jeudi 17 février 2011

CRISE DIPLOMATIQUE : POURQUOI FLORENCE A TOUT CASSEZ

La brouille actuelle, qui s’est muée d’ailleurs en crise diplomatique, entre la France et le Mexique est riche d’enseignement pour qui voudrait prendre une minute pour décrypter la marche du monde.

Si le président Nicolas Sarkozy avait voulu mesurer l’influence de la France dans le monde, il a la réponse, foudroyante. En contre attaquant, les autorités mexicaines montrent à suffisance le peu de considération qu’elles accordent aux menaces et à la tentative de chantage des autorités françaises. Alors, en transformant cette affaire en affaire d’Etat, la France et plus précisément sa diplomatie ne se prendrait-elle pas pour ce qu’elle n’est pas ou n’est plus ? La pauvre Florence Cassez n’est-elle pas finalement l’otage d’un jeu d’influence de deux puissances dans un monde en recomposition ? Ou n’est-elle pas tout simplement un enjeu électoral pour deux chefs d’Etat populistes déjà en campagne pour une réélection dans leurs pays ?

A l’annonce de la décision de la justice mexicaine de confirmer la condamnation de Florence Cassez à 60 ans de prison pour « enlèvement et séquestration », c’est d’abord la ministre des affaires étrangères Michèle Alliot Marie qui a brandi, la première, une menace en annonçant le boycott personnel des manifestations marquant l’année du Mexique en France.

Alors que les autorités mexicaines étaient encore à s’étonner de ce qu’elles considèrent comme une amalgame et une ingérence insupportable de la France, c’est au tour du président Nicolas Sarkozy de décider unilatéralement de dédié l’année du Mexique à Florence Cassez. En le faisant, le président français souhaitait provoquer un grand débat pour amener l’opinion à mettre tout son poids dans la balance de la pression à mettre sur le gouvernement mexicain.

Pour les autorités mexicaines, l’attitude de la France passe de l’ingérence à de la provocation. Alors, l’opinion publique s’emballe au Mexique et on peut croire que les autorités françaises ont donné une occasion en or au président Felipe Calderon pour mobiliser ses troupes, et aux Mexicains de requinquer leur nationalisme. Isabel Miranda de Wallas, une artiste très populaire du Mexique et présidente de l’association mexicaine « Halte aux enlèvements », enfonce le clou : « Je suis sûr à 100% qu’elle est coupable », dit-elle parlant de Florence Cassez.

Surfant sur cette vague de défiance, les autorités mexicaines prennent la France de vitesse et annoncent à leur tour le boycott de l’année du Mexique en France, un peu comme pour dire à la France que le Mexique ne gagne pas grand-chose dans cette manifestation. Et pour cause, le Mexique fait partie des pays émergents vers lesquels bascule désormais le centre de gravité du monde. Il s’agit d’un pays de 130 millions d’habitants, membre du G20 qui prendra d’ailleurs la présidence juste après la France. C’est donc, à leurs yeux, à la fois prétentieux et irresponsable pour la France de vouloir leur faire des injonctions et des menaces à peine voilées.

Le dernier incident en date s’est produite au Senat français, lorsque, protestant contre l’évocation de l’affaire Florence Cassez par la ministre des affaires étrangères, Michèle Alliot Marie, l’ambassadeur du Mexique a décidé de claquer la porte de l’auguste chambre. Un geste qui en dit long sur la dégradation des relations diplomatiques entre la France et le Mexique.

Lorsque les éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre !

Il faut dire que la principale concernée dans cette affaire, Florence Cassez, se montre de plus en plus agacée. Et même si elle déclare tenir le coup « grâce au président Nicolas Sarkozy », elle n’est pas loin de penser, comme son frère d’ailleurs que le traitement de cette affaire par les autorités françaises contribuerait plus à lui compliquer la vie qu’à l’alléger. En intervenant de façon maladroite comme elles l’on fait, les autorités françaises heurtent le nationalisme mexicain, expose médiatiquement et inutilement Florence Cassez en lui faisant courir le risque des représailles. A la fin, on se demande à qui profite finalement cette agitation.

Depuis la fin de non recevoir servie à Michèle Alliot Marie par les autorités mexicaines, la France aurait dû décrypter le sens du vent et ne pas laisser le président de la République monter lui-aussi au filet pour recevoir une claque – c’est ce qu’a dénoncé l’ancien ministre Robert Badinter en parlant de la nécessaire rareté de la parole présidentielle. Tous les muscles de la France, déployés à l’échelle présidentielle, n’ont pas réussi à faire plier le Mexique. Au contraire, dans sa réaction on lit une défiance en bonne et due forme. Maintenant, entre les deux puissances en lutte, une doit forcément se faire hara-kiri et tout laisse penser que la France sera celle là. Les Etats n'ayant que des intérêts, si d'aventure demain le Mexique passe une commande de rafales ou de sous marins français, l'affaire Cassez sera tout de suite reléguée au second plan à défaut d'être tout simplement renvoyée aux oubliettes.

La leçon qu’il faut tirer de cette affaire, c’est que l’influence mondiale est un jeu presque à sommes nulles. Le déclin ou les contre performances des anciennes grandes puissances libère de la place pour les puissances émergentes. Il revient à la France aujourd’hui de faire connaître à son peuple le niveau réelle de sa puissance afin qu’il l’intègre désormais dans son propre comportement à l’extérieur. Il y a longtemps, lorsqu’on se présentait dans un pays d’Afrique ou d’Amérique latine comme un Français, un Anglais ou un Américain, cela était suffisant pour tenir tout le monde en respect. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

C’est vrai, l’histoire de cette jeune femme, pleine de vie et au visage ingenu, condamnée à 60 ans à mille lieux de son pays est de celle qui cerne d’émotion les âmes même les plus insensibles. Si l’on s’en tient à l’ultra médiatisation de cette affaire et à l’emballement de l’opinion publique au Mexique, on comprend tout de suite qu’au-delà de la faute qu’elle aurait peut-être commise, elle est devenue, malgré elle, une sorte de cobaye devant permettre au Mexique de tester son influence dans le monde.

Mais ce qu’il faut comprendre pour rester raison gardée, c’est que Florence Cassez n’est pas une otage entre les mains de criminels comme ce fut Ingrid Bettancourt, détenue par les Farc en Colombie ou les cinq français détenus au Mali par l’Aqmi ou encore Stéphane Taponié et Hervé Guéquierre, retenus eux en Afghanistan par les Talibans.

Florence Cassez est une prisonnière jugée et condamnée par la justice d’un pays indépendant et souverain. A moins de chercher des pistes dans le droit international comme le tente aujourd’hui Sébastien Cassez, le frère de Florence. Et puis, le Mexique n’est pas le Tchad où, par le jeu des influences et du paternalisme, la France avait réussi à faire libérer les personnes retenues dans le cadre de l’affaire de l’Arche de Zoé. Demain peut-être, si les choses ne se résorbent pas, la France ne sera plus capable de faire libérer les siens, même au Tchad. Et ça, le peuple a besoin de le savoir. La France a le devoir de faire connaître à son peuple, les raisons de l’érosion de son influence dans le monde. Ce serait déjà le début de la résolution du problème.

Par Etienne de Tayo


Promoteur « Afrique Intègre »


www.edetayo.blogspot.com

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