Ces derniers jours, l'opinion publique américaine, alertée par la campagne médiatique anti "made in china", est particulièrement remontée contre l'empire du milieu. Le pays de Hu Jintao est accusé au mieux d'une concurrence déloyale au plan commercial, au pire d'un plan diabolique visant tout simplement à empoisonner les consommateur américains.
L'énumération macabre qui noirci les pages et défile sur les écrans télé et sonores est de nature à décourager même le consommateur le plus inconscient. Ici, un extrait de l'article de l'Express : "Les pneus défaillants : 2 morts. La mélanine dans la nourriture pour animaux : 4 150 quadrupèdes tués. Les avions télécommandés qui explosent en vol: 22 personnes atteintes de surdité partielle ou temporaire. Les jouets ou bavoirs peints avec de la peinture au plomb ou encore le dentifrice au diéthylène glycol"
Cette campagne de diabolisation, connue sous le nom de "china bashing" (taper sur la Chine) est menée au congrès américain où plusieurs projets de loi protectionnistes sont proposés. Dans un congrès où les "china bashers" sont majoritaires, démocrates et républicains s'accordent pour protéger le petit et fragile Etats-Unis contre la grande et méchante Chine. Par ailleurs, d'autres officiels, plus belliqueux et jaloux du statut de l'hyper-puissance des Etats Unis, n'écartent pas la possibilité des sanctions multiformes à infliger à la Chine.
Il n'en fallait pas plus pour que certains analystes y voient les prémisses d'une guerre économique ou d'une guerre tout court. Mais à y voir de plus près, les chances pour les Etats-Unis d'ouvrir un conflit commercial ouvert ou un conflit armé contre la Chine sont très minces. Ceci pour un ensemble de raisons idéologiques, commerciales, financières, géostratégiques et géopolitiques.
En recourant au protectionnisme quelle qu'en fut la raison au 21e siècle, les Etats-Unis courent le risque d'un reniement idéologique en sapant le socle sur lequel repose l'idéologie capitaliste et libre échangiste dont ils sont les plus grands promoteurs dans le monde. Après la responsabilité que certains lui reconnaissent volontiers dans l'échec du cycle de Doha de l'OMC, la préconisation des mesures de rétorsion protectionnistes des Etats-Unis contre la Chine confirmeraient tout le mal que certaines ONG pensaient du pays de Georges Bush en tant que fossoyeur du libéralisme économique. Cela s'appellerait : scier la branche sur laquelle on est perché.
Au plan commercial, la Chine a fait les choses de telle sorte que, si elle devrait tomber suite à une attaque américaine, les deux économies s'écrouleraient simultanément. Ainsi, les exportations de la Chine vers les Etats-Unis en 2006 se montaient à 288 milliards de dollars. Elles portent sur les équipements électriques, les jeux, les jouets, l'habillement, le mobilier. La Chine est responsable de plus d'un quart du déficit commercial américain avec 232 milliards de dollars. Les Etats-Unis dépendent de la Chine pour le financement de leurs déficits extérieurs. Selon Philippe Boulet Gercourt, correspondant du magazine "Challenges" aux Etats-Unis, "les chinois disposent de gros excédents monétaires qui rendraient suicidaires une guerre commerciale ouverte" contre la Chine.
Au plan financier, bien que la sous-évaluation du Yuan, la monnaie chinoise, soit perçue par les Etats-Unis comme la plus grosse tricherie financière de la part de la Chine, ils se gardent pourtant bien d'engager des mesures de rétorsion. Et pour cause, la Chine détient les bons de trésor américain pour une valeur d'environ 407, 4 milliards de dollar. La vente soudaine de ces titres ferait chuter le dollar d'au moins de moitié. De même que cette monnaie longtemps considérée comme étalon de référence pour les échanges internationaux risquerait perdre ce statut.
Au plan géostratégique, il est important de remarquer que "l'ours Russe, humilié au lendemain du démantèlement de l'union soviétique est en train de sortir les griffes", comme le souligne un article de "The Economist" repris par "l'Express". En fait, entre la Chine et les Etats-Unis, deux belligérants en ordre de bataille, la Russie joue le rôle d'épouvantail capable de dissuader les américains quant à l'éventualité d'une attaque contre le Chine. De même l'Europe occidentale joue le rôle d'amortisseur et de stabilisateur qui permettrait aux deux adversaires d'entendre raison. A savoir que ce qui divise peut parfois être immensément plus minime que ce qui nous unit.
Au plan géopolitique, la mondialisation entamera tellement la souveraineté des Etats qu'il ne sera plus facile de parler de patriotisme commercial aux hommes d'affaire qui n'auront plus envie d'être enfermé dans des entité appelés Etats, mais qui voudraient avoir leur liberté d'action partout dans le monde et surtout dans les secteurs qui comme la Chine leur permet de réaliser des profits substantiels. Dès lors parler des produits chinois et les lier directement à l'image de la Chine relèverait d'une absurdité à nulle autre pareille. Ce d'autant plus que "près de 2/3 des exportations chinoises aux Etats-Unis sont manufacturées par les entreprises non chinoises à Taiwan, au Japon et aux Etats-Unis".
Enfin, contrairement à son apparence, la Chine pratiquerait un lobbying d'une efficacité à faire pâlir les plus grands experts américains en la matière. Ainsi, comme l'écrit "l'Express" : "les chinois possèdent de nombreux amis, prêts à calmer le jeu. Yang Jiechi, l'actuel ministre chinois des affaires étrangères, est un ami de longue date de la famille Bush. Dans l'administration, le secrétaire au Trésor Hank Paulson conserve de nombreuses amitiés chinoises nouées à l'époque où il dirigeait la banque Goldman Sachs. Dans le secteur privé, les chinois peuvent aussi compter sur le soutien de Madeleine Albright ou Charlène Barshefsky ex-secrétaire au commerce qui a négocié l'entrée de la Chine à l'OMC. Quant aux multinationales, elles sont les premières contre toute mesure protectionniste qui irait à l'encontre de leur intérêts". Il faut signaler que "le club for growth a publié une pétition contre les politiques protectionnistes visant la Chine signée par 1028 économistes".
Pour autant, faut-il penser que les china bashers, conscients de cette situation, rangeront leurs armes. Que non. Ils continueront se muscler jusqu'au jour où un président suffisamment belliqueux leur permettra d'assouvir leurs besoins. A savoir, casser du Chinois.
Par Etienne de Tayo
Promoteur de "Afrique Intègre"
1 commentaire:
You write very well.
Enregistrer un commentaire