution du problème. Cela semble se confirmer aux dernières déclarations des leaders du collectif LKP. Il suffit juste d'être plus attentif et laisser se dissiper le nuage alimentaire pour voir le problème politique se présenter sous la forme d'une revendication indépendantiste. On parlerait d'une intention indépendantiste. C'est vrai que jusqu'à présent, aucun leader de premier rang ne l'assume véritablement. C'est plutôt du coté du gouvernement qu'on souhaite l'instrumentaliser, question de jeter plus de confusion.
Selon un sondage IFOP datée du 27 février, "51% des Français hexagonaux seraient favorables à l'indépendance des Antilles". Raphaël Confiant qui voit dans ce sondage "une bonne nouvelle", révèle qu'au cours d'une réunion relative à la crise des Antilles, la président Nicolas Sarkozy "s'est déclaré favorable à une évolution institutionnelle et à la création d'une collectivité unique".
Mais ce qui est curieux, c'est que d'après les déclarations d'un leader guadeloupéen sur France Inter, rapportées par Raphaël Confiant, "s'il y avait un référendum sur l'indépendance en Guadeloupe, seuls 5 à 6% de la population voterait pour". Cela veut dire que, si nous devons prendre ces données grossièrement, nous dirons qu'on est dans une situation où le peuple de la métropole et les dirigeants de la République veulent bien laisser les Antilles faire les premiers pas vers l'autonomie et pourquoi pas l'indépendance à terme et que c'est ce peuple qui hésite. Au-delà des déclarations du leader guadeloupéen, force est de reconnaître qu'il y a de la part des politiques des îles une réelle démarche autonomiste. En effet, "la Martinique a réuni son congrès le 18 décembre dernier et a voté à une très large majorité pour une consultation référendaire". Une brèche dans laquelle s'enfonce Raphaël Confiant pour affirmer que "l'autonomie n'est qu'une étape sur le chemin de la pleine et entière souveraineté. Tôt ou tard, il faudra poser la nécessaire question de l'indépendance de la Martinique et là encore, le plus tôt sera le mieux".

Qui veut piéger Elie Domota?
Le sondage IFOP, en plus de démontrer que la majorité des Français de l'Hexagone veulent se séparer des îles qu'ils considèrent rien moins que comme une charge pour la République, a finalement été un déclencheur d'un vrai débat sur l'opportunité d'une revendication indépendantiste des peuples des Antilles françaises. C'est d'abord Raphaël Confiant qui s'efforce de démontrer l'inanité de la solution alimentaire apportée à travers la signature des protocoles entre le patronat et les organisations syndicales sous l'égide de l'Etat. Dans un article publié par le site Montraykreyol.org, il tente de démontrer les insuffisances des deux acquis de ces accords. Son analyse se situe au double plan de l'emploi et de l'environnement. Ainsi, révèle t-il que "la revendication de la priorité d'embauche pour les Antillais n'est pas tenable dans le cadre départementalo-régional actuel. Elle est illégale dans le cadre franco français". De même, il pense que "la lutte pour la privatisation du littoral ne peut être vraiment efficace que dans un cadre autonome (ou indépendant)".
Cette position indépendantiste affirmée de Raphaël Confiant a été violemment attaquée par un étudiant d'origine des îles. Kolbe Gauthier s'attaque au préalable au sondage IFOP qu'il trouve dangereux : "au nom de qui et de quoi les Français de l'hexagone ont-ils le droit de se prononcer sur l'indépendance des départements dans lesquels ils ne vivent pas et les peuples aux quels ils n'appartiennent pas". Aux hexagonaux qui veulent voir les Antilles détachées de la Français, Gauthier fait un petit cours d'histoire : "historiquement, nous sommes Français depuis 1635, depuis bien plus longtemps que des Savoyard et les Jurassiens ou des Nordistes et qu'en toute circonstance, nous avons défendu la patrie avec autant - sinon plus – d'acharnement, de volonté et de courage que nos compatriotes hexagonaux". Mais très vite, on peut constater que la plus grande peur de Kolbe Gauthier réside dans ce que l'indépendance représente un saut dans l'inconnu. Il ne veut pas se projeter dans des lendemains qu'il n'est pas sûr de maîtriser : "le fait que la situation économique de la Guadeloupe à l'issue de la grève sera tellement catastrophique, l'indépendance équivaudrait tout simplement à une condamnation à mort", soutient-il. Cet étudiant avance plusieurs autres raisons pour soutenir son argumentation d'une absurdité de l'indépendance accordée aux îles. Mais il suffit juste de le psychanalyser pour remarquer cette peur bleue de se voir couper de la métropole et de se voir ainsi privé de tous les avantages qu'il croit que son peuple des Antilles, tire de son rattachement à l'hexagone. Ce faisant, il se comporte exactement comme un jeune qui ne veut pas quitter la maison parentale tout simplement parce qu'il ne sait pas ce qu'il deviendra sans ses parents. Il accrédite aussi l'image qu'en hexagone on a malheureusement des Français d'Outre Mer.

Les clichés ont la peau dure
En effet, d'après des clichés largement répandus en France métropolitaine, le peuple des Antilles est traité de "fainéant, grippe sous ou encore emmerdeurs". Des poncifs qui se sont malheureusement glissés dans l'éditorial de Christophe Barbier du journal l'Express. Et cela donne ceci : "L'Etat ne saurait cautionner une spoliation vengeresse, ni ouvrir aux frais des métropolitains un guichet dégoulinant d'allocations injustifiés". Barbier parle ainsi des Français des Tropiques qui "veulent travailler à l'Antillaise et consommer à la métropolitaine". Et pour montrer aux Antillais qu'ils constituent réellement la sous France et aussi pour les aider à construire un imaginaire de peur devant les dissuader par rapport à une éventuelle option indépendantiste, Christophe Barbier soutient que "hors de France, les Antilles seraient au mieux, une usine à touristes américains, au pire un paradis fiscal rongé par la mafia ou un Haïti bis ravagé par les "tontons macoutes" moins débonnaires que Yves Jego". Tout est presque dit dans ces quelques fragments de l'interview de Christophe Barbier. Mais sans vraiment vouloir blâmer la victime, je dirai que la responsabilité de ce manque de considération incombe aux Antillais eux-mêmes qui n'ont jamais pu développer leurs revendications loin des considérations purement alimentaires.
Dans ma réflexion citée plus haut (www.edetayo.blogspot.com/2009/02/guadeloupe-probleme-solution.html), je disais que le peuple antillais manquait d'ancrage identitaire sur ce territoire dans lequel leurs ancêtres avaient été transportés. Or, cet ancrage identitaire qu'on retrouve par exemple chez les Kanaks de la nouvelle Calédonie, est un élément essentiel sur lequel il faut faire reposer toute revendication indépendantiste. Mais il y a surtout qu'un peuple ne peut pas porter honorablement la revendication indépendantiste, s'il continue à laisser cette aspiration être emprisonnée par les considérations alimentaires. En clair, un peuple qui a encore faim, qui n'est pas encore capable de tirer un trait sur les acquis matériel pour servir un idéal spirituel, aura tous les problèmes du monde pour revendiquer et acquérir l'indépendance.
L'indépendance c'est le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Pour parvenir à la revendication de l'indépendance, il faut être capable de s'approprier cette phrase du leader guinéen Ahmed Sekou Touré : "Nous préférons la liberté dans la misère que l'opulence dans la soumission et l'esclavage". Cette phrase là était contenue dans le discours historique de rupture que le syndicaliste guinéen prononça pour dire non au Général de Gaulle qui était venu lui proposer la création de l'union française. Cette allocution deviendra un discours fondateur de fédération des revendications et de l'acquisition des indépendances par les peuples coloniaux d'Afrique. Car, si Sekou Touré n'avait pas eu le courage de dire non, personne n'est capable de dire quelle aura été le destin des peuples d'Afrique. Pour faire un tel discours, il fallait s'affranchir au préalable des préoccupations alimentaires.
L'indépendance est un acquis immatériel qui parvient quand même à offrir aux peuples qui y accèdent, une fierté et une dignité qu'aucun acquis matériel ne peut apporté. Et contrairement à ce que dit Christophe Barbier, lorsque vous rencontrez en France un Haïtien et un Antillais, vous pouvez constater que le premier, qui a souvent une situation matérielle plus inconfortable, est en général plus épanoui que le second qui pourtant affiche une situation matérielle plus enviable. Un peuple qui a encore des préoccupations ne relevant que du contenu de son porte monnaie, doit ajourner le problème de l'indépendance et le léguer à la postérité. Mais de devoir déjà penser est très important pour un peuple.

Etienne de tayo
Promoteur "Afrique Intègre"
http://www.edetayo.blogspot.com/