Aujourd’hui, les diasporas africaines se sont transformées en véritables vestiaires du jeu politique qui se joue en Afrique. Ce qui est tout à fait légitime, surtout si on tient compte du fait que la structure démographique de la population composant ces diasporas s’est considérablement métamorphosée. Hier composé essentiellement d’ouvriers ou éboueurs et d’étudiants, les diasporas africaines renferment aujourd’hui des cadres supérieurs et de personnalités de haut vol, détenteurs parfois d’un carnet d’adresse particulièrement impressionnant. Et lorsqu’on arrive souvent à ce niveau de notoriété, on se sent souvent pousser des ailes d’un destin national… dans son pays d’origine bien sûr.
A chaque veille d’élection présidentielle dans un pays en Afrique, des candidats plus ou moins sérieux, plus ou moins déterminés, se déclarent dans la diaspora. Mais si beaucoup sont souvent très présents et très actifs dans les médias et le Net, très peu se résolvent à fouler le sol de leur pays d’origine, où se déroule pourtant la campagne, et avoir ainsi un contact direct avec le peuple auprès de qui ils vont solliciter les suffrages. La raison très souvent avancée, est celle de l’insécurité propre aux régimes dictatoriaux ou post autoritaires en place dans plusieurs pays africains et donc, celle de la peur d’être embastillé ou tout simplement assassiné.
Kofi Yamgnane, candidat à l’élection présidentielle togolaise, a décidé d’affronter son destin sur le terrain des opérations au Togo, tutoyant la peur qu’il semble n’avoir d’ailleurs jamais éprouvée. Il y a plus d’un an, ce Breton d’adoption, qui a été ministre de François Mitterrand en France, a pris ses quartiers à Lomé, la capitale togolaise. Depuis qu’il a déclaré sa candidature, le 02 septembre dernier, pour l’élection présidentielle du 28 de février 2010, Kofi Yamgnane sillonne les pistes du Togo à la rencontre des Togolais.
Dans une interview qu’il nous a accordée, Kofi Yamgnane révèlait que, sur 4885 villages que compte le Togo, il aurait déjà visité plus de 4200 et compte visiter les 600 villages restants d’ici la présidentielle : « Au cours de mon périple, je rencontre la population, les autorités administratives et surtout les chefs de village. Dans certains villages, lorsque le chef du village, terrorisé par la peur que fait peser sur lui l’autorité administrative zélée, refusent de me rencontrer, je me contente du contact avec la population qui elle, prend du plaisir à m’écouter », relate Kofi Yamgnane. Le dernier développement de la situation au Togo, notamment marqué par un mini incident diplomatique entre le Togo et la France, montre bien que la présence de Kofi Yamgnane sur le terrain togolais ne laisse plus indifférentes les autorités togolaises.
Le 08 décembre 2009, le gouvernement togolais a décidé d'expulser le premier secrétaire de l'ambassade de France au Togo. Les autorités togolaises reprochent à Eric Bosc, en charge de la politique intérieure, "ses contacts trop suivis avec Kofi Yamgnane ». Ainsi, face à l’offensive de Kofi Yamgnane sur le terrain, les autorités togolaises sont passées à l'intimidation. Commentant cet incident diplomatique dont il est la cause malgré lui, Kofi Yamgnane dit que "le phénomène Yamgnane a d'abord suscité le ricanement des autorités togolaises, puis la prise de conscience du danger, puis l'agacement, puis la peur. Aujourd'hui, c'est la panique qui précède la défaite. Seul un gouvernement aux abois peut décider de renvoyer un diplomate français de son territoire", dit le candidat Yamgnane.
Le courage politique
Lorsqu’en 2005 et tout récemment encore d’ailleurs, Kofi Yamgnane déclare sa candidature à l’élection présidentielle au Togo, ceux qui sont chargés d’instrumentaliser la peur pour décourager les opposants aux régimes africains, lui avaient dit qu’il ne vaut pas plus de 5000 F CFA (soit 7,62 euros), c’est à dire la somme qui sera remise au tueur à gage chargé de le liquider. A ceux qui tentaient ainsi de lui inculquer la peur, Kofi Yamgnane rappelait qu’il est d’abord un homme politique de terrain. C’est à dire cette race de politiciens qui privilégient le contact avec le peuple : « j’irai à la rencontre des Togolais pour leur parler. Je veux parler au Togolais. Je veux leur enlever cette peur qui les paralyse », déclare t-il.
Sans en donner l’air, Kofi Yamgnane, de par son action politique, est en train de creuser un sillon dans lequel, demain peut-être, les petits ruisseaux du dynamisme ou même de la contestation des diasporas africaines, couleront pour fertiliser le champ politique africain en faisant ainsi fleurir la démocratie et la prospérité. Au Togo où il n’a pas eu besoin de créer un parti politique, Kofi Yamgnane a recours à la métaphore du football pour expliquer la situation dans laquelle se trouve l’opposition togolaise et dire pourquoi elle doit s’entendre autour de sa personne : « Vous avez au Togo une équipe qui, au cours d’un match de football, obtient un premier penalty. L’entraîneur choisit le meilleur joueur reconnu de tout le monde pour l’exécuter. Mais il tire et la balle n’entre pas. On obtient un deuxième penalty, et malgré son infortune au premier penalty, tous les regards se tournent vers lui et on lui accorde encore de tirer le deuxième penalty. Il exécute mais, une fois de plus, la balle n’entre pas. On obtient le troisième et le quatrième penalty mais le même scénario se reproduit. Aujourd’hui, on est au cinquième penalty et je voudrais que mes coéquipiers m’accorde de tirer ce cinquième penalty », démontre Kofi Yamgnane. Et sortant de ce langage tout en parabole, Kofi Yamgnane précise sa pensée : « Depuis toujours, l’opposition a gagné les élections au Togo mais elle n’a pas pu accéder au pouvoir. Si les Togolais m’accordent leur suffrages, j’irai chercher le pouvoir là où il se trouve », lance t-il.
En décidant de démonter et de démystifier la manufacture de la peur établie en Afrique par des réseaux maffieux affiliés à certains pouvoirs ou directement par des pouvoirs dictatoriaux, Kofi Yamgnane montre à suffisance à la diaspora que le pouvoir s’obtient sur le terrain en Afrique, au besoin en exposant sa propre vie. Car, de même qu’il n’y a pas d’amour heureux, comme dit le chanteur, il n’y a pas de politique tranquille. Pour un homme politique qui sait de quoi il parle, son inscription dans le combat politique équivaut aussi à une signature symbolique de son propre arrêt de mort. Dans une acception extrême, on peut affirmer qu’on va en politique pour mourir et non pour vivre. Un chef politique autant qu’un général d’armée, n’est pas seulement respecté pour sa belle stature et ses beaux boubous, mais pour sa capacité à affronter le péril et à triompher de lui.
Tous ceux qui dans la diaspora se sont découvert un destin national dans leur pays d’origine, doivent aller sur le terrain en Afrique pour solliciter le suffrage auprès du peuple souverain, seul habilité à offrir le pouvoir après avoir jaugé le candidat au travers d’un contact direct. Ils doivent faire le déplacement du terrain africain parce que, malheureusement, le pouvoir ne se téléphone pas, il ne s’envoie pas par fax, on ne le reçoit pas par sms, ni par mail. L’incapacité de certains opposants de la diaspora à rejoindre le terrain des hostilités en Afrique, pousse les peuples à valider l’adage qui voudrait qu’on préfère avoir affaire au diable qu’on connaît que d’attendre l’ange qu’on ne connaît pas. C’est la validation de cet adage qui fait que les peuples en Afrique accordent leurs suffrages aux dictateurs patentés au lieu d’attendre les poltrons qui préfèrent leur parler depuis leur exil doré.
Je lisais récemment sur le site du quotidien camerounais "Le jour" (19 novembre 2009), un forum qui réagissant à une interview accordée par un opposant camerounais établi en France. Le « forumiste » nommé "le citoyen" disait exactement ceci : « Mon cher Louis Tobie, les vrais combats politique ce n'est pas depuis l'exil doré d'où on fait de la rhétorique aérienne mâtinée de suffisance intellectuelle. Les vrais combats, il faut justement rentrer au pays les faire sur le terrain comme ceux que tu cites: Matthias Eric, Alain Didier, FabienEboussi... Manger du fromage en Europe, boire du beaujolais nouveau en dissertant sur la situation politique du Cameroun de la manière dont vous le faites avec de simples souvenirs historiques n'honore ni votre prétendu engagement politique ni le sacrifice de votre père. Merci de revenir vous battre sur le terrain politique au Cameroun avec nous...» (sic). Les fora Internet ont ceci de positif qu’il s’agit véritablement de la voix du peuple dans ce qu’elle a de sincère et de corrosif.
Le contentieux
En fait, les Africains du continent soupçonnent certains opposants de la diaspora, de vouloir quitter leur exil doré directement pour les lambris du palais présidentiel sans connaître les réalités du terrain. Et pourtant, pensent-ils, ces opposants doivent courir le risque, dans le meilleur des cas, de respirer le gaz lacrymogène des forces de maintien de l’ordre, lorsqu’une manifestation est dispersée, et dans le pire des cas, de recevoir une balle en plein cœur comme ces hommes et femmes qui, parce qu’ils se sont mobilisés, ont trouvé la mort dans le stade de Conakry. Les Africains du continent pensent qu’en refusant d’aller sur le terrain, sous prétexte de la préservation de leur vie, les opposants de la diaspora consolident, à leur manière, la peur diffuse et fantasmée qui depuis des années paralyse les mobilisations politiques en Afrique.
Certains opposants, candidats aux élections en Afrique, s’emploient à nouer des relations, selon eux privilégiées, avec les autorités françaises, américaines ou anglaises et chaque audience obtenue auprès de ces autorités est présentée comme un trophée de guerre ou comme un kilomètre supplémentaire gagné sur la route vers le pouvoir. Sans le savoir, ils aggravent ainsi leur cas par rapport à l’objectif de la conquête pouvoir en Afrique qui est le leur et par rapport à la confiance qu’ils veulent gagner auprès des populations en Afrique. Ils aggravent leur cas parce qu’on a affaire en Afrique à des peuples parfois très nationalistes. On a affaire à des peuples qui, comme au Cameroun, ont mené des combats parfois très violents et très périlleux contre l’ordre colonial. Se présenter comme un protégé de ce pouvoir néo-colonial peut être très contre productif. C’est pourquoi, les adversaires de Kofi Yamgnane au Togo ont d’abord tenté de le présenter, sans succès bien sûr, comme un agent français venu parfaire le projet de re-colonisation du Togo. Face à un peuple nationaliste et particulièrement remonter contre la France, surtout dans sa version Françafricaine, cette accusation aurait bien pu fleurir, n’eut était le discours de clarification de Kofi Yamgnane : « Je ne demande aucun soutien à la France. Je lui demande ainsi qu’à l’union européenne qui ont décidé de financer les élections au Togo, de prendre des dispositions pour qu’on ait un scrutin transparent, juste et équitable. Je demande les urnes transparentes », martèle l’ancien Maire de Saint Coulitz.
L’espoir
L’attitude politique adoptée courageusement par Kofi Yamgnane d’aller à la rencontre de l’Afrique des peuples, et qui s’inscrit d’ailleurs dans la ligne directrice de son combat pour l’ensemencement de la démocratie en Afrique – combat qu’il appréhende comme une mission qu’il s’est donnée - cette attitude est en passe de résoudre l’épineux contentieux migratoire qui oppose, depuis toujours, les Africains restés sur le continent et ceux de la diaspora. Ce contentieux se présente sous la forme d’une accusation des africains du continent qui n’ont jamais pu se défaire de l’idée selon laquelle, en voyageant vers l’étranger symbolisé par le pays du bonheur, les Africains de la diaspora les auraient trahi quelque part. Ceci parce que en Afrique, le mythe de l’ailleurs paradis est très coriace et la vraie réussite ne se conçoit que sous l’angle du partage. Un contentieux que je décrivais déjà comme une sorte d’hypothèque scellé sur la synergie souhaitée entre les deux groupes d’Africains séparés malheureusement par l’exil des membres de la diaspora. C’est ce contentieux qui, se manifestant sous une forme inconsciente, pousse certains Africains du continent à soupçonner leurs frères de la diaspora de se poser en donneurs de leçons et de les regarder du haut. Et pourtant, le développement de l’Afrique ne sera possible que lorsque l’expertise de la diaspora aura rencontré la sagesse du continent, lorsque les filles et fils du continent, éparpillés de par le monde auront réussi à accorder leur violon avec les gardiens de la tradition, restés en Afrique.
Tout africain de la diaspora qui aspire à la magistrature suprême de son pays, doit travailler à la levée de cet hypothèque et donc à la résolution du contentieux. Et pour ce faire, la rencontre réelle, et non point symbolique uniquement - à travers les médias et autres réseaux Internet - avec le peuple de son pays, est absolument indispensable. Les Africains du continent attendent de leurs filles et fils, de leurs sœurs et frères de la diaspora certes qu’ils leurs envoient de temps à autre de quoi supporter la vie, mais surtout qu’ils viennent re-tremper dans le terroir pour reprendre la couleur et l’odeur locales. Ils attendent d’eux, qui ont tant voyagé, qu’ils leur disent ce qu’ils ont vu, afin que, alliant cet apport extérieur à leur propre culture, ils puissent produire la culture nouvelle qui seule ouvrira les portes du bonheur, qui remplacera le fameux produit national brut par le bonheur national brut comme le recommandait déjà Joseph Ki Zerbo. En fait, pour reprendre une dialectique chère à Cheikh Amidou Kane dans son œuvre à succès, « L’Aventure ambiguë », l’Afrique, c’est le pays des Diallobé et chaque Africain membre de la diaspora, surtout ceux qui ont des ambitions politiques, sont des Samba Diallo en puissance. Donc, comme le prescrit Samba Diallo, ils doivent réaliser la synthèse culturelle : « Je ne suis pas un pays des Diallobé distinct, face à un Occident distinct, et appréciant d'une tête froide ce que je puis lui prendre et ce qu'il faut que je lui laisse en contrepartie. Je suis de venu les deux. Il n'y a pas une tête lucide entre deux termes d'un choix. Il y a une nature étrange, en détresse de n'être pas deux. », rappelle le héros de « L’Aventure ambiguë »
Etienne de Tayo
Promoteur « Afrique Intègre »
http://www.edetayo.blogspot.com/
A chaque veille d’élection présidentielle dans un pays en Afrique, des candidats plus ou moins sérieux, plus ou moins déterminés, se déclarent dans la diaspora. Mais si beaucoup sont souvent très présents et très actifs dans les médias et le Net, très peu se résolvent à fouler le sol de leur pays d’origine, où se déroule pourtant la campagne, et avoir ainsi un contact direct avec le peuple auprès de qui ils vont solliciter les suffrages. La raison très souvent avancée, est celle de l’insécurité propre aux régimes dictatoriaux ou post autoritaires en place dans plusieurs pays africains et donc, celle de la peur d’être embastillé ou tout simplement assassiné.
Kofi Yamgnane, candidat à l’élection présidentielle togolaise, a décidé d’affronter son destin sur le terrain des opérations au Togo, tutoyant la peur qu’il semble n’avoir d’ailleurs jamais éprouvée. Il y a plus d’un an, ce Breton d’adoption, qui a été ministre de François Mitterrand en France, a pris ses quartiers à Lomé, la capitale togolaise. Depuis qu’il a déclaré sa candidature, le 02 septembre dernier, pour l’élection présidentielle du 28 de février 2010, Kofi Yamgnane sillonne les pistes du Togo à la rencontre des Togolais.
Dans une interview qu’il nous a accordée, Kofi Yamgnane révèlait que, sur 4885 villages que compte le Togo, il aurait déjà visité plus de 4200 et compte visiter les 600 villages restants d’ici la présidentielle : « Au cours de mon périple, je rencontre la population, les autorités administratives et surtout les chefs de village. Dans certains villages, lorsque le chef du village, terrorisé par la peur que fait peser sur lui l’autorité administrative zélée, refusent de me rencontrer, je me contente du contact avec la population qui elle, prend du plaisir à m’écouter », relate Kofi Yamgnane. Le dernier développement de la situation au Togo, notamment marqué par un mini incident diplomatique entre le Togo et la France, montre bien que la présence de Kofi Yamgnane sur le terrain togolais ne laisse plus indifférentes les autorités togolaises.
Le 08 décembre 2009, le gouvernement togolais a décidé d'expulser le premier secrétaire de l'ambassade de France au Togo. Les autorités togolaises reprochent à Eric Bosc, en charge de la politique intérieure, "ses contacts trop suivis avec Kofi Yamgnane ». Ainsi, face à l’offensive de Kofi Yamgnane sur le terrain, les autorités togolaises sont passées à l'intimidation. Commentant cet incident diplomatique dont il est la cause malgré lui, Kofi Yamgnane dit que "le phénomène Yamgnane a d'abord suscité le ricanement des autorités togolaises, puis la prise de conscience du danger, puis l'agacement, puis la peur. Aujourd'hui, c'est la panique qui précède la défaite. Seul un gouvernement aux abois peut décider de renvoyer un diplomate français de son territoire", dit le candidat Yamgnane.
Le courage politique
Lorsqu’en 2005 et tout récemment encore d’ailleurs, Kofi Yamgnane déclare sa candidature à l’élection présidentielle au Togo, ceux qui sont chargés d’instrumentaliser la peur pour décourager les opposants aux régimes africains, lui avaient dit qu’il ne vaut pas plus de 5000 F CFA (soit 7,62 euros), c’est à dire la somme qui sera remise au tueur à gage chargé de le liquider. A ceux qui tentaient ainsi de lui inculquer la peur, Kofi Yamgnane rappelait qu’il est d’abord un homme politique de terrain. C’est à dire cette race de politiciens qui privilégient le contact avec le peuple : « j’irai à la rencontre des Togolais pour leur parler. Je veux parler au Togolais. Je veux leur enlever cette peur qui les paralyse », déclare t-il.
Sans en donner l’air, Kofi Yamgnane, de par son action politique, est en train de creuser un sillon dans lequel, demain peut-être, les petits ruisseaux du dynamisme ou même de la contestation des diasporas africaines, couleront pour fertiliser le champ politique africain en faisant ainsi fleurir la démocratie et la prospérité. Au Togo où il n’a pas eu besoin de créer un parti politique, Kofi Yamgnane a recours à la métaphore du football pour expliquer la situation dans laquelle se trouve l’opposition togolaise et dire pourquoi elle doit s’entendre autour de sa personne : « Vous avez au Togo une équipe qui, au cours d’un match de football, obtient un premier penalty. L’entraîneur choisit le meilleur joueur reconnu de tout le monde pour l’exécuter. Mais il tire et la balle n’entre pas. On obtient un deuxième penalty, et malgré son infortune au premier penalty, tous les regards se tournent vers lui et on lui accorde encore de tirer le deuxième penalty. Il exécute mais, une fois de plus, la balle n’entre pas. On obtient le troisième et le quatrième penalty mais le même scénario se reproduit. Aujourd’hui, on est au cinquième penalty et je voudrais que mes coéquipiers m’accorde de tirer ce cinquième penalty », démontre Kofi Yamgnane. Et sortant de ce langage tout en parabole, Kofi Yamgnane précise sa pensée : « Depuis toujours, l’opposition a gagné les élections au Togo mais elle n’a pas pu accéder au pouvoir. Si les Togolais m’accordent leur suffrages, j’irai chercher le pouvoir là où il se trouve », lance t-il.
En décidant de démonter et de démystifier la manufacture de la peur établie en Afrique par des réseaux maffieux affiliés à certains pouvoirs ou directement par des pouvoirs dictatoriaux, Kofi Yamgnane montre à suffisance à la diaspora que le pouvoir s’obtient sur le terrain en Afrique, au besoin en exposant sa propre vie. Car, de même qu’il n’y a pas d’amour heureux, comme dit le chanteur, il n’y a pas de politique tranquille. Pour un homme politique qui sait de quoi il parle, son inscription dans le combat politique équivaut aussi à une signature symbolique de son propre arrêt de mort. Dans une acception extrême, on peut affirmer qu’on va en politique pour mourir et non pour vivre. Un chef politique autant qu’un général d’armée, n’est pas seulement respecté pour sa belle stature et ses beaux boubous, mais pour sa capacité à affronter le péril et à triompher de lui.
Tous ceux qui dans la diaspora se sont découvert un destin national dans leur pays d’origine, doivent aller sur le terrain en Afrique pour solliciter le suffrage auprès du peuple souverain, seul habilité à offrir le pouvoir après avoir jaugé le candidat au travers d’un contact direct. Ils doivent faire le déplacement du terrain africain parce que, malheureusement, le pouvoir ne se téléphone pas, il ne s’envoie pas par fax, on ne le reçoit pas par sms, ni par mail. L’incapacité de certains opposants de la diaspora à rejoindre le terrain des hostilités en Afrique, pousse les peuples à valider l’adage qui voudrait qu’on préfère avoir affaire au diable qu’on connaît que d’attendre l’ange qu’on ne connaît pas. C’est la validation de cet adage qui fait que les peuples en Afrique accordent leurs suffrages aux dictateurs patentés au lieu d’attendre les poltrons qui préfèrent leur parler depuis leur exil doré.
Je lisais récemment sur le site du quotidien camerounais "Le jour" (19 novembre 2009), un forum qui réagissant à une interview accordée par un opposant camerounais établi en France. Le « forumiste » nommé "le citoyen" disait exactement ceci : « Mon cher Louis Tobie, les vrais combats politique ce n'est pas depuis l'exil doré d'où on fait de la rhétorique aérienne mâtinée de suffisance intellectuelle. Les vrais combats, il faut justement rentrer au pays les faire sur le terrain comme ceux que tu cites: Matthias Eric, Alain Didier, FabienEboussi... Manger du fromage en Europe, boire du beaujolais nouveau en dissertant sur la situation politique du Cameroun de la manière dont vous le faites avec de simples souvenirs historiques n'honore ni votre prétendu engagement politique ni le sacrifice de votre père. Merci de revenir vous battre sur le terrain politique au Cameroun avec nous...» (sic). Les fora Internet ont ceci de positif qu’il s’agit véritablement de la voix du peuple dans ce qu’elle a de sincère et de corrosif.
Le contentieux
En fait, les Africains du continent soupçonnent certains opposants de la diaspora, de vouloir quitter leur exil doré directement pour les lambris du palais présidentiel sans connaître les réalités du terrain. Et pourtant, pensent-ils, ces opposants doivent courir le risque, dans le meilleur des cas, de respirer le gaz lacrymogène des forces de maintien de l’ordre, lorsqu’une manifestation est dispersée, et dans le pire des cas, de recevoir une balle en plein cœur comme ces hommes et femmes qui, parce qu’ils se sont mobilisés, ont trouvé la mort dans le stade de Conakry. Les Africains du continent pensent qu’en refusant d’aller sur le terrain, sous prétexte de la préservation de leur vie, les opposants de la diaspora consolident, à leur manière, la peur diffuse et fantasmée qui depuis des années paralyse les mobilisations politiques en Afrique.
Certains opposants, candidats aux élections en Afrique, s’emploient à nouer des relations, selon eux privilégiées, avec les autorités françaises, américaines ou anglaises et chaque audience obtenue auprès de ces autorités est présentée comme un trophée de guerre ou comme un kilomètre supplémentaire gagné sur la route vers le pouvoir. Sans le savoir, ils aggravent ainsi leur cas par rapport à l’objectif de la conquête pouvoir en Afrique qui est le leur et par rapport à la confiance qu’ils veulent gagner auprès des populations en Afrique. Ils aggravent leur cas parce qu’on a affaire en Afrique à des peuples parfois très nationalistes. On a affaire à des peuples qui, comme au Cameroun, ont mené des combats parfois très violents et très périlleux contre l’ordre colonial. Se présenter comme un protégé de ce pouvoir néo-colonial peut être très contre productif. C’est pourquoi, les adversaires de Kofi Yamgnane au Togo ont d’abord tenté de le présenter, sans succès bien sûr, comme un agent français venu parfaire le projet de re-colonisation du Togo. Face à un peuple nationaliste et particulièrement remonter contre la France, surtout dans sa version Françafricaine, cette accusation aurait bien pu fleurir, n’eut était le discours de clarification de Kofi Yamgnane : « Je ne demande aucun soutien à la France. Je lui demande ainsi qu’à l’union européenne qui ont décidé de financer les élections au Togo, de prendre des dispositions pour qu’on ait un scrutin transparent, juste et équitable. Je demande les urnes transparentes », martèle l’ancien Maire de Saint Coulitz.
L’espoir
L’attitude politique adoptée courageusement par Kofi Yamgnane d’aller à la rencontre de l’Afrique des peuples, et qui s’inscrit d’ailleurs dans la ligne directrice de son combat pour l’ensemencement de la démocratie en Afrique – combat qu’il appréhende comme une mission qu’il s’est donnée - cette attitude est en passe de résoudre l’épineux contentieux migratoire qui oppose, depuis toujours, les Africains restés sur le continent et ceux de la diaspora. Ce contentieux se présente sous la forme d’une accusation des africains du continent qui n’ont jamais pu se défaire de l’idée selon laquelle, en voyageant vers l’étranger symbolisé par le pays du bonheur, les Africains de la diaspora les auraient trahi quelque part. Ceci parce que en Afrique, le mythe de l’ailleurs paradis est très coriace et la vraie réussite ne se conçoit que sous l’angle du partage. Un contentieux que je décrivais déjà comme une sorte d’hypothèque scellé sur la synergie souhaitée entre les deux groupes d’Africains séparés malheureusement par l’exil des membres de la diaspora. C’est ce contentieux qui, se manifestant sous une forme inconsciente, pousse certains Africains du continent à soupçonner leurs frères de la diaspora de se poser en donneurs de leçons et de les regarder du haut. Et pourtant, le développement de l’Afrique ne sera possible que lorsque l’expertise de la diaspora aura rencontré la sagesse du continent, lorsque les filles et fils du continent, éparpillés de par le monde auront réussi à accorder leur violon avec les gardiens de la tradition, restés en Afrique.
Tout africain de la diaspora qui aspire à la magistrature suprême de son pays, doit travailler à la levée de cet hypothèque et donc à la résolution du contentieux. Et pour ce faire, la rencontre réelle, et non point symbolique uniquement - à travers les médias et autres réseaux Internet - avec le peuple de son pays, est absolument indispensable. Les Africains du continent attendent de leurs filles et fils, de leurs sœurs et frères de la diaspora certes qu’ils leurs envoient de temps à autre de quoi supporter la vie, mais surtout qu’ils viennent re-tremper dans le terroir pour reprendre la couleur et l’odeur locales. Ils attendent d’eux, qui ont tant voyagé, qu’ils leur disent ce qu’ils ont vu, afin que, alliant cet apport extérieur à leur propre culture, ils puissent produire la culture nouvelle qui seule ouvrira les portes du bonheur, qui remplacera le fameux produit national brut par le bonheur national brut comme le recommandait déjà Joseph Ki Zerbo. En fait, pour reprendre une dialectique chère à Cheikh Amidou Kane dans son œuvre à succès, « L’Aventure ambiguë », l’Afrique, c’est le pays des Diallobé et chaque Africain membre de la diaspora, surtout ceux qui ont des ambitions politiques, sont des Samba Diallo en puissance. Donc, comme le prescrit Samba Diallo, ils doivent réaliser la synthèse culturelle : « Je ne suis pas un pays des Diallobé distinct, face à un Occident distinct, et appréciant d'une tête froide ce que je puis lui prendre et ce qu'il faut que je lui laisse en contrepartie. Je suis de venu les deux. Il n'y a pas une tête lucide entre deux termes d'un choix. Il y a une nature étrange, en détresse de n'être pas deux. », rappelle le héros de « L’Aventure ambiguë »
Etienne de Tayo
Promoteur « Afrique Intègre »
http://www.edetayo.blogspot.com/