lundi 4 juin 2007

LES ETATS-UNIS EN AFRIQUE : "J'AI CHANGE"!

Si les Etats-Unis étaient une personne physique, ils diraient devant un parterre d’Africains : « J’ai changé », un peu comme Nicolas Sarkozy le dirait aux militants de son parti. Tant l’approche du pays de George Bush dans sa coopération avec l’Afrique a connu de profondes mutations.
Le 08 novembre 2006, le président George Bush a nommé Mme Cindy Courville, représentante des Etats-Unis auprès de l’union africaine. Et pour mesurer l’importance stratégique croissante que revêt désormais l’Afrique dans la politique étrangère américaine, il est intéressant de savoir que Mme Courville a été « la principale conseillère du président George Bush en matière d’affaires africaines au sein du conseil national de sécurité ».
Cette nomination, doublée d’un renforcement significatif de la présence militaire américaine en Afrique montre bien que les Etats-Unis ne veulent plus rester en marge du festin africain. Elle marque aussi un changement radical dans la politique africaine des Etats-Unis.
Pendant longtemps, les Etats-Unis fonctionnaient en Afrique selon cette vieille règle édictée par George Washington : « Notre grande règle de conduite envers les nations étrangères est d’étendre les relations commerciales afin de n’avoir avec elles qu’aussi peu de liens politique qu’il est possible ». Cette philosophie, connue sous le nom de l’isolationnisme connaîtra ses heures de gloire sous le président James Monroe. Cette philosophie tenait à marquer sa spécificité par rapport à ce qui se passait en Europe et qu’on n’hésitait pas outre atlantique de n’y voir rien moins qu’une pure barbarie : « Le mode d’impérialisme américain diffère du mode européen. Il est fondé sur l’exportation des valeurs aussi bien marchandes que culturelles et ne provoqua pas la perte de souveraineté des pays. Sa mission est de civiliser le monde et de le rendre à son image ».
Toutes ces contraintes avaient fait que la politique américaine en Afrique soit par moment teinté d’une prudence incompréhensible. Tout se passait comme s’il leur fallait obtenir l’autorisation des pays colonialistes pour réellement s’impliquer. En novembre dernier, j’avais eu l’occasion de poser la question à un responsable du département d’Etat, si les Etats-Unis avaient besoin de la permission de la France par exemple pour prendre pied fermement dans un pays francophone. Il a eu cette réponse un peu irritée : « Nous n’avons aucune permission à obtenir de la France. Lorsque nous jugeons l’intervention nécessaire, nous y allons. Nos services ont toujours eu la peine à travailler avec les services français parce qu’ils sont trop cachottiers, trop mystérieux là où les problèmes peuvent être traités ouvertement. Nous avons du mal à fonctionner dans cet environnement de tout secret là ».
Mais ce qu’il faut savoir, c’est que, jusque là, les interventions américaines en Afrique étaient tout sauf une entreprise empreinte de cohérence et de suivi. Cette démarche était marquée par une insuffisance grave : l’incapacité à gagner la paix après avoir gagné la guerre. Lorsque ses intérêts le lui dictaient, les Etats-Unis renversaient un régime mais était incapable de conduire le pays sur la voie de la réconciliation par exemple.
Dans les années 60 et 70 les interventions américaines en Afrique étaient essentiellement guidées par les préoccupations d’ordre géostratégiques liées à la guerre froide. Il fallait à chaque fois soutenir l’adversaire de l’union soviétique, qu’il soit le régime en place ou l’opposition armée. Mais ces interventions dégageaient déjà une forte odeur de fuel. C’étaie en Angola où ils soutenaient le rebelle Jonas Savimbi contre le régime communiste d’Agostino Neto et de José Edouardo Dos Santos. C’était en Afrique du Sud où ils soutenaient le régime d’apartheid contre l’African National Congress (ANC) jugée trop à gauche. C’était au Zaïre où ils participèrent du reste de manière passive à l’élimination de Patrice Lumumba, jugé radical communiste pour le remplacer par Joseph Désiré Mobutu. C’était au Soudan où ils soutenaient déjà John Garang contre les régimes de Khartoum soupçonnés d’islamisme. C’était enfin dans la corne de l’Afrique où il fallait sécuriser la voie de passage du pétrole du golfe persique.
Mais jusque là, les Etats-Unis avaient une approche par trop pragmatique de leur politique étrangère. C’était la real politik à l’état pur. En effet, lorsque les intérêts ayant présidés à l’intervention n’étaient plus en jeu, ils pliaient tout simplement bagages et n’hésitaient pas à sacrifier les personnes qu’ils avaient soutenu contre les régimes en place ou celles qu’ils avaient réussi à placer au pouvoir. C’est ainsi qu’avec la fin de la guerre à l’aube des années 90 et alors qu’ils ne voyaient plus d’intérêt à soutenir des rébellions contre des régimes qui ne constituaient plus une menace communiste, la plupart des protégés des Etats-Unis ont été tout simplement liquidés. C’est le cas de Jonas Savimbi en Angola abattu dans son fief de Ouambo, c’est aussi le cas de John Garand tué dans son Sud Soudan. Par ailleurs, les régimes soutenus par les Etats-Unis pour contrer le communisme avaient été eux aussi lâché. C’est pourquoi le régime d’apartheid d’Afrique du Sud est tombé comme un fruit mûr et que, ironie du sort, Joseph Désiré Mobutu, placé au pouvoir au début des années 60 en récompense de son rôle joué dans l’assassinat de Patrice Lumumba, a été chassé du pouvoir par une colonne venue du Rwanda, présenté comme le nouveau point d’appuie des Etats-Unis en Afrique centrale : « Les Etats-Unis savent développer des stratégies guerrières pour chasser des régimes qu’ils jugent non démocratiques. Et ils peuvent le faire parfois en toute bonne foi. Mais ne leur demandez pas de mettre en place une stratégie pour gérer la paix. Là, ils sont carrément inaptes », rapporte un expert. Selon lui d’ailleurs, c’est cette démarche un peu cavalière en Afghanistan qui aurait retourné Oussama Ben Laden pour en faire le terroriste anti-américain qu’on connaît aujourd’hui. Il n’aurait pas apprécié le désengagement américain de l’Afghanistan après la chute du communisme.
Aujourd’hui, avec son implication directe par la nomination d’une représentante auprès de l’union africaine, les Etats-Unis changent certainement de cap et on veut croire que rien ne sera plus comme avant en Afrique.

Par Etienne de Tayo

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