dimanche 5 avril 2009

LE G20 (G8) FACE AU TRIBUNAL DE L'HISTOIRE


La crise financière et économique que traverse le monde actuellement fera des millions de victimes humaines dans le monde. Cela se voit déjà avec une augmentation fulgurante du nombre des suicides dans les milieux professionnels en France par exemple. Mais avant, elle a fait une première victime de taille. Dès les premiers signes de la crise, le G8, un regroupement de pays que le "consensus politico-médiatique" caractéristique de la réalismologie ambiante, présentait comme les plus puissants du monde, s'est dissout dans le G20. Ainsi s'achevait la plus grosse imposture de ce début du 21e siècle. Mais la dissolution du G8 ne saurait arrêter l'action judiciaire même symbolique, qui doit être conduite contre cette organisation, tant sa responsabilité dans l'avènement de la crise semble aujourd'hui évidente.

Dans un brillant article intitulé "la crise et les cassandre", Alexandra ROULET, diplômée de l’Ecole d’Economie de Paris, chercheur associé à l’Institut Thomas More, prenant la posture de "juge d'instruction", nous donne les ficelles de ce qui ressemble à un vaste complot monté contre l'économie mondiale et contre les couches les plus vulnérables de la population mondiale. Nous nous inspirerons largement de cet article d'Alexandra dans cette réflexion.
La crise, nous la ressentons déjà gravement aujourd'hui avec la fermeture en cascade des entreprises, les licenciements massifs, les patrons de plus en plus pris en otage par les employés désemparés. Et pourtant, selon Alexandra Roulet, "nous n'avons pas encore atteint le point bas de la crise". Si l'on en croit les prévisions toujours plus pessimistes, ce sont des pans entiers de la société monde qui seront poussés sur le bord du chemin. La misère fera son lit dans les couches les plus vulnérables. La maladie et la mort reconnaîtront les leurs. Il est donc urgent d'établir les responsabilités de cette débâcle aux niveaux les plus élevés au lieu de se contenter, comme c'est le cas actuellement, de réprimander quelques lampistes qui n'auront été que de simples exécutants. Il devient de plus en plus évident que ce système de spoliation des pauvres a consciencieusement été pensé et mis en œuvre par des dirigeants du monde. Il est donc urgent, sans plus attendre, de convoquer le G8 au tribunal de l'histoire.
En publiant en 2006, un ouvrage coup de gueule au G8 intitulé : "Pour la Dignité de l'Afrique, laissez-nous crever. Mais nous ne crèverons pas", j'entendais m'élever contre ce que je considérais comme une arrogance insupportable mais surtout une instrumentalisation misérabiliste de l'Afrique par les dirigeants du G8. Mais je ne percevais pas encore le danger que ce regroupement faisait courir au monde en instituant des collusions d'intérêt dangereuses entre les pouvoirs et les milieux du business.
Dans son enquête, "la juge d'instruction", Alexandra Roulet, fait parler ceux qu'elle présente comme des cassandre, c'est-à-dire toutes ces personnes, aussi bien des théoriciens que des praticiens qui, gardant la lucidité devant la déraison généralisée, avaient eu le courage, des années à l'avance, de tirer la sonnette d'alarme en dénonçant "les limites d'un système fondé sur l'endettement excessif et sur une titrisation mal maîtrisée".
De Maurice Allais, le seul prix Nobel français d'Economie à Jean Pierre Mustier, PDG de la société général en passant par Nassim Nicholas Taleb, trader à New York pendant 20 ans et surnommé "le dissident de Wall Street", David Androkonis, chef du département de gestion du risque chez Freddie Mac ou encore Harry Markopolos, spécialiste des produits dérivés, tous, chacun dans son domaine de compétence, ont attiré l'attention des décideurs sur le péril que courait la Finance et partant l'Economie mondiale. Mais tous ont été marginalisé par le "conformisme social" en cours dans le secteur. C'est vrai que, comme le souligne Alexandra, tous ces cassandre sont aujourd'hui perçus comme des "prophètes éclairés". Trop tard.
Dans son article, après avoir déroulé les prédictions des cassandre, Alexandra Roulet veut comprendre. Et pour cela, elle pose la question générale de recherche suivante : "comment expliquer que ces avis n'aient pas été pris au sérieux et que (…) n'ait été fait pour empêcher la crise de survenir?". Nous prolongerons cette question de recherche mais en voulant comprendre comment beaucoup d'actions ont été prises et beaucoup de rendez-vous ont été manqués, pour favoriser l'avènement de la crise.

Des curiosités
En feuilletant les éléments de preuve fournis par Alexandra Roulet, on constate que les principes élémentaires de l'Economie ont été foulés au pied. De même, des actions particulières ont été engagées au niveau des décideurs aussi bien aux Etats-Unis qu'au niveau de l'union européenne pour favoriser le dérèglement de l'Economie et permettre à certains comportements de se cristalliser.
En 1998, Maurice Allais, cité par Alexandra Roulet, s'inquiétait déjà en ces termes : "le mécanisme actuel de la création de monnaie par le crédit est certainement le cancer qui ronge irrémédiablement les économies de marché de propriété privée". Il relevait en effet des curiosités telles que le "financement d'investissements à long terme par des fonds empruntés à court terme". Ce qui est en soi le B-A BA de l'économie. Il dénonçait aussi le fait que "les bourses soient devenues de véritables casinos". Pour sa part, Nassim Nicholas Taleb dénonçait la mathématisation de la Finance et les modèles de probabilités sophistiqués destinés à duper les investisseurs". A la suite de Taleb et pour confirmer son assertion, nous dirons que dans les écoles de la haute finance, on ne forme plus les jeunes, mais on les déforme toujours dans cette perspective de duperie de l'autre.
On sait aujourd'hui que les subprimes sont le coin de la brousse d'où est parti le feu qui a embrasé la Finance mondiale. Pourtant, comme le révèle Alexandra, "dès 2004, alors que s'engageait chez freddie Mac, un débat sur l'idée de commercialiser des subprimes pour conquérir des parts de marché, David Adrukonis "mettait en garde ses collègues contre ces produits qui avaient été catégorisés, en 1990, comme dangereux et écartés du marché". Sur ce problème de subprimes justement, il est important de relever quelque chose qui est caractéristique de ce que Alexandra qualifie à juste titre de collusion d'intérêts.
En effet, en 2007, rapporte t-elle, John Paulson baptisé "sultan des subprimes" a fait réaliser à son fonds Paulson and Co, un bénéfice de 3 milliards de dollars en créant des fonds spéculatifs couvrant le risque défaillance des crédits hypothécaires". Mais c'est ce Paulson que Georges Bush nommera comme Secrétaire au Trésor l'équivalent du ministre des Finances des Etats-Unis. C'est ce que j'appelais par ailleurs, "porter le business au cœur du pouvoir politique" Dès lors, on eut penser que le rôle de Paulson n'était pas de contribuer en tant que patron du Trésor à une meilleure régulation de la plus puissante économie du monde mais plutôt à son dérèglement et "l'affaiblissement de certains standards éthiques" en vue de favoriser les milieux financiers dont il est lui-même issu.
De nombreuses mesures dérèglement ont ainsi été prises aussi bien aux Etats-Unis qu'au niveau de l'union européenne qui ont contribué à faire entrer les loups dans la bergerie. Dans son article, Alexandra en dégage trois principaux qui ont "neutralisés les discours clairvoyants et les mises en garde prudentes des cassandre".
Le premier, c'est "la révocation en 1999 du Glass Seagall Banking Act de 1933". C'était sous Clinton. Cette révocation a "mis fin à la séparation étanche qui prévalait jusqu'alors entre les banques d'investissement et les banques commerciales. Ce qui a induit une collusion d'intérêt entre les agences de notation et les banques d'investissement". Ainsi, poursuit Alexandra, "les analystes, bien que censés conseiller les investisseurs des banques commerciales, ont vu leur rémunération dépendre de leur contribution au chiffre d'affaire des banques d'investissement et ont ainsi été amenés à conseiller l'achat de titres émis par la banque d'investissement même si les anticipations de résultat n'étaient pas forcément bonnes".
Le deuxième c'est le passage des accords de Bale I aux accords de Bale II. Ainsi, Alexandra révèle que les accords de Bale II, élaborés en 2004 t applicables depuis 2007 "ont favorisé la titrisation des crédits bancaires". Il faut bien relever que c'est pendant cette période que le G8 faisait une démonstration de puissance dans ses fameuses réunions annuelles. Ces accords viennent "modifier les normes prudentielles des banques et remplacent le ratio Cooke par le ratio Mac Donough. Le ratio Cooke imposait aux banques d'avoir des fonds propres supérieurs à 8% des risques de crédits qu'elles engageaient. Le ratio Mac Donough modifie cette exigence en intégrant trois risques supplémentaires : les risques de crédits, les risques opérationnels (risques de pertes liées à des systèmes ou des personnes inadéquates ou défaillantes) et les risques de marché. Ainsi, si les cours de bourse chutent, le ratio Mac Donough exige que les banques réduisent leurs stocks d'actifs risques, aggravant ainsi la baisse de la valeur de marché de ces actifs". Et Alexandra de conclure que, "de prêteur, le banquier est devenu un intermédiaire financier, c'est-à-dire qu'au lieu d'évaluer le risque, il s'est contenté de le transférer".

Que de curiosités!
L'union européenne n'est pas en reste dans cette vague de dérèglement des économies et c'es elle d'ailleurs qui nous offre le troisième cas de mesures. Ainsi, "dès 2006, les nouvelles normes comptables IFRS oblige à valoriser dans la comptabilité des entreprises les actifs non pas à leur coût historique d'acquisition mais à leur valeur de marché. Ainsi, toute baisse des cours se traduit immédiatement par de fortes dépréciations du bilan des entreprises".
Nous pouvons constater que toutes ces mesures contribuent de façon flagrante à une financiarisation à outrance de l'économie mondiale. On parlerait mieux d'une "casinoïsation" de l'économie tant tout aujourd'hui est connecté à la bourse. C'est ce que Alexandra traduit en ces termes : "la politique financière devient fortement dépendante des fluctuations quotidiennes des cours (de la bourse) et l'horizon temporel des décisions se raccourcit fortement".
Tous ces dérèglements, ajouté à la défaillance des principaux acteurs de la régulaton financière "que sont les autorités de tutelles comme la SEC (Securities and Exchange commission) aux Etats-Unis ou l'Autorité des marchés financiers en France", ont ouvert grandement la porte de la Finance à des hommes d'affaire à l'honnêteté douteuse, en même temps qu'ils bandaient les yeux aux autorités en charge de la conduite des politiques financières. C'est ainsi que Bernard Madoff, considéré aujourd'hui comme le plus célèbre escroc de tous els temps, a fait irruption dans la finance avec le résultat qu'on connaît.
Et pourtant ce n'est pas la clairvoyance des cassandre qui a fait défaut. Alexandra rapporte en effet, que "dès 2005, Harry Markopolos envoie à la SEC une note de dix neuf pages intitulée "le plus gros hedge fund du monde est une escroquerie?" Il recense 29 drapeaux rouges permettant de douter de l'honnêteté de Madoff : absence de hedge fund, rémunérations uniquement sur le trading, volume de fonds gérés par rapport à la taille réduite du marché où il prétend intervenir, performances peu plausibles, liquidation des positions en fin d'année, détention interne des titres, cabinet comptable obscur, proximité de la famille Madoff avec les autorités du Nasdaq (sa nièce, chargée du respect des règles chez Madoff Investment Securities LLC, avait épousé un ancien agent du département de la répression de la SEC".
Même les patrons de banques si souvent prudents, avaient presque tous cédé à ce que Alexandra appelle "les comportements moutonniers". Et ceci, pense t-elle, "parce que la réalisation de gains monétaires trop importants génère un excès de sûreté de soi et un sentiment d'invulnérabilité". Désormais en effet, trop sûr d'eux, "la confiance de leur pairs leur était plus importante que celle qui doit normalement irriguer verticalement une entreprise". Mais l'une des causes que la pudeur empêche parfois d'évoquer est la chasse aux gains personnels qui fait que le patron de banque privilégie la ficelle que lui donne son collègue pour entretenir son illusion, qu'une note bien sentie de son conseiller qui finalement le déprime. Les stocks options et les parapluies dorés expliquent aussi cette tendance à la prise effrénée de risque et donc à la mise à l'écart des conseils des experts.

Les responsabilités
Ces éléments de preuve dégagent au moins trois certitudes :
- Il y a bien eu des collusions d'intérêts au cœur des pouvoirs des Etats. Ceci s'explique par le fait que, du fait de la réalismologie, les acteurs politiques, travaillant déjà sous le couvert de certains hommes d'affaires qui les ont pris en otage notamment en finançant leurs campagnes, ont finalement consenti à ouvrir la porte du pouvoir à ces derniers. D'où pour le cas des Etats-Unis, l'arrivée de John Paulson au ministère des Finances, l'arrivée de Dick Chenney qui a quitté la société d'ingénierie civile Halliburton spécialisée dans l'industrie pétrolière pour devenir vice président de Etats-Unis. Il faut d'ailleurs voir la destination de certains anciens présidents membres du G8 pour comprendre le vrai sens de la collusion : Bill Clinton engrange tellement d'argent à faire de conférence que le département d'Etat veut enquêter sur l'identité de ses donateurs. Tony Blair s'est fait recruter comme conseiller à temps partiel dans le prestigieux cabinet JP Morgan pour un salaire mensuel de 80 000 euros. D'après le journal Marianne, l'ancien chancelier allemand "Gherard Schröder n’a fait que rejoindre la société de gestion de pipe-line (Northern European Gas Pipeline Compagny) que sa fonction de Chancelier lui avait permis de favoriser" et ce ci pour un salaire de 250 000 euros l'an. Georges Bush s'apprête à se lancer dans un cycle de conférence qui lui permettra de renforcer son bas de laine.
- Il y a eu non pas des défaillances mais une volonté affirmée parfois de pousser l'économie mondiale à la dérive. Cela se voit par la violation flagrante de certaines règles élémentaires de la Finance. Mais cela se voit surtout par la marginalisation et la non prise en compte délibérée de l'opinion de ceux qui pourtant sont payés pour prévenir les dérives. Sans verser dans la théorie des complots, on peut penser que des dirigeants se sont réunis pour programmer la débâcle de la Finance mondiale.
- Il faut simplement remarquer que les dix ans pendant lesquelles la crise a mijoté tranquillement avant de nous exploser à la face, correspondant aux années où le G8 excellait dans la démonstration de force avec des sommets spectaculaires. A Gleaneagles en Angleterre en 2005 par exemple, ils avaient invité des artistes à venir chanter leurs louanges à l'instar de certains rois obscurantistes connus dans l'antiquité. Ces chansons de louanges se sont avérées n'être que des chants de cygne qui annonçait la fin du G8 mais le début des souffrances.
Maintenant que les responsabilités sont établies, et me permettant de prendre la posture de procureur, je peux prononcer le réquisitoire suivant :
Attendu qu'en se faisant discrètement adouber par les milieux d'affaires et en se faisant élire par le peuple floué par toute sorte de manipulation, les dirigeants réalismologistes du G8, ont contacté une hypothèque sur le pouvoir qui est la propriété du peuple souverain.
Attendu qu'en invitant certains hommes d'affaires au cœur du pouvoir et en demandant aux autres d'occuper l'anti-chambre du pouvoir, les dirigeants réalismologistes du G8 ont trahi la mission que le peuple souverain a placé en eux et ont validé l'assertion selon laquelle "l'Etat n'est en fait qu'un appendice des affaires privées".
Attendu que la déréglementation de l'économie et la crise qui s'en est suivi fera des millions de morts de par le monde.
Attendu que les dirigeants réalismologistes du G8 ont agi essentiellement pour la promotion de leurs intérêts personnels et ceux de leurs proches.
Requiert ce qui suit :
- Que les dirigeants réalismologistes du G8; convaincus de destruction de l'économie mondiale, soient néanmoins laissés face à leur conscience. Toutefois, une condamnation morale doit être faite contre eux au cours du sommet du G20.
- Que l'influence des membres du G8 soit amoindrie au profit des pays émergents au sein des institutions de la régulation de l'économie mondiale que sont le FMI et la Banque Mondiale. Ces pays ayant la charge d'y restaurer les standards éthiques détruits par le G8
- Que l'Afrique ne soit plus utilisée comme l'étalon de la pauvreté et de toutes les calamités dans le monde.
Bien sûr nous étions là dans le cadre d'un procès symbolique. Mais entre le symbole et la réalité il y a parfois que des limites que nous voulons nous-mêmes mettre.


Etienne de Tayo
Promoteur Afrique Intègre
http://www.edetayo.blogspot.com/

Auteur de l'ouvrage : "pour la Dignité de l'Afrique, laissez-nous crever" Ed : Menaibuc Coll. : Afrique Intègre

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