Ainsi, Paris a remis le dictateur Idriss Déby Itno en selle en ayant pris soin de laisser les rebelles progresser jusqu'aux portes du palais présidentiel de Djamena. Ce faisant, elle oblige le régime de Déby pour le restant de ses jours. Du coté de l'Elysée, pour se donner bonne conscience, on balance la vieille rengaine de l'homme providentiel ou du borgne du pays des aveugle ou encore le scénario dissuasif du chaos : "On ne se fait aucune illusion sur le personnage. C'est un tueur. Mais s'il tombe, le pays sombre dans le chaos", rapporte t-on dans les coulisses de l'Elysée selon l'Express. Un faux-fuyant ridicule que la France a utilisé tant de fois pour sauver des dictateurs en difficulté et préserver ses intérêts sur le continent africain.
Après que j'ai révélé tout ceci, j'aurai flatté l'ego de plusieurs personnes parmi les partisans d'une Afrique intègre; je me serai aliéné une ou deux personnes au sein de la françafrique. Mais au fond, je n'aurai rien dit de substantiel, je n'aurai rien résolu du problème, si tant est qu'une simple réflexion puisse régler un problème. A tout le moins, j'aurai contribué à enkyster cette problématique grave dans le registre de l'émotionnel dont la contre productivité n'est plus à démontrer.
Cela fait bientôt un demi siècle que la majorité des pays africains a accédé aux indépendances. Et pourtant, des forces extérieures au continent continuent allégrement de le parcourir, fragilisant les équilibres déjà précaires sur lesquels reposent les jeunes Etats. Piégés par une démocratie qui finalement n'en est pas une, les prétendants au pouvoir en Afrique sont obligés de faire la politique par d'autres moyens, y compris les armes. Mais les tenants du pouvoir ne s'en laissent pas compter. Comme au lendemain des indépendances, l'Afrique est redevenue un vaste champ de bataille.
Pour comprendre ces phénomènes qui ne sont parfois que des manifestations de causes plus profondes, il faut aller très loin dans l'histoire; il faut parfois creuser très profondément, fouiller les poubelles du colonialisme; il faut questionner les événements. Mais surtout le faire en adoptant l'une de ces démarches que nous propose le sociologue Edgar Morin. Et que dit-il celui qui vient d'inspirer Nicolas Sarkozy dans sa politique de civilisation. Il dit ceci : "Si vous questionnez le réel avec une pensée simplifiante, le réel sera extrêmement simple. Si vous l'interrogez avec une pensée complexifiante, le réel sera complexe". Autrement dit, lorsque sur un problème donné, vous posez un regard simplet, il vous donne une réponse simpliste, partielle et parfois partiale. Vous aurez alors une réaction épidermique et émotive. Vous aurez sinon le contraire de l'objectif que vous vouliez atteindre. Mais si sur le même problème, vous posez une interrogation complexe, vous aurez une réponse complexifiante à plusieurs tiroirs. Vous aurez alors une réaction froide, posée, cynique, construite et finalement constructive.
Pour cette analyse, j'ai choisi d'adopter la seconde démarche c'est-à-dire, l'approche complexifiante parce que la problématique elle-même est complexe. Regarder ce qui se passe en Afrique maintenant, au Tchad, en Rdc, en Ouganda, au Rwanda, au Niger, au Soudan, en Somalie, au Kenya… en croyant qu'il s'agit d'actions séparées sans connexion serait bien naïf. Ce sont les pièces d'un même puzzle qu'est l'Afrique qui sont ainsi dispersées dans la nature. Et les mains qui s'emploient à les disperser sont sensiblement les mêmes depuis toujours. Les motivations aussi sont les mêmes : faire de l'Afrique rien moins qu'un réservoir des matières premières sans aucune ambition pour un développement autonome. J'ai souvent été invité aux débats télévisés ou autres pour parler soit du Kenya, soit de la Rdc ou encore du Tchad. Mais j'ai toujours répondu en disant que je ne saurais parler de ces drames séparément. C'est un tout et c'est comme cela qu'il le prendre.
Ce qui vient de se passer au Tchad et qui, malheureusement se répètera ou se produira ailleurs en Afrique, montre au moins deux choses : la françafrique, pour les pays francophones, est plus vivace que jamais, contrairement aux vœux des uns et des autres; l'Afrique, comme au bon vieux temps de la guerre froide, est redevenue le champ de confrontation des luttes géopolitiques mondiales.
Cette analyse est construite de façon à aller à la racine du mal; comprendre pourquoi la françafrique, malgré le discours, se porte toujours aussi bien; de jeter un regard sur ces guerres faites en Afrique par les autres et contre l'Afrique; de voir comment, malgré les meurtrissures, la partie utile de l'Afrique continue d'afficher une croissance prometteuse; et enfin d'esquisser des solutions pour une pacification durable du continent africain.
LE VER DANS LE FRUIT
Lorsqu'un conflit éclate en Afrique, la première explication donnée par les africanistes "spécialistes" du continent – invités permanents de certains médias en France - est toujours ethnique et identitaire. Au Rwanda et au Burundi, ce sont les Hutu qui veulent s'emparer du pouvoir Tutsi; en Côte d'Ivoire, ce sont les Baoulés de Konan Bedié qui veulent reprendre le pouvoir Bété de Laurent Gbagbo; ou encore, ce sont les Sénoufo de Guillaume Soro qui ont tenté de renverser le pouvoir Bété de Gbagbo; au Gabon, ce sont les N'zebi de Zakary Myboto qui convoitent le pouvoir Téké d'Omar Bongo; au Congo le M'bochi Sassou Nguessou a chassé le N'zabi Pascal Lissouba du pouvoir; au Cameroun, ce sont les Anglo-Bami de John Fru Ndi qui veulent évincer le pouvoir Beti de Paul Biya; au Tchad, ce sont les Zagawa qui se déchirent entre eux. Et c'est comme çà que l'Afrique est schématisée à travers les grilles de lecture ethnologiques de l'Occident. C'est de cette façon à la limite caricaturale que ses conflits sont interprétés.
Mais cette présentation n'est pas du tout gratuite. Elle découle du travail de marquage identitaire fait en Afrique, depuis plus d'un siècle, par les ethnologue de la colonisation comme l'explique en le dénonçant, l'ethnologue Jean-Loup Amselle : "L'Afrique, telle qu'on se la représente aujourd'hui et telle qu'elle se manifeste à travers ses conflits, est le reflet de la colonisation et de l'imposition d'une grille ethnique qui a rigidifié les rapports intercommunautaires. Par exemple au Rwanda, dans la période précoloniale, il n'existait pas une catégorisation figée, ethnique ou raciale entre Hutu et Tutsi". Les clivages identitaires ont ainsi été montés de toute pièces et renforcés au fil du temps. On peut donc comprendre l'origine du génocide rwandais par exemple. C'est vrai que le colonisateur n'a rien inventé en la matière, il s'est juste appuyé sur la vieille prescription romaine qui recommande de diviser pour mieux régner. En Afrique, le marquage identitaire a été matérialisé par l'inscription systématique dans l'acte de naissance de l'origine ethnique. On y parle d'ailleurs de race. Ainsi, verra t-on inscrit dans cet espace les noms d'ethnies tels : Bamiléké, Bété, Baoulés, Bulu, Batéké, Douala, Serrère, Bambara, Peuls, Haoussa, Malinké, Téké, N'Zébi, Zagawa, Ibo, Yoruba, Bassa… Tout ceci avait pour but ultime de les figer dans une ethnie particulière et envisager d'autres moyens pour exacerber les clivages identitaires et provoquer si possible des conflits.
Le cliché le plus répandu en occident au sujet de l'Afrique est celui d'un continent "considérée comme le continent des ethnies". Jean Loup Amselle nous apprend que "c'est une perspective très ancienne, remonte à Kant et Hegel, et au sein de laquelle l'Afrique est perçue comme un continent a-historique. Cette vision a été perpétuée dans le temps. C'est une conception purement coloniale visant à détacher l'Afrique subsaharienne du Maghreb". Ici, on peut voir l'origine de certaines grossièretés contenues dans le discours de Dakar prononcé par le président français Nicolas Sarkozy. On peut aussi comprendre la déclaration de Jacques Chirac qui, alors que les Africains s'embarquaient dans l'aventure démocratique au début des années 90, avait déclaré ceci : "L'Afrique n'est pas mûre pour la démocratie". C'est vrai qu'à l'époque, la déclaration avait provoqué l'émoi de plus d'un Africain. Je crois pour ma part qu'il voulait sincèrement dire ceci en d'autres termes : "si je m'en tiens aux dispositions prises par nos ancêtres et nos aînés en Afrique, je ne pense pas que l'Afrique soit en mesure d'assimiler la démocratie". Ce qui peut se comprendre si l'on s'en tient à la définition de la démocratie et surtout aux conditions à remplir pour la voir s'enraciner.
La démocratie est à ce jour reconnue comme le moins mauvais des systèmes de gouvernement des hommes dans la cité. L'une de ses définitions les plus démagogiques est celle qui présente la démocratie comme "le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple". Mais malgré son caractère quelque peu utopique, la démocratie est devenue le système le plus couru dans le monde. Même les peuples qui n'ont rien à manger et qui n'ont qu'une idée vague de ce que peut être une démocratie, s'enthousiasment à l'idée de glisser un bulletin dans l'urne soit pour porter leur candidat au firmament, soit pour sanctionner un dirigeant. Ceci en raison de la dévolution de la souveraineté que ce système fait théoriquement au peuple. Mais la démocratie n'est opérationnelle que dans un Etat valablement constitué. L'Etat au sens d'Olivier Duhamel se présentant comme "un pouvoir normatif institutionnalisé, s'exerçant sur une population dans le cadre d'un territoire". Cet Etat, suggéré par des penseurs tels John Locke, Thomas Hobbes ou encore Jean Jacques Rousseau a été constitué pour apprivoiser la nature sauvage et belliqueuse de l'être humain. Sur la base du contactualisme de Rousseau, le monopole de violence légitime jadis détenu par chaque individu a été confié à l'Etat pour agir au nom de tous. Contre quoi, "des droits imprescriptibles sont opposables à l'Etat qui n'a été instauré que pour garantir le respect". Par exemple, l'Etat doit se conformer à la finalité pour laquelle il a été constitué; il doit rester en dehors de la sphère privée. Dans cet Etat dit impartial, les mécanismes ont été mis en œuvre pour protéger les gouvernants contre le pouvoir abusif éventuel des gouvernants. Car, comme l'a si bien relevé Montesquieu, "C'est une expérience éternelle que tout homme qui a le pouvoir est porté à en abuser. Il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites". Et Montesquieu de proposer que "par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir". Un Etat conçu selon ces canons est un moule dans lequel on peut couler facilement une société démocratique. Le problème en Afrique c'est que celui à qui le peuple a confié la gestion de l'Etat et en a ainsi fait le chef de l'Etat s'est pris pour l'Etat lui-même. On connaît la formule : "L'Etat c'est moi!", comme l'a si bien relevé l'écrivain camerounais Jean Baptiste Djoumessi dans une de ses réflexions sur l'Etat en Afrique.
L'Etat post colonial tel qu'on le connaît en Afrique est tout le contraire de l'Etat impartial. Au lendemain des indépendances, encouragés par les réseaux qui voulaient perpétuer la colonisation à travers eux, des bandes oligarchiques se sont emparés du pouvoir partout en Afrique et l'on privatisé à leur profit personnel. Des illuminés et des hommes de peu de valeurs ont été encouragés à prendre le pouvoir par les armes et à étouffer dans l'œuf la démocratie qui était en train de prendre dans l'Etat colonial. Ainsi, l'apprenti journaliste Joseph Désiré Mobutu a pris position au Congo pour faire régner sa terreur et faire oublier Patrice Lumumba; les soldats de l'armée française, Jean Bedel Bokassa et Etienne Gnagsimbe Eyadema ont pris possession respectivement de la Rca et du Togo; l'autre soldat Idi Amin Dada a fait son cinéma en Ouganda; l'ancien agent des services secrets français Hissène Habré est posté au Tchad. Tous ces dirigeants et bien d'autres ont essentiellement dirigé en confisquant l'Etat s'il ne l'on pas tout simplement étranglé. C'est pourquoi il existe en Afrique aujourd'hui des pays comme la Somalie ou même le Tchad où l'Etat a disparu.
Aujourd'hui, après des années de coups de boutoir ayant servi à altérer l'essence même de l'Etat originel, l'Etat en Afrique présente une image bien piteuse qui ressort de cette description du politologue Guy Hermet : "la politisation de la haute fonction publique, l'extension du clientélisme, la prolifération d'une corruption douce. La lutte pour les postes se substitue à la confrontation des idées. L'engagement politique devient un alibi à peine masqué d'un plan de carrière, le leader politique un cheval sur lequel on mise. Des pans entiers de la société sont atteints par cette politisation clientélaire. Les recteurs d'académie, les présidents d'entreprises publiques, les équipes dirigeantes des chaînes de télévision non commerciales et bien d'autres valsent au rythme des changements politiques. Les cabinets ministériels dominent l'administration, renvoyée dans les soutes. Le service de l'Etat, la continuité de l'Etat, la neutralité de l'Etat, l'accès aux emplois publics selon les seuls talents et mérites, le sens de l'intérêt général, autant d'idées et de réalités qui sont reléguées au musée des antiquités. L'Etat est alors profondément dévalué aux yeux de ses agents comme de l'ensemble de ses membres, réduits à la condition d'usagers plus ou moins insatisfaits au gré des événements ou des avantages personnels qu'ils parviennent à arracher". C'est vrai qu'on n'est pas loin des clichés. Et pourtant c'est la triste réalité que chaque africain vivant en Afrique doit observer tous les jours et ressentir à son plus profond être. C'est donc sur cet Etat, complètement détérioré, que le Président François Mitterrand a semblé vouloir semer la graine de la démocratie à la fin des années 80 au travers de son discours de la Baule. Beaucoup ont pu dire qu'il n'y croyait même pas lui-même, qu'il s'agissait plutôt de l'interprétation de son discours fait par les autres. Toujours est-il que le coup était parti. L'Afrique a vécu l'illusion puis la désillusion. Au bout du compte, beaucoup d'observateurs pensent que si volonté de démocratiser y avait dans le discours de la Baule, ce n'était que pour mieux dissimuler le travail souterrain de pillage du continent opéré par la Françafrique.
LES SURVIVANCES DE LA FRANCAFRIQUE :
Il y a beaucoup de réalité dans le phénomène de la Françafrique. Mais il y a aussi beaucoup de fantasmes. Certains observateurs, notamment les anciens administrateurs français ayant servi en Afrique, sont eux-mêmes surpris devant l'importance que prend la Françafrique dans la confrontation entre la France et ses anciennes colonies. Bien qu'ils ne nient pas l'existence de ce réseau, ils trouvent néanmoins que le phénomène se nourri plus des peurs développées par les anciens colonisés. Autrement dit, par leurs peurs conjuguées, les Africains offriraient à la Françafrique un pouvoir dont il ne dispose pas de façon intrinsèque. Elle serait en fait une sorte de cinquième colonne.
Ceci dit, on se doit de reconnaître l'existence réelle de la Françafrique. Il s'agit d'un phénomène multiforme, multifacette. Elle a une partie visible et une partie immergée. Elle a une dimension étatique officielle et une dimension privée. Elle a des agents infiltrés au sein des appareils d'Etat sur le continent africain.
La partie visible est représentée par le réseau diplomatique français qui est l'un des plus puissant du monde. Certains médias constituent des maillons essentiels des réseaux françafricains. Les bases militaires sur le continent complètent ce dispositif. Elles sont cinq sur la continent : Djibouti, 2800 hommes; Sénégal, 1100 hommes; Gabon, 800 hommes; Côte d' Ivoire, 2400 hommes; Tchad, 2000 hommes. Auxquelles il faut ajouter les bases de Mayotte, 3800 hommes ainsi que 600 hommes sur les bateaux au large de l'océan indien. Officiellement, les bases militaires françaises ont pour rôle : défense du pays d'accueil; sauvegarde des ressortissants français; capacité d'entraînement pour les troupes françaises compte tenu de l'espace qu'on n'a pas toujours en France; enfin, réservoir pour la conduite des opérations régionales. La plupart des pays accueillant les bases militaires françaises avaient signés des accords de défense au lendemain des indépendances avec l'ex puissance colonisatrice. Certains de ces accords ont été transformés en accord de coopération militaire et technique.
Ce qui vient de se passer au Tchad, comme je l'ai souligné plus haut, est la manifestation la plus patente du phénomène françafricain. Il y a quelques mois, des ressortissants français ont voulu exfiltrer d'Abéché des enfants tchadiens masqués en orphelins du Darfour. L'opération dite de l'Arche de Zoé était née. Une opération aux contours bien flous dont on dit beaucoup de choses parfois très graves aujourd'hui. Au travers de cette opération, les tchadiens ont semblé s'affranchir de la tutelle française puisque les ressortissants français ont été jugés et condamnés par la justice tchadienne. Le Président tchadien, Idriss Déby Itno a eu des sorties assez corsées contre la France. Depuis quelques années, des frères d'arme et même de sang à Idriss Déby s'impatientent à la frontière soudanaise à quelques 800 kilomètres de Djamena, la capitale tchadienne. Soutenus ouvertement parle Soudan, ils veulent que Déby leur cède la place afin que eux aussi se servent les richesses du Tchad. Quelques unes de leurs incursions ont été stoppés par le dispositif militaire français. La France souhaite faire déployer une force européenne, Eufor, dans la région de façon à sécuriser les réfugiés du Darfour et à offrir une protection aux régimes en place au Tchad et en Centrafrique. Le projet est repoussé par le Soudan qui n'a jamais voulu d'une telle force, et par les rebelles tchadiens aussi bien évidemment puisqu'ils y voient un véritable bouclier visant à leur couper la route de Djamena. En début févier, alors qu'ils étaient jusque là contenu par le dispositif français, les rebelles tchadiens ont parcouru les 800 kilomètres en quelques jours jusqu'à Djamena où, si ne s'en tient qu'à la version des médias françafricains ils n'étaient plus qu'à quelques mètres du palais présidentiel où Deby s'était réfugié dans son bunker. La France lui aurait même proposé une exfiltration mais il a refusé arguant du fait qu'il est soldat et qu'un soldat ne fuit pas. Toujours est-il que Deby a réussi à sauver son pouvoir. Avec l'aide l'armée française ou celle des rebelles du Darfour? On ne le saura jamais avec exactitude, la guerre n'étant pas une partie du plaisir où on peut voir ce qui s'y passe. Mais écoutons plutôt le miraculé Idriss Deby lors de sa première conférence de presse. Il promet d'accorder la grâce présidentielle aux 6 condamnés du scandale de l'Arche de Zoé si la France en fait la demande. Ah le con! Par excès de joie, il a trahi tout le monde mettant ainsi à nu le dispositif françafricain mis sur pied pour lui faire comprendre qu'il n'était en fait qu'un concierge et comme tel, il n'avait pas à avoir quelques velléités d'indépendance. Mais on a bien compris qu'il s'agit là des méthodes certes éculées et un peu grossières de la Françafrique, mais toujours efficaces.
La Françafrique tient sa légitimité de ce qu'aux yeux des organisations internationales tels l'Onu ou l'union européenne, elle est la seule à même de pouvoir apporter des solutions aux problèmes qui se posent aux anciennes colonies de la France. Ceci remonte à la conférence de Berlin où les pays colonisateurs s'étaient retrouvés pour se partager les possession africaines et se reconnaître mutuellement les propriétaires de ces vastes étendus terrestres. Plus tard, ils ont fait accepter le même principe au sein de toutes les organisations internationales où ils pouvaient se retrouver. En clair, lorsque la Côte d'Ivoire a un conflit avec la France et se plaint auprès de l'Onu, cette dernière, même de façon officieuse, sollicite la France et lui demande la conduite à tenir. C'est la même chose quand il est par exemple question du Nigeria par exemple par rapport à la Grande Bretagne mais avec le paternalisme et la brutalité en moins.
Prenons par exemple le cas du dispositif Eufor que la France souhaite mettre en place dans la région. Il s'agit d'abord d'un dispositif français parce qu'il concerne ses possessions territoriales. La France fournit d'ailleurs la moitié des hommes et les pays européens participants fournissent l'autre moitié. C'est un peu comme des propriétaires terriens disposaient des plantations éloignées de leurs lieux d'habitation. A un moment donné, un d'eux constate que hordes de singes ont envahies sa plantation et détruisent ses récoltes. Alors, il appelle ses amis propriétaires terriens afin qu'ils viennent l'assister soit pour éloigner les prédateurs, soit pour les encager. Lorsqu'elle était confrontée au problème au Tchad, la France a sollicité l'Onu afin qu'elle lui donne des moyens juridiques pour agir et surtout pour qu'elle condamne la prise du pouvoir par les armes. Le conseil de sécurité ne pouvait que signer une déclaration allant dans ce sens. Il a bien sûr traîné les pieds puisqu'une déclaration juridiquement n'a aucun poids. Mais l'essentiel était fait. A savoir, faire comprendre à tous ceux qui l'avaient oublié que le Tchad était bel et bien une possession française.
La Françafrique, c'est aussi les régimes dictatoriaux qui se sont enkystés un peu partout dans l'Afrique francophone. Ils emploient un personnel françafricain constitué d'anciens diplomates français, de barbouzes, des sping doctors et des professeurs d'universités. Le cas le plus connu étant le professeur Charles Debarge qui s'occupe de la manipulation de la constitution au Togo depuis plusieurs années. D'autres, moins connus que lui dans d'autres pays du précarré français, élaborent chaque jour des stratégies permettant aux dictateurs de s'éterniser au pouvoir. Les Barbouzes pour leur part, sont chargés d'élaborer des méthodes toujours plus affinées de répression. Quant aux sping doctors, ils se chargent de soigner l'image du régime. Tout ce travail conjugué accouche finalement d'une stratégie de conservation du pouvoir en quatre points :
- Encercler et anéantir l'opposition politique en discréditant systématiquement ses leaders et en leur coupant les vivres par tous les moyens y compris les moyens les plus illégaux;
- Affamer le peuple dans la perspective clientéliste et mettre sur pieds le processus d'achat systématique de conscience lors des élections;
- Piéger l'élite proche du pouvoir dans la corruption et autres scandales de façon à les tenir et les servir en pâture à l'opinion;
- Tenir en respect les retraités qui lorgnent un peu trop du coté de l'opposition. Pour ce faire, piocher régulièrement dans leurs rangs pour des promotions inespérées
Depuis que ce processus de domestication de la démocratie a été mis sur pieds dans beaucoup de pays africains, plusieurs dictateurs s'y font élire à la régulière. Ils n'ont même plus besoin d'user de la fraude électorale. Ou bien lorsqu'ils s'en servent, c'est plus une fraude préélectorale qu'une fraude électorale ou post électorale. Autrement dit, on voit de moins en moins l'utilisation des mécanismes comme le bourrage des urnes, les votes multiples ou encore la falsification des procès verbaux. Tout se passe avant dans le découpage électoral, la distribution sélective des cartes d'électeurs et surtout l'achat des consciences d'un peuple soumis à une misère abjecte. De façon synthétique, on dirait que l'opposition est étouffée et muselée, l'élite proche du pouvoir est encouragée à s'enrichir en piochant dans les caisses de l'Etat grâce à la corruption qui est tolérée mais dont les preuves sont gardées pour être utilisées contre elle au cas où il ose quoi que ce soit; l'argent utilisé, il doit l'utiliser pour constituer pour le compte du chef de l'Etat dont il est qu'un envoyé, une clientèle politique, notamment en achetant les consciences des populations. C'est un peu une stratégie utilisée dans les milieux maffieux : on met sur pied une opération tordue bien sûr. Au bout du compte, tout le monde est éclaboussé sauf le chef qui au contraire tire plutôt le grand bénéfice de l'affaire. Ces types d'affaires, on les retrouve aussi dans les grandes démocraties telles la France où on parlerait volontiers de l'affaire du sang contaminé sous Mitterrand, l'affaire des HLM de Paris avec pour acteur principal Jacques Chirac ou encore l'affaire Clearstream qui a foiré avec le même Chirac.
L'arsenal mis sur pieds dans les pays africains vise à créer le vide autour du dictateur. On en fait ainsi le seul borgne au pays des aveugles, l'homme providentiel après qui on aura que le chaos. Et lorsqu'on demande à la France comment elle peut soutenir un dictateur, la réponse à toujours proche de celle donnée au sujet de Idriss Déby. A savoir qu'il n'y a pas de solution de rechange si ce n'est les bandes armées qui convoitent le pouvoir. Mais ce n'est qu'une tentative de la part de la France de noyer le poisson. La France a tous les moyens pour connaître ce qui se passe dans son précarré africain mais elle privilégie ses intérêts en maintenant des hommes à elle soumis. Et lorsqu'ils cessent d'être soumis, on peut toujours actionner quelque rébellion pour les tenir en respect.
LA GUERRE DES AUTRES
Depuis toujours, des bandes armées conduites parfois par des hommes manipulés de l'extérieur écument l'Afrique semant la mort et la désolation à la recherche du pouvoir qu'elles réussissent parfois à arracher. La guerre froide avait exacerbé le phénomène. Partout sur le continent, des bandes armées avaient pris position dans les maquis de leurs pays. Ils avaient pour noms Laurent Désiré Kabila, Jonas Savimbi, John Garang, Hissein Habré, Goukouni Oueddeï, Idriss Déby Yoweri Museveni, Paul Kagame, chief Emeka Odumegwu Ojuku. Certains étaient considérés comme des bons et faisaient des idoles parmi les jeunes, d'autres comme des affreux. C'était selon le camp dans lequel on se trouvait. En fait, lorsque le pouvoir en place était soutenu par les Etats-Unis, l'Union soviétique ou la Chine armait la rébellion et vis versa. Le continent était animé et lorsqu'une radio en occident devait parler de l'Afrique, c'était surtout pour faire le décompte macabre des morts dans les différents foyers de tension.
Le Tchad dont il est question aujourd'hui a connu son premier coup d'Etat en 1975. Il était perpétré par le colonel Abdel Kader Kamougué contre le président Garta Tombalbaye. Ce drame entre sudistes ouvrit grandement la voie aux tribus guerrières du Nord. Depuis lors, le pouvoir se passe entre les Toubous, les Goranes, les Gazawa. Aujourd'hui, il s'agit même d'une lutte intra familiale puisque, Timane Erdimi, l'un des leaders de la rébellion qui a failli renverser Deby n'est autre que son propre neveu.
Au début des années 90, l'illusion démocratique avait quelque peu démantelé les maquis africains. Mais depuis quelques années, après que beaucoup de prétendants au pouvoir sont parvenus à la conclusion selon laquelle les urnes ne pourront jamais leur permettre d'arriver à leur fin, des "libérateurs" ont repris les armes. Au Soudan, au Niger, en Ouganda, en Rdc Congo, au Rwanda, en Rca, au Tchad des hommes et des femmes mais aussi malheureusement des enfants se battent pour disent-ils libérer leur pays. Ils suscitent la sympathie des âmes sensibles parce que réellement, ces pays pris en otage par des régimes sangsues, sont à libérer. Mais le problème n'est pas simple. Il est même très complexe. D'abord parce que en dehors de quelques éléments dotés d'une culture politique acceptable, tous les autres leaders de ces rébellions ne sont que des illuminés manipulés de l'extérieur. Ils veulent juste parvenir au pouvoir et reproduire le système qu'ils ont chassé. Personne n'a envie de restaurer l'Etat et d'établir une vraie démocratie. Ce qui se passe au Tchad est très édifiant à ce titre. Idriss Deby avait accompagné Hissein Habré en tant que son lieutenant dans la rébellion qui avait chassé Goukouni Ouedeï du pouvoir. Quelques années après, Deby est tombé en disgrâce. Il a profité d'un stage en France pour négocier sa mise sur orbite. La France avait un vieux compte à régler avec Hissein Habré qui avait pris sur lui de faire exécuter le commandant Galopin, l'officier des renseignement français, venu négocier la libération des époux Claustre. Avec l'aide de la France, il avait réussi à renverser Hissein Habré en 1990. Il s'est engagé dans un nombrilisme démocratique qui a fini par ramener la bataille politique au sein de la famille. Comme tous ses compères africains, il a fait modifier la constitution pour se faire élire autant de fois qu'il veut à la magistrature suprême de son pays. Ne voyant plus d'issues pour eux-mêmes, ses propres partisans - ceux là même qui l'avaient accompagnés à Djamena lorsqu'il chassait Habré - dont les membres de sa propre famille, ont repris le maquis. Ne pouvant pas compter sur la France, ils surfent depuis sur la fréquence soudanaise à la recherche de la voie divine devant les conduire au pouvoir. Je suis tout à fait certain que s'ils parviennent au pouvoir, au bout de cinq ou dix ans, si celui à qui ils ont confié le trône le joue pas le jeu en passant la main, un autre de ses lieutenants repartira lui aussi au maquis et le cycle ne s'arrêtera jamais.
De son coté, Deby met le feu au Darfour en soutenant ouvertement les rebelles de cette région qui se bat contre le pouvoir de Khartoum. En guise de reconnaissance, ces rebelles soudanais sont venus se battre au Tchad aux cotés de l'armée tchadienne. Les rebelles tchadiens étaient sûrement accompagnés des rebelles centrafricains qui eux combattent le régime de François Bozizé qui lui avait été porté au pouvoir grâce au soutien actif de Idriss Deby parrainé par la France. Ils comptent ainsi aider leurs camarades tchadiens à s'emparer du pouvoir en espérant qu'une fois au pouvoir ces derniers les aideront à chasser François Bozizé. Comme on le voit, c'est toute la sous région qui est en voie de déstabilisation.
En fait, ce qui se passe dans cette sous région et dont l'épicentre se trouve au Darfour est une sorte de remake de la guerre froide. Seuls les acteurs ont quelque peu changé. Le problème vient de ce que la Chine a pris position au Soudan et soutient activement le régime d'Omar El Béchir. La Chine est intéressée par les ressources pétrolières du Soudan concentrée en majorité dans la Darfour. Les mêmes ressources sont convoitées par les pays occidentaux. Pour répondre au soutien que les chinois apportent au régime de El Béchir, les pays occidentaux arment les rebelles du Darfour et conduisent une propagande parfois ridicule visant à présenter le Darfour comme l'enfer de l'Afrique. Le conflit est caricaturé en une bataille rangée entre les méchants arabes symbolisés par leur milice Djinjawid appuyées par les forces gouvernementales et les pauvres tribus noires du Darfour qui n'ont que leurs yeux pour pleurer et leurs pieds pour traverser la frontière et se réfugier au Tchad.
On voit là le même schéma de présentation des conflits en Afrique. On évolue dans les mêmes sillons creusés par les ethnologues de la colonisation. Les conflits sont systématiquement décrits comme des heurts identitaires entre les ethnies qui se détestent et ne peuvent que se détester. Or, il s'agit d'une vision complètement erronée. En Afrique, on ne se bat pas entre ethnies comprises au sens ethnologique du terme. On se bat pour l'espace vital, on se bat pour la nourriture, on se bat pour le pouvoir considéré comme la mamelle nourricière. Au Rwanda qui reste aujourd'hui l'un des drames présenté comme un conflit inter-ethnique, les Hutu n'ont pas tué les Tutsi parce qu'ils étaient Tutsi et qu'ils les détestaient pour cela. Ils les ont tué parce que l'armée du Fpr qui étaient en train de marcher sur le pays était constituée en majorité de Tutsi. Prenant le pouvoir, cette armée devait les éloigner de la nourriture. Si le problème n'était que ethnique comme on veut le faire croire en occident, ils n'auraient pas tué les Hutus modérés qui étaient pourtant leurs frères de sang. En fait, il y a en Afrique une sorte d'instrumentalisation du fait ethnique de la part des hommes politiques. Si bien qu'en l'absence de la politique, les hommes en Afrique pourraient bien mettre en œuvre la notion de "branchement" développée par Jean Loup Amselle.
Un autre cliché très répandu et tout aussi erroné est celui du pouvoir ethnique. D'après une vision purement occidentale, les chefs d'Etats africains ne seraient entourés que des membres de leur propre famille ou de leur ethnie. C'est peut-être un souhait mais c'est loin d'être la réalité. Il n'y a pas en Afrique un pouvoir ethnique au sens anthropologique du terme. Autrement dit, il n'a pas de président qui ne soit entouré que des membres de son ethnie. Ils peuvent être majoritaires mais sont toujours contrebalancés par les membres d'autres ethnies. Il s'agit d'une sorte de jeux d'alliances. Au Cameroun par exemple où le président Paul Biya est d'ethnie Bulu, son directeur de la sécurité est Bamenda; son ange gardien est d'ethnie Toupouri alors que l'actuel secrétaire général de la Présidence qui est proche de toujours est lui d'ethnie Douala. Des mêmes connexions peuvent être repérées où vous trouverez en Côte d'Ivoire par exemple, un Baoulé ou même un Sénoufo très proche du président Gbagbo qui est d'ethnie Bété alors qu'à contrario vous verrez un Bété très opposé à lui. Si ethnie il y a, c'est que c'est une ethnie oligarchique. En effet, le pouvoir en Afrique est plus proche de l'oligarchie à prétexte ethnique qu'autre chose. Parfois, c'est un jeu d'équilibre instable et lorsque le dosage est bien fait les résultats sont au rendez-vous.
LA CROISSANCE MALGRE TOUT
Malgré les guerres et les catastrophes naturelles, la partie utile du continent africain, celle qui est épargné, enregistre une croissance économique époustouflante. D'après le centre de développement de l'Ocde citant les perspectives économiques en Afrique en 2007, "l’activité économique a progressé en Afrique de 5.5 pour cent en 2006 – bien au-delà de sa tendance de long terme et ce, pour la quatrième année consécutive. Le PIB par habitant a augmenté de près de 3.5 pour cent. La croissance devrait également s’accélérer en moyenne en 2007 et rester soutenue en 2008". Si l'on s'en tient à la hausse substantielle qu'ont connue les cours du pétrole ces derniers mois, il est fort à parier que la croissance des pays exportateurs du pétrole sera encore plus forte en 2008. Dans presque tous les pays d'Afrique même ceux jadis desservis par le climat les perspectives sont aussi bonnes comme le souligne le rapport : "Malgré un repli des cours agricoles, qui a lourdement pénalisé les pays tributaires de ces exportations, l’année 2006 a été meilleure que prévu. Les pays exportateurs de caoutchouc, de café et de crustacés ont pu, grâce aux bons prix obtenus, conforter leurs balances commerciales.
En dépit de la faiblesse des cours internationaux (de coton notamment), certains pays producteurs ont su tirer parti d’une météorologie favorable pour relancer sensiblement leurs exportations quand d’autres – en Afrique centrale et orientale (Madagascar, Rwanda et Tanzanie) et en Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Ghana et Mali) ont également vu leurs exportations augmenter. D’autres pays aux exportations plus diversifiées (Égypte, Maurice et Maroc) ont eux aussi enregistré une forte croissance en volume".
Cette bonne santé économique qui dure depuis bientôt quatre ans prouve s'il en était encore besoin qu'il ne s'agit pas d'un phénomène passager. Elle montre aussi que les structures économiques mises sur pieds sont en train de porter leur fruit. Il reste à renforcer des structures et surtout d'investir dans le capital humain qui reste à ce jour un des vendre mous de l'Afrique comme le recommande les rédacteurs du rapport de l'Ocde : "Le défi consistera à s’assurer qu’une bonne partie des rentrées du secteur des ressources minérales sera investie dans le développement des infrastructures et du capital humain, afin de répondre aux besoins de diversification à moyen et longs termes. Les gains tirés de cette manne éphémère exigent une réorientation rapide des budgets publics. Cette transformation et le maintien de la croissance passent par une transparence accrue et la lutte contre la corruption. La poursuite de politiques macroéconomiques saines dans la plupart des pays du continent a renforcé la confiance des entreprises, d’où une reprise généralisée de l’investissement privé".
D'après l'agence de presse Pana citant le rapport Situation et perspectives de l'économie mondiale en 2008, "les Nations Unies attribuent la forte croissance économique du continent africain à l'importante demande intérieure, à la production minière et gazière en pleine expansion et au redressement observé après une longue période de récession dans plusieurs pays".
L'Afrique souffrait jusque là de la faiblesse des capitaux étrangers en direction du continent. Une situation qui serait en voie de se résorber. En effet, d'après un bulletin des Nations Unies au titre évocateur : "Afrique : les investissements directs étrangers ont battu des records en 2007", il est révélé "qu'en Afrique en particulier, les flux sont demeurés élevés, le 'boom' du marché des matières premières permettant d'atteindre le niveau sans précédent de 36 milliards de dollars".
Toutefois, la vigilance devrait être de mise et l'euphorie contenue. C'est d'ailleurs ce que recommande le rapport des Nations Unies : "Tout ralentissement significatif de l'économie mondiale réduira la demande d'exportations, provoquera une importante chute des prix des produits de base, et freinera, par conséquent, les perspectives de croissance du continent africain. En outre, l'inversion subite des flux de capitaux privés dans certains pays ainsi que la hausse des cours du pétrole associée à la faiblesse des flux de l'aide par rapport aux attentes, pourraient limiter l'investissement aussi bien public que privé et, par conséquent, poser de sérieux risques au redressement économique actuel"
Tout ceci confirme ce que j'ai toujours pensé et écrit de l'Afrique. A savoir qu'il s'agit d'un continent d'avenir. Il reste à régler le problème des conflits et des interférences étrangers qui en sont à l'origine. Ce n'est pas un problème insurmontable. A condition qu'on revienne aux fondamentaux pour bâtir des Etats réellement démocratiques.
ESQUISSE DE SOLUTIONS
Jusque là, j'étais résolument opposé à la prise du pouvoir en Afrique par les armes. Je disais comme les uns qu'il n'est pas question de déposer un pouvoir démocratiquement établi. Je la disais jusqu'à ce que je me penche sur ces "régimes démocratiques". J'ai alors compris qu'ils n'avaient de démocratique que de vernis. Je me suis dit comme les autres qu'un régime qui n'est plus capable d'assumer la mission qui lui a été confiée par le peuple souverain. A savoir subvenir aux besoins élémentaires de ses populations, ce régime là n'était plus qu'une bande de malfaiteurs qu'il faut chasser du pouvoir par tous les moyens y compris les armes. Mais après que j'ai dit cela, le plus dur commence en terme de questionnements interminables : qui mettre au pouvoir pour remplacer le président déchu? Quel crédit accordé à certains libérateurs qui ne sont en fait que des membres de l'oligarchie qui se sont fâchés avec leur leader et qui viendront reproduire le même système? Si l'on fait croire que le fait de détenir une arme offre une certaine supériorité sur ceux qui ne la détiennent pas, ne court-on pas vers un far west où le pouvoir ne reviendra qu'à celui qui tire le plus vite, une sorte de Lucky Luke local? Que va devenir a pratique politique sur le continent? A quoi ressembleront ces Etats soumis à une pression armée? Autant de questions qui montrent la difficulté qu'il y a à conduire ce problème. Et pourtant il y a en Afrique un certain nombre de pays dont la libération s'impose comme un impératif catégorique.
En Afrique, on doit revenir à la politique comprise comme sacrifice suprême au service du peuple souverain comme l'avaient compris Patrice Lumumba, Kwame Nkrumah ou encore Thomas Sankara. On doit aussi œuvrer pour la construction de l'Etat originelle avec à la base un contrat social entre les gouvernants et les gouvernés. Dans ce contrat, le pouvoir est la propriété des gouvernés qui le confient aux gouvernants pour l'exercice dans l'intérêt général. Ces gouvernants doivent être constamment évalués au travers des élections soit pour les sanctionner soit pour les conforter. Mais si au bout du compte, toutes les voies démocratiques pour assurer l'alternance politique dans le pays continuent d'être obstrués et qu'une oligarchie continue de confisquer le pouvoir, alors, il ne restera plus que la prise des armes comme solution ultime. Il faudra alors s'attendre à voir plusieurs foyers de tension s'ouvrir en Afrique. Un cycle auquel il faudra bien mettre fin et assurer le développement paisible du continent.
C'est dans cette optique que je m'en vais faire un certain nombre de propositions visant à réguler ces prises de pouvoir par les armes. Il faut toutefois reconnaître que la prise des armes ne devrait être qu'une exception et non une règle.
Celui qui dépose un régime jugé autocratique par les armes doit recevoir le titre de "libérateur national". Il doit lui être reconnu un statut et une indemnité viagère se rapportant à ce statut. Au plan protocolaire, le "libérateur national" doit mériter d'une place de choix à la tribune officielle lors des cérémonies nationales. Son nom doit être intégré dans les livres et enseigner aux enfants. En retour, le "libérateur national" doit renoncer à tout jamais à la pratique politique, de près ou de loin. Cette proposition est faite en tenant compte de l'idéal évoqué plus haut. A savoir le retour à la politique du sacrifice suprême. On considère donc que si quelqu'un est capable de sacrifier sa vie pour l'idéal national, il pourrait aussi sacrifier un idéal personnel qui est celui de diriger en position suprême. L'indemnité accordée tient compte du fait qu'en Afrique, près de 99% de ceux qui prennent les armes le font pour des raisons alimentaires. Il faut donc combler chez eux ce vide, peut-être pas au niveau où ils avaient espérer mais c'est aussi çà le sacrifice.
Aux lieutenants directs du "libérateur national", il sera reconnu le titre de "compagnons de la libération". Ils devront être casés en fonction de leurs compétences. Comme le "libérateur national", ils doivent eux aussi renoncer à la pratique politique. Il doit leur être attribué des médailles auxquelles sont attachés un certain nombre d'avantages en nature par exemple l'accès gratuit à divers lieux publics et autres.
Lorsque le chef de l'Etat déchu est chassé du pouvoir, celui-ci est confié au doyen d'âge de l'opposition civile. Ce dernier a l'obligation d'organiser les élections dans un délai de 100 jours. Elections auxquelles il ne prendra pas part.
Toutes ces propositions sont faites en tenant compte du fait qu'il faut remettre la générosité au centre de la politique. C'est elle qui poussera les uns à se mettre au service des autres parfois dans l'oubli total d'eux-mêmes. Je crois que c'est finalement cela l'idéal politique.
Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"
www.edetayo.blogspot.com
Après que j'ai révélé tout ceci, j'aurai flatté l'ego de plusieurs personnes parmi les partisans d'une Afrique intègre; je me serai aliéné une ou deux personnes au sein de la françafrique. Mais au fond, je n'aurai rien dit de substantiel, je n'aurai rien résolu du problème, si tant est qu'une simple réflexion puisse régler un problème. A tout le moins, j'aurai contribué à enkyster cette problématique grave dans le registre de l'émotionnel dont la contre productivité n'est plus à démontrer.
Cela fait bientôt un demi siècle que la majorité des pays africains a accédé aux indépendances. Et pourtant, des forces extérieures au continent continuent allégrement de le parcourir, fragilisant les équilibres déjà précaires sur lesquels reposent les jeunes Etats. Piégés par une démocratie qui finalement n'en est pas une, les prétendants au pouvoir en Afrique sont obligés de faire la politique par d'autres moyens, y compris les armes. Mais les tenants du pouvoir ne s'en laissent pas compter. Comme au lendemain des indépendances, l'Afrique est redevenue un vaste champ de bataille.
Pour comprendre ces phénomènes qui ne sont parfois que des manifestations de causes plus profondes, il faut aller très loin dans l'histoire; il faut parfois creuser très profondément, fouiller les poubelles du colonialisme; il faut questionner les événements. Mais surtout le faire en adoptant l'une de ces démarches que nous propose le sociologue Edgar Morin. Et que dit-il celui qui vient d'inspirer Nicolas Sarkozy dans sa politique de civilisation. Il dit ceci : "Si vous questionnez le réel avec une pensée simplifiante, le réel sera extrêmement simple. Si vous l'interrogez avec une pensée complexifiante, le réel sera complexe". Autrement dit, lorsque sur un problème donné, vous posez un regard simplet, il vous donne une réponse simpliste, partielle et parfois partiale. Vous aurez alors une réaction épidermique et émotive. Vous aurez sinon le contraire de l'objectif que vous vouliez atteindre. Mais si sur le même problème, vous posez une interrogation complexe, vous aurez une réponse complexifiante à plusieurs tiroirs. Vous aurez alors une réaction froide, posée, cynique, construite et finalement constructive.
Pour cette analyse, j'ai choisi d'adopter la seconde démarche c'est-à-dire, l'approche complexifiante parce que la problématique elle-même est complexe. Regarder ce qui se passe en Afrique maintenant, au Tchad, en Rdc, en Ouganda, au Rwanda, au Niger, au Soudan, en Somalie, au Kenya… en croyant qu'il s'agit d'actions séparées sans connexion serait bien naïf. Ce sont les pièces d'un même puzzle qu'est l'Afrique qui sont ainsi dispersées dans la nature. Et les mains qui s'emploient à les disperser sont sensiblement les mêmes depuis toujours. Les motivations aussi sont les mêmes : faire de l'Afrique rien moins qu'un réservoir des matières premières sans aucune ambition pour un développement autonome. J'ai souvent été invité aux débats télévisés ou autres pour parler soit du Kenya, soit de la Rdc ou encore du Tchad. Mais j'ai toujours répondu en disant que je ne saurais parler de ces drames séparément. C'est un tout et c'est comme cela qu'il le prendre.
Ce qui vient de se passer au Tchad et qui, malheureusement se répètera ou se produira ailleurs en Afrique, montre au moins deux choses : la françafrique, pour les pays francophones, est plus vivace que jamais, contrairement aux vœux des uns et des autres; l'Afrique, comme au bon vieux temps de la guerre froide, est redevenue le champ de confrontation des luttes géopolitiques mondiales.
Cette analyse est construite de façon à aller à la racine du mal; comprendre pourquoi la françafrique, malgré le discours, se porte toujours aussi bien; de jeter un regard sur ces guerres faites en Afrique par les autres et contre l'Afrique; de voir comment, malgré les meurtrissures, la partie utile de l'Afrique continue d'afficher une croissance prometteuse; et enfin d'esquisser des solutions pour une pacification durable du continent africain.
LE VER DANS LE FRUIT
Lorsqu'un conflit éclate en Afrique, la première explication donnée par les africanistes "spécialistes" du continent – invités permanents de certains médias en France - est toujours ethnique et identitaire. Au Rwanda et au Burundi, ce sont les Hutu qui veulent s'emparer du pouvoir Tutsi; en Côte d'Ivoire, ce sont les Baoulés de Konan Bedié qui veulent reprendre le pouvoir Bété de Laurent Gbagbo; ou encore, ce sont les Sénoufo de Guillaume Soro qui ont tenté de renverser le pouvoir Bété de Gbagbo; au Gabon, ce sont les N'zebi de Zakary Myboto qui convoitent le pouvoir Téké d'Omar Bongo; au Congo le M'bochi Sassou Nguessou a chassé le N'zabi Pascal Lissouba du pouvoir; au Cameroun, ce sont les Anglo-Bami de John Fru Ndi qui veulent évincer le pouvoir Beti de Paul Biya; au Tchad, ce sont les Zagawa qui se déchirent entre eux. Et c'est comme çà que l'Afrique est schématisée à travers les grilles de lecture ethnologiques de l'Occident. C'est de cette façon à la limite caricaturale que ses conflits sont interprétés.
Mais cette présentation n'est pas du tout gratuite. Elle découle du travail de marquage identitaire fait en Afrique, depuis plus d'un siècle, par les ethnologue de la colonisation comme l'explique en le dénonçant, l'ethnologue Jean-Loup Amselle : "L'Afrique, telle qu'on se la représente aujourd'hui et telle qu'elle se manifeste à travers ses conflits, est le reflet de la colonisation et de l'imposition d'une grille ethnique qui a rigidifié les rapports intercommunautaires. Par exemple au Rwanda, dans la période précoloniale, il n'existait pas une catégorisation figée, ethnique ou raciale entre Hutu et Tutsi". Les clivages identitaires ont ainsi été montés de toute pièces et renforcés au fil du temps. On peut donc comprendre l'origine du génocide rwandais par exemple. C'est vrai que le colonisateur n'a rien inventé en la matière, il s'est juste appuyé sur la vieille prescription romaine qui recommande de diviser pour mieux régner. En Afrique, le marquage identitaire a été matérialisé par l'inscription systématique dans l'acte de naissance de l'origine ethnique. On y parle d'ailleurs de race. Ainsi, verra t-on inscrit dans cet espace les noms d'ethnies tels : Bamiléké, Bété, Baoulés, Bulu, Batéké, Douala, Serrère, Bambara, Peuls, Haoussa, Malinké, Téké, N'Zébi, Zagawa, Ibo, Yoruba, Bassa… Tout ceci avait pour but ultime de les figer dans une ethnie particulière et envisager d'autres moyens pour exacerber les clivages identitaires et provoquer si possible des conflits.
Le cliché le plus répandu en occident au sujet de l'Afrique est celui d'un continent "considérée comme le continent des ethnies". Jean Loup Amselle nous apprend que "c'est une perspective très ancienne, remonte à Kant et Hegel, et au sein de laquelle l'Afrique est perçue comme un continent a-historique. Cette vision a été perpétuée dans le temps. C'est une conception purement coloniale visant à détacher l'Afrique subsaharienne du Maghreb". Ici, on peut voir l'origine de certaines grossièretés contenues dans le discours de Dakar prononcé par le président français Nicolas Sarkozy. On peut aussi comprendre la déclaration de Jacques Chirac qui, alors que les Africains s'embarquaient dans l'aventure démocratique au début des années 90, avait déclaré ceci : "L'Afrique n'est pas mûre pour la démocratie". C'est vrai qu'à l'époque, la déclaration avait provoqué l'émoi de plus d'un Africain. Je crois pour ma part qu'il voulait sincèrement dire ceci en d'autres termes : "si je m'en tiens aux dispositions prises par nos ancêtres et nos aînés en Afrique, je ne pense pas que l'Afrique soit en mesure d'assimiler la démocratie". Ce qui peut se comprendre si l'on s'en tient à la définition de la démocratie et surtout aux conditions à remplir pour la voir s'enraciner.
La démocratie est à ce jour reconnue comme le moins mauvais des systèmes de gouvernement des hommes dans la cité. L'une de ses définitions les plus démagogiques est celle qui présente la démocratie comme "le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple". Mais malgré son caractère quelque peu utopique, la démocratie est devenue le système le plus couru dans le monde. Même les peuples qui n'ont rien à manger et qui n'ont qu'une idée vague de ce que peut être une démocratie, s'enthousiasment à l'idée de glisser un bulletin dans l'urne soit pour porter leur candidat au firmament, soit pour sanctionner un dirigeant. Ceci en raison de la dévolution de la souveraineté que ce système fait théoriquement au peuple. Mais la démocratie n'est opérationnelle que dans un Etat valablement constitué. L'Etat au sens d'Olivier Duhamel se présentant comme "un pouvoir normatif institutionnalisé, s'exerçant sur une population dans le cadre d'un territoire". Cet Etat, suggéré par des penseurs tels John Locke, Thomas Hobbes ou encore Jean Jacques Rousseau a été constitué pour apprivoiser la nature sauvage et belliqueuse de l'être humain. Sur la base du contactualisme de Rousseau, le monopole de violence légitime jadis détenu par chaque individu a été confié à l'Etat pour agir au nom de tous. Contre quoi, "des droits imprescriptibles sont opposables à l'Etat qui n'a été instauré que pour garantir le respect". Par exemple, l'Etat doit se conformer à la finalité pour laquelle il a été constitué; il doit rester en dehors de la sphère privée. Dans cet Etat dit impartial, les mécanismes ont été mis en œuvre pour protéger les gouvernants contre le pouvoir abusif éventuel des gouvernants. Car, comme l'a si bien relevé Montesquieu, "C'est une expérience éternelle que tout homme qui a le pouvoir est porté à en abuser. Il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites". Et Montesquieu de proposer que "par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir". Un Etat conçu selon ces canons est un moule dans lequel on peut couler facilement une société démocratique. Le problème en Afrique c'est que celui à qui le peuple a confié la gestion de l'Etat et en a ainsi fait le chef de l'Etat s'est pris pour l'Etat lui-même. On connaît la formule : "L'Etat c'est moi!", comme l'a si bien relevé l'écrivain camerounais Jean Baptiste Djoumessi dans une de ses réflexions sur l'Etat en Afrique.
L'Etat post colonial tel qu'on le connaît en Afrique est tout le contraire de l'Etat impartial. Au lendemain des indépendances, encouragés par les réseaux qui voulaient perpétuer la colonisation à travers eux, des bandes oligarchiques se sont emparés du pouvoir partout en Afrique et l'on privatisé à leur profit personnel. Des illuminés et des hommes de peu de valeurs ont été encouragés à prendre le pouvoir par les armes et à étouffer dans l'œuf la démocratie qui était en train de prendre dans l'Etat colonial. Ainsi, l'apprenti journaliste Joseph Désiré Mobutu a pris position au Congo pour faire régner sa terreur et faire oublier Patrice Lumumba; les soldats de l'armée française, Jean Bedel Bokassa et Etienne Gnagsimbe Eyadema ont pris possession respectivement de la Rca et du Togo; l'autre soldat Idi Amin Dada a fait son cinéma en Ouganda; l'ancien agent des services secrets français Hissène Habré est posté au Tchad. Tous ces dirigeants et bien d'autres ont essentiellement dirigé en confisquant l'Etat s'il ne l'on pas tout simplement étranglé. C'est pourquoi il existe en Afrique aujourd'hui des pays comme la Somalie ou même le Tchad où l'Etat a disparu.
Aujourd'hui, après des années de coups de boutoir ayant servi à altérer l'essence même de l'Etat originel, l'Etat en Afrique présente une image bien piteuse qui ressort de cette description du politologue Guy Hermet : "la politisation de la haute fonction publique, l'extension du clientélisme, la prolifération d'une corruption douce. La lutte pour les postes se substitue à la confrontation des idées. L'engagement politique devient un alibi à peine masqué d'un plan de carrière, le leader politique un cheval sur lequel on mise. Des pans entiers de la société sont atteints par cette politisation clientélaire. Les recteurs d'académie, les présidents d'entreprises publiques, les équipes dirigeantes des chaînes de télévision non commerciales et bien d'autres valsent au rythme des changements politiques. Les cabinets ministériels dominent l'administration, renvoyée dans les soutes. Le service de l'Etat, la continuité de l'Etat, la neutralité de l'Etat, l'accès aux emplois publics selon les seuls talents et mérites, le sens de l'intérêt général, autant d'idées et de réalités qui sont reléguées au musée des antiquités. L'Etat est alors profondément dévalué aux yeux de ses agents comme de l'ensemble de ses membres, réduits à la condition d'usagers plus ou moins insatisfaits au gré des événements ou des avantages personnels qu'ils parviennent à arracher". C'est vrai qu'on n'est pas loin des clichés. Et pourtant c'est la triste réalité que chaque africain vivant en Afrique doit observer tous les jours et ressentir à son plus profond être. C'est donc sur cet Etat, complètement détérioré, que le Président François Mitterrand a semblé vouloir semer la graine de la démocratie à la fin des années 80 au travers de son discours de la Baule. Beaucoup ont pu dire qu'il n'y croyait même pas lui-même, qu'il s'agissait plutôt de l'interprétation de son discours fait par les autres. Toujours est-il que le coup était parti. L'Afrique a vécu l'illusion puis la désillusion. Au bout du compte, beaucoup d'observateurs pensent que si volonté de démocratiser y avait dans le discours de la Baule, ce n'était que pour mieux dissimuler le travail souterrain de pillage du continent opéré par la Françafrique.
LES SURVIVANCES DE LA FRANCAFRIQUE :
Il y a beaucoup de réalité dans le phénomène de la Françafrique. Mais il y a aussi beaucoup de fantasmes. Certains observateurs, notamment les anciens administrateurs français ayant servi en Afrique, sont eux-mêmes surpris devant l'importance que prend la Françafrique dans la confrontation entre la France et ses anciennes colonies. Bien qu'ils ne nient pas l'existence de ce réseau, ils trouvent néanmoins que le phénomène se nourri plus des peurs développées par les anciens colonisés. Autrement dit, par leurs peurs conjuguées, les Africains offriraient à la Françafrique un pouvoir dont il ne dispose pas de façon intrinsèque. Elle serait en fait une sorte de cinquième colonne.
Ceci dit, on se doit de reconnaître l'existence réelle de la Françafrique. Il s'agit d'un phénomène multiforme, multifacette. Elle a une partie visible et une partie immergée. Elle a une dimension étatique officielle et une dimension privée. Elle a des agents infiltrés au sein des appareils d'Etat sur le continent africain.
La partie visible est représentée par le réseau diplomatique français qui est l'un des plus puissant du monde. Certains médias constituent des maillons essentiels des réseaux françafricains. Les bases militaires sur le continent complètent ce dispositif. Elles sont cinq sur la continent : Djibouti, 2800 hommes; Sénégal, 1100 hommes; Gabon, 800 hommes; Côte d' Ivoire, 2400 hommes; Tchad, 2000 hommes. Auxquelles il faut ajouter les bases de Mayotte, 3800 hommes ainsi que 600 hommes sur les bateaux au large de l'océan indien. Officiellement, les bases militaires françaises ont pour rôle : défense du pays d'accueil; sauvegarde des ressortissants français; capacité d'entraînement pour les troupes françaises compte tenu de l'espace qu'on n'a pas toujours en France; enfin, réservoir pour la conduite des opérations régionales. La plupart des pays accueillant les bases militaires françaises avaient signés des accords de défense au lendemain des indépendances avec l'ex puissance colonisatrice. Certains de ces accords ont été transformés en accord de coopération militaire et technique.
Ce qui vient de se passer au Tchad, comme je l'ai souligné plus haut, est la manifestation la plus patente du phénomène françafricain. Il y a quelques mois, des ressortissants français ont voulu exfiltrer d'Abéché des enfants tchadiens masqués en orphelins du Darfour. L'opération dite de l'Arche de Zoé était née. Une opération aux contours bien flous dont on dit beaucoup de choses parfois très graves aujourd'hui. Au travers de cette opération, les tchadiens ont semblé s'affranchir de la tutelle française puisque les ressortissants français ont été jugés et condamnés par la justice tchadienne. Le Président tchadien, Idriss Déby Itno a eu des sorties assez corsées contre la France. Depuis quelques années, des frères d'arme et même de sang à Idriss Déby s'impatientent à la frontière soudanaise à quelques 800 kilomètres de Djamena, la capitale tchadienne. Soutenus ouvertement parle Soudan, ils veulent que Déby leur cède la place afin que eux aussi se servent les richesses du Tchad. Quelques unes de leurs incursions ont été stoppés par le dispositif militaire français. La France souhaite faire déployer une force européenne, Eufor, dans la région de façon à sécuriser les réfugiés du Darfour et à offrir une protection aux régimes en place au Tchad et en Centrafrique. Le projet est repoussé par le Soudan qui n'a jamais voulu d'une telle force, et par les rebelles tchadiens aussi bien évidemment puisqu'ils y voient un véritable bouclier visant à leur couper la route de Djamena. En début févier, alors qu'ils étaient jusque là contenu par le dispositif français, les rebelles tchadiens ont parcouru les 800 kilomètres en quelques jours jusqu'à Djamena où, si ne s'en tient qu'à la version des médias françafricains ils n'étaient plus qu'à quelques mètres du palais présidentiel où Deby s'était réfugié dans son bunker. La France lui aurait même proposé une exfiltration mais il a refusé arguant du fait qu'il est soldat et qu'un soldat ne fuit pas. Toujours est-il que Deby a réussi à sauver son pouvoir. Avec l'aide l'armée française ou celle des rebelles du Darfour? On ne le saura jamais avec exactitude, la guerre n'étant pas une partie du plaisir où on peut voir ce qui s'y passe. Mais écoutons plutôt le miraculé Idriss Deby lors de sa première conférence de presse. Il promet d'accorder la grâce présidentielle aux 6 condamnés du scandale de l'Arche de Zoé si la France en fait la demande. Ah le con! Par excès de joie, il a trahi tout le monde mettant ainsi à nu le dispositif françafricain mis sur pied pour lui faire comprendre qu'il n'était en fait qu'un concierge et comme tel, il n'avait pas à avoir quelques velléités d'indépendance. Mais on a bien compris qu'il s'agit là des méthodes certes éculées et un peu grossières de la Françafrique, mais toujours efficaces.
La Françafrique tient sa légitimité de ce qu'aux yeux des organisations internationales tels l'Onu ou l'union européenne, elle est la seule à même de pouvoir apporter des solutions aux problèmes qui se posent aux anciennes colonies de la France. Ceci remonte à la conférence de Berlin où les pays colonisateurs s'étaient retrouvés pour se partager les possession africaines et se reconnaître mutuellement les propriétaires de ces vastes étendus terrestres. Plus tard, ils ont fait accepter le même principe au sein de toutes les organisations internationales où ils pouvaient se retrouver. En clair, lorsque la Côte d'Ivoire a un conflit avec la France et se plaint auprès de l'Onu, cette dernière, même de façon officieuse, sollicite la France et lui demande la conduite à tenir. C'est la même chose quand il est par exemple question du Nigeria par exemple par rapport à la Grande Bretagne mais avec le paternalisme et la brutalité en moins.
Prenons par exemple le cas du dispositif Eufor que la France souhaite mettre en place dans la région. Il s'agit d'abord d'un dispositif français parce qu'il concerne ses possessions territoriales. La France fournit d'ailleurs la moitié des hommes et les pays européens participants fournissent l'autre moitié. C'est un peu comme des propriétaires terriens disposaient des plantations éloignées de leurs lieux d'habitation. A un moment donné, un d'eux constate que hordes de singes ont envahies sa plantation et détruisent ses récoltes. Alors, il appelle ses amis propriétaires terriens afin qu'ils viennent l'assister soit pour éloigner les prédateurs, soit pour les encager. Lorsqu'elle était confrontée au problème au Tchad, la France a sollicité l'Onu afin qu'elle lui donne des moyens juridiques pour agir et surtout pour qu'elle condamne la prise du pouvoir par les armes. Le conseil de sécurité ne pouvait que signer une déclaration allant dans ce sens. Il a bien sûr traîné les pieds puisqu'une déclaration juridiquement n'a aucun poids. Mais l'essentiel était fait. A savoir, faire comprendre à tous ceux qui l'avaient oublié que le Tchad était bel et bien une possession française.
La Françafrique, c'est aussi les régimes dictatoriaux qui se sont enkystés un peu partout dans l'Afrique francophone. Ils emploient un personnel françafricain constitué d'anciens diplomates français, de barbouzes, des sping doctors et des professeurs d'universités. Le cas le plus connu étant le professeur Charles Debarge qui s'occupe de la manipulation de la constitution au Togo depuis plusieurs années. D'autres, moins connus que lui dans d'autres pays du précarré français, élaborent chaque jour des stratégies permettant aux dictateurs de s'éterniser au pouvoir. Les Barbouzes pour leur part, sont chargés d'élaborer des méthodes toujours plus affinées de répression. Quant aux sping doctors, ils se chargent de soigner l'image du régime. Tout ce travail conjugué accouche finalement d'une stratégie de conservation du pouvoir en quatre points :
- Encercler et anéantir l'opposition politique en discréditant systématiquement ses leaders et en leur coupant les vivres par tous les moyens y compris les moyens les plus illégaux;
- Affamer le peuple dans la perspective clientéliste et mettre sur pieds le processus d'achat systématique de conscience lors des élections;
- Piéger l'élite proche du pouvoir dans la corruption et autres scandales de façon à les tenir et les servir en pâture à l'opinion;
- Tenir en respect les retraités qui lorgnent un peu trop du coté de l'opposition. Pour ce faire, piocher régulièrement dans leurs rangs pour des promotions inespérées
Depuis que ce processus de domestication de la démocratie a été mis sur pieds dans beaucoup de pays africains, plusieurs dictateurs s'y font élire à la régulière. Ils n'ont même plus besoin d'user de la fraude électorale. Ou bien lorsqu'ils s'en servent, c'est plus une fraude préélectorale qu'une fraude électorale ou post électorale. Autrement dit, on voit de moins en moins l'utilisation des mécanismes comme le bourrage des urnes, les votes multiples ou encore la falsification des procès verbaux. Tout se passe avant dans le découpage électoral, la distribution sélective des cartes d'électeurs et surtout l'achat des consciences d'un peuple soumis à une misère abjecte. De façon synthétique, on dirait que l'opposition est étouffée et muselée, l'élite proche du pouvoir est encouragée à s'enrichir en piochant dans les caisses de l'Etat grâce à la corruption qui est tolérée mais dont les preuves sont gardées pour être utilisées contre elle au cas où il ose quoi que ce soit; l'argent utilisé, il doit l'utiliser pour constituer pour le compte du chef de l'Etat dont il est qu'un envoyé, une clientèle politique, notamment en achetant les consciences des populations. C'est un peu une stratégie utilisée dans les milieux maffieux : on met sur pied une opération tordue bien sûr. Au bout du compte, tout le monde est éclaboussé sauf le chef qui au contraire tire plutôt le grand bénéfice de l'affaire. Ces types d'affaires, on les retrouve aussi dans les grandes démocraties telles la France où on parlerait volontiers de l'affaire du sang contaminé sous Mitterrand, l'affaire des HLM de Paris avec pour acteur principal Jacques Chirac ou encore l'affaire Clearstream qui a foiré avec le même Chirac.
L'arsenal mis sur pieds dans les pays africains vise à créer le vide autour du dictateur. On en fait ainsi le seul borgne au pays des aveugles, l'homme providentiel après qui on aura que le chaos. Et lorsqu'on demande à la France comment elle peut soutenir un dictateur, la réponse à toujours proche de celle donnée au sujet de Idriss Déby. A savoir qu'il n'y a pas de solution de rechange si ce n'est les bandes armées qui convoitent le pouvoir. Mais ce n'est qu'une tentative de la part de la France de noyer le poisson. La France a tous les moyens pour connaître ce qui se passe dans son précarré africain mais elle privilégie ses intérêts en maintenant des hommes à elle soumis. Et lorsqu'ils cessent d'être soumis, on peut toujours actionner quelque rébellion pour les tenir en respect.
LA GUERRE DES AUTRES
Depuis toujours, des bandes armées conduites parfois par des hommes manipulés de l'extérieur écument l'Afrique semant la mort et la désolation à la recherche du pouvoir qu'elles réussissent parfois à arracher. La guerre froide avait exacerbé le phénomène. Partout sur le continent, des bandes armées avaient pris position dans les maquis de leurs pays. Ils avaient pour noms Laurent Désiré Kabila, Jonas Savimbi, John Garang, Hissein Habré, Goukouni Oueddeï, Idriss Déby Yoweri Museveni, Paul Kagame, chief Emeka Odumegwu Ojuku. Certains étaient considérés comme des bons et faisaient des idoles parmi les jeunes, d'autres comme des affreux. C'était selon le camp dans lequel on se trouvait. En fait, lorsque le pouvoir en place était soutenu par les Etats-Unis, l'Union soviétique ou la Chine armait la rébellion et vis versa. Le continent était animé et lorsqu'une radio en occident devait parler de l'Afrique, c'était surtout pour faire le décompte macabre des morts dans les différents foyers de tension.
Le Tchad dont il est question aujourd'hui a connu son premier coup d'Etat en 1975. Il était perpétré par le colonel Abdel Kader Kamougué contre le président Garta Tombalbaye. Ce drame entre sudistes ouvrit grandement la voie aux tribus guerrières du Nord. Depuis lors, le pouvoir se passe entre les Toubous, les Goranes, les Gazawa. Aujourd'hui, il s'agit même d'une lutte intra familiale puisque, Timane Erdimi, l'un des leaders de la rébellion qui a failli renverser Deby n'est autre que son propre neveu.
Au début des années 90, l'illusion démocratique avait quelque peu démantelé les maquis africains. Mais depuis quelques années, après que beaucoup de prétendants au pouvoir sont parvenus à la conclusion selon laquelle les urnes ne pourront jamais leur permettre d'arriver à leur fin, des "libérateurs" ont repris les armes. Au Soudan, au Niger, en Ouganda, en Rdc Congo, au Rwanda, en Rca, au Tchad des hommes et des femmes mais aussi malheureusement des enfants se battent pour disent-ils libérer leur pays. Ils suscitent la sympathie des âmes sensibles parce que réellement, ces pays pris en otage par des régimes sangsues, sont à libérer. Mais le problème n'est pas simple. Il est même très complexe. D'abord parce que en dehors de quelques éléments dotés d'une culture politique acceptable, tous les autres leaders de ces rébellions ne sont que des illuminés manipulés de l'extérieur. Ils veulent juste parvenir au pouvoir et reproduire le système qu'ils ont chassé. Personne n'a envie de restaurer l'Etat et d'établir une vraie démocratie. Ce qui se passe au Tchad est très édifiant à ce titre. Idriss Deby avait accompagné Hissein Habré en tant que son lieutenant dans la rébellion qui avait chassé Goukouni Ouedeï du pouvoir. Quelques années après, Deby est tombé en disgrâce. Il a profité d'un stage en France pour négocier sa mise sur orbite. La France avait un vieux compte à régler avec Hissein Habré qui avait pris sur lui de faire exécuter le commandant Galopin, l'officier des renseignement français, venu négocier la libération des époux Claustre. Avec l'aide de la France, il avait réussi à renverser Hissein Habré en 1990. Il s'est engagé dans un nombrilisme démocratique qui a fini par ramener la bataille politique au sein de la famille. Comme tous ses compères africains, il a fait modifier la constitution pour se faire élire autant de fois qu'il veut à la magistrature suprême de son pays. Ne voyant plus d'issues pour eux-mêmes, ses propres partisans - ceux là même qui l'avaient accompagnés à Djamena lorsqu'il chassait Habré - dont les membres de sa propre famille, ont repris le maquis. Ne pouvant pas compter sur la France, ils surfent depuis sur la fréquence soudanaise à la recherche de la voie divine devant les conduire au pouvoir. Je suis tout à fait certain que s'ils parviennent au pouvoir, au bout de cinq ou dix ans, si celui à qui ils ont confié le trône le joue pas le jeu en passant la main, un autre de ses lieutenants repartira lui aussi au maquis et le cycle ne s'arrêtera jamais.
De son coté, Deby met le feu au Darfour en soutenant ouvertement les rebelles de cette région qui se bat contre le pouvoir de Khartoum. En guise de reconnaissance, ces rebelles soudanais sont venus se battre au Tchad aux cotés de l'armée tchadienne. Les rebelles tchadiens étaient sûrement accompagnés des rebelles centrafricains qui eux combattent le régime de François Bozizé qui lui avait été porté au pouvoir grâce au soutien actif de Idriss Deby parrainé par la France. Ils comptent ainsi aider leurs camarades tchadiens à s'emparer du pouvoir en espérant qu'une fois au pouvoir ces derniers les aideront à chasser François Bozizé. Comme on le voit, c'est toute la sous région qui est en voie de déstabilisation.
En fait, ce qui se passe dans cette sous région et dont l'épicentre se trouve au Darfour est une sorte de remake de la guerre froide. Seuls les acteurs ont quelque peu changé. Le problème vient de ce que la Chine a pris position au Soudan et soutient activement le régime d'Omar El Béchir. La Chine est intéressée par les ressources pétrolières du Soudan concentrée en majorité dans la Darfour. Les mêmes ressources sont convoitées par les pays occidentaux. Pour répondre au soutien que les chinois apportent au régime de El Béchir, les pays occidentaux arment les rebelles du Darfour et conduisent une propagande parfois ridicule visant à présenter le Darfour comme l'enfer de l'Afrique. Le conflit est caricaturé en une bataille rangée entre les méchants arabes symbolisés par leur milice Djinjawid appuyées par les forces gouvernementales et les pauvres tribus noires du Darfour qui n'ont que leurs yeux pour pleurer et leurs pieds pour traverser la frontière et se réfugier au Tchad.
On voit là le même schéma de présentation des conflits en Afrique. On évolue dans les mêmes sillons creusés par les ethnologues de la colonisation. Les conflits sont systématiquement décrits comme des heurts identitaires entre les ethnies qui se détestent et ne peuvent que se détester. Or, il s'agit d'une vision complètement erronée. En Afrique, on ne se bat pas entre ethnies comprises au sens ethnologique du terme. On se bat pour l'espace vital, on se bat pour la nourriture, on se bat pour le pouvoir considéré comme la mamelle nourricière. Au Rwanda qui reste aujourd'hui l'un des drames présenté comme un conflit inter-ethnique, les Hutu n'ont pas tué les Tutsi parce qu'ils étaient Tutsi et qu'ils les détestaient pour cela. Ils les ont tué parce que l'armée du Fpr qui étaient en train de marcher sur le pays était constituée en majorité de Tutsi. Prenant le pouvoir, cette armée devait les éloigner de la nourriture. Si le problème n'était que ethnique comme on veut le faire croire en occident, ils n'auraient pas tué les Hutus modérés qui étaient pourtant leurs frères de sang. En fait, il y a en Afrique une sorte d'instrumentalisation du fait ethnique de la part des hommes politiques. Si bien qu'en l'absence de la politique, les hommes en Afrique pourraient bien mettre en œuvre la notion de "branchement" développée par Jean Loup Amselle.
Un autre cliché très répandu et tout aussi erroné est celui du pouvoir ethnique. D'après une vision purement occidentale, les chefs d'Etats africains ne seraient entourés que des membres de leur propre famille ou de leur ethnie. C'est peut-être un souhait mais c'est loin d'être la réalité. Il n'y a pas en Afrique un pouvoir ethnique au sens anthropologique du terme. Autrement dit, il n'a pas de président qui ne soit entouré que des membres de son ethnie. Ils peuvent être majoritaires mais sont toujours contrebalancés par les membres d'autres ethnies. Il s'agit d'une sorte de jeux d'alliances. Au Cameroun par exemple où le président Paul Biya est d'ethnie Bulu, son directeur de la sécurité est Bamenda; son ange gardien est d'ethnie Toupouri alors que l'actuel secrétaire général de la Présidence qui est proche de toujours est lui d'ethnie Douala. Des mêmes connexions peuvent être repérées où vous trouverez en Côte d'Ivoire par exemple, un Baoulé ou même un Sénoufo très proche du président Gbagbo qui est d'ethnie Bété alors qu'à contrario vous verrez un Bété très opposé à lui. Si ethnie il y a, c'est que c'est une ethnie oligarchique. En effet, le pouvoir en Afrique est plus proche de l'oligarchie à prétexte ethnique qu'autre chose. Parfois, c'est un jeu d'équilibre instable et lorsque le dosage est bien fait les résultats sont au rendez-vous.
LA CROISSANCE MALGRE TOUT
Malgré les guerres et les catastrophes naturelles, la partie utile du continent africain, celle qui est épargné, enregistre une croissance économique époustouflante. D'après le centre de développement de l'Ocde citant les perspectives économiques en Afrique en 2007, "l’activité économique a progressé en Afrique de 5.5 pour cent en 2006 – bien au-delà de sa tendance de long terme et ce, pour la quatrième année consécutive. Le PIB par habitant a augmenté de près de 3.5 pour cent. La croissance devrait également s’accélérer en moyenne en 2007 et rester soutenue en 2008". Si l'on s'en tient à la hausse substantielle qu'ont connue les cours du pétrole ces derniers mois, il est fort à parier que la croissance des pays exportateurs du pétrole sera encore plus forte en 2008. Dans presque tous les pays d'Afrique même ceux jadis desservis par le climat les perspectives sont aussi bonnes comme le souligne le rapport : "Malgré un repli des cours agricoles, qui a lourdement pénalisé les pays tributaires de ces exportations, l’année 2006 a été meilleure que prévu. Les pays exportateurs de caoutchouc, de café et de crustacés ont pu, grâce aux bons prix obtenus, conforter leurs balances commerciales.
En dépit de la faiblesse des cours internationaux (de coton notamment), certains pays producteurs ont su tirer parti d’une météorologie favorable pour relancer sensiblement leurs exportations quand d’autres – en Afrique centrale et orientale (Madagascar, Rwanda et Tanzanie) et en Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Ghana et Mali) ont également vu leurs exportations augmenter. D’autres pays aux exportations plus diversifiées (Égypte, Maurice et Maroc) ont eux aussi enregistré une forte croissance en volume".
Cette bonne santé économique qui dure depuis bientôt quatre ans prouve s'il en était encore besoin qu'il ne s'agit pas d'un phénomène passager. Elle montre aussi que les structures économiques mises sur pieds sont en train de porter leur fruit. Il reste à renforcer des structures et surtout d'investir dans le capital humain qui reste à ce jour un des vendre mous de l'Afrique comme le recommande les rédacteurs du rapport de l'Ocde : "Le défi consistera à s’assurer qu’une bonne partie des rentrées du secteur des ressources minérales sera investie dans le développement des infrastructures et du capital humain, afin de répondre aux besoins de diversification à moyen et longs termes. Les gains tirés de cette manne éphémère exigent une réorientation rapide des budgets publics. Cette transformation et le maintien de la croissance passent par une transparence accrue et la lutte contre la corruption. La poursuite de politiques macroéconomiques saines dans la plupart des pays du continent a renforcé la confiance des entreprises, d’où une reprise généralisée de l’investissement privé".
D'après l'agence de presse Pana citant le rapport Situation et perspectives de l'économie mondiale en 2008, "les Nations Unies attribuent la forte croissance économique du continent africain à l'importante demande intérieure, à la production minière et gazière en pleine expansion et au redressement observé après une longue période de récession dans plusieurs pays".
L'Afrique souffrait jusque là de la faiblesse des capitaux étrangers en direction du continent. Une situation qui serait en voie de se résorber. En effet, d'après un bulletin des Nations Unies au titre évocateur : "Afrique : les investissements directs étrangers ont battu des records en 2007", il est révélé "qu'en Afrique en particulier, les flux sont demeurés élevés, le 'boom' du marché des matières premières permettant d'atteindre le niveau sans précédent de 36 milliards de dollars".
Toutefois, la vigilance devrait être de mise et l'euphorie contenue. C'est d'ailleurs ce que recommande le rapport des Nations Unies : "Tout ralentissement significatif de l'économie mondiale réduira la demande d'exportations, provoquera une importante chute des prix des produits de base, et freinera, par conséquent, les perspectives de croissance du continent africain. En outre, l'inversion subite des flux de capitaux privés dans certains pays ainsi que la hausse des cours du pétrole associée à la faiblesse des flux de l'aide par rapport aux attentes, pourraient limiter l'investissement aussi bien public que privé et, par conséquent, poser de sérieux risques au redressement économique actuel"
Tout ceci confirme ce que j'ai toujours pensé et écrit de l'Afrique. A savoir qu'il s'agit d'un continent d'avenir. Il reste à régler le problème des conflits et des interférences étrangers qui en sont à l'origine. Ce n'est pas un problème insurmontable. A condition qu'on revienne aux fondamentaux pour bâtir des Etats réellement démocratiques.
ESQUISSE DE SOLUTIONS
Jusque là, j'étais résolument opposé à la prise du pouvoir en Afrique par les armes. Je disais comme les uns qu'il n'est pas question de déposer un pouvoir démocratiquement établi. Je la disais jusqu'à ce que je me penche sur ces "régimes démocratiques". J'ai alors compris qu'ils n'avaient de démocratique que de vernis. Je me suis dit comme les autres qu'un régime qui n'est plus capable d'assumer la mission qui lui a été confiée par le peuple souverain. A savoir subvenir aux besoins élémentaires de ses populations, ce régime là n'était plus qu'une bande de malfaiteurs qu'il faut chasser du pouvoir par tous les moyens y compris les armes. Mais après que j'ai dit cela, le plus dur commence en terme de questionnements interminables : qui mettre au pouvoir pour remplacer le président déchu? Quel crédit accordé à certains libérateurs qui ne sont en fait que des membres de l'oligarchie qui se sont fâchés avec leur leader et qui viendront reproduire le même système? Si l'on fait croire que le fait de détenir une arme offre une certaine supériorité sur ceux qui ne la détiennent pas, ne court-on pas vers un far west où le pouvoir ne reviendra qu'à celui qui tire le plus vite, une sorte de Lucky Luke local? Que va devenir a pratique politique sur le continent? A quoi ressembleront ces Etats soumis à une pression armée? Autant de questions qui montrent la difficulté qu'il y a à conduire ce problème. Et pourtant il y a en Afrique un certain nombre de pays dont la libération s'impose comme un impératif catégorique.
En Afrique, on doit revenir à la politique comprise comme sacrifice suprême au service du peuple souverain comme l'avaient compris Patrice Lumumba, Kwame Nkrumah ou encore Thomas Sankara. On doit aussi œuvrer pour la construction de l'Etat originelle avec à la base un contrat social entre les gouvernants et les gouvernés. Dans ce contrat, le pouvoir est la propriété des gouvernés qui le confient aux gouvernants pour l'exercice dans l'intérêt général. Ces gouvernants doivent être constamment évalués au travers des élections soit pour les sanctionner soit pour les conforter. Mais si au bout du compte, toutes les voies démocratiques pour assurer l'alternance politique dans le pays continuent d'être obstrués et qu'une oligarchie continue de confisquer le pouvoir, alors, il ne restera plus que la prise des armes comme solution ultime. Il faudra alors s'attendre à voir plusieurs foyers de tension s'ouvrir en Afrique. Un cycle auquel il faudra bien mettre fin et assurer le développement paisible du continent.
C'est dans cette optique que je m'en vais faire un certain nombre de propositions visant à réguler ces prises de pouvoir par les armes. Il faut toutefois reconnaître que la prise des armes ne devrait être qu'une exception et non une règle.
Celui qui dépose un régime jugé autocratique par les armes doit recevoir le titre de "libérateur national". Il doit lui être reconnu un statut et une indemnité viagère se rapportant à ce statut. Au plan protocolaire, le "libérateur national" doit mériter d'une place de choix à la tribune officielle lors des cérémonies nationales. Son nom doit être intégré dans les livres et enseigner aux enfants. En retour, le "libérateur national" doit renoncer à tout jamais à la pratique politique, de près ou de loin. Cette proposition est faite en tenant compte de l'idéal évoqué plus haut. A savoir le retour à la politique du sacrifice suprême. On considère donc que si quelqu'un est capable de sacrifier sa vie pour l'idéal national, il pourrait aussi sacrifier un idéal personnel qui est celui de diriger en position suprême. L'indemnité accordée tient compte du fait qu'en Afrique, près de 99% de ceux qui prennent les armes le font pour des raisons alimentaires. Il faut donc combler chez eux ce vide, peut-être pas au niveau où ils avaient espérer mais c'est aussi çà le sacrifice.
Aux lieutenants directs du "libérateur national", il sera reconnu le titre de "compagnons de la libération". Ils devront être casés en fonction de leurs compétences. Comme le "libérateur national", ils doivent eux aussi renoncer à la pratique politique. Il doit leur être attribué des médailles auxquelles sont attachés un certain nombre d'avantages en nature par exemple l'accès gratuit à divers lieux publics et autres.
Lorsque le chef de l'Etat déchu est chassé du pouvoir, celui-ci est confié au doyen d'âge de l'opposition civile. Ce dernier a l'obligation d'organiser les élections dans un délai de 100 jours. Elections auxquelles il ne prendra pas part.
Toutes ces propositions sont faites en tenant compte du fait qu'il faut remettre la générosité au centre de la politique. C'est elle qui poussera les uns à se mettre au service des autres parfois dans l'oubli total d'eux-mêmes. Je crois que c'est finalement cela l'idéal politique.
Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"
www.edetayo.blogspot.com
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