Il y a des concepts qui émergent souvent du débat sur le développement et finissent par emballer l'opinion, embrouiller les experts ou enfler la polémique sans pour autant amorcer un début de résolution du problème posé. Juste de quoi tromper les naïfs et continuer dans la même lancée comme si de rien n'était. Le système des Nations Unies est ainsi passé maître dans l'art d'inventer ces mots génériques.
Il en est ainsi des concepts tels sous-développement, développement durable, gouvernance, société de l'information. Dans la pratique, ce sont des expressions d'apparence généreuses mais qui servent plutôt, comme des commissions dans des systèmes bureaucratiques, à enterrer une problématique.
En France aujourd'hui, c'est le concept de co-développement qui fait courir autant les institutionnels que certaines organisations non gouvernementales. A l'origine, cette expression n'était pas du tout connotée. Elle pouvait même se permettre dans sa définition une certaine dimension généreuse. Il s'agissait pour ses géniteurs d'améliorer les termes de l'échange en achetant les produits des pays en développement à leur juste prix afin de permettre à ces pays d'enclencher leur développement grâce aux revenus substantiels générés par cette équité dans les échanges. A ce titre, l'expression était plus proche du commerce équitable par exemple.
En clair, il s'agit de promouvoir une certaine justice dans les échanges internationaux qui permettra à terme aux Etats du monde de se développer ensemble. Ce qui pour les puristes des questions du développement, avait déjà quelque chose de chimérique. Parce que, soutiennent-ils, le système international est une jungle dans laquelle les plus forts se nourrissent et se sont toujours nourris des plus faibles.
Dans un premier temps, l'expression co-développement est récupérée par la droite et même l'extrême droite française qui lui donne une première explication et lui fixe des objectifs. Il s'agit dans leur tête certes d'aider les pays en développement à se développer mais dans le but de retenir chez eux les vagues d'immigrés potentiels et de parvenir à un accord avec les migrants candidats au retour volontaire dans leur pays en leur attribuant une sorte de prime de retour. C'est dans ce cadre qu'a été mis sur pied en France le Groupe d'appui à la micro entreprise (Game), ainsi que le programme migrations et initiatives économiques (Pmie). D'un autre coté, les migrants qui disposent d'un réseau de relations en France devaient faire reposer sur ce réseau des projets de développement en direction de leurs pays d'origine.
Comme l'explique David Matis dans un article, "le GAME a été mis en place pour rédiger le guide "Se réinstaller et entreprendre au pays". Aujourd’hui, il réunit dix opérateurs spécialisés dans l’appui aux initiatives économiques des migrants. Le GAME est animé par le Programme Migrations et Initiatives Economiques (PMIE), auprès duquel chaque organisme soutient les dossiers de retour des migrants pour un financement. Cet appui est destiné aux personnes souhaitant rentrer au Mali, au Sénégal ou en Mauritanie et faisant appel au Programme de Développement Local Migration (PDLM). Les sommes accordées vont de 4000 euros pour le Sénégal et la Mauritanie, jusqu’à 7000 euros pour le Mali. Outre la subvention, un suivi de gestion est assuré pendant la première année d’installation par un opérateur local. Le PMIE offre une bourse d’étude de faisabilité qui va de 1300 euros (Sénégal et Mauritanie) à 1500 pour le Mali. Pour les autres pays, d’autres organismes partenaires du PMIE pourront aider les personnes à préparer leur projet en France et à trouver des contacts dans le pays d’accueil. Créé en 1996, le PMIE est soutenu par le ministère de l’Emploi et de la Solidarité et par le ministère des Affaires étrangères. Il a permis à 600 migrants de se réinstaller et de créer leur entreprise. Et c’est l’OMI (Office des Migrations Internationales) devenu l'ANAEM (Agence Nationale pour l'Accueil des Etrangers et des Migrations) qui verse la subvention".
Dans un second temps, les penseurs du co-développement à la française ont jeté leur dévolu sur les transferts des migrants. Il s'agit des flux financiers des migrants en direction de leurs pays d'origine. Pour les organisateurs du séminaire "Midi de la micro finance Transferts des Migrants " c'est une vraie aubaine. Ils révèlent par exemple que "pour de nombreux pays africains, les transferts de fonds des émigrés sont devenus un enjeu socioéconomique déterminant. L’importance des flux financiers migrants se reflète à plusieurs niveaux et vise en priorité :
· à pallier aux faiblesses des ressources de la famille restée au pays, notamment pour faire face aux dépenses de consommation courante (75% du volume total des transferts),
· à contribuer indirectement au financement des infrastructures et aménagements de base sur le territoire d’origine (notamment garantir un accès à l’eau potable, à l’électricité)".
D'autres démarches sont faites auprès des agences de transfert des fonds pour obtenir des taux préférentiels au bénéfice des migrants. En 2003, le ministère français de l'intérieur par la voie de Nicolas Sarkozy en visite au Sénégal, envisagea d'ailleurs la création d'un organisme de transfert de fonds en direction du Sénégal avec pour objectif, d'exercer une certaine concurrence sur le leader du secteur l'américain Western Union dont les taux de commission étaient jugés prohibitifs. Mais les migrants y trouvaient plutôt une "proposition superflue" car disaient-ils, le réseau comprend déjà suffisamment d'établissement de transfert qu'il faut juste soutenir.
A MALIN, MALIN ET DEMI
Beaucoup d'espoirs étaient attachés à ces démarches qui étaient menées par les autorités françaises au plus haut niveau. Mais très vite, elles se rendront compte de leur inefficacité par rapport à l'objectif qui les tenait à cœur, à savoir, la décrue de l'immigration. Elles se sont rendues compte que beaucoup de bénéficiaires de l'aide au retour étaient revenu s'installer en France après un bref séjour dans leur pays d'origine.
De leur coté, échaudées par le rapprochement entre les concepts de co-développement et les concepts de l'immigration et même de l'identité nationale, les ONG panafricaines ont commencé à prendre leurs distance par rapport au co-développement et tous les bienfaits qui lui étaient attachés. Mieux, elles ont trouvé une nouvelle définition au concept. Selon elles, le co-développement signifie l'apport des migrants au développement de la France. Cet apport s'évaluant en terme de travail accompli et d'impôts divers payés en France. Un responsable d'ONG résume ainsi la question : "Il est prouvé aujourd'hui qu'un migrant renvoie l'équivalent d'un tiers de son revenu mensuel dans son pays d'origine. Le reste des deux tiers sont dépensés en France pour la consommation courante et le paiement des impôts. Qu'on me dise alors qui finance qui dans ce cas", s'interroge t-il.
Dans un retour de bâton magistral, beaucoup de responsables d'ONG africaines pensent d'ailleurs que, contrairement à l'idée répandue, c'est plutôt la France qui serait redevable à l'Afrique et aux migrants. Le terme co-développement perdra définitivement sa crédibilité aux yeux de certains africains lorsqu'il viendra comme édulcorant dans un cocktail proposé par le candidat Nicolas Sarkozy et comprenant déjà les termes immigration et identité nationale.
Aujourd'hui, le co-développement continue de mijoter dans la grande marmite qu'est le tout nouveau ministère de l'immigration de l'identité nationale et du co-développement. Autour du feu de Brice, attendent plusieurs partenaires dont curieusement certaines ONG qui étaient pourtant aux premières lignes des manifestations contre le ministère qu'a finalement hérité Brice Hortefeux. Tous, ils sont curieux de savoir ce qui en sortira. Certainement, de façon très parcimonieuse, on distribuera quelques aides pour quelques projets boiteux en Afrique en attendant que des personnes aux idées toujours originales trouvent d'autres concepts et qu'on remette le film à la fin du générique.
Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"
Sites visités :
http://www.place-publique.fr/
http://www.microfinance.lu/
En France aujourd'hui, c'est le concept de co-développement qui fait courir autant les institutionnels que certaines organisations non gouvernementales. A l'origine, cette expression n'était pas du tout connotée. Elle pouvait même se permettre dans sa définition une certaine dimension généreuse. Il s'agissait pour ses géniteurs d'améliorer les termes de l'échange en achetant les produits des pays en développement à leur juste prix afin de permettre à ces pays d'enclencher leur développement grâce aux revenus substantiels générés par cette équité dans les échanges. A ce titre, l'expression était plus proche du commerce équitable par exemple.
En clair, il s'agit de promouvoir une certaine justice dans les échanges internationaux qui permettra à terme aux Etats du monde de se développer ensemble. Ce qui pour les puristes des questions du développement, avait déjà quelque chose de chimérique. Parce que, soutiennent-ils, le système international est une jungle dans laquelle les plus forts se nourrissent et se sont toujours nourris des plus faibles.
Dans un premier temps, l'expression co-développement est récupérée par la droite et même l'extrême droite française qui lui donne une première explication et lui fixe des objectifs. Il s'agit dans leur tête certes d'aider les pays en développement à se développer mais dans le but de retenir chez eux les vagues d'immigrés potentiels et de parvenir à un accord avec les migrants candidats au retour volontaire dans leur pays en leur attribuant une sorte de prime de retour. C'est dans ce cadre qu'a été mis sur pied en France le Groupe d'appui à la micro entreprise (Game), ainsi que le programme migrations et initiatives économiques (Pmie). D'un autre coté, les migrants qui disposent d'un réseau de relations en France devaient faire reposer sur ce réseau des projets de développement en direction de leurs pays d'origine.
Comme l'explique David Matis dans un article, "le GAME a été mis en place pour rédiger le guide "Se réinstaller et entreprendre au pays". Aujourd’hui, il réunit dix opérateurs spécialisés dans l’appui aux initiatives économiques des migrants. Le GAME est animé par le Programme Migrations et Initiatives Economiques (PMIE), auprès duquel chaque organisme soutient les dossiers de retour des migrants pour un financement. Cet appui est destiné aux personnes souhaitant rentrer au Mali, au Sénégal ou en Mauritanie et faisant appel au Programme de Développement Local Migration (PDLM). Les sommes accordées vont de 4000 euros pour le Sénégal et la Mauritanie, jusqu’à 7000 euros pour le Mali. Outre la subvention, un suivi de gestion est assuré pendant la première année d’installation par un opérateur local. Le PMIE offre une bourse d’étude de faisabilité qui va de 1300 euros (Sénégal et Mauritanie) à 1500 pour le Mali. Pour les autres pays, d’autres organismes partenaires du PMIE pourront aider les personnes à préparer leur projet en France et à trouver des contacts dans le pays d’accueil. Créé en 1996, le PMIE est soutenu par le ministère de l’Emploi et de la Solidarité et par le ministère des Affaires étrangères. Il a permis à 600 migrants de se réinstaller et de créer leur entreprise. Et c’est l’OMI (Office des Migrations Internationales) devenu l'ANAEM (Agence Nationale pour l'Accueil des Etrangers et des Migrations) qui verse la subvention".
Dans un second temps, les penseurs du co-développement à la française ont jeté leur dévolu sur les transferts des migrants. Il s'agit des flux financiers des migrants en direction de leurs pays d'origine. Pour les organisateurs du séminaire "Midi de la micro finance Transferts des Migrants " c'est une vraie aubaine. Ils révèlent par exemple que "pour de nombreux pays africains, les transferts de fonds des émigrés sont devenus un enjeu socioéconomique déterminant. L’importance des flux financiers migrants se reflète à plusieurs niveaux et vise en priorité :
· à pallier aux faiblesses des ressources de la famille restée au pays, notamment pour faire face aux dépenses de consommation courante (75% du volume total des transferts),
· à contribuer indirectement au financement des infrastructures et aménagements de base sur le territoire d’origine (notamment garantir un accès à l’eau potable, à l’électricité)".
D'autres démarches sont faites auprès des agences de transfert des fonds pour obtenir des taux préférentiels au bénéfice des migrants. En 2003, le ministère français de l'intérieur par la voie de Nicolas Sarkozy en visite au Sénégal, envisagea d'ailleurs la création d'un organisme de transfert de fonds en direction du Sénégal avec pour objectif, d'exercer une certaine concurrence sur le leader du secteur l'américain Western Union dont les taux de commission étaient jugés prohibitifs. Mais les migrants y trouvaient plutôt une "proposition superflue" car disaient-ils, le réseau comprend déjà suffisamment d'établissement de transfert qu'il faut juste soutenir.
A MALIN, MALIN ET DEMI
Beaucoup d'espoirs étaient attachés à ces démarches qui étaient menées par les autorités françaises au plus haut niveau. Mais très vite, elles se rendront compte de leur inefficacité par rapport à l'objectif qui les tenait à cœur, à savoir, la décrue de l'immigration. Elles se sont rendues compte que beaucoup de bénéficiaires de l'aide au retour étaient revenu s'installer en France après un bref séjour dans leur pays d'origine.
De leur coté, échaudées par le rapprochement entre les concepts de co-développement et les concepts de l'immigration et même de l'identité nationale, les ONG panafricaines ont commencé à prendre leurs distance par rapport au co-développement et tous les bienfaits qui lui étaient attachés. Mieux, elles ont trouvé une nouvelle définition au concept. Selon elles, le co-développement signifie l'apport des migrants au développement de la France. Cet apport s'évaluant en terme de travail accompli et d'impôts divers payés en France. Un responsable d'ONG résume ainsi la question : "Il est prouvé aujourd'hui qu'un migrant renvoie l'équivalent d'un tiers de son revenu mensuel dans son pays d'origine. Le reste des deux tiers sont dépensés en France pour la consommation courante et le paiement des impôts. Qu'on me dise alors qui finance qui dans ce cas", s'interroge t-il.
Dans un retour de bâton magistral, beaucoup de responsables d'ONG africaines pensent d'ailleurs que, contrairement à l'idée répandue, c'est plutôt la France qui serait redevable à l'Afrique et aux migrants. Le terme co-développement perdra définitivement sa crédibilité aux yeux de certains africains lorsqu'il viendra comme édulcorant dans un cocktail proposé par le candidat Nicolas Sarkozy et comprenant déjà les termes immigration et identité nationale.
Aujourd'hui, le co-développement continue de mijoter dans la grande marmite qu'est le tout nouveau ministère de l'immigration de l'identité nationale et du co-développement. Autour du feu de Brice, attendent plusieurs partenaires dont curieusement certaines ONG qui étaient pourtant aux premières lignes des manifestations contre le ministère qu'a finalement hérité Brice Hortefeux. Tous, ils sont curieux de savoir ce qui en sortira. Certainement, de façon très parcimonieuse, on distribuera quelques aides pour quelques projets boiteux en Afrique en attendant que des personnes aux idées toujours originales trouvent d'autres concepts et qu'on remette le film à la fin du générique.
Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"
Sites visités :
http://www.place-publique.fr/
http://www.microfinance.lu/
1 commentaire:
Une analyse limpide et pleine d'audace
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