jeudi 25 octobre 2007

NON, WATSON NE PEUT PAS AVOIR RAISON... MÊME SI CELA ETAIT VRAI



J'ai lu avec une attention soutenue l'analyse du chroniqueur Xavier Messè publié dans l'édition du quotidien "Mutations" du 24octobre 2007et intitulé : "Et si Watson avait raison?". J'ai apprécié ce coup de gueule d'un aîné de la profession. Et pour avoir moi-même publié un ouvrage qui est un coup de gueule [Pour la Dignité de l'Afrique, laissez-nous crever, Menaibuc 2006], j'ai compris ce qu'il pouvait ressentir en laissant couler l'encre, que dire, le fiel de son stylo sur une feuille ou en pianotant sur un clavier d'ordinateur : la rage.
Lorsque Xavier Messe délivre le coup de gueule, c'est qu'il s'est posé la question que toute personne étant parvenue à la phase presque achevée de la prise de conscience se pose : "Mais ces Noirs! Comment se fait-il que dans un monde où les blancs, les jaunes, les rouges ont réussi à tirer leur épingle du jeu, ils continuent à stagner et même à s'enfoncer".
Quand on se pose cette question salvatrice, la première réaction c'est de faire jouer l'adage qui voudrait que "qui aime bien châtie bien". D’où le propos assez trempé et même iconoclaste. Après avoir posé cette question, on court aussi le risque de tomber dans l'autoflagellation et même la haine de soi. Et du coup, surtout pour le cas Watson, on se trouve en train de jouer le jeu des autres, c'est-à-dire les tenants du discours raciste européocentriste.
Quel est même le problème? Le problème est celui de James Watson, un médecin généticien, prix Nobel de médecine 1962 parce que codécouvreur de l'ADN. Dans un entretien accordé à Charlotte Hunt Grubbe, une de ses parente, pour le journal "The Sunday Times", il a tenu ces propos à la fois incohérents et contradictoires : "Toutes nos politiques d'aide (à l'Afrique) sont fondées sur le fait que leur (Africains) intelligence est la même que la nôtre" (…) "Les gens qui ont des employés noirs découvrent que ce n'est pas vrai" (…) "Beaucoup de gens de couleur (désignation des Noirs) sont très talentueux. Mais ne leur donnez pas une promotion quand ils n'ont fait leur preuve au niveau inférieur". Ce sont donc ces propos qui ont inspiré le titre accrocheur suivant dans "The Sunday Times" et repris par "The Independant" : "Les Africains sont moins intelligents que les occidentaux"
En fait, Watson qui a quand même 79 ans – et qui est père d'un enfant atteint de retard mental - n'a presque rien dit si ce n'est de la provocation gratuite. Il est d'ailleurs un récidiviste en la matière. On peut d'ailleurs constater qu'il se contredit. Et pourtant ces propos ont fait le tour du monde. On ne saura jamais qui de lui ou de la journaliste a voulu faire le coup médiatique. Je sais qu'à l'âge de Watson, certaines personnes, atteintes de sénilité, deviennent capricieuses et veulent qu'on parle d'elles. Est-ce le cas de Watson? Il fallait donc éviter le piège.
Bien que choqué par cette polémique, je n'avais pas voulu intervenir, pour ne pas faire la publicité à une déclaration que je considérais comme le champ de cygne d'un vieux sénile qui est en train de partir. Voici ce que j'écrivais dans un forum sur Internet lorsque un des membres du réseau de réagir aux propos de Watson :
"Je pense que diffuser des lectures comme celles-ci et surtout prendre la responsabilité de demander aux autres de les diffuser largement c'est être complice de ceux qui les ont créées. Cette posture du Noir qui veut prouver "qu'il est" est tout simplement regrettable. Pour moi le Noir n'a rien à prouver et ignorer les écrits comme celle-ci est une attitude sage. "Chers frères et soeurs, prouvons leur que ce qu'ils disent est faux". Où prendrons-nous ce temps pour prouver ce qui sinon sur le temps qui devait nous servir à s'affirmer et à progresser. Je crois qu'il faut aux modérateurs du redid beaucoup plus de vigilance. Sinon, certaines personnes, par naïveté ou par complicité continueront à perdre le temps aux Noirs. Vous ne voyez pas qu'il y en a un peu trop de synchronisation dans cette entreprise pernicieuse pour les Noirs (africains surtout)? Après le discours de Dakar, c'est le généticien américain James Watson qui dit que les Noirs sont moins intelligents que les Blancs, maintenant ce sont les Noirs qui ne lisent pas et on demande aux Noirs de réagir pour prouver qu'ils lisent. C'est ridicule. Wole Soyinka l'avait dit : "Un tigre n'est pas là pour prouver sa tigritude. Il attrape sa proie et la mange". Et ceux qui ne l'avaient pas compris sauront alors qu'un tigre est passé par là". Mais voilà que Xavier Messè m'oblige à changer d'avis.


LA TRAHISON SENGHORIENNE


D'entrée de jeu, Xavier Messè tente de faire passer la pilule de Léopold Sédar Senghor, "un Noir très occidentalisé" qui déclara que : "L'émotion est nègre et la raison hellène". Il trouve d'ailleurs qu'à l'époque Senghor avait presque fait l'unanimité puisqu'il affirme dans son article que : "Seul son compatriote Cheikh Anta Diop tenta de démontrer sans trop convaincre le contraire des affirmations de Senghor".
Ce qu'il faut dire ici, c'est que Senghor fait partie de la race des Noirs qui se sont laissés éblouir par la brillance de la civilisation occidentale. Ce qui est compréhensible parce que, lorsqu'on arrive en Occident, si on n'est pas psychologique fort ou qu'on ait appris à relativiser les choses, on tombe en extase devant les acquis du matérialisme occidental. Senghor a donc voulu trouver une explication à cela et il a donc trouvé cette grossièreté scientifique. C'est une grossièreté parce qu'elle n'a jamais été démontrée scientifiquement. Senghor a pu dire que le Noir n'était qu'émotion et le blanc que raison. Or, ce n'est pas vrai. On ne peut être seulement émotion ou seulement raison. On est toujours les deux à la fois. Et ce n'est qu'une question de dosage ou une question de priorité.
Il se trouverait que face à un problème, peut-être du fait de sa proximité avec la nature, peut-être à cause du mode d'organisation fondé sur le relationnel et la familiarité, le nègre fasse passer l'émotion avant la raison. De même, face à un problème, le blanc, qui a depuis dépassé les formes originelles des relations humaines fait passer la raison avant l'émotion. Il faut prendre des exemples simples pour le comprendre : Lorsque vous êtes demandeur d'emploi et que vous vous pointé chez un patron européen, il regarde ses capacités d'embauche et vous répond sèchement et de façon mécanique qu'il ne peut pas vous embaucher. Mais si vous étiez en Afrique et que vous alliez chez un patron Noir qui lui aussi ne peut pas vous embaucher, il prendra quand même quelques minutes pour partager votre peine : "Ouais, j'ai vu que vous aviez une femme et des enfants, comment vous allez faire alors?", vous dira t-il. Un autre exemple : En France, si un employé s'absente à son travail pour deux jours et revient le troisième jour annoncer que son enfant était malade et qu'il vient de décéder, on l'invitera à passer chez le DRH pour son solde de tout compte, c'est-à-dire le licenciement. En Afrique, une personne revient dans les mêmes conditions, son patron l'écoutera, compatira avec lui et peut-être même ira l'aider à enterrer son fils. Il ne sera certainement pas licencié. Voilà l'observation que Senghor a voulu maladroitement théoriser.
Si les affirmations de Senghor ont eu l'écho qu'elles ont eu, c'est parce qu'elles mettaient de l'eau au moulin de la pensée raciste européocentriste qui tendaient à faire du nègre, un être inférieur. Il faut dire qu'à la même époque des théoriciens du racisme comme Gobineau, Renan, Hegel, Tempels avaient le vent en poupe. Il fallait justifier la colonisation et toutes les autres formes d'asservissement qui étaient dirigées vers les Noirs.
Prenons un autre cas de la haine de soi pour expliquer cet état de fait. Le livre de Gaston Kelman intitulé : "Je suis Noir et je n'aime pas le manioc" [Ed. Max Milo, 192p]. Pourquoi ce livre a eu beaucoup de succès en France auprès des lecteurs français? Tout simplement parce qu'il rejoignait les thèses assimilatoire du mode d'intégration à la française. Cette thèse veut que pour être français, il faudrait abandonner toutes les "cochonneries" alimentaires de chez soi pour épouser la mode gastronomique française. Quand on est Français, on aime la baguette et le fromage. On ne peut pas être Français et manger les bâtons de manioc ou les "mitoumba" et la pâte d'arachide (Namewondo) ou encore le mets de pistache. Gaston Kelman qui est un Bourguignon et Noir a donc porté ce message autoflagellatoire mais très porteur justement parce qu'il est Noir. La haine de soi, comme l'explique Ferdinand Ezembe, pousse celui qui l'use à "blâmer la victime et à comprendre le bourreau".
Plus tard, lorsque Axel Kabou écrit son ouvrage intitulé : "Et si l'Afrique refusait le développement" [Harmattan, 1991, 208p], il connaît lui aussi un très grand succès en France et même au-delà. Dans cet ouvrage, elle tente de démontrer que les mentalités africaines sont incompatibles avec l'idée du développement. C'est une approche qui n'est pas très loin de celle génétique de Watson. Et si elle rencontre le succès, c'est parce qu'il y a en France une pensée néocoloniale qui tente depuis de démontrer l'incapacité presque congénitale de l'Africain à s'assumer. Ceci toujours dans la perspective d'une recolonisation. Dans la vie, il faut faire attention de ne pas jouer le jeu des intérêts qu'on ne maîtrise pas.
La haine de soi dont il est question ici peut prendre des contours parfois dramatique. C'est le cas d'un couple d'Africains qui croyaient avoir réussi leur intégration en France en se décapant, aussi bien la femme que l'homme. Et lorsqu'ils se regardaient dans le miroir, ils n'avaient plus rien de Noir sur eux, à part bien sûr les cheveux qu'ils pouvaient toujours teindre en gris. Tout allait donc bien jusqu'à ce qu'ils aient un enfant. Et en prenant de l'âge, l'enfant a épousé la couleur originelle de ses parents. C'est ainsi que les deux parents ont commencé à détester leur enfant considéré comme le mouton noir de la famille, celui par qui les malheurs peuvent entrer dans la famille. L'histoire ne dit pas ce qu'ils avaient finalement fait de leur enfant, mais le drame était déjà là.

ANTA DIOP – SENGHOR : LE JOUR ET LA NUIT

S'agissant de Cheikh Anta Diop, il faut tout de suite affirmer qu'il n'a jamais tenté de démontrer quoi que ce soit sur les affirmations de Senghor, les deux n'évoluant pas sur le même registre. Il a plutôt agi dans le domaine de l'historiographie dont il a tenté de changer le paradigme d'observation et d'explication. Il l'a fait avec un succès certain. C'est une œuvre qui demande à être complétée. Contrairement aux autres dont Xavier Messè, qui veulent faire commencer l'histoire du monde au siècle des lumières ou à celui de la Renaissance – c'est-à-dire au moment où l'Europe prenait son envol et soumettait les autres peuples à l'esclavage – Cheikh Anta Diop remonte le cour de l'histoire pour se retrouver à l'Egypte pharaonique, là où les plus grands philosophes grecs sont venus s'abreuver du savoir des prêtres égyptiens.
Pourquoi je trouve que Watson n'a pas raison? Tout simplement parce qu'il n'est pas la personne indiquée, n'appartenant pas au groupe qu'il stigmatise. Il n'est pas la bonne personne pour sonner le tocsin. J'ai envie de lui dire : De quoi je me mêle? Puisqu'il n'est pas Africain, puisqu'il n'est pas Noir et qu'il ne le sera plus jamais, le coup de gueule de Watson, même s'il est sincère, produit automatiquement l'effet contraire à l'objectif qu'il veut atteindre. Au lieu de sortir le Noir de sa torpeur comme il pourrait le penser, son coup de gueule va le heurter, le blesser et l'humilier. Il risque le condamner dans une posture fataliste et finalement corvéable.
Lorsqu'on s'adresse aux membres d'un groupe auquel on n'appartient pas en des termes dégradants, on ne peut pas échapper à l'accusation de racisme. Mais si vous adressez les mêmes propos aux membres de votre groupe, vous serez au pire taxé de traîtrise ou de conduites autoflagellatoires. Au mieux, on parlera d'un amour mal exprimé. C'est un linge sale que vous lavez en public. Le reproche à vous faire sera de la laver en famille la prochaine fois. Donc, pour parler des Noirs en des termes dégradants, il faut que Watson attende mourir et se réincarner dans un corps de Noir pour enfin faire la leçon à ses frères.
Je trouve aussi que Watson n'a pas raison parce que le prétendu retard du nègre n'a rien de scientifique, ni de génétique. Or, c'est ce que Watson a tenté de démontrer avec toute l'autorité scientifique que lui offre son titre de prix Nobel de médecine. Watson est de mauvaise foi parce qu'on ne peut pas arriver à ce niveau et continuer à tirer les conclusions dès les prémisses. Schématiquement, voici ce qu'il démontre : Tous les 5 Noirs recrutés dans une entreprise ont été incapables de faire un travail pourtant très simple. Les 5 blancs recrutés à la suite l'ont fait avec une facilité inégalable. Alors, on déduit : Les Noirs sont moins intelligents que les blancs. Dans quelle population statistique? Quel échantillon? Avec quels instruments de mesure ou d'analyse? Voilà des questions incontournables qui se posent à Watson en tant qu'intellectuel. C'est d'ailleurs le minimum, s'agissant d'un sujet aussi sensible que la génétique.

A CHACUN SON RYTHME

Mais revenons dans le texte de Xavier Messè et prenons le passage où il part le du siècle de lumières pour voir comment lui aussi s'extasie devant les découvertes de cette période. Mais pourquoi, il s'arrête aux lumières alors que l'histoire nous apprend que 6000 ans avant JC, une civilisation tout éblouissante s'était construite sur les bords du Nil. Qu'est-il arrivé à cette civilisation? Et à cette époque, où étaient les ancêtres de ceux qui vont faire le siècle des lumières? Tout simplement pour dire que lorsqu'on aborde ces problèmes sans relativiser, on tombe fatalement dans des excès ou on pèche par naïveté. Malheureusement, la vie de l'homme est si brève pour observer et expliquer certains phénomènes. Mais ce n'est pas l'objet du débat.
Convenons avec Xavier Messè que le siècle des lumières est le siècle fondateur de la civilisation vers laquelle nous tendons tous aujourd'hui. Mais ce siècle ne tombe pas du ciel. Il est l'œuvre d'un peuple qui a souffert jusqu'à la putréfaction. Avant les lumières, ce peuple européen "connut la peste qui décima plus d'un tiers de sa population. Il connut la guerre de 100 ans et plusieurs autres calamités".
S'il y a eu éclosion culturelle et ensuite la révolution industrielle, c'est parce que les peuples se sont battus contre les philosophes obscurantistes et qu'ils ont réussi à mettre la raison au dessus de toutes les formes de pensée. Il fallait se battre contre l'église. Il fallait affronter la terreur des monarchies tout aussi obscurantistes.
Aujourd'hui, l'Afrique fait son petit bonheur de chemin sur la route de l'évolution et du développement. Elle le fait à son rythme, trop lent selon certains. Mais dont les avancées sont perceptibles. Elle le fera selon la voie qu'elle s'est librement donnée. Elle le fera selon son rythme. Elle ne suit personne. Elle ne cherche à rattraper personne. J'ai l'habitude de dire que, lorsqu'on ne va pas au même endroit, lorsqu'on n'est pas attendu à la même heure, on n'est pas obligé d'aller au même rythme. L'Afrique ne demande à personne de s'apitoyer sur son sort surtout pas aux non Africains. Parce que j'ai encore une fois de plus envie de leur demander : De quoi je me mêle?
Fermer les yeux sur les avancées de l'Afrique aujourd'hui sur la voie de son développement est un gros piège dans lequel beaucoup de personnes tombent chaque jour par naïveté. Or, ce discours n'est pas gratuit. Il vise à décourager chez l'Africain toute tentative de se prendre en main. Il vise à l'infantiliser en disant ceci : Puisque vous avez des tares génétiques ne vous permettant pas de vous prendre en main, puisque vous traînez avec vous la malédiction de Cham, laissez donc qu'on vous recolonise, qu'on vous "esclavagise" puisque c'est votre destin. C'est l'objectif de tous les discours catastrophistes sur l'Afrique et de tous les grossiers clichés constamment véhiculés. On veut faire croire que les Africains souffrent plus qu'aucun autre peuple sur la terre n'a jamais souffert. Je ne veux pas insulter ceux qui souffrent, mais reconnaissons que pour arriver aux lumières comme l'affirme Xavier Messè en se laissant éblouir, les occidentaux ont souffert. Pour ne pas remonter trop loin, ils ont connu les barbares, ils ont connu l'autodafé, ils ont connu des rois parfois sanguinaires, ils ont affronté le froid, ils ont connu des guerres qui ont duré parfois cent ans. Et pourtant, ils se sont relevés. Mais quand il s'agit de l'Afrique, on crie à la fatalité et à la malédiction.
L'Afrique connaît un certain nombre de problèmes d'organisation. Elle connaît des problèmes de dictature qui sont aujourd'hui localisés dans un certain nombre de foyer. La responsabilité incombe aux peuples de se libérer. Lorsqu'il l'aura fait, la Renaissance africaine s'imposera d'elle-même. Et la prospérité sera au rendez-vous. Çà, les autres, c'est-à-dire ceux qui sont très prompt à parler de la malédiction africaine le savent très bien. Ils savent que l'Afrique possède l'atout majeur qui est l'attraction quasi magique qu'elle exerce sur ses fils éparpillés sur tous les continents. Ces fils qui aujourd'hui, n'en déplaise à Watson maîtrisent la science dans toutes ses coutures. Mais ceux qui ne le savent pas, continuent de se morfondre, de raser les mûrs, de se haïr et pire, de tuer les mythes africains.

LE CRIME

J'ai eu vraiment un frisson lorsque j'ai lu ce passage du texte de Xavier Messè dans lequel il se permet d'entasser tout ce que l'Afrique a comme mythe humain avant d'y mettre le feu. Ce faisant, il commet un crime irréparable parce que, si les Africains sont ce qu'ils sont aujourd'hui, c'est qu'au cours de l'esclavage et autres périodes d'oppression, leurs mythes avaient été détruits, les privant de repères. Il y a quelques jours, le Président Nicolas Sarkozy a demandé de lire dans toutes les écoles françaises, la lettre d'un jeune résistant communiste Guy Môquet, fusillé par les nazis. C'est ce qu'on appelle entretenir les mythes. Mais les mythes africains, voici ce qu'en fait Xavier Messè :
" Qu’il s’agisse de E.Blyden, de William Willberforce, de W.E.Dubois, de Sylvester- Williams, de George Padmore, de Frantz Fanon, d’Aimé Césaire, ces Noirs des Antilles ou des Etats-Unis; qu’il s’agisse de Kwa me Nkrumah, de Wallace Johnson, de Jomo Kenyatta, de Nnamdi Azikwe dans le continent, toute cette pléiade de penseurs noirs ont passé le clair de leur temps à pleurnicher, à dénoncer l’oppression. Cette rengaine plusieurs fois centenaire est devenue une tradition, voire une espèce de culture. Elle a maintenu le Noir dans une posture que Nietzsche appelle la "perspective de la grenouille", c’est à dire une perspective des gens opprimés pendant des siècles. Ils regardent de bas en haut".
Non Xavier, ce n'est pas juste! Lorsque je vois dans le bûché que tu as dressé, des sommités comme Aimé Césaire, Frantz Fanon, Kwame Nkrumah, en train de brûler parce que, selon toi, "ils ont passé leur temps à pleurnicher", je mesure la profondeur de l'injustice et peut-être de la trahison. Il faut lire Aimé Césaire dans "Discours sur le colonialisme" [Présence africaine, 1955, 60p] il ne pleurniche pas. Il attaque. Il monte au front et il assène des coups. Voici ce que dit Césaire dès les premières lignes de son ouvrage fondateur :
"Une civilisation qui s'avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. Le fait que la civilisation dite "européenne", la civilisation occidentale, telle que l'ont façonné deux siècles de régime bourgeois, est incapable de résoudre les deux problèmes majeurs auxquels son existence a donné naissance : le problème du prolétariat et le problème colonial; que, déféré à la barre de la "raison" comme à la barre de la "conscience", cette Europe là est impuissante à se justifier; et que, de plus en plus, elle se réfugie dans une hypocrisie d'autant plus odieuse qu'elle a de moins en moins chance de tromper. L'Europe est indéfendable"
Quand on pleurniche, on ne peut pas parler avec une telle flamboyance. Aimé Césaire est même prophétique. Il suffit juste d'écouter le discours actuel sur l'environnement et le développement durable. Il faut relire les discours de Kwame Nkrumah Osagyefo pour en déceler aussi la dimension prophétique lorsqu'il parle de l'unité africaine et du panafricanisme. Il faut lire Frantz Fanon [Peau noire, masques blancs, Seuil, 1952, 188p] dont les textes sont plus subtils et même plus ironiques mais qui recèlent la même dimension offensive.
Pour ce qui est du retard de l'Afrique et ses causes, je conseille à Xavier Messe la lecture de la post colonie de Achille Mbembé [Mbembe, Achille. – De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine. Paris, Karthala, 2000, 293 p]. Il peut même déjà lire une article de Patrice Ondoua paru dans la même édition de "Mutations" : "Comprendre la faillite de l'Etat post colonial". Comme çà au moins, il cessera de se détester en tant que Noir et surtout cessera t-il de blâmer la victime et d'encenser la victime. Et enfin, pour accéder à la liste des inventions réalisés par les Noirs – au moins pour ne plus être complexé – je recommande à Xavier Messè le lien suivant : http://www.africamaat.com/article.php3?id_article=55. Il pourrait d'ailleurs le retrouver sur tous les sites sérieux qui parlent de l'Afrique.

Par Etienne de Tayo
Journaliste
Promoteur de "Afrique Intègre"
Blog : http://www.edetayo.blogspot.com/

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