vendredi 28 décembre 2007

MEILLEURS VOEUX 2008


Monsieur, Madame,
Etienne de Tayo et le réseau "Afrique Intègre" ont le plaisir de vous présenter leurs meilleurs voeux de santé et de réussite pour l'année 2008.
Nous vous remercions pour le temps précieux que vous avez souvent consacré à parcourir notre blog : http://www.edetayo.blogspot.com/
Cette fabuleuse expérience d'échange citoyen, commencée en 2007 et qui a reçu votre soutien actif, doit continuer et se consolider en 2008 avec votre concours. Nous sollicitons plus de critiques de votre part, constructives ou non. Parce que nous sommes convaincu de ce que, c'est dans le regard de l'autre, quel qu'en fut son opinion à notre endroit, que nous réussissons à nous réaliser.
Notre devise à "Afrique Intègre" est : "Un peuple fier dans un continent prospère". Une utopie pour certaines personnes mais une conviction profonde et même une réalité proche pour nous. Dans notre ouvrage programme publié en 2006 : "Coup de gueule au G8 : Pour la Dignité de l'Afrique, laisser nous crever... Mais nous ne creverons pas", nous postulions le fait que la puissance est d'abord une affaire de croyance. Il suffit parfois d'y croire pour devenir réellement puissant. Hier, nous le disions en voyant l'Afrique maltraitée et humiliée par ceux qui s'étaient autoproclamés les plus puissants du monde. Comme dans les fables infantines, ils avaient pris la posture du père noël et certains Africains n'étaient plus que des enfants comptant sur leur générosité.
Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous le pont. Très lentement mais sûrement, l'Afrique est en train de quitter la posture détestable du clochard habillé en haillons et qui écume les trottoirs de l'occident à la demande de l'aide.
Quelque chose s'est passé à Lisbonne. Et désormais, parlant de l'Afrique et son destin, on parlera de l'avant et de l'après Lisbonne. Confronté à l'Europe dans un round de négociations sur les fameux accords de partenariats économiques (APE), l'Afrique a retrouvé sa fierté, sa dignité, sa cohésion en attendant de retrouver sa prospérité. De l'épisode Mugabe au refus de signer des accords iniques, les dirigeants africains ont montré que le vent avait désormais changé de sens. Et que l'Europe avait désormais plus besoin d'eux qu'ils n'avaient besoin de l'Europe. Bien sûr, ce n'est qu'une bataille qui est remportée. Le gros du combat reste même à venir. Mais c'est toujours bon de faire le compte de ses petites victoires. C'est bon pour le moral.
Bonne année 2008

Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"

mercredi 19 décembre 2007

ANDRE JULIEN MBEM : "Je pense que l’Afrique et l’Europe n’avanceront ensemble que si chacun accepte l’épreuve redoutable du miroir"

Dans un ouvrage qu'il vient de commettre aux éditions l'Harmattan, l'essayiste André Julien Mbem revient sur le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar. Bien qu'il ne soit pas toujours d'accord sur certains propos de ce discours qui aurait pu être nuancés, André Julien y trouve néanmoins les conditions de possibilité d'une alternative au face à face mémoriel entre une certaine Europe et une certaine Afrique. Nous l'avons rencontré.

Question 1 : Qu'est ce qui vous a poussé à consacrer un ouvrage au fameux discours de Dakar? Est-ce son importance selon vous ou la polémique qu'il aura finalement suscitée au sein de l'opinion publique?

André Julien Mbem : Je voudrais d’abord relever que la structuration du débat autour de ce discours se fait selon un système de vases communicants. La polémique donne de l’importance au discours et l’importance du discours (notamment celui qui le prononce) alimente la polémique. Pourquoi avoir écrit tout un essai à ce sujet ? Je précise d’emblée que cet essai porte à la fois sur le discours et le débat autour du discours. Cette précision est à mon avis très importante. D’une part il y a un discours qui comporte des thèses qui doivent être débattues, d’autre part des mouvements d’idées autour de ce discours assez révélateurs sur la nature du débat d’idées en Afrique sur l’Afrique, l’état de la diffusion des connaissances sur l’Afrique hors d’Afrique, enfin les conditions de possibilité d’une alternative au face à face mémoriel entre une certaine Europe et une certaine Afrique. Des questions que j’examine longuement dans mes précédents ouvrages[2].

Question 2 : Sans doute que le vrai débat autour de ce discours et les questions essentielles qu'il soulève par rapport aux relations franco-africaines et afro-européennes ont été occultées au profit de la polémique sur "l'homme africain" et le "paysan africain". Mais à qui la faute? Au rédacteur du discours ou à l'élite africaine qui s'est sentie offensée?

André Julien Mbem : L’appréciation du cheminement de ce discours dans le débat d’idées ne se pose pas, de mon point de vue en termes de culpabilité. C’est l’essence même de la vie des idées que de voir les ondes de choc qu’elle libère échapper à leur émetteur. Cette polémique est même salutaire car elle pourrait être le lieu de nécessaires mises au point de part et d’autre. Un critique littéraire camerounais, le Pr Thomas Melonè, disait : « le public est celui qui consacre ou massacre l’œuvre de l’auteur ». En tant que « spectateur engagé » sur la scène des idées en mouvement, je dois aussi examiner les évolutions, les impensés, les non-dits que révèle des débats, voire des polémiques de cette nature. Même si je dois confesser à mon détriment qu’il n’est pas évident de se trouver sur un balcon et de se voir passer dans la rue.

Question 3 : Vous écrivez ceci : "en s'exprimant avec franchise et sincérité, Nicolas Sarkozy engage un débat, il émet un point de vue qui pourrait donner lieu à des désaccords et à des répliques, il exprime un argument sans douter ni redouter qu'il fasse l'objet d'une contradiction ou d'une réplique argumentée ou passionnée". Ne pensez-vous donc pas que, ce que vous déplorez comme étant la polémique, peut-être stérile, est ce qu'il visait et qu'il a eu?

André Julien Mbem : La polémique en soi n’est pas stérile. Elle le devient lorsque dans le débat d’idées, entre intellectuels ou faiseurs d’opinion, le choc des humeurs remplace la confrontation rationnelle, intransigeante et courtoise des arguments. Dans l’extrait que vous citez, je ne fais que ressortir une orientation assumée de son discours.

Question 4 : En homme avisé, le président Sarkozy n'ignorait pas que, parce qu'il y a anguille sous roche, chaque pierre qu'il soulèvera sur le terrain africain dissimule un serpent parfois très venimeux. Et pourtant, il les soulevées toutes, ces pierres. Que vous inspire ce commentaire?


André Julien Mbem : Nicolas Sarkozy est seul à même de vous répondre sur les raisons de son inclination pour une telle dramaturgie de son propos à Dakar. Je pense que l’Afrique et l’Europe n’avanceront ensemble que si chacun accepte l’épreuve redoutable du miroir.

Question 5 : On est d'accord avec vous lorsque vous constatez qu'en dehors du passage malheureux sur l'Afrique qui n'est pas suffisamment entrée dans l'histoire, ce discours comporte, de par la sincérité de son ton, des points positifs relevés par le Président sud africain Thabo Mbeki. Sauf que certains observateurs pensent que ces passages ne sont finalement qu'un bel emballage ayant servi à faire passer le vrai message de dénigrement. Qu'en pensez-vous?

André Julien Mbem : Le ton est moins important que les idées de fond et les pistes d’avenir. Je soutiens qu’il n’ y a pas dans ce discours volonté de dénigrer les Africains. Même si dans ce discours je ne suis pas d’accord avec certains passages qui auraient dû être nuancés, je préfère un interlocuteur qui expose le fond de sa pensée à celui-là qui ne la laissera jamais deviner. Et Dieu seul sait s’ils sont ainsi nombreux qui passent pour de soi-disant « amis de l’Afrique ». Ceux qui affirment que l’appréciation de Thabo Mbeki est anecdotique se trompent. L’Afrique est diverse et pourquoi voudrait-on que tous les Africains aient la même lecture de ce discours ? Certains le lisent comme une leçon magistrale et condescendante sur l’histoire de l’Afrique. J’y vois de mon côté un discours sur le dialogue des civilisations mais dont on peut discuter (chose somme toute légitime) certaines thèses. Thabo Mbeki est peut être de ceux qui pensent qu’en 2007, il faut certes rester vigilant sur les questions d’histoire et de mémoire, mais ces questions doivent être articulées autour d’une lecture prospective de l’avenir de l’Afrique. Sa renaissance en dépend.

Question 6 : Vous relevez dans ce discours l'utilisation du procédé rhétorique qu’est l'oxymore. Un procédé qui privilégie "une lecture dialectique, voire troublante ou dérangeante des faits". Compte tenu de cette option rhétorique délibérée choisie par le président Sarkozy dans son discours et qui peut à la fois troubler et déranger, pouvez-vous dès lors comprendre la réaction de l'élite Africaine?

André Julien Mbem : Je comprends parfaitement ces réactions. La colonisation est récente et les Africains vivent encore au quotidien ses avatars anthropologiques, économiques et structurels. Et l’ambition de ce discours, qui était justement de dépasser la polémique en l’évoquant n’est malheureusement pas atteinte. Certains propos ont déteint sur la totalité du discours et son économie générale, donnant souvent lieu à d’invraisemblables caricatures.

Question 7 : Vous vous appuyez sur le destinataire du message qui était la "jeunesse africaine" pour trouver quelque circonstance atténuante au président Sarkozy. Vous pensez que les élites se sont sentis visés à tort. Pensez-vous qu'à l'ère de l'hypercommunication – le discours était sur le Net quelques minutes après son prononcé – on puisse réellement circonscrire un message à une frange donnée de la population? Ne trouvez-vous pas cela naïf?

André Julien Mbem : C’est une réalité dans le traitement de l’information que je décris et que j’essaie de comprendre. Pour revenir au début de votre question, je n’ai pas, une fois de plus, de circonstance atténuante à trouver à qui que ce soit car il ne s’agit pas de faire à qui que ce soit un procès en responsabilité pénale ou civile mais de comprendre, de déconstruire une thèse ou de la valider, éventuellement de proposer. Je dis plutôt que ce discours ne s’adresse pas aux seules élites et je ne dis pas qu’elles se sentent visées à tort. Je considère que le destinataire d’un discours n’est pas forcément celui que je désigne nommément comme tel. C’est à chacun de dire si ce discours l’interpelle ou pas.

Question 8 : Vous écrivez que, selon les idéologues du système colonial, "la colonisation, dans ses principes, fut une conception philosophique et politique de la supériorité de la civilisation européenne dans le cadre d'une lecture hiérarchique des civilisations, une vision de la supériorité de l'Européen blanc, juché bien haut sur la pyramide de l'espèce humaine". Pensez-vous, que près d'un demi siècle après l'amorce de la décolonisation, ces préjugés aient vraiment été abandonnés? Sinon, à qui la faute?

André Julien Mbem : Einstein disait à juste titre qu’il est plus facile de désagréger un atome que de détruire un préjugé. Il faut préciser que les hommes ne se défont pas forcément de leurs préjugés parce que les instituions décrètent une pédagogie nouvelle des rapports sociaux. Deux mille ans après la mort du Christ, il y a toujours des chrétiens qui en veulent aux Juifs d’avoir tué Jésus.
Question 9 : Pour répondre aux tenants d'une certaine "ethnologie coloniale", promoteur d'une certaine "mentalité primitive" chez le Nègre, les intellectuels noirs font généralement recours à l'histoire de l'Afrique précoloniale pour tenter d'apporter le démenti. Ce que vous n'appréciez pas toujours. Pensez-vous qu'on puisse vraiment faire l'économie de ce que vous appelez "détour dialectique historique" lorsqu'il s'agit de traiter des problèmes de l'Afrique?

André Julien Mbem : Les conditions dans lesquelles l’histoire de l’Afrique précoloniale est écrite et vulgarisée dès le milieu du siècle dernier par les Africains, pour les Africains et contre une certaine « ethnologie coloniale » ne sont plus les même aujourd’hui. Il fallait faire à la fois de la science et de l’idéologie parce qu’il fallait redonner confiance à des femmes et des hommes dont on avait nié jusqu’au statut d’homo sapiens. L’histoire de l’Afrique précoloniale écrite dans ce contexte là était essentiellement laudative et taisait souvent les points qui auraient pu démobiliser les peuples. En 2007, il s’agit plus de faire de la prospective à partir du passé, que de faire uniquement reculer la « paupérisation anthropologique » de l’Afrique comme le disait Engelbert Mveng. Malheureusement, une bonne partie des Africains, et de nombreux intellectuels parlent encore de l’histoire de l’Afrique précoloniale comme d’un âge d’or où tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. La réalité est plutôt contrastée. La renaissance africaine ne sera fera pas sans une tradition critique à l’intérieur de l’Afrique qui passera au crible, sans concession, l’histoire de l’Afrique précoloniale. Il n’ y a pas de Renaissance possible sans, entre autres, un retour réflexif, critique, voire déchirant sur nous-mêmes.

Question 10 : Entre le discours de la Baule prononcé en 1990 par l'ancien président français François Mitterrand et celui de Dakar, trouvez-vous une continuité ou plutôt une rupture? Pourquoi et comment?

André Julien Mbem : Il y a rupture dans la forme des deux discours comme dans le fond. Le discours de François Mitterrand semblait plutôt encourager les efforts des sociétés civiles africaines dans leurs combats d’émancipation politique et restait extrêmement courtois envers les Chefs d’Etat et de gouvernement africains de l’époque. Il est tout en rondeur et truffé de nuances et d’euphémismes, de litotes. Le discours de Nicolas Sarkozy est un questionnement radical dans le fond et souvent rude dans la forme, il n’élude aucune question, ni aucun acteur de l’histoire en Afrique ou en Europe. La rupture de mon point de vue c’est plutôt Nicolas Sarkozy qui la fait par rapport au discours de la Baule lorsqu’il reconnaît que c’est l’Afrique le moteur de son développement et que la France ne fera rien à sa place. En revanche, le fait de dire, comme le faisait Mitterrand, « si vous démocratisez vous aurez un peu plus d’aide », c’est exactement comme un parent qui lierait l’argent de poche de son fiston aux preuves de bonne conduite de ce dernier. C’est du paternalisme. Et je me souviens qu’après le discours de la Baule, certains opposants se mirent à croire que leur salut viendrait de Paris et firent l’économie des nécessaires luttes internes et de la pédagogie de la transformation sociale auprès du peuple. On connaît la suite.

Question 11 : Je constate que le concept Eurafrique vous passionne. Et pourtant, ce n'est pas un concept nouveau. Il avait tout simplement été mis en veilleuse. Quelles sont selon vous les chances de sa mise en œuvre effective aujourd'hui?

André Julien Mbem : La déferlante chinoise en Afrique aujourd’hui donne du crédit, dans certains milieux en Afrique ou en Europe, à la thèse, sans doute partiellement vraie, d’un recul de l’Europe en Afrique. C’est une réalité que nul ne conteste. En revanche, sur le moyen terme, pour des raisons liées à l’histoire et à la géographie, dans l’intérêt vital des deux ensembles, Africains et Européens doivent profondément réfléchir à la définition d’un nouveau projet de civilisation commun. Avec la Chine l’Afrique partage des valeurs financières, avec l’Europe l’Afrique partage (au-delà des drames du passé) de plus en plus des valeurs de civilisation et des frontières naturelles. Or, c’est dans le cadre d’un projet de civilisation que doivent repensées aujourd’hui les notions de croissance économique, de progrès et de développement et de droits humains. Les sociétés civiles en Afrique et en Europe, certains intellectuels et politiques sont en train de le faire. La Chine se réjouit plutôt que ce genre de débat ne soit pas à l’ordre du jour des sommets sino-africains. Il faut bien sûr épurer le terme Eurafrique de ses relents néocolonialistes du siècle dernier, il faut lui donner un contenu nouveau ou en trouver un autre si sa charge historique et symbolique pourrait alimenter d’interminables querelles.

Propos recueillis par Etienne de Tayo


[i][i] Mythes et réalités de l’identité culturelle africaine, L’Harmattan, 2005.
2La quête de l’Universel dans la littérature africaine de Léopold Sédar Senghor à Ben Okri, L’harmattan,2006
3L’Afrique au cœur de l’Europe. Quel projet pour le Nouveau Monde qui vient , L’Harmattan, 2007?




André Julien Mbem


Essayiste, chercheur à l’EHESS,Directeur de collection Aux Editions L’Harmattan

mardi 11 décembre 2007

FRONT ANTI-KADHAFI : UNE HYPOCRISIE INSUPPORTABLE



La frénésie anti-Kadhafi qui agite aujourd'hui la France à l'occasion de la visite de cinq jours de Mouammar El Kadhafi, constitue le dernier soubresaut d'une diabolisation en règle menée contre le guide de la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste depuis près de deux décennie par les médias en occident. Aujourd'hui, la plupart de ces médias remettent çà, mais dans un monde qui a beaucoup évolué du fait de l'émergence des autres canaux d'information et de la prise de conscience tous azimuts en Afrique et dans sa diaspora.

Il y a une quinzaine d'années, je vécus une scène dans un pays africain. A l'époque, la diabolisation de Kadhafi avait atteint des sommets : Deux hommes discutaient dans un chantier et l'un d'eux a dit à l'autre : "Désormais, je vais t'appeler Kadhafi". Et l'autre d'entrer dans une colère noire : "Pourquoi tu me traites de criminel. Qu'est ce que je t'ai fait? Non, surtout pas Kadhafi", avait-il presque supplié. Cela se comprenait. A l'époque, les médias présentaient Kadhafi comme un "tueur d'innocents", un "impérialiste" qui a envahi le Tchad et qui s'apprête à envahir toute l'Afrique noire pour imposer la religion islamique. Aujourd'hui, heureusement, beaucoup d'Africains, à l'exception de ceux qui sont encore culturellement pollué, ont compris où se trouvaient leurs intérêts et que Kadhafi n'était pas toujours le diable incarné pour lequel on voulait le faire passer.
L'une des flèches les plus empoisonnée contre Kadhafi a été décochée par sa jeune "sœur", la secrétaire d'Etat aux affaires étrangères Rama Yade. Dans une interview au journal le Parisien, elle a dit exactement ceci : "Il doit comprendre que notre pays n'est pas un paillasson sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s'essuyer les pieds du sang de ses forfaits. La France ne doit pas recevoir ce baiser de la mort". Des propos certes virulents mais qui doivent être ramenés à leur juste proportion. Comme l'a souligné l'ancien ministre des affaires étrangères de François Mitterrand, Roland Dumas, la jeune Rama Yada a "besoin d'exister en tant que secrétaire d'Etat aux droits de l'homme". Elle a besoin de donner de la voix dans ce gouvernement de la France qui n'a toujours pas su prendre sa vraie couleur au niveau des institutions. Elle a aussi besoin, en cognant très fort sur Kadhafi, de flatter l'ego de certains xénophobes afro-paternalistes qui vivent toujours mal sa présence dans ce gouvernement. Dans une démarche tout en communication, on peut dire que Rama Yade a voulu aussi profiter de l'événement Kadhafi pour se construire médiatiquement avec l'aval du Président Sarkozy qui ne lui a jamais ménagé son soutien et son encadrement. Ceci est d'autant est plus plausible que le président Sarkozy lui a renouvelé sa confiance après l'avoir reçue à l'Elysée. Il faut d'ailleurs dire que la portée des flèches de Rama Yade est bien relative s'agissant d'atteindre un mastodonte de la trempe de Kadhafi. C'est comme si on donnait des cailloux à un enfant de deux ans en lui demandant de lapider un éléphant.
Bien sûr Kadhafi n'est pas un saint – d'ailleurs en connaîtrez-vous un? Ce fils de paysan Bédouin est arrivé au pouvoir très jeune, à 27 ans. Il avait pour idole un certain Abdel Gamal Nasser, panafricaniste de la première heure rendu célèbre par la nationalisation du canal de Suez. Kadhafi pensait et son âge militait pour lui, qu'il pouvait refaire le monde, déplacer les montagnes. Il a tenté l'union magrébin sans succès. Il a alors pensé l'union africaine sur laquelle il est planché depuis des années et pour laquelle il dépense sans compter. Dans sa démarche parfois très folklorique, il a fait certainement des bêtises. De ces bêtises, il s'est depuis longtemps repenti, il a même accordé des réparations aux victimes de ses bêtises, à la différence des pays colonialistes qui sans doute ont fait pire que lui et qui ne veulent pas entendre parler de repenti encore moins des réparations.

UNE FAUTE AVOUEE…

Ceux qui trouvent que Kadhafi souille la terre du pays des droits de l'homme par sa visite mettent en avant la fait qu'il des un "criminel" ayant financé le terrorisme. Ils ont peut-être leurs raisons, sauf que la posture de "donneur de leçons" qu'ils adoptent a quelque chose de désuet, d'anachronique et de démodé même. Une posture que Romain Gubert et Emmanuel Saint Martin analysent dans leur ouvrage : "L'arrogance française" en ces termes : "C'est une maladie à laquelle les Français sont très attachés : croire que la France doit offrir au monde les lumières, le Droit, la liberté. Que leurs dirigeants sont porteurs de message universel. Forcément universel. Qu'eux-mêmes, à l'étranger, ne sont pas de simples touristes mais surtout d'ambassadeurs du talent, du goût, du charme français…" Ce qui a été peut-être vrai jusqu'à une certaine époque mais qui ne l'est plus. Et les deux auteurs de faire la recommandation suivante : "Pour retrouver son lustre d'antan, pour redevenir le modèle qu'elle fut et pourrait être encore, la France doit réapprendre la modestie".
Il y a autre chose de plus humaniste à faire comprendre à ceux qui décochent leurs flèches contre Kadhafi. ils doivent retenir ceci : Ne pas vouloir saisir la main tendue par un prétendu criminel, de surcroît repenti, relève de l'apologie de la rancune et constitue une tentative d'humiliation qui, comme on sait, conduit très souvent au second crime. Et c'est ici que réside réellement l'hypocrisie de tous ceux qui s'agitent dans l'arrière cour. L'hypocrisie est surtout celle de l'élite politique française qui, alors que la France perd de son influence dans le monde comme un arbre desséché perd ses feuilles, continue grossièrement à flatter son ego et à se perdre des batailles politicienne feignant d'ignorer la réalité qui est celle de "l'impuissance française" d'après le titre de l'ouvrage d'Isabelle Lassère. Posant un diagnostic sans complaisance de l'influence de la France dans le monde, cette journaliste du Figaro arrive à la conclusion selon laquelle la France est devenue rien moins qu'une "puissance moyenne". Elle révèle que le "siège onusien de la France au conseil de sécurité est de plus en plus contesté et qu'il sera un jour celui de l'Europe". Pour les causes ayant conduit à cette reculade de la France, elle pointe certains "travers diplomatiques : le jacobinisme, le réflexe impérial et le maintien de tropismes historiques d'un autre temps". Pour finir, l'auteur de "l'impuissance française" "somme les nouveaux dirigeants de la France de redéfinir une nouvelle politique étrangère de la France en adéquation avec la réalité".
Cette réalité, c'est celle que le premier ministre François Fillon a eu le courage de reconnaître. A savoir que "la France est en faillite". Une sentence un peu trop brutale sur laquelle le président Sarkozy est revenue pour en atténuer le choc mais sans réellement démentir. Ce n'est pas encore la banqueroute mais le pays a des problèmes dans ses performances économiques. Ce qui a des répercutions sur son modèle socio-économique et créé les désordres qu'on constate aujourd'hui. Par exemple, la désillusion de la gauche dont certains dirigeants, au lieu d'élaborer des stratégies pour se relever et montrer le chemin à leurs militants perdus, continuent curieusement de tenir le discours vieillot de l'arrogance. Il y a pourtant un certain nombre d'ouvrages de référence, écrits par des Français et qui posent des diagnostics pour certains ou tirent même une sonnette d'alarme pour d'autres.
Il y a par exemple Nicolas Bavarez qui a écrit plusieurs ouvrages dont "La France qui tombe". Dans ce dernier, il dénonce "un modèle culturel fondé sur un encrage archaïque des mentalités et une absence de volonté d'envisager à chaque niveau un destin collectif". Il n'hésite pas à parler "d'une chronique annoncée du déclin de la France dû au fait que chaque gouvernement depuis l'après guerre se trouve comme paralysé par l'idée d'une réforme". Nicolas Bavarez se penche lui aussi sur l'influence de la France dans le monde pour constater que : "l'écart se creuse entre la rhétorique de la puissance et les moyens de son exercice". Romain Gubert et Emmanuel Saint Martin font le même constat lorsqu'ils écrivent que "nos prêches, nos coups de menton et autres péroraisons ont fini par lasser la planète (…) Et la France paie cher cette morgue dominatrice". Les spécialistes de la diplomatie savent par exemple que le discours de Dominique de Villepin aux Nations Unies contre la guerre irakienne de Georges Bush a certes contenté les damnés de la terre de par le monde mais n'a rien apporté à l'influence française parce qu'il ne dévoilait aucun moyen de l'exercice de cette puissance proclamée.



LE "REALISMOLOGIE" SARKOZIENNE



Conscient de l'état réel du pays qu'il a reçu en héritage à l'issue du scrutin d'avril-mai dernier, Nicolas Sarkozy n'a pas hésité à enfiler la toge du super président du Medef pour parcourir le monde en compagnie d'un nombre toujours plus impressionnant d'opérateurs économique français. Il est à la recherche des contrats nécessaires à la relance de son économie. Sarkozy le fait dans un certain folklore en phase avec son tempérament comme il a lui-même aussi remarqué chez Kadhafi. Il le fait en posant des frasques comme il l'a fait dans le fameux discours de Dakar qui reste à ce jour un chef d'œuvre de l'arrogance stupide, ou encore lors de la gestion des prisonniers du Tchad. Mais il ne se laisse jamais distraire par sa volonté presque obsédante d'atteindre un résultat. Son périple, tout de business vêtu, l'a conduit en Libye, au Maroc, en Chine, en Algérie, en Chine avec à la clé des contrats estimés à près de 40 milliards de dollars. Il dit vouloir relancer la croissance française, réduire le chômage et revaloriser le pouvoir d'achat.
La main qui reçoit étant théoriquement toujours placé en dessous de celle qui donne, le président français, dans une démarche empreinte de réal politik, décide d'abandonner la posture de donneur de leçons. Il préfère s'adapter au tempérament de ses interlocuteurs et respecter leur modèle de conduite des affaires. Question de ne pas les effaroucher car, il sait qu'ils sont libres de se tourner vers d'autres pays européens demandeurs des mêmes contrats. Il faut dire d'ailleurs que beaucoup de dirigeants européens avaient fait avant Sarkozy le voyage de Tripoli où ils avaient aussi signé des contrats. Et qu'à la suite, Kadhafi avait été invité à Bruxelles par les états membres de l'union européenne. Sarkozy croyait donc en invitant Kadhafi, poursuivre un processus normal de réhabilitation d'un dirigeant repenti. Et qu'est ce qui se produit?
Des Français, pourtant bien au fait des difficultés de leur pays aujourd'hui, font de la surenchère du moralement correct en accusant Sarkozy de brader la fierté française. Une fierté qui, comme dit l'adage, dans un état de dénuement, n'est plus qu'une maladie. Les plus malins de cette ligne de démarcation anti-Kadhafi ne crachent pas sur les contrats mais disent qu'il ne fallait pas s'afficher avec Kadhafi. Autrement dit : on méprise le colonel libyen sans avoir le courage de mépriser son argent. Et c'est cette duplicité qui me fait croire que le problème peut être ailleurs.
La problématique est finalement celle des personnes qui, en France ou dans beaucoup d'autres pays européens pensent encore qu'ils sont les seuls capables à indiquer aux autres peuples et surtout aux Africains le profil du dirigeant qui est bon pour eux. C'est ce que la chancelière allemande Angela Merkel a tenté de faire à Lisbonne l'autre jour avant de recevoir une volée de bois vert de la part d'un Robert Mugabè conquérant et fier. Il lui a demandé si elle et sa clique se croyaient capables de connaître le Zimbabwe plus que ses pairs africains qui l'ont soutenu contre le premier ministre Britannique Gordon Brown. Le problème est que, les intérêts de l'Afrique étant diamétralement opposés aux intérêts de l'occident, les Africains ne se retrouvent plus – se sont-ils jamais retrouvés? - sur le profil des dirigeants que tentent de leur proposer ou imposer l'occident et ont désormais le courage de le faire savoir.
Dans un sondage, certainement non conventionnel mais hautement significatif, mené par un site Internet, il était demandé aux internautes d'attribuer des notes aux dirigeants africains en fonction de leurs capacités à défendre les intérêts de l'Afrique. Les trois dirigeants qui sont venus en tête sont respectivement : Robert Mugabe, Mouammar Kadhafi et Laurent Gbagbo. Exactement les trois qui auraient fermé la queue si le sondage était proposé à l'élite occidentale.

DICTATEUR ECLAIRE?


Comme tout dictateur qui finit par se laisser griser par le pouvoir, Kadhafi gère un peu son pays comme une échoppe, mêlant de façon parfois grossière sa famille à la gestion des affaires de l'Etat. Il doit se prendre parfois pour un roi et c'est pourquoi il ne tolère pas l'opposition et contrôle la presse. C'est vrai, la Libye n'est pas une démocratie au sens où l'entendent les occidentaux, partisans de la démocratie comme modèle universel de gestion de la Cité. Mais la Libye n'est pas non plus l'enfer pour lequel les détracteurs de Kadhafi veulent la faire passer. Très peu de Libyens sont dénombrés parmi les migrants qui, chassés de leur pays par la misère, parcourent le monde à la recherche d'une pitance. Il y a aussi que vouloir enfermer tout le monde dans un jacobinisme de mauvais aloi comme veulent le faire les occidentaux est aussi une façon d'imposer la dictature du plus fort. Cette contrainte est encore plus insupportable lorsqu'elle est à tête chercheuse.
Il y a des pays en Afrique où les dirigeants ont transformé toute la superficie du territoire en vaste prison grâce à la pauvreté et à la misère qu'ils y font régner. Les populations n'ont plus qu'un seul choix : s'échapper pour rejoindre l'Europe par tous les moyens. Ils se font très souvent tuer en traversant la mer. C'est le lieu ici de recommander aux observateurs des droits de l'homme de changer de paradigmes d'observation puisque que beaucoup de dictateurs n'emprisonnent plus, ne torturent plus. Ils asphyxient économiquement leur peuple et parviennent ainsi à pousser les jeunes hors des frontières et à museler les opposants. Et pourtant, aucune critique des pourfendeurs de Kadhafi ne s'élève jamais en France contre ces chefs d'Etat lorsqu'ils y sont reçus parfois en grande pompe ou lorsque le président français leur rend visite. Tout ceci parce que ces dirigeants, qui par ailleurs ferment les yeux sur le pillage des ressources de leur pays, n'ont jamais daigné contrarier leur maître. Ceci nous fait comprendre que le problème de Kadhafi n'est pas tant qu'il soit dictateur ou terroriste comme on veut le présenter, c'est parce qu'il ose donner du répondant à ce qu'il appelle lui-même "l'impérialisme occidental", c'est parce qu'il œuvre pour les Etats-Unis d'Afrique, c'est parce qu'il ose se présenter en Africain fier, refusant de raser les murs et courber l'échine.
Pour l'Afrique et les Africains, Kadhafi est une icône importante au-delà de l'image controversée qu'il peut projeter. Dans un monde où le fait de n'être pas connu est de plus en plus synonyme de mort virtuelle mieux vaut se hisser même sur un diable si ce dernier peut t'amener à la lumière. Il faut être Africain et de préférence noir. Il faut avoir affronté parfois injustement le paternalisme, la condescendance et même le mépris des autres peuples pour savoir apprécier à sa juste valeur le fait pour un dirigeant du rang de Mouammar Kadhafi de porter fièrement et de façon ostentatoire, le macaron du continent africain dans tous les fora internationaux.
Les médias occidentaux devraient, avant de mener leurs campagnes de dénigrement à tête chercheuse, tenir compte désormais de la prise de conscience qui celle des Africains aujourd'hui aussi bien au niveau des peuples que celui des dirigeants. Une rpise de conscience bâtie à l'aide de divers réseaux créés grâce à la toile Internet. L'union sacré formé autour de Robert Mugabè par les autres dirigeants africains lors de son bras avec le premier ministre britannique Gordon Brown est un signal fort qui montre que, pour reprendre Rama Yade qui répondait aux envolées colonialiste du député Arnaud Montebourg à propos de l'affaire de l'Arche de Zoé, que "l'Afrique de papa c'est terminée".

Par Etienne de Tayo
Promoteur de "Afrique Intègre"

Ouvrages :
Romain Gubert et Emmanuel Saint Martin : L'arrogance française : Pourquoi ils nous détestent, éditions Balland, 2003;
Lassère, Isabelle : L'impuissance française : Une diplomatie qui a fait son temps, Flammarion, 2007
Bavarez, Nicolas : La France qui tombe, Librairie académique Perrin, 2004

samedi 8 décembre 2007

C'EST QUOI LA SOCIETE DE L'INFORMATION?







L'encyclopédie du web wikipédia nous décrit la société de l'information comme "une société dans laquelle les technologies de l'information jouent un rôle central". Un définition bien chique et finalement bien vague puisqu'elle dévie la problématique sur les technologies de l'information.



En fait, les technologies de l'information sont toutes ces technologies créées au confluent de l'informatique et des télécommunications – les plus savants parleront de télématique – et qui servent à l'homme dit moderne d'atteindre les prédictions de Marshall Mc Luan d'un "village planétaire" où les distances auront été vaincues. Chaque Homme verra ainsi le monde à sa porte.
A la suite de Mc Luan, une flopé de théoriciens pour la plupart "technocentrés", voient en la société de l'information, un monde de rêve. Dans sa théorie de l'intelligence collective, Pierre Levy y voit "une intelligence partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel et qui aboutit à une mobilisation effective des compétences individuelles". Ce discours centré sur le déterminisme technologique, tend à soutenir que la société de demain ne sera que ce que voudra la technologie. En fait, comme le souligne Bernard Miège, "une idéologie néotechnicienne, la technique apparaissant comme moteur du développement social". Cette idéologie toujours selon Bernard Miège qui n'y croit évidemment pas, "promeut une société propre, la fin du travail pénible, l'immatériel comme source de richesse et de valeur". D'autres théoriciens, pour la plupart des sociologues se chargeront de démystifier le concept de société de l'information en n'y voyant qu'une vulgaire utopie. Ils le font non sans difficulté à cause de cette charge séduisante que transportent toujours les discours utopistes.
Mais la fine fleur des discours incantatoires sur la société de l'information a été développée par le système des Nations Unies. Le "grand machin" comme disait De gaulle, en a trouvé une véritable aubaine pour soutenir son combat pour la paix. Mais auparavant, comme l'institue désormais la tradition, le concept a été validée par les Nations dites les plus puissantes du monde réunies au sein du G8. En effet, "la charte sur la société mondiale de l'information a été adoptée au sommet de G8 à Kyushu Okinawa au Japon en 2000".
Il faut seulement rappeler que le concept de société de l'information venait ainsi enterrer ou le ressusciter sous une autre forme le concept de nouvel ordre mondial de l'information et de la communication (NOMIC) revendiqué par les Etats du Sud et combattu jusqu'à épuisement total du débat par les pays industrialisés et principalement les Etats-Unis qui lui opposèrent le concept du "free flow of information". Ils soutenaient que rien mais alors rien ne devait arrêter ou même tenter de juguler le cours du fleuve informationnel qui malheureusement, coule toujours du Nord vers le Sud, transportant avec lui des alluvions et autres déchets, en réalité des schèmes de l'impérialisme sous forme des modes de vie et modes de penser.
Au sein du système des Nations Unies, on ne parle plus seulement de la société de l'information mais de société des savoirs, de société des connaissances et même de société de partage de connaissances. Ce sont des vastes chantiers sur lesquels se penche l'Unesco. Tout ce discours ferme bien sûr les yeux sur la fracture numérique qui est un obstacle objectif à la promotion d'une société de partage des connaissances. L'Afrique par exemple représente 12% de la population mondiale mais compte moins de 1% d'internaute alors que les Etats-Unis qui représentent 4,9% de la population mondiale compte 43% d'internautes.

L'INCANTATION

Mais là où l'incantation devient presque escroquerie, c'est lorsque le concept de la société de l'information rencontre le concept de l'identité. On pense alors que la communication totale entre les hommes aplanira les différences identitaires et débouchera sur une société dotée d'une nouvelle identité issue des identités diverses. Une société totalement pacifiée dans laquelle, parce qu'ils se comprendront désormais, les Hommes ne se feront plus jamais la guerre. Emmanuel Juste Duits dans son ouvrage "l'Homme réseau" parle tout simplement de "civilisation planétaire". Il s'interroge : "Au niveau collectif, la rencontre des multiples mondes ne débouchera t-elle pas sur une civilisation de toutes les cultures et de toutes les saveurs, métissage sans précédent?" C'est le concept de civilisation de l'universel développé par Léopold Sédar Senghor qui se trouve ici récupéré et recyclé.
Les tenants de cette thèse montrent que cette société là sera celle de paix et de concorde entre les hommes. Ils présupposent ainsi que si les hommes se sont toujours battus, si les Etats, aussi bien antiques que modernes, se sont toujours fait des guerres, c'est à cause des différences identitaires. Une thèse que je me permets de réfuter en attirant l'attention des uns et des autres sur le caractère dissimulatoire des vraies causes des conflits qu'elle peut constituer.

LE "GÂTEAU" AVANT L'IDENTITE

De tout temps, en dehors de quelques actes paranoïaques, les hommes se sont battus pour deux choses : le contrôle de l'espace vital (géographique, temporel, liberté); le contrôle ou le partage des richesses. Les problématiques identitaires ne viennent se greffer à la dynamique conflictuelle que pour servir de prétexte et justifier l'acte. Le xénophobe réagit toujours parce qu'il sent son espace vital menacé. Mais comme il ne peut pas mettre en avant ce combat alimentaire sans paraître ridicule, il convoque l'identité pour faire écran. Il dit par exemple que la présence de l'étranger menace son identité. Ce qui est évidemment faux. Ce qui est vrai, c'est que la présence de l'étranger menace son "gâteau".
Dans les plus grands drames mondiaux, l'argument identitaire a toujours été utilisé comme prétexte. Par endroits, la subtilité des acteurs a parfois amené à douter sur les causes réelles des conflits. Et pourtant, des exemples foisonnent qui permettent d'étayer cette présentation.
On sait par exemple que le fascisme hitlérien a d'abord germé sur la volonté des Allemands de se soustraire du paiement des réparations à eux imposées par le traité de Versailles. C'est donc pour ne plus rien payer à la France et à l'Angleterre que Hitler décide d'envahir ces pays et au besoin les vassaliser. Par la suite, il joue l'opportunisme en fédérant la haine du juif déjà très présente en Europe à cette époque là. C'est alors qu'il utilisera l'argument identitaire aryen pour mieux emballer ses compatriotes et assouvir ses désirs fous. Mais tout cela n'aura été que le prétexte lui permettant de contrôler les richesses du monde afin de mieux le dominer.
Au Rwanda en 1994, les protagonistes se sont coupés à la machette, non pas parce qu'il y avait d'un coté les Hutus qui en voulaient à mort aux Tutsis sur la simple base d'un conflit identitaire. On s'est massacré au Rwanda parce qu'on se disputait le "gâteau national", parce que la majorité Hutu détentrice du pouvoir sentait ce dernier lui échapper avec l'avancée des forces du FPR de Paul Kagame. C'est pourquoi les Hutus extrémistes s'en sont pris aussi aux Hutus modérés qui prônaient le partage du pouvoir. De même, les Tutsis qui servaient de caution ethnique dans le gouvernement Hutu de Juvenal Habiarimana ont eux aussi péri sous les balles de leurs propres frères Tutsis venus de l'extérieur et qui les accusaient de haute trahison à l'ethnie. Tout ceci montre à suffisance la suprématie de l'argument matériel sur l'argument identitaire.
Lorsqu'elle a voulu embarquer le monde occidental dans sa guerre pétrolière contre l'Irak, l'administration Bush n'a pas hésité à mettre en avant de façon à peine voilée une guerre de civilisation. Et pourtant la raison de cette guerre est très simple. Il s'agit pour les Etats-Unis de s'assurer le contrôle du pétrole du moyen Orient. Avec l'émergence de la Chine, un tel contrôle est devenu presque vital pour le pays de l'Oncle Sam qui craint un jour de succomber sous l'arme pétrolière.
Je soupçonne aujourd'hui ceux qui ont enfourché le cheval de la société de l'information en la présentant comme le paradis de demain, de vouloir détourner l'attention des acteurs sur les vrais problèmes de l'humanité et la façon de s'y prendre pour les régler. Ils ont ainsi créé un écran de fumée de lequel ils maintiendront une partie de l'humanité en les entretenant sur l'accessoire alors que l'essentiel est soigneusement laissé de coté. A défaut d'offrir au monde en développement les moyens d'atteindre les objectifs du millénaires comme ils le promettent toujours, les pays développés se permettent de vendre du rêve sous la forme d'une société dans laquelle les savoirs, les connaissances et peut-être même les richesses seront partagées.
L'Europe et l'Afrique viennent de se rencontrer à Lisbonne pour penser ensemble l'avènement d'un partenariat plus juste et plus équitable. Il suffit pour cela que les uns et les autres jouent franc jeu. Mais les réflexes néocoloniaux sont encore là qui font croire à l'Europe que l'Afrique est venu lui demander l'aumône. Comme l'a dit le président de la commission de l'Union Africaine Alpha Oumar Konaré, "l'Afrique ne demande pas la charité". Elle veut des règles justes qui lui permettront d'être compétitif.
Si jamais l'Europe refuse de jouer franc jeu et que les systèmes d'exploitation restent maintenus en Afrique, les "gâteau nationaux" en Afrique seront partout encore plus maigres. Les combats pour leur contrôle seront encore plus rudes. Ils se manifesteront par l'ouverture des fronts de combat partout sur le continent. Ceux qui veulent noyer le poisson parleront alors de conflits identitaires. Mais nous savons qu'il s'agit de combat pour le contrôle du "gâteau". Et la société de l'information n'y pourra rien.

Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"

jeudi 22 novembre 2007

JACQUES CHIRAC ET LE DESTIN DES ANCIENS CHEFS DE L'ETAT



L'ancien président français, Jacques Chirac a été mis en examen par la juge Xavière Siméoni. Il est poursuivi pour détournement de fonds publics dans l'affaire dite des emplois fictifs de la Mairie de Paris. C'est une première dans la cinquième République. Son avocat, Me jean Veil a annoncé la nouvelle devant la presse un peu comme dans des sociétés féodales, on annonce la mort d'un dignitaire.

Et pour lui faire comprendre à l'ancien président que la justice ne blague plus et que le vent a changé de direction, la juge Siméoni au contraire de ses prédécesseurs, a tenu à convoquer Jacques Chirac dans ses bureaux. Au bout de la procédure, Jacques Chirac risque une peine de 10 ans de prison et 100 000 euros d'amendes. A plus de 75 ans, l'épreuve est difficile pour le vieil homme qui, après 40 ans de combats politiques sans répit, aspirait à un repos mérité sur terre en attendant le repos éternel. Mais comme le rosier, la fonction présidentielle a ses épines et qui s'y frotte, s'y pique parfois mortellement. Certains ont depuis pensé à s'en préserver. Mais ce n'est pas toujours évident.
Une personne, habituée des milieux des pouvoirs en Afrique me rapporta cette conversation entre deux chefs d'Etat africains : "Mon frère, dans ces choses là, il faut éviter que demain, on ait l'occasion de dire de toi : voilà l'ancien chef de l'Etat. Et pour cela, tu sais ce qu'il te reste à faire". Et ce qu'il reste à faire justement, c'est ce qui se passe partout en Afrique et dans d'autres régions du monde. A savoir, la modification de la constitution afin d'instaurer une présidence à vie de fait. Une éventualité que Jacques Chirac n'avait pas totalement écarté puisque la constitution française lui en donnait la possibilité. Mais, aspiré par le sarkozysme à la fois séduisant et terrifiant, les fidèles de Jacques Chirac sont partis les uns après les autres à l'exception de Jean Louis Débré qu'il retrouve au conseil constitutionnel.
Cette conversation, qu'elle soit réelle ou imaginaire, révèle au moins au chose : bien qu'il y ait une vie après la présidence, force est de reconnaître que cette vie là n'est faite que de tourments et de cauchemars. Raison pour laquelle beaucoup préfèrent mourir au pouvoir pour ne pas avoir à vivre l'enfer sur terre. Jacques Chirac est en France le premier ancien président à être mis en examen sous la cinquième République. Mais dans le monde, il ne se met que derrière un long rang d'anciens chefs d'état malmenés par la justice de leur pays. Entre 1980 et 2002, les protagonistes au sommet des régimes politiques africains se sont correctement crêpés le chignon.
En Afrique, l'ancien président du Cameroun Ahmadou Ahidjo a été condamné à mort par contumace en février 1984 pour complot contre le président Paul Biya à qui il avait remis volontairement le pouvoir en novembre 1982; Jean Bedel Bokassa, l'ex empereur de Centrafrique a été condamné à mort en juin 1987 pour avoir ordonné le massacre d'enfants; Pascal Lissouba du Congo a été condamné par contumace en décembre 2001 à 30 ans de travaux forcés pour haute trahison. Il avait déjà été condamné à 20 ans de réclusion en décembre 1999 officiellement pour complot visant à assassiner le président Sassou Nguessou; Olesegun Obasanjo, actuel président du Nigéria qui avait déjà gouverné ce pays de 1976 à1979 avait été condamné à la prison à vie en juillet 1995 pour son implication dans une tentative de coup d'état contre Sani Abacha; En 1997, l'ancien président zambien Kenneth Kaunda fut détenu et inculpé, par son successeur Frédérik Chiluba de rétention d'informations. Le même Frédérik Chiluba devenu ex président a été inculpé par son successeur Lévi Mwanawassa de corruption et de détournement de fonds. L'ex président Rwandais Pasteur Bizimungu est écroué depuis le 23 avril 2002 pour "atteinte à la sûreté" de l'Etat et "détention illégale d'armes". L'ex président de Madagascar Didier Ratsiraka a été condamné par contumace à 10 ans de travaux forcés pour "détournement de deniers publics". Il existe même des inculpations à la fois grossières et fantaisistes comme celle de l'ex président du Zimbabwe Canaan Banana qui avait été condamné en 1998 à un an de prison ferme pour sodomie et crime sexuels lors de sa présidence.
Dans le reste du monde, on peut citer les cas de Bénazir Bhutto, l'ancienne premier ministre du Pakistan, condamnée pour détournement de fonds; au Philippines, l'ex président Joseph Estrada a été condamné à vie par une juridiction anti corruption qui l'a reconnu coupable de détournement de fonds; au Chili, malgré ses 89 ans, Agusto Pinochet a été condamné dans l'affaire de l'opération Columbo durant laquelle 119 dissidents politiques avaient disparu dans les années 70; au Cambodge, l'ancien président Kmers rouges Khieu Sanphan vient d'être arrêté. Il est inculpé pour crime contre l'humanité et crime de guerre par un tribunal parrainé par les Nations Unies. Condamné aussi pour crime contre l'humanité, l'ancien président irakien Saddam Hussein a été pendu. Et cette liste macabre n'est du tout pas exhaustive.
"TUEURS EN SERIE"
Parfois, dans ces tourments des anciens chefs de l'état, on veut y voir la main du nouveau régime qui veut régler les comptes. Mais il faut tout de suite dire que si cette possibilité n'est pas à écarter, la main des nouveaux régimes n'est pas toujours évidente. Il se trouve que la fin, somme toute, dramatique est presque consubstantielle à la fonction de chef de l'Etat. D'aucuns diraient que c'est la prix de la gloire.
Au cours de leur exercice du pouvoir, les chefs d'état commettent tellement d'actes répréhensibles qu'il suffit à la justice juste un peu plus de sérieux pour se courber sur leur route et ramasser à la pelle des pièces à conviction. Certaines de ces pièces sont couvertes par ce qu'on appelle astucieusement secret d'état mais d'autres sont visibles à l'œil nu. Jean Paul Sartre disait des hommes politiques qu'ils ont "les mains sales" parce qu'ils les ont trempés constamment dans le sang
Un président de la République, malgré l'attrait que sa fonction provoque chez les autres citoyens et malgré les paillettes qui entourent cette fonction, n'est finalement qu'un vulgaire "tueur en série". Les chefs d'état "tuent" sciemment pour certains et malgré eux pour les autres. Et c'est seulement à ce niveau que se situe la différence entre un démocrate et un dictateur. Bien sûr, il faut faire la différence entre la mort politique et la mort clinique.
Pour ce qui est de Jacques Chirac qui vient d'être mis en examen, le lieu du crime aura été l'hôtel de ville de Paris. Là bas, l'ancien Maire de Paris et éternel candidat à l'Elysée a "tué" ses cinq directeurs de cabinet : Robert Pandraud, Daniel Naftalski, Michel Roussin, Rémy Chardon, Bernard Bled. Plus tard, sur son chemin, il a "abattu" Alain Juppé, Jean Tibéri, Charles Pasqua qui a entraîné avec lui son fils. Dominique de Villepin, empêtré dans l'affaire Clairstream est aujourd'hui la dernière perdrix "abattue" par le chasseur Chirac. Tous les autres membres de la chiraquie à commencer par Nicolas Sarkozy, François Fillon, Philippe Séguin, l'ont échappé belle. Ils ont eu juste le temps de s'autonomiser et même de se placer en rival pour les deux premiers ou encore de se mettre à l'abri pour le dernier. Michèle Alliot Marie qui peut être considéré comme le dernier des mohicans de la chiraquie, se débat encore dans le gouvernement Fillon et d'aucuns pensent qu'ils finiront par avoir sa peau. Simple hasard de calendrier ou fait prémédité, toujours est-il que MAM a été convoquée le même jour que Chirac était mis en examen pour répondre comme simple témoin dans l'affaire Clearstream.
Il faut relever le fait que Jacques Chirac prend sa mis en examen avec une certaine élégance. Et on peut même dire qu'il y a de sa part et de la part de ses proches une sorte de mis en scène. Sa ligne de défense tient en deux chose : tout le monde faisait la même chose à cette époque et en faisant cela, je ne me suis pas enrichi personnellement. Cette posture, à la limite masochiste, a eu pour avantage de diviser l'opinion jusque dans les rangs de l'UMP où certains n'ont pas hésité à se prendre de compassion pour l'ancien chef de l'Etat. Même à gauche où on aurait pu s'attendre à l'enfoncement du clou ou du moins à l'indifférence, certains leaders comme Arnaud Montebourg écrasent une larme pour le vieil homme.
Cette volonté d'affronter la justice ressemble à s'y méprendre à celle affiché par Dominique de Villepin dans l'affaire Clearstream. Chez l'un et chez l'autre et d'ailleurs, chez les deux ensemble il y a une volonté de jouer l'opinion publique et de contre attaquer sur le terrain politique. Ceci tient au fait que chez certains membres de la chiraquie – aussi bien ceux qui sont déclaré ou ceux qui se sont camouflés - réside encore la croyance selon laquelle, le sarkozysme ne serait qu'une bulle qui finira par exploser. Alors, à ce moment là l'opinion publique pensera à ses victimes et surtout aux grosses pointures de ses victimes.
Dans l'affaire Clearstream, Dominique De villepin avait la possibilité d'échapper à la justice classique au vu de son statut d'ancien chef de gouvernement. Mais il a voulu affronter la justice et ouvrir parallèlement un front politique - et même un front de la provocation politique comme le pensent certains - question de jouer la victime et attendre son heure lorsque la bulle Sarkozy éclatera. En prenant la même posture de conquérant face à la justice comme De Villepin, Jacques Chirac qui ne peut plus prétendre revenir aux affaires, veut-il apporter son soutien à son filleul ou c'est la guerre des chefs qui continue? L'avenir nous le dira.

Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"
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lundi 12 novembre 2007

DESTIN : LE CREPUSCULE DE LA DEMOCRATIE


Le présentoir et son contenu étaient pourtant si alléchants. Sur ce plateau en or était disposé, comme des fruits de saison, la recette suivante : Démocratie, droits de l'Homme, gouvernance, développement, prospérité… Et pour convaincre les sceptiques, cette équation émergeait de tout cela, un peu comme une cerise sur le gâteau : Démocratie + Bonne gouvernance = Développement, Prospérité, Bonheur pour tous.

Qui pouvait alors y résister! C'était l'époque du discours de la Baule. C'était l'époque de l'effondrement du mûr de Berlin et ses conséquences sur l'équilibre géopolitique et géostratégique du monde. C'était l'époque du capitalisme mondial triomphant. C'était l'époque du triomphe du modèle occidental de développement. La Banque mondiale et le Fonds Monétaire International, symboles du capitalisme, resté longtemps en hibernation, venaient de trouver le temps de gloire.
Comme dans un barrage resté longtemps fermé, les vannes de la démocratie ont été brusquement ouvertes. Et les peuples entiers se sont déversés pour célébrer ce bonheur qui leur avait été longtemps caché. Goûtant le fruit du suffrage électoral dans une émotion parfois indescriptible, beaucoup y sont allés avec la sincérité de leur cœur. Ils y sont allés en espérant que, comme le laissait croire l'équation évoquée plus haut, qu'avec un peu d'efforts, ils trouveront la prospérité au bout du chemin.
Aujourd'hui, sans douter du caractère humaniste et humanisant du système démocratique et en reconnaissant qu'il reste le moins mauvais des systèmes, pouvons-nous pour autant faire l'économie de cette question lancinante : Pourquoi, alors qu'il a été plébiscité dans les années 90 par la majorité des peuples jadis opprimés comme le meilleur des systèmes de gestion de la cité, aujourd'hui, des doutes subsistent quant à la capacité de la démocratie à libérer les hommes, à libérer les énergies et à impulser le développement? Pourquoi le projet d'exportation de la démocratie par certains empires est désormais voué à l'échec? Comment expliquer le fait que même dans ces pays exportateurs de démocratie, ce bien soit en net recul?
En Afrique par exemple mais aussi dans les pays de l'Europe de l'Est, les élections, l'autre symbole de la société démocratique, sont devenus un véritable repoussoir pour la majorité des peuples. Partout, y compris curieusement dans le monde occidental pourtant détenteur du brevet d'invention de la démocratie, le pouvoir est de plus en plus confisqué par des groupuscules aux intérêts essentiellement particuliers et égoïstes. La société démocratique et du bonheur promis n'est plus qu'un rêve bien lointain.
D'abord une petite définition pour savoir ce qu'est une société démocratique. C'est une société dans laquelle un certain nombre de conditions doivent être remplies. A savoir :
- Libertés individuelles garanties;
- Médias libres et indépendants;
- Peuple informé et capable d'un minimum de discernement;
- Elections libres et transparentes;
- Forte participation des populations au vote;
- Liberté d'association garantie;
- Syndicats puissants et indépendants.

LA DEMOCRATIE! QUELLE DEMOCRATIE?

La plupart des pays à qui les pays occidentaux ont essayé de vendre ou d'imposer la démocratie comme modèle d'administration des hommes sont ceux qui avaient été colonisés. Et si ces pays se sont laissés finalement soumettre, c'est moins à cause de la puissance de feu de quelques divisions blindées comme pensent d'aucuns que par la relative cohérence du modèle de société qu'ils promettaient et surtout par sa capacité présumée à générer le développement, la progrès et le bonheur.
Ces peuples avaient cru hier à leur maîtres lorsqu'ils leur parlèrent de civilisation. Des années après, ils leur ont encore servi le bon Dieu sans confession pour ce qui est de la démocratisation. Ce qui veut dire que pour eux, l'histoire se répète et même qu'il bégaie un peu. Autant pour la décolonisation, on avait théoriquement libéré les territoires sans transférer les pouvoirs, autant pour ce qui est de la démocratisation, on a vendu un matériel sans accessoire un peu comme on vendrait un réfrigérateur à une personne habitant une région sans électricité et sans autre source d'énergie. Les pays colonisateurs ont décrété que, comme ils avaient offert l'indépendance, ils avaient décidé d'octroyer la démocratie aux peuples jadis opprimés.
Pour prendre le cas spécifique de la France, à la Baule, François Mitterrand avait ouvert les vannes de la démocratie mais en maintenant solidement ancré, le système de prédation et même de terreur mis en place au lendemain de la décolonisation. Or ce système, parce qu'il se nourri d'opacité joue forcément contre la démocratie. On a promis la démocratisation et la prospérité en maintenant le système de l'aide publique au développement, cet écran de fumée qui a toujours servi à dissimuler les pillages de toutes sortes et qui contient une très forte charge d'asservissement. C'est pourquoi, au lieu de contribuer au développement, cette aide est devenue sous développante, selon l'expression du collectif "cercle vertueux pour une nouvelle Afrique", et même infantilisante. Elle a plutôt généré la misère.
En accueillant la démocratie, c'est moins pour ces peuples, comme une acquisition d'abord individuelle et une fin qui consacrera leur participation à la gestion des affaires de la cité, que comme un moyen devant leur permettre de se donner des dirigeants capables de les sortir de la misère. C'est-à-dire que leur priorité, c'est la sortie du gouffre et la démocratie telle qu'elle leur a été présentée, peut être un moyen. Il s'agit même d'un instinct de conservation si on prend en compte l'état de pauvreté et de précarité dans lequel se trouvent englués certaines de ces populations.

MIRAGE DEMOCRATIQUE

C'est donc avec ce schéma en tête que beaucoup de pays jadis opprimés se sont engouffrés dans la brèche ouverte dans les années 90. Moins de deux décennies après, la désillusion est au rendez-vous. La cause est que, la prospérité qu'ils attendaient au bout de la démocratisation tarde à venir. C'est ensuite parce que les pays occidentaux, détenteurs du brevet d'invention de la démocratie, sont aujourd'hui en très mauvaise posture par rapport à diffusion de cette idéologie. Une situation qui déteint forcément sur les pays en développement et montre à quel point, même l'occident n'a pas la maîtrise du monde qui est le nôtre aujourd'hui.
Selon le sociologue américain L. Wallerstein, « nous sommes entrés dans une ère de transition anarchique. Personne ne contrôle complètement la situation, surtout pas une puissance hégémonique déclinante comme les USA. Les défenseurs de l’empire américain pensent qu’ils ont le vent dans les voiles, les vents en fait soufflent dans toutes les directions à la fois et le vrai problème, pour tous les bateaux, est d’éviter le naufrage".
Et ce naufrage a pour nom : déclin de la démocratie. Ce déclin est aussi celui du capitalisme mondial marqué selon Toni Negri et Michael hardt comme "le déclin définitif des Etats souverains, la dérégulation des marchés internationaux et la fin des antagonismes entre les Etats assujettis". Mais le plus grand péril se dégage de l'observation de la société occidentale telle qu'elle fonctionne aujourd'hui et qui n'est pas loin du déni de la démocratie. Pour le savoir, il suffit de relever certains travers qui marquent cette société et qui ne font pas toujours bon ménage avec la société démocratique.
- Le mensonge : Le mensonge est l'un des vice les plus méprisable de la race humaine. Et celui qui use du mensonge se trouve ipso facto dévalorisé aux yeux des autres. L'usage du mensonge peut transformer le maître en esclave et vice versa. Dans son célèbre ouvrage, "Discours sur le colonialisme", Aimé Césaire le relevait avec une acuité incomparable lorsqu'il affirmait que : "Les colonisés savent désormais qu'ils ont sur les colonisateurs un avantage. Ils savent que leurs maîtres provisoires mentent. Donc que leurs maîtres sont faibles". Or, que constate t-on aujourd'hui? Que dans des sociétés dites démocratiques, le mensonge a été érigé en système de gouvernement. Du mensonge d'Etat tel les armes de destruction massives qui ont justifié la guerre d'Irak au mensonge domestique, la société semble s'éloigner des valeurs qui ont fondé la démocratie et qui ont forgé son respect. Ce qui est déplorable, c'est que les gouvernants réussissent le tour de magie d'entraîner la presse dans leurs petites combines. Ce qui fait s'écrouler un pan tout aussi important de la société démocratique.
- Une presse au garde à vous : C'est un fait, aujourd'hui, la presse s'est prise de façon tout à fait servile dans l'agenda exclusif des gouvernants. A part quelques titres qui cherchent à se prouver à eux-mêmes qu'ils sont réellement indépendants, tous les autres médias jouent chaque jour des pièces écrites et mises en scènes par les gouvernants et les pouvoirs d'argent, propriétaires de ces médias. Ils sont chargés de bourrer la tête du peuple et de l'empêcher d'avoir quelques instants de lucidité. En son temps, Patrick Le lay, alors PDG de TF1 avait caricaturé le phénomène en faisant cette déclaration pleine de mépris pour le peuple des téléspectateurs : "Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible".
- Un peuple conditionné : Hier les dictatures conditionnait le peuple en le coupant de la lecture et de la culture, considéré comme étant des éléments pouvant forger son esprit critique et peut-être rebelle. Aujourd'hui, la donne a changé. Par l'hypermédiatisation de la société, les gouvernants réussissent à saturer le peuple, l'empêchant ainsi d'avoir des instants de lucidité pouvant lui permettre de se rendre compte de ce qui lui arrive et où on l'amène. L'hypermédiatisation permet aussi de fournir au peuple presque en temps réel les catastrophes et les drames de par le monde, question de lui dire qu'il n'est pas le seul à souffrir et que d'ailleurs, sa souffrance est moindre par rapport à celle des autres peuples. Çà marche car lorsqu'on prend conscience de ce qu'on n'est pas seul à souffrir, on souffre moins. A la maison, on a la radio et la télévision. On a aussi le téléphone (fixe et portable). On a le poste Pc pour Internet. Dans le train ou le métro on a son téléphone bien sûr. On a parfois l'ordinateur portable pour achever le travail de bureau ou le devoir d'école, on a les journaux gratuits. Au travail, on est utilisé à plein pour les tâches. On a juste le temps de prendre une pause de quelques minutes, le temps de parcourir les journaux payants offerts par l'entreprise ou de sortir pour fumer dans la cour. Il faut dire que tous ces journaux racontent les mêmes choses. Le week-end, croyant se couper de cette logique de semaine, on regarde les matches de football ou autres et les films. Dites moi à quel moment on peut trouver le temps pour se demander comment on est gouverné? Ce qui est amusant, c'est que ce peuple là croit toujours qu'il a sa liberté intacte et donc sa capacité de jugement. Et c'est là où se trouve sa faiblesse. Car il n'y a pas pire malade que celui qui veut croire qu'il n'est pas malade et pourtant il l'est.
- La confiscation des libertés individuelles : La marge de manœuvre des populations en matière des libertés n'a jamais été aussi faible. Sous le couvert de la lutte contre le terrorisme, tout genre de mesures restrictives et surtout des méthodes d'une autre époque ont été mis sur pied pour confisquer les libertés. Désormais, sans qu'on leur demande leur avis, les citoyens sont écoutés, filmés. Aux Etats-Unis et même en France, des drones, une sorte d'avion sans pilotes devront désormais survoler les quartiers difficiles. Dans un autre pays, en plus des caméras, le gouvernement a installé dans les rues, des micros détecteurs de bruits suspects. Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que dans la plupart de ces pays, au lieu de se réconcilier avec ses exclus, la République a plutôt trouvé la manœuvre de les classer comme des nouveaux barbares. Elle promet au reste de la société de le protéger contre eux. Mais ce n'est qu'une manière bien astucieuse pour les gouvernants de confisquer les libertés individuelles et de confisquer aussi la démocratie. Et malheureusement, se faisant, ils confisquent aussi la prospérité.
- La montée de la pauvreté : Dans le plupart des pays occidentaux – et c'est un fait nouveau – le nombre de personnes vivants sous le seuil de pauvreté ne fait que augmenter d'années en années. C'est 12,1% de Français aujourd'hui qui vivent cet enfer. Cela fait quand même plus de 6 millions d'habitants. Il faut aussi relever la dégringolade du pouvoir d'achat chez ceux qui font partie de la classe intermédiaire. Cette situation pousse évidemment le peuple à la xénophobie. Ne sachant pas ce qui lui arrive, il s'acharne sur l'immigré, présenté comme la source de tous les malheurs. Une stratégie qui curieusement recette et donne des ailes aux partis d'extrême droite. L'ineptie du parti UDC en Suisse, qui pense que bouter le mouton noir de la confédération helvétique réglera tous leurs problèmes n'est pourtant pas un cas isolé.
- Forte prédominance des calculs géostratégique : Ces derniers temps, de puissantes campagnes médiatiques sont menées en faveur du Soudan et de la Birmanie. Il est question pour la plupart des pays occidentaux de restaurer la démocratie en Birmanie et arrêter le génocide au Darfour. Des objectifs somme toute nobles. Sauf que la Birmanie dont il est question aujourd'hui avait connu une révolte en 1988 au cours de laquelle plus de 2000 personnes avaient été massacrées par la junte au pouvoir. A l'époque, cela n'avait pas connu dans les médias les retentissements d'aujourd'hui. Même les sanctions économiques prises pour contraindre la junte à entendre raison avaient été violées par la plupart des pays même démocratiques. Le bois Birman est très prisé en Europe. La Birmanie n'intéresse aujourd'hui que parce qu'elle est un enjeu géostratégique entre l'occident et la Chine. De même un pays comme le République démocratique du Congo a connu et connaît encore une guerre civile particulièrement meurtrière avec plus de 2 millions de morts. Mais comme la RDC ne constitue pas encore un réel enjeu géostratégique, les médias et les politiques en occident ignorent royalement cette guerre là et se focalisent sur le Darfour à cause de la présence dans l'ordre bord de la Chine.

Comme on peut le constater, le monde court aujourd'hui au devant d'un péril certain. Sous nos yeux, des dictatures, pires que celles du 20e siècle sont en train de se constituer. Prenant prétexte sur les difficultés réelles que traverse l'humanité, des affairistes qui se sont emparés du pouvoir dans plusieurs pays et qui vont s'en emparer dans d'autres, vont tout simplement décréter une pause démocratique. Ils parlent juste d'une transition, le temps pour les uns de neutraliser l'ennemi intérieur connu sous le nom du jeune des banlieues ou bien l'ennemi extérieur appelé terroriste.
"La possibilité que cette transition aboutisse à un ordre plus égalitaire et démocratique est totalement incertaine. Chose certaine, le monde qui émerge de cette anarchie sera la conséquence de nos actions, collectives et concrètes, dans les décennies à venir. »

Par Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"

mardi 30 octobre 2007

REVOLUTION : AU SECOURS LES FEMMES ARRIVENT!

Contrairement à ce qu'on pourrait penser en le lisant, ce titre n'a rien de machiste. Au contraire, il pose plutôt un regard admiratif en même temps qu'il mesure le chemin parcouru par le sexe dit faible depuis la nuit des temps. Mais aussi les défis qui l'attendent.

"En 1954, j'ai enfin pu m'inscrire au parquet général comme attachée stagiaire, à l'issue d'une nouvelle discussion émaillée d'arguments qui se voulaient dissuasifs. Le secrétaire général du parquet de Paris et son adjoint, qui m'ont reçue, n'en revenaient pas : "Mais vous êtes mariée! Vous avez trois enfants, dont un nourrisson! En plus votre mari va sortir de l'Ena! Pourquoi voulez-vous travailler?". Je leur ai expliqué que cela ne regardait que moi. (…) Devant ma résolution inébranlable, ils ont fini par accepter ma candidature. (…)"
Ainsi s'exprime Simone Veil dans une œuvre autobiographique qu'elle vient de commettre (Ma vie, par Simon Veil. Stock, 399p). La jeune Simone Jacob faisait ainsi ses premiers pas dans le combat pour la reconnaissance des droits de la femme. Combat dont l'acquis majeur aura été le vote de cette loi sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Elle se souvient du conservatisme ringard de la France et du machisme bon teint et presque natuel de l'époque : "Je me rappelle ma première rencontre avec le groupe de médecins conseillers que Robert Boulin avait constitué quelques années plus tôt. Je crois bien que, s'ils avaient pu m'assassiner, ils l'auraient fait…" dit-elle.
A l'époque, la France, berceau des Droits de l'Homme mais étranglé par son conservatisme, ne voyait que des obligations aux femmes : Faire des enfants, les garder et bien tenir sa maison : "Sois belle et tais-toi", disait-on à l'époque. D'où l'exclamation sans fin des deux magistrats hommes qui avaient reçu la jeune Simone Veil. Ils ne comprenaient pas qu'une femme aspire à autre chose que d'être femme au foyer. Et il faut dire qu'à l'époque, en 1954, c'est-à-dire 165 ans après la révolution française et la déclaration universelle des Droits de l'Homme, ces deux messieurs n'étaient pas du tout une curiosité en France. Ils rentraient parfaitement dans le format de l'homme français moderne, évolué et tout ce que vous pouvez imaginer.
Même les premières dames, c'est-à-dire les femmes des chefs d'Etats ou de gouvernement étaient réduites à jouer les figuratives auprès de leurs présidents de maris. Elles aussi devaient montrer qu'elles peuvent faire des enfants et bien tenir un foyer. Dans le décor présidentiel tel qu'on pouvait l'admirer chez beaucoup de présidents à cette époque là, la femme apparaissait au même titre que le chien du président ou tout autre relique que celui aimait bien avoir avec lui lors de ses apparitions.
53 ans après l'audace de Simone Veil, les femmes ont fait un pas de géant. Non seulement dans l'acquisition de leurs droits fondamentaux mais aussi dans la marche vers l'égalité totale et parfaite avec l'homme. Après avoir acquis le droit de travailler à leur coté, les femmes ont gravi des échelons pour occuper des postes de responsabilités jusqu'aux fonctions suprêmes.
Le 28 octobre 2007, Cristina Elisabeth Fernandez de Kirchner a été élue Présidente de la Nation Argentine. Elle entrera en fonction le 10 décembre 2007, succédant à son mari Nestor Kirchner. Elle inaugure ainsi une forme d'accession au pouvoir des premières dames : c'est-à-dire en passant par le pantalon de son mari de président.
Déjà dans les années 40 en Argentine, une autre première dame d'Argentine, Maria Eva Duarte de Peron dit Evita exerça presque le pouvoir en sous main de son mari Juan Peron. Populaire jusqu'à la caricature, Evita était presque vénérée par le peuple d'Argentine. Consciente du fait qu'elle était devenue une béquille pour son mari, elle avait même demandé à être nommée vice présidente avant d'essuyer le refus catégorique des militaires. Elle mourut quelques temps après d'un cancer de l'utérus mais restera comme la première dame la plus populaire de l'Argentine.
FILLE OU FEMME DE...
Aujourd'hui, une femme qui accède à la magistrature suprême ne fait plus rougir personne et on peut même dire que c'est devenu la mode. Seules les Français, conservatisme obligeant sans doute sont restés insensibles devant la beauté naturelle et les beaux tailleurs de Ségolène Royal. Partout ailleurs, qu'on soit au Liberia, au Chili, en Allemagne des femmes ont été propulsé à la tête des Etats ou des gouvernements. Mais une constante reste : la majorité des femmes élues à la têtes des Etats ou des gouvernements l'ont été parce qu'elle ont réussi à capitaliser un malheur : le père ou le mari avait été assassiné par le pouvoir. Elle ont donc joué de la nécromancie.
Le 26 septembre 1959, Solomon Bandaranaike, premier ministre du Ceylan (actuel Sri Lanka) est assassiné par un homme déguisé en moine. En 1960, son épouse, Sirimavo Bandaranaike remporte les élections et devient premier ministre. Elle devenait ainsi la première femme du monde chef du gouvernement. Elle le sera jusqu'en 1965. Puis de 1970 à 1977 et de 1994 à 2000. Lors de son troisième mandat, elle exerça sous la présidence de sa fille Chandrika Kumara.
Dans les années 40, on remarque dans l'entourage du premier ministre indien Jawaharlal Nehru, la présence d'une jeune femme qui l'accompagne dans les voyages officiels et l'assiste dans les fonctions officielles. Cette jeune femme n'est autre que Indira Gandhi qui deviendra après la mort de son père, premier ministre de l'union indienne de 1966 à 1977 et de 1980 au 31 octobre 1984, date de son assassinat.
Le 21 août 1983, Benigno Simeon Aquino Jr, un leader de l'opposition, revient aux Philipines – où sévit la dictature de Ferdinand Marcos - après avoir interrompu son exil aux Etats-Unis. Mais il est assassiné dès son arrivée à l’aéroport de Manille. Sa femme Maria Corazon Sumulong Coquangco Aquino "devint le centre de l’opposition contre le régime et devint présidente après la chute de Marcos en 1986".
Le 4 avril 1979, une jeune femme, Benazir Bhutto, diplômée de Oxford, revenue dans son pays le Pakistan où gouverne son père Zulfikar Ali Bhutto, assiste à la pendaison de ce dernier par les soins de Zia Ul haq qui vient de commettre un coup d'Etat. Après avoir connue la prison et l'exil, elle devient le 1er décembre 1988, la première femme premier ministre dans un pays musulman.
Le 11 mars 2006, Véronica Michelle Bachelet Jeria est élue première femme Présidente de la République du Chili. Elle vit seule et est mère de trois enfants nés de deux pères différents. Elle est la fille du Général Alberto Bachelet, un compagnon du président Salvador Allende. Après la chute de ce dernier, Alberto Bachelet fut arrêté par Pinochet, accusé de trahison, il faut détenu et torturé. Il mourut en mars 1974 d'un arrêt cardiaque.
D'autres femmes, Margaret Thatcher, Ellen Johnson Sirleaf ou encore Angela Merkel n'ont pas eu besoin de coup de pouce nécromancien et ont prouvé ou sont en train de prouver qu'une femme est d'abord un homme et vis versa. Mais un dernier écueil reste à surmonter qui là ne dépend plus des hommes mais plutôt une affaire de femmes. Il est encore loin le jour où les femmes se mettront en bloc pour voter une femme parce qu'elle est leur semblable. Et je crois que c'est plutôt tant mieux pour la démocratie.
Demain, d'autres femmes : Ségolène Royal, Hilary Clinton, Simone Gbagbo, Aung San Suu Kyi ou encore Ingrid Betancourt parviendront elles aussi au pouvoir dans leur pays. Elles y parviendront d'autant plus facilement que la plupart des tabous concernant les femmes ont été tout simplement battu en brèche. Et c'est pourquoi, une célibataire ou une presque polyandre telle Michelle Bachelet peut se faire élire sans encombre. Au rythme où vont les choses, parions que dans un siècle, c'est plutôt la présence d'un homme à la tête d'un Etat qui sera une curiosité. De quoi redonner de l'espoir à tous ces groupes exclus dans le monde et dans les pays et qui se croyaient à jamais condamnés à ne jouer que des seconds rôles.

Etienne de Tayo
Promoteur de "Afrique Intègre"


Source principale :
http://fr.wikipedia.org

lundi 29 octobre 2007

L'ARCHE DE ZOE : VOILA A QUOI PEUT CONDUIRE L'INSTRUMENTALISATION DU CONFLIT DU DARFOUR



Le 25 octobre dernier, les autorités tchadiennes ont arrêté et détiennent à Abéché au Tchad, 9 Français et 7 espagnols dont trois journalistes (deux de CAPA et France 3 et un photographe) et des membres de l'association "Arche de Zoé" représentée au Tchad par l'ONG "Children Rescue". Ils s'apprêtaient à affréter un Boeing 757 pour transporter pour la France, 103 enfants présentés comme des orphelins du Darfour. Mais en réalité, selon l'expression de Christophe Ayad et Audrey Bastide du journal "Libération", "une opération d'évacuation "sanitaire" aux allures de trafic de mineurs en vue d'une adoption". Selon les autorités Tchadienne par la bouche du président Idriss Déby Itno en personne, les enfants ne seraient pas orphelins et pas originaires du Darfour comme a prétendu l'ONG mais plutôt des enfants du Tchad tirés à leurs familles par des moyens illégaux pour alimenter les réseaux pédophiles. L'avocat de l'association Gilbert Collard parle lui plutôt "d'un coup monter contre cette association qui dérange parce qu'elle évolue en dehors de l'académisme humanitaire"
Jusque là, je croyais m'être donné une explication à tous les discours catastrophistes et parfois trop alarmistes tenus par les dirigeants des puissances occidentales. Il suffisait pour cela d'écouter les discours des dirigeants du G8 par exemple. Et de suivre ensuite les commentaires des journalistes pour laisser couler une larme pour l'Afrique. Je pensais, peut-être par naïvement, avoir trouvé la raison de tous les tableaux sombres que les autres peignaient de l'Afrique.
Je croyais que pour les puissances occidentales, le fait de présenter l'Afrique comme l'enfer sur terre, leur permettait tout simplement de justifier la surenchère des promesses fallacieuses. Je pensais qu'il s'agissait pour ces puissances, de montrer que l'Afrique est pauvre, misérable, maudite, pour mieux exploiter ses richesses, puisqu'un pauvre ne peut pas avoir de richesses. Je pensais qu'il s'agissait d'infantiliser les Africains, de montrer qu'ils ne s'en sortiront jamais par eux-mêmes, pour mieux justifier la recolonisation.
Pour les médias occidentaux, je croyais qu'il s'agissait juste d'un renforcement de clichés et des idées reçues sur l'Afrique. L'objectif étant de parachever la victoire de la guerre culturelle. Je pensais, et je m'étais laisser dire, qu'il s'agissait d'attirer l'attention de la communauté internationale sur ce ventre mou de l'humanité qu'est l'Afrique afin d'aider à son décollage économique. Mon attention a juste été attiré par la présence dans les rangs des personnes incriminées de deux journalistes de l'agence CAPA qui alimente l'émission "Envoyé spécial" en reportages qui contribuent à renforcer les images négatives de l'Afrique. Dans le cadre de notre réseau "Afrique Intègre", nous avions déjà rédigé un communiqué pour dénoncer cet état de fait. Communiqué publié par le quotidien camerounais "Le Messager" est visible à travers le lien suivant : http://www.lemessager.net/details_articles.php?code=49&code_art=14124&numero=1
Pour les ONG, je croyais en la sincérité de beaucoup d'entre elles. Je croyais en l'humanisme des personnes qui les composaient. Je le croyais d'autant plus que je vois certaines à l'œuvre lorsqu'il s'agit d'animer les mouvements altermondialistes. J'étais fasciné par ces personnes qui se battent au péril de leurs vies pour un monde plus juste alors que théoriquement, ils n'appartenaient pas au camp des plus faibles. Je me disais que c'est cet humanisme qui les pousse ainsi à vouloir soulager les souffrances des populations sinistrées et pousser toujours plus loin l'échéance de la fin des temps annoncée.
Ce que j'ignorais totalement, mais que je subodorais un peu, c'est que cet arbre de compassion et de générosité cachait à peine toute une forêt d'entreprises criminelles qui fleurissent sur le terrain préparé par les trois premiers groupes. J'ignorais que certaines ONG, exploitant la naïveté et abusant de la générosité et de l'humanisme de certaines populations en occident, ont tout simplement décidé de rétablir l'esclavage. Comme il y a 6 siècles, ils passent dans des villages africains, trompent leurs victimes avec des "biscuits et de l'argent" et les embarquent, comme l'a expliqué à la télévision (journal TF1) une des enfants kidnappé par "l'Arche de Zoé". Au moins, les autres, les amenaient travailler dans des plantations – le travail qui libère. Les néo esclavagistes "amènent leurs victimes dans des réseaux pédophiles" où elles servent à satisfaire les désirs sexuels des pervers, comme l'a expliqué le Président Tchadien Idris Deby au journal de TF1.

UNE GROSSE ESCROQUERIE MORALE :

Le scandale de l'Arche de Zoé, qui ne serait que la partie visible de l'Iceberg, est la conséquence directe d'une fixation et d'une instrumentalisation ridicules que les puissances occidentales ont faite sur le conflit du Darfour. Aux Etats-Unis, en France et dans plusieurs pays européens des personnalités politiques, parfois de premier rang, se sont regroupés pour réclamer la libération du Darfour et l'arrêt du génocide. Un discours qui ne peut laisser aucune âme sensible indifférente. On l'a vu par exemple lors de la présidentielle française lorsque certains candidats ont brandi la menace du boycotte des jeux olympique de Pékin si la Chine n'arrêtait pas son soutien au régime de Khartoum.
Par une construction intellectuelle grossière, ils étaient parvenus à une simplification ridicule de ce conflit tribal pourtant très complexe. Selon eux, et jouant ainsi le jeu des politiques extérieures de leurs gouvernements, ils disaient que dans le conflit du Darfour, ce sont les méchants arabes au pouvoir à Khartoum et soutenus par la Chine qui tuent les pauvres populations noires du Darfour à travers les milices Njenjayid. Avouez qu'une telle présentation peut susciter de la compassion et rallier les âmes généreuses surtout lorsqu'elle est doublée de l'image du Noir toujours présenté comme le "ver de terre" de l'humanité.
En occident, des politiques se sont fait élire en promettant qu'ils feront cesser les massacres des populations noires au Darfour. Des associations se sont formées pour sauver les enfants du Darfour comme cela avait été le cas pour les enfants de l'Ethiopie. Des associations, telles ce collectif des familles pour les orphelins du Darfour (Cofod) que dirige une certaine Estelle Frattini, et qui pour certaines renferment des gens de bonne foi qui répondent tout simplement au cri de détresse – malheureusement mensonger – lancé par des gouvernements et relayés par les médias.
Le scandale de l'Arche de Zoé montre comment les gouvernements en occident ont toujours tenu leurs populations dans l'ignorance totale des vraies visées de leurs politiques étrangères. Comme il y a un siècle lorsqu'on parlait de la colonisation comme mission civilisatrice alors que des peuples entiers étaient exterminés, aujourd'hui, on met la générosité et l'humanitaire en avant pour assouvir des desseins parfois très sombres. Les populations en Europe et aux Etats-Unis sont constamment grugées sur l'Afrique alors que leurs gouvernements mènent là bas des combats aux objectifs bien flous. Ces gouvernements font de la surenchère humanitaire alors qu'ils se moquent du sort des populations de ces régions comme de leurs chaussettes trouées.
J'ai souvent pensé, sans bien sûr tomber d'accord avec certaines personnes, que la libération de l'Afrique passera aussi par la capacité des Africains à informer le peuple profond de l'occident sur les vrais enjeux des politiques que mènent leurs gouvernements dans des zones où ils disent venir en assistance aux populations. Je le dis parce que je sais que dans ce peuple, beaucoup ont atteint le niveau d'humanisme qui leur interdirait de cautionner des politiques mortuaires que malheureusement beaucoup de gouvernements et aussi les organisations internationales continuent de conduire en direction de l'Afrique. Je savais que si ces populations savaient que pour exploiter le pétrole du Delta du Nigeria par exemple, leur gouvernement était amené à financer une rébellion particulièrement criminogène. Que pour exploiter l'uranium du Niger, l'or de la RDC ou le pétrole du Soudan, le même scénario est mis en place; que depuis bientôt deux décennies, la Banque mondiale et le FMI ont semé la graine de la pauvreté en Afrique, pauvreté qui déciment les populations par millions, sûr que ces populations occidentales là auraient demandé plus de comptes à leurs gouvernements. Sûr qu'on aurait dans les Assemblées nationales plus de commissions parlementaires.
Le drame, c'est que cette manipulation des peuples sinistrés auxquels il faut apporter de l'aide, trompe plus d'une âme généreuse en occident en même temps qu'elle prépare le terrain pour les criminels. Maintenant que l'Arche de Zoé a été démasqué et, comme dans toutes les activités criminelles, chacun sauve sa tête. Tout le monde lâche et grille le malheureux qui s'est fait prendre.

LE DARFOUR : UN GROSSIER PRETEXTE

Ceux qui, après la chute du mur de Berlin avaient cru voir la fin de la guerre froide et l'unipolarisation du monde doivent très vite réviser leur position. La guerre froide n'a jamais été aussi vivace qu'elle l'est aujourd'hui. Elle s'est même un peu réchauffée et on parlerait volontiers de guerre tiède. Les acteurs ont quelque peu changé, le décor a quelque peu glissé, mais les méthodes sont inchangées. Pendant que l'empire américain usait ses forces dans la guerre contre le terrorisme, la Russie a pris le temps de retrouver ses forces à travers un Vladimir Poutine qui s'avère l'incarnation même de Staline. Alors que de son coté la Chine apparaissait en force sur le ring. D'un autre coté, l'Inde, la Malaisie et tous les dragons d'Asie du Sud Est sont aux aguets.
Ce que personne ne veut dire, c'est que une partie très importante de la guerre tiède se déroule aujourd'hui au Soudan avec comme le Dafour la marque de commercialisation. Et lorsque vous aurez la présentation du Darfour, vous comprendrez pourquoi. Le Darfour, selon l'encyclopédie Wikipedia, "est un vaste territoire à l'Ouest du Soudan d'une superficie de 510 000 Km2, c'est à dire aussi grand au la France. Ce territoire, habité par 6 millions d'habitants, est riche en pétrole, uranium et cuivre". D'où son malheur.
Le Darfour, c'est aussi malheureusement une multitude de groupes rebelles plus ou moins indisciplinés et plus ou moins manipulés. On peut citer, sans que la liste soit exhaustive : le mouvement armé de libération du Soudan (SLM/A); le mouvement pour la justice et l'égalité (JEM) qui comprend huit factions; le mouvement national pour la réforme et le développement (NMRD); le front des forces révolutionnaires unies (UTFF).
Depuis bientôt une quinzaine d'années, la Chine a pris pieds au Soudan et n'est pas là pour une ballade de santé. En quelques années, l'empire du milieu, de par la franchise et le réalisme de sa politique de coopération, a battu de vitesse les puissances occidentales sur bien de terrains. Selon Didier Samson de Rfi, "La Chine est le plus important partenaire commercial du Soudan. Des entreprises chinoises détiennent 40% des concessions pétrolières dans le Darfour et contrôlent des gisements pétroliers dans le Haut Nil occidental. Ce sont également des entreprises chinoises qui construisent un pipeline de 1 400 kilomètres reliant le Bassin de Melut à Port-Soudan. C’est encore la Chine qui installe dans cette ville un terminal pétrolier destiné à l’exportation des hydrocarbures. La Chine est enfin un important fournisseur d’armes au régime de Khartoum". Et quand on aura découvert son CV énergétique, on comprendra que la présence Chinoise puisse inquiéter et même déstabiliser. Toujours selon ce journaliste de Rfi, "la Chine est le deuxième consommateur mondial d'énergie après les Etats-Unis avec un taux de dépendance pétrolière de 40%. Ce taux pouvant être porté à 80% en 2020. Ses besoins s'élèvent à 1,6 million de barils jour".
Au Soudan, "le consortium GNPOC incluant l'ONGC indienne, le Chinois CNPC, le Malaisien Pétronas et le Soudanais Sudapet, assurent plus de la moitié des quelques 500 000 barils jour produits au Soudan dont la plupart est exporté en Chine", révèle une dépêche de l'AFP. Une telle reconfiguration du monde sans les puissants réunis au sein du G8 ne pouvait que irriter les puissances occidentales. D'où l'instrumentalisation du conflit du Darfour. Une méthode qui avait toujours marché par le passé mais qui dans ce monde mondialisé d'aujourd'hui a de la peine à passer.
Tenez, alors que les pourparlers de paix de Syrte en Libye étaient annoncés, l'un des multiples groupes rebelles financés dans le Darfour, cède à la provocation, question de torpiller les négociations. En effet, selon une dépêche de l'AFP datée du jeudi 25 octobre, "un groupe rebelle, le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM) du Darfour a lancé jeudi un ultimatum à un consortium pétrolier à capitaux chinois et indiens, lui donnant une semaine pour quitter le Soudan après avoir enlevé deux de ses employés". Un chef militaire du JEM, Abdelaziz el-Nour Ashr, a dévoilé à l'AFP les cibles de son opération : "Nous voulons que la Chine, l'Inde et la Malaisie ne fassent plus des affaires avec le pétrole car Khartoum se sert de l'argent du pétrole pour acheter des armes et tuer des gens au Darfour. C'est notre pays et ils doivent partir" (…) "Les habitants de Kordofan souffrent, ils ne tirent pas de bénéfices des revenus générés par les champs de pétrole. Au contraire, ils le payent chèrement avec leurs vies", selon lui. Une récitation ou un chant qu'il semble avoir bien assimilé les paroles.
Mine de rien, cette manœuvre du JEM a réussi à torpiller le sommet de Syrte obligeant le guide de la révolution libyenne, Mouammar Kadhafi, hôte du sommet à clarifier les choses en ces termes en même temps qu'il lançait un ultimatum à la communauté internationale : "Les Nations Unies et l'UA qui sont chargés de trouver une issue à la guerre civile du Darfour risquent d'échouer dans la résolution d'un conflit tribal. Le rôle principal de l'ONU est de résoudre les conflits entre Etats et pas entre populations d'un même Etat" (…) "L'internationalisation et la politisation des conflits internes sont comme de l'huile sur le feu et ne font qu'empirer les choses", soutient Kadhafi.
Selon un accord (ONU, UA, Soudan), les deux organisations internationales s'apprêtent à mener au Soudan une opération dite hybride consistant en l'envoi de 20 000 soldats. Mais une analyse simple permet de comprendre que pour la paix dans leur pays, les Soudanais ne doivent compter sur eux-mêmes en évitant toutes les manipulations de toutes sortes. Pour cela, ils ont des choses à apprendre à la Côte d'Ivoire de Laurent Gbagbo qui a échappé à tous les pièges pour acquérir leur réconciliation à l'ombre de l'arbre à palabre.
Pour savoir que le Darfour est un grossier prétexte pour assouvir des desseins inavoués, il faut observer d'autres conflits en Afrique qui n'intéressent plus personne parce que l'enjeu géostratégique a tout simplement disparu alors que les morts y sont comptées par millions. Je prends le cas du conflit dit des Grands lacs dans lequel on dénombre près de 3 millions de déplacés et plus d'un million et demi de morts, mais qui laisse parfaitement indifférent les puissances. Tout simplement parce que les minerai du Zaïre avaient déjà été pillé sous Mobutu et que le Rwanda et le Burundi ne déclinent aucune ressource naturelle.
Je prends sur moi de publier à la fin de cette analyse certaines photos insoutenables du conflit des grands Lacs. Des images que je détiens depuis plusieurs années et que je n'avais pas voulu publier pour ne pas à mon tour renforcer les clichés. Peut-être que, comme dans un vaccin, il faut utiliser des photos tels des germes neutralisés pour tenter de prévenir le mal. C'est pourquoi je les publie en m'excusant auprès des ceux qu'ils vont choquer. Ils sauront au moins que le Darfour n'est pas la seule région africaine qui est meurtrie par les conflits et que l'Afrique n'est pas la seule région du monde dans cette situation.

Etienne de Tayo
Promoteur du réseau de journalistes pour l'intégrité en Afrique "Afrique Intègre"
Sites consultés :
http://www.rfi.fr/
http://www.afp.fr/
http://www.yahoo.fr/
http://www.liberation.fr/



AUCUN CONGOLAIS, AUCUN ETRE HUMAIN NE MERITE CECI :







































RDCONGO RWANDA BURUNDI CONGO RCAFRIQUE





Crédit photos





Daniel LUNGY OKIT'ONDJO
Spécialiste en matière Politique pour la Région des Grands Lacs
(République Démocratique du Congo,Rwanda,Burundi,
Congo Brazzaville et République Centrafricaine)
Président des Combattant pour la Liberté
Diaspora Europe
Allemagne