mardi 29 mai 2007

L'AFRIQUE, LA MAITRISE DE L'ESPACE ET LA CONVOITISE DES "GRANDS"



La Chine a placé récemment en orbite un satellite de télécommunications pour le compte du Nigeria à partir du centre spatial de Xinchang dans la province de Sichuan. Ce satellite NigcomSat-1 est d’ordre hybride géostationnaire. Il fournira les services de télécommunications, de radiodiffusion, de télédiffusion et de services multimédia à haut débit. Cette réalisation découle d’un contrat de 311 millions de dollars gagné par la Chine en 2004 devant 21 concurrents. Beaucoup d’observateurs y voient déjà la montée en puissance de l’influence de la Chine en terre africaine. Mais on peut aussi y voir la montée d’un cran de la tension entre la Chine et les autres pays occidentaux dans le contrôle de l’Afrique. Cette tension est symbolisée ces derniers jours par la volonté des Etats-Unis de voir la communauté internationale par le biais de l’ONU, renforcer les sanctions contre le gouvernement de Khartoum, accusé d’entretenir un génocide au Darfour. Il est un fait que derrière le gouvernement d’Omar Hassan Al Bachir, c’est la Chine qui est visée et c’est finalement un round du combat entre l’empire du milieu et l’occident qui se joue. C’est ainsi que le représentant chinois pour le Darfour Liu Guijin a tenu à manifester son hostilité à cette volonté des Etats-Unis d’élargir les sanctions. Il pense que cela contribuera plutôt à compliquer un peu plus la situation. Alors, le Darfour serait-il un champ de bataille pour des intérêts qui ne sont pas toujours africains ? Un adage africain dit que « lorsque les éléphants se battent, c’est l’herbe et les arbustes qui souffrent », alors, comment l’Afrique s’y prendra pour ne pas payer les frais de la guerre des autres ?Au moment les ministres des Finances du G8 ne sont pas passées par quatre chemins pour fustiger l’attitude de la Chine par rapport au ré endettement de l’Afrique, le projet du satellite nigérian n’est-il pas une sorte de défi ?
Mais revenons à la présence de plus en plus affirmée de l’Afrique dans l’espace pour dire que le Nigeria est le troisième pays africain à être présent dans l’espace après l’Afrique du Sud et l’Algérie. Lorsqu’on a longtemps baigné dans le discours afro pessimiste, on a de la peine à accepter cette maîtrise par certains pays africains d’une technologie de pointe comme la maîtrise de l’espace. Et pourtant, un pays comme l’Afrique du Sud a pris une avance considérable et aurait même des leçons à donner à certains Etats du Nord. Mais des questions subsistent : Au moment où elle est parfois confronté aux difficultés quotidiennes de la maîtrise de son environnement le plus proche, au moment où dans certaines parties de l’Afrique on n’arrive toujours pas à se nourrir correctement, s’embarquer dans la conquête de l’espace ne relèverait-il pas d’un luxe ? Existe-t-il chez les dirigeants africains une réelle volonté politique de favoriser la maîtrise des sciences et technologies ?
Pour répondre à toutes ces questions, nous avons rencontré Madame He Hongyan, conseillère politique à l’Ambassade de Chine à Paris. Avec nous elle fait le tour de la question.
Nous avons rencontré aussi Justin Ahanhanza responsable du projet de télédétection satellitale, coordonnateur du projet Goos-Africa à l’Unesco. Il organise à l’Unesco du 30 mai au 1er juin un séminaire portant sur « le rôle critique des applications du satellite dans la promotion du développement durable en Afrique ». Il compte à l’issue de ce séminaire, produire un document qui servira de base de travail à l’union africaine dans le cadre de la promotion des sciences et de la technologie.

Par Etienne de Tayo


ENTRETIEN AVEC MADAME HE HONGYAN, CONSEILLERE POLITIQUE DE L’AMBASSADE DE CHINE A PARIS.


Alors qu'elle officiait encore au ministère chinois des affaires étrangères, Mme He Hongyan s'occupait au département Afrique. C'est à ce titre qu'elle a parcouru un certain nombre de pays africains. C'est aussi pourquoi elle se sent désormais un peu proche de tout ce qui touche à l'Afrique. La Chine a mis en orbite pour le compte du Nigeria un satellite de télecommunications. Elle accepte donc d'n parler avec nous et de dégager les enjeux ps toujours visible d'une telle réalisation.



Question : La Chine vient de lancer un satellite pour le compte du Nigeria. Ce marché a été gagné devant une vingtaine de concurrents. Au moment où l’influence de la Chine est de plus en plus redoutée sur le continent africain par les pays occidentaux notamment, quelle signification donnez-vous à cette réalisation ?

Madame He Hongyan : Ce lancement a été réalisé selon un contrat commercial signé en 2004 entre la Chine et le Nigeria pour la mise en orbite d’un satellite de communication. Cette réalisation reflète les principes fondamentaux de la Chine d’une utilisation pacifique de l’espace afin d’œuvrer pour le bonheur de l’humanité. Il devient un fruit tout nouveau de la coopération sino-africaine en général et sino-nigériane en particulier. Il ouvre un domaine sans précédent de coopération réciproque qui est le domaine de navigation spatiale et porte ainsi les relations sino-nigérianes à un niveau plus élevé. Ce satellite pourrait créer au Nigeria dans le domaine des télécommunications plus de 150 milles emplois et il devrait signifier de grands changements pour les services de télécommunications de radiodiffusion, de l’Internet au Nigeria contribuant ainsi au développement social et économique du Nigeria et de l’Afrique.

Question : Certaines personnes préfèrent voir en cette réalisation plutôt une sorte d’attrait qu’exerce sur la Chine le pétrole Nigérian. Vous savez que l’Afrique est souvent accusée de ne s’intéresser à l’Afrique que pour ses matières premières. Que répondez-vous ?

M. H. H. : La coopération de l’énergie sino-africaine se passe toujours sur le principe des intérêts réciproques et du développement commun. Elle respecte les règles internationales et commerciales. Elle s’avère légitime, transparente et loyale. Les relations sino-africaines datent de plus de cinquante ans. Elles sont caractérisées par une coopération tous azimuts et fructueuse. La coopération de l’énergie ne fait qu’une infime partie de cette coopération globale. L’exportation du pétrole africain vers la Chine reste beaucoup moins importante que celle vers les Etats-Unis et les pays européens par exemple. En 2006, l’importation chinoise du pétrole africain ne représentait que 8,7% de l’ensemble de l’exportation du pétrole africain tandis que la part de l’Europe représente 36% et celle des Etats-Unis 33%. Si c’est à cause du pétrole que la Chine développe sa coopération avec l’Afrique, comme vous dites, elle n’aurait pas commencé le développement de cette coopération il y a 50 ans.

Question : Le satellite lancé pour le Nigeria est la toute première expérience de la Chine pour un pays étranger. Ce qui veut dire que sa défectuosité pourrait mettre à mal la crédibilité de la Chine en tant que fournisseur de cette technologie. Etes-vous conscient des enjeux ? Si oui, que faites-vous pour les préserver ?

M. H. H. : C’est une question un peu technique mais selon mes connaissances, ce satellite a été conçu et fabriqué par la société de science et de technologie de la navigation spatiale de la Chine. Cette société utilise une plateforme de satellite de télécommunications et de radiodiffusion de troisième génération. Il est doté d’une capacité de charge très importante de longue durée en service. C'est-à-dire que ses performances globales atteignent un niveau avancé sur le plan international.

Question : Récemment, les ministres des Finances du G8 réunis en Allemagne ont tenu à dénoncer la propension de la Chine à continuer à accorder des prêts aux pays Africains. Le marché du satellite justement se solde par un endettement du nigeria. Est-ce un défi que la Chine lance aux Etats membres du G8 ?

M. H. H. : L’aide de la Chine pour l’Afrique n’a jamais de conditionnalités préalables. Elle évalue tout d’abord les besoins réels des pays africains avec en priorité la résolution du problème du développement et augmenter une capacité d’un développement autonome des pays africains. Cette stratégie est bien et largement accueillie en Afrique. La Chine connaît les besoins réels des pays africains et elle répond toujours activement par divers moyens, selon ses possibilités. En même temps, tout en référant aux critères internationaux, la Chine augmente de plus en plus la partie des dons dans ses aides envers l’Afrique. En ce moment, les concours en direction de l’Afrique sont composés en grande partie d’aides gratuites et de prêts sans intérêts surtout utilisés dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’agriculture, des infrastructures et de l’humanitaire.

Question : Le centre de lancement de satellite de Xichiang a reçu une trentaine de commande juste après la réalisation du contrat avec le Nigeria. Tout ceci a coïncidé avec la tenue à Shanghai d’une réunion de la Banque Africaine de Développement. Doit-on voir une corrélation entre ces événements ?

M. H. H. : A mon avis personnel je crois que c’est une pure coïncidence. Quant à cette trentaine de nouvelles commandes dont vous parlez, je ne suis pas au courant et je suis désolé de ne pouvoir vous répondre.

Question : En novembre c’est la quasi-totalité des chefs d’Etats africains qui étaient reçus en Chine. Aujourd’hui, c’est la Banque Africaine de développement qui se réuni en Chine. Peut-on dès dire que la Chine a pris une avance considérable sur ses concurrents en Afrique ?

M. H. H. : La Chine et l’Afrique ont des relations d’amitié et de coopération depuis plus d’un demi siècle. Cette coopération constitue un exemple pour la coopération sud-sud entre les pays en voie de développement. En novembre dernier le sommet du forum sur la coopération sino-africaine s’est tenu à Beijing et a vu la participation de 48 représentants des pays africains dont 35 chefs d’Etats et 6 chefs de gouvernement. Le forum a défini le partenariat stratégique sino-africain et le projet de coopération pour les trois ans a venir. Je crois que ce sommet s’est déroulé dans un esprit pragmatique et couronné d’un plein succès. La Chine étant membre de la Banque africaine de développement, participe toujours activement aux efforts employés par la Banque pour la promotion du développement économique. Il est donc tout à fait naturel que la Chine se charge d’organise une réunion annuelle de la Banque. La Chine va continuer à conjuguer les efforts avec la communauté internationale pour contribuer davantage à la cause de la paix et du développement de l’Afrique.

Question : Dans les années 60 et avant les indépendances des pays africains, la Chine dans ses relations avec les Etats africains était beaucoup plus portée à soutenir les mouvements de résistance qui se battaient soit contre le colon ou contre les pouvoirs établis. Aujourd’hui la Chine préfère financer les pouvoirs en place parfois sans considération de la gouvernance ? Comment expliquez-vous cette mutation là ?

M. H. H. : Dans les années 60, pour la Chine et pour les pays africains nous avions les même tâches d’obtenir l’indépendance de ces pays. Et après cette indépendance des pays africains et de la Chine, je crois que la tâche principale a changé. Aujourd’hui, nous avons la tâche du développement économique. C’est pourquoi, la coopération, tout en consolidant nos relations sur le plan politique, nous mettons plus de force pour développer nos relations économiques toujours dans cet objectif de la promotion du développement commun.

Par : Etienne de Tayo

INTERVIEW DE JUSTIN AHANHANZO, RESPONSABLE DU PROJET DE TELEDETECTION SATELLITALE, COORDONNATEUR DU PROJET GOOS-AFRICA A L’UNESCO

Lorsqu'il parle de sciences et technologies, un domaine si souvent rebarbatif pour les profanes, Justin Ahanhanzo y met tellement du sien qu'on finit par aimer la discipline. A l'écouter, il dégage un optimisme de haut vol par rapport au destin de l'Afrique. Il fait ainsi un pied de nez à tous les afropessimistes et remet du baume au coeur de tous ceux qui, écoutant les sirènes au catastrophisme avaient fini par désespérer pour l'Afrique. Monsieur Ahanhanzo et tous les autres scientifiques qui pensent comme lui ont ainsi pris leurs responsabilités. Aux décideurs africains et à tous les africains de s'assumer.




Question : En quoi consiste exactement le projet que vous conduisez au sein de l’Unesco et quel peut être son impact sur le développement de l’Afrique ?

Monsieur Justin Ahanhanzo : Il s’agit d’un programme sur les applications de la télédétection pour la gestion intégrée des écosystèmes de l’environnement en Afrique. Dans le cadre de ce programme, il a été prévu de soutenir l’Union Africaine dans ses efforts d’utiliser les sciences et technologies pour le développement durable et en particulier les satellites de télédétection. Au cours du séminaire qui s’ouvre ce mercredi 30 mai, nous feront venir des experts africains de haut niveau qui ont parfois 20 à 30 ans dans le domaine spatial. Il y aura aussi des experts qui viennent des pays partenaires. Il est question de réfléchir sur les stratégies africaines qui aideront l’Union africaine à mieux éppréhender l’utilisation de la télédétection spatiale pour la gestion de l’environnement et des ressources naturelles en Afrique.

Question : Quelles sont les applications pratiques et concrètes de la télédétection ?

M. J. A. : C’est tout ce qu’on peut détecter à distance. Dans le cas précis, c’est l’utilisation des satellites pour le suivi de l’environnement et les écosystèmes, de la dégradation de l’état des sols, pour la planification de la gestion de l’eau, pour les déplacements de la population, pour les mouvements de troupes. Ces techniques sont utilisées aussi pour connaître l’évolution de la température de l’Océan qui après quelques analyses, permet de voir, l’état ou le stock de poisson qui peut y avoir.

Question : Pour l’Africain qui a encore des préoccupations alimentaires et qui s’acharne à les satisfaire, ne pensez-vous pas que votre discours peut être finalement très aérien pour lui ?

M.J.A. : Le dernier sommet des chefs d’Etats africains qui s’est tenu à Addis Abeba a été dédié à l’utilisation des sciences et technologies pour le développement durable de l’Afrique. Ça me plaît de citer le président de l’académie des sciences qui dit que « les sciences seules ne peuvent pas permettre à l’Afrique de se développer. Mais l’Afrique sans les sciences ne peut pas se développer ». Dans l’histoire de l’humanité, on ne connaît pas un peuple qui a maîtrisé ses ressources actuelles, son environnement, sa destinée sans l’appropriation du savoir appliqué au développement. Le thème de notre atelier c’est justement l’application des techniques satellitales pour le développement durable de l’Afrique.

Question : La Chine vient de lancer un satellite de télécommunication pour le compte du Nigeria. Pour vous qui vous intéresser à ce domaine, comment est-ce que vous pouvez commenter cet événement là ?

M. J. A. : Vous parlez de la Chine, on voit bien que aussi bien ce pays que tous les autres dragons de l’Asie du Sud Est font reposer leur développement sur l’appropriation de la technologie de ce dernier centenaire. Ce qui veut dire que le Nigeria comme l’Algérie, comme l’Afrique du Sud, comme l’Egypte, pays pionniers dans les efforts de la maîtrise des techniques spatiales. La première réunion du leadership africain pour avancer dans le domaine des sciences et technologies, organisée au Nigeria a vu la participation des experts des quatre pays précités et les experts du Maroc. Ce qui est encore plus fascinant, c’est l’histoire de l’Afrique du sud dans le domaine spatial. A l’université de Stellenbosch dans les faubourgs du Cape, un professeur a demandé un jour à ses étudiants de lui dire le défi majeur dans le domaine scientifique. Ils ont dit : c’est de pouvoir créer un satellite un jour mais nous savons qu’on ne créera jamais. On est en Afrique du Sud au lendemain de l’apartheid. Avec ses étudiants, il a formé une équipe de volontaires. Ils ont fabriqué le premier satellite sud africain, SunSat qui a été lancé à partir de la base de lancement du colorado. Le dernier satellite de troisième génération qu’ils ont fabriqué se nomme SumbadilaSat (découvreur du chemin en langue Tshwane). A l’Unesco, nous essayons de soutenir l’effort que font les pays africains et de démontrer que les choses sont possibles.

Question : Cette technologie de pointe, les Africains la maîtrisent t-ils d’un bout à l’autre ou se font-ils toujours assister ?

M. J. A. : Nous sommes dans un monde globalisé et où tout se partage. Il est difficile de savoir si un pays, n’importe lequel n’a pas besoin de l’expertise d’un autre. C’est pour çà qu’il y a des accords de coopération. Il y a des pays qui sont beaucoup plus puissants que d’autres dans certains domaines. Les pays africains font leur petit bonhomme de chemin et essayent de s’approprier les technologies tant bien que mal.

Question : Avez-vous l’impression qu’au niveau des décideurs que sont les chefs d’Etats par exemple il y ait une réelle volonté politique ?

M. J. A. : Si on prend le dernier sommet des chefs d’Etats qui s’est tenu à Addis Abeba en janvier dernier, ce sommet a été dédié aux sciences et technologies pour le développement de l’Afrique. On pourrait dire que c’est une marque de volonté. Mais après, il faut que les investissements suivent. Il faudrait qu’une part substantielle du PNB des pays soit accordée à la recherche. Le potentiel existe dans les populations africaines, il suffit de leur donner les moyens.
Quand nous parlons de la promotion des sciences et technologies, on est bien conscient que cela ne va pas changer la situation du jour au lendemain. Mais ce qui est important pour une nation, c’est d’investir dans le futur.

Question : Est-ce que au niveau des chercheurs que vous êtes, il y a une volonté d’apporter une plus value africaine au lieu de se contenter du copiage de l’existent ?

M. J. A. : Je ne pense pas que les chercheurs africains font du copiage. La science est universelle. Par conséquent chaque individu apporte sa contribution à partir du niveau de développement de son pays et des outils dont il dispose pour le faire. Le problème fondamental de l’Afrique n’est pas au de la capacité des Africains à faire de la science. Ce problème est déjà résolu. Il y a des chercheurs africains surtout dans la diaspora qui ont reçu des formations solides dans les grandes universités et qui font de la recherche de pointe dans les grands laboratoires. Ils sont obligés de rester dans les pays du nord parce qu’ils y trouvent des moyens de recherche.

Propos recueillis par : Etienne de tayo

mardi 22 mai 2007

CAMEROUN : LA CHASSE AUX AVIONS... TOMBES



En l'espace de deux mois, deux avions sont tombés en territoire camerounais. Les autorités ont déployés des moyens colossaux pour retrouver l'épave. Très souvent, leurs recherches, des jours après sont restées vaines. Et ce sont finalement les chasseurs qui se sont retrouvés sur la bonne piste. Qu'est ce à dire?

Dans la nuit du 4 au 5 mai 2007 un fort orage s’abat sur la ville de Douala et ses environs. Le bœing 737/800 de Kenya Airways décolle à 0 heure 7 de l’aéroport International de la ville dans le cadre du vol KQ 507. Quelques minutes seulement après ce décollage l’avion émet des signaux de détresse et disparaît des écrans radar de la tour de contrôle de l’aéroport. Toutes les tentatives des techniciens de l’aviation civile de repérer l’avion sont vaines. Contacté, le centre de contrôle des missions de recherche par satellite de Toulouse en France indique la réception d’un signal de détresse par satellite au point 03°23’07 – 011°03’0033’’. Un point positionné à plus de 70 kilomètre au sud ouest de Yaoundé, plus précisément dans la zone de Mvengue, département de l’Océan dans la province du Sud Cameroun.
Aussitôt, des équipes de recherche comprenant des Camerounais, des Français et même des Américains se sont mis en à passer la zone indiquée au peine fin. Les recherches se déploient ainsi sur les zones : Douala-Edéa-Kribi ; Yaoundé-Ngoumou-AkomII-Lolodorf ; Mvengue-Lolodorf ; Nkoumballa-Makak. Au cours de ces recherches à tâtons, la rumeur fait son effet, transportant les équipes et les journalistes d’une localité à l’autre. C’est ainsi que l’épave avait d’abord été annoncée dans le village Awanda, situé à 7 kilomètres de Mvengue. Mais ce n’était qu’une fausse piste. Une autre rumeur jette son dévolu sur la ville de Dizangue, non loin d’Edéa. Deuxième fausse piste.
Finalement, c’est un chasseur, parti vaquer à ses occupations de chasse dans la zone de Mbanga Pongo, à un jet de pierre de l’aéroport d’où était parti l’avion, qui découvre un défrichage inhabituel de la forêt. Il aurait cru à un combat d’éléphant. Non, il était sur la bonne piste. C’est donc lui qui a donné l’alerte et a ainsi coupé court à la vadrouille de tous ces hélicoptères et leurs équipages qui gaspillaient le carburant dans la zone de Kribi. Et c’est le journaliste de Cameroon Tribune, R. D. Lebogo Ndongo qui le mieux relève ce contraste en le naturel et la modernité : « Le chasseur, le jour s’oriente en regardant les arbres et la nuit en observant les étoiles. Un brave homme qui ne doit pas en savoir long sur les satellites et les balises qui ont envoyé les secours et d’autres à plus de deux cents kilomètres du lieu de la catastrophe ».
Le 24 février 2007, un aéronef de type PA34 de la société Sud africaine Gmts, parti de Lomé à destination de Johannesburg avec 6 passagers et 2 membres d’équipage, décolle de Lagos après une escale. Quelques instants après, les autorités aéronautiques nigérianes saisissent les autorités camerounaises de la disparition de leurs écrans radar, de l’avion. Toutes les recherches tant qu coté nigérian que camerounais sont vains. L’affaire est presque étouffée puisque l’opinion n’est même pas mise au courant. Interrogé à l’époque par le journal Mutations, les autorités aéronautiques camerounaises ont dit vaguement que les recherches ont été confiées à l’antenne Asecna de Brazzaville. C'est-à-dire à plus de 300 kilomètres de Lagos.
Vendredi 18 mai 2007, le gouverneur de la province du Sud-Ouest du Cameroun, frontalière du Nigeria, Louis Eyeya Zanga annonce que la carlingue et les restes humains ont été découverts au sommet du mont Cameroun. Et associant une pointe d’humour à sa déclaration, le gouverneur précise que l’épave a été découverte une fois de plus par un chasseur. En effet, c’est au cours d’une partie de chasse le 17 mai que l’attention du chasseur du village Bokwango, un certain Ikome Martin Mwanbo a été attiré par une forme de couleur blanche et s’étant rapproché il a remarqué deux corps encore accrochés à la carlingue et bien conservés du fait de la température qui avoisine les moins un degré au sommet du mont le plus haut du Cameroun.
Voici donc qu’en l’espace de deux mois, deux chasseurs ont volé au secours des moyens sophistiqués de l’aéronautique civile. Est-ce à dire que les autorités aéronautique devraient à l’avenir intégrer les chasseur dans leur dispositif ?

Etienne de Tayo

lundi 21 mai 2007


NICOLAS SARKOZY ET LES ATTENTES DES AFRO-FRANÇAIS

Les afro-français sont ces français d’origine africaine qui tentent tant bien que mal de réussir leur intégration dans la société française. Ils se disent Alsaciens, Bouguignons, Bretons... Mais ont toujours une attache quelque part dans l'Afrique profonde. Ils font partie en France de ce qu’on appelle la minorité visible, c'est-à-dire tous ceux qui, comme le dit Jean Philippe Omotundé, « ont leur couleur de peau pour tenue de combat ».

La dernière élection présidentielle qui a vu le sacre du candidat Nicolas Sarkozy a marqué le retour des populations françaises dans la pratique politique avec un taux de participation record au scrutin de plus de 84%. Dans cette mouvance, la communauté noire des afro-français a fait aussi son come back.
Heurté et même effrayé par le discours d’une droite de plus en plus lepéniste, beaucoup d’afro-français se sont emparés des armes électorales pour tenter de se défendre. Mais ce serait trop caricatural que de croire que les afro-français ne sont allés aux élections que pour se prémunir contre la droite. Le vote des afro-français a été divers à l’image même de cette communauté qui peut présenter autant de visage qu’il y a des trajectoires de leurs membres. C’est une population aux préoccupations parfois essentiellement utilitaires mais aussi avec un pressant besoin de reconnaissance.
La première catégorie est celle des demandeurs d’emplois. Ils voulaient d’un président qui fasse reculer un peu plus les discriminations à l’embauche et leur apporte le travail. Pour cela ils étaient un peu écartelés entre la gauche qui par rapport aux discriminations avait selon eux un discours plus humaniste mais ils lorgnaient aussi du coté de la droite qui leur faisait aussi miroiter l’accès au travail surtout avec le slogan : « travailler plus pour gagner plus ». Mais ces personnes aussi, comme d’ailleurs la majorité des membres de la communauté sont solidaires des sans papiers et aspirants à la nationalité française qui souhaitent avoir un président suffisamment souple pour ne pas leur compliquer éternellement la tâche. Ce qui du coup les rapproche des discours de la gauche qui promet des régularisations, pas massives mais plus nombreuses que celles de la droite.
La seconde catégorie est composée de ceux qui sont déjà dans le circuit professionnel et s’heurte au fameux plafond de verre qui les empêche d’atteindre eux aussi le sommet de la hiérarchie. Ils souhaitent que les habitudes soient bousculées et c’est pourquoi ils ont été sensibles au discours de la rupture et de discrimination du candidat Sarkozy. Cette catégorie se montre de plus en plus agacée par le discours sur les politiques d’assistanat cher à la gauche.
Toutes ces personnes ont voté comme elles ont pu voter, mais la majorité a décidé de confier un bail de 5 ans au candidat Nicolas Sarkozy qui devient le sixième président de la cinquième République et le vingt troisième président de la République française. Au sein de la communauté des Afro- français, l’heure est au bilan et même à l’attente par rapport à un certain nombre de promesses faites à la communauté et même à l’Afrique qui reste malgré tout leur port d’attache. Pour faire le tour d’horizon de ce bilan, nous avons rencontré successivement pour vous Patrick Lozes, Président du CRAN, il a accompagné François Bayrou dans cette campagne électorale. Dogad Dogoui quant à lui a soutenu le candidat Sarkozy, il est le président de l’association « Africagora ». Enfin Souleymane Astou Diagne est étudiant et président de la fédération des étudiants africains de France.

Par Etienne de Tayo

ENTRETIEN AVEC PATRICK LOZES, PRESIDENT DU CRAN ET AUTEUR DU LIVRE : « NOUS LES NOIRS DE FRANCE ».

Son élection comme président du Conseil Représentatif des Associations Noires, (Cran) avait soulevé une forte controverse au sein de la communauté noire. Mais pour Patrick Lozes, c’est un passé qu’il faut oublier. On peut dire que cette controverse lui a plutôt permis de consolider sa position de défenseur de la cause des Noirs. En France, il épouse les idées du centre. Il pose un regard sans complaisance sur les premiers pas de la présidence Sarkozy.

« J’ai voulu juger le Président Sarkozy sur ses actes, il vient de poser le premier acte qui est extrêmement négatif par rapport aux populations noires »

Question :
Au lendemain de la présidentielle française qui a vu le sacre du candidat Nicolas Sarkozy, et en tant que l’un des leaders de la communauté noire, pouvez-vous faire un bilan de cette élection par rapport aux intérêts de cette communauté ?

Patrick Lozes : Pour moi le bilan c’est que pour la première fois on a senti la présence des populations noires dans cette élection. Ce qui est nouveau. Et je crois que les choses ne seront plus comme avant. Que la place des noirs dans les élections reste de plus en plus grande. Vous vous souvenez que le Cran a adressée un questionnaire à tous les candidats et que pour la première fois les principaux candidats ont répondu. Sur la question des statistiques de la diversité on voit que tous les candidats sont favorables. Ça prouve la place non négligeable de ces populations là. Evidemment il y a des choses à faire. Moi je travaille déjà pour les élections de 2012.

Question : Qu’est ce qui explique chez vous cet optimisme quand on sait que beaucoup de Noirs sont déçus du fait qu’il n’y a pas un seul Noir dans le premier gouvernement de président Sarkozy ?

Patrick Lozes : Nous constatons que pour ce qui est de la théorie, les choses se passent plutôt de manière positive. Mais pour ce qui est de la mise en pratique de cette théorie là, il y a une vraie déception. Tout le monde a remarqué que le premier gouvernement du président Sarkozy n’a pas intégré des Noirs. C’est la première fois que cela se passe depuis une trentaine d’années. C’est un très mauvais signe que donne le Président Sarkozy. Est-ce à dire qu’il ne fera pas tout ce qu’il a dit ? Ce qui sera très inquiétant. Est-ce qu’il estime que les populations noires ne comptent pas ? Ce serait tout autant inquiétant. Il aime bien parler de discrimination positive. Comment se fait-il que lui-même ne donne pas l’exemple ?

Question : Cette situation ne découlerait-elle pas d’un manque d’organisation des noirs en France ? Que pensez-vous de l’idée avancée par certaines de créer un parti des Noirs afin de constituer une force capable de donner du change ? Est-ce pas parce qu’on ne ressent pas les Noirs comme une force homogène pouvant faire basculer les résultats ?

Patrick Lozes : C’est tout le travail que fait le CRAN en demandant à ces populations de s’organiser. Est-ce qu’il faut aller jusqu’à un parti politique ? Je crois que aujourd’hui aucune voie n’est à négliger. Cette voie me paraît radicale mais après tout, les décisions que prennent les gouvernants n’en sont pas moins radicales. Il faudra voir ce que çà veut dire, quelle est la manière de le faire. J’entends effectivement beaucoup de choses se dire sur ce parti politique. Je crois que la réflexion doit être menée à bout. Pour moi l’élection présidentielle de 2007 a été comme la préhistoire. L’histoire des populations noires et leur présence commencent. Il faut avoir un objectif de plusieurs députés. La treizième législature qui va sortir des urnes en juin prochain n’aura aucun représentant de la communauté noire si l’on, s’en tient aux candidats et leurs chances d’être élu. Je mise donc sur la quatorzième législature dans cinq ans et je lance un appel à toutes les bonnes volontés pour faire en sorte que, année après année, on puisse voir des avancées que nous ferons pour atteindre l’objectif que je viens de vous présenter. A savoir un nombre important de députés Noirs dans la quatorzième législature et des membres du gouvernement dans des ministères importants.

Question : Dans son discours, le Président Sarkozy a parlé du « destin de l’Afrique et de l’Europe qui sont incontestablement liés ». Il y a aussi ce rapprochement avec l’Afrique avec la proposition d’une création d’une union de la méditerrané. Selon vous, ce ne sont que des mots ou faut-il y voir des réelles chances pour l’Afrique ?

Patrick Lozes : Pour moi, ce ne sont que des discours. Après ses propos sur la discrimination positive et ce qu’il a fait dans son premier gouvernement, on ne peut être qu’extrêmement circonspect par rapport à ce qui va se passer. J’ai voulu juger le Président Sarkozy sur ses actes, il vient de poser le premier acte qui est extrêmement négatif par rapport aux populations noires. Tout ce qu’il dit aujourd’hui, le moins que l’on puisse dire, devient sujet à caution.

Question : Vous étiez dans cette campagne plutôt au centre. Vous parlez de préparer déjà 2012. Est-ce à dire que vous rejoignez le nouveau parti de François Bayrou ?

Patrick Lozes : J’ai accompagné François Bayrou et j’ai compris qu’il ne porte pas beaucoup d’intérêt à la question noire qui m’intéresse moi. J’en tire les conséquences. C'est-à-dire que je reprends ma liberté mais mes idées restent celles de l’UDF. Ma proximité avec François Bayrou a fait date. Aujourd’hui, je préfère qu’on me situe uniquement dans la défense des populations noires.

Propos recueillis par : Etienne de Tayo

ENTRETIEN AVEC DOGAD DOGOUI, PRESIDENT DE « AFRICAGORA »

Dogad Dogoui est l’un des représentants afro-français qui excelle dans l’utilitaire ou encore un certain pragmatisme politique. Avec son club Africagora, il a réussi à répondre à plus d’une préoccupation des afro-français. Pendant la campagne électorale, il était très actif auprès du candidat Nicolas Sarkozy. Il espère un retour d’ascenseur.


« Tous ceux qui ont été actifs pendant la campagne doivent avoir un retour d’ascenseur comme cela se fait toujours en politique »

Question :
La France vient de boucler l’élection présidentielle qui a vu le sacre du candidat Nicolas Sarkozy. En tant que leader de la communauté noire et plus principalement celle des afro-français, quelles sont vos impressions par rapport à l’issue de cette élections et les retombées par rapport à cette communauté ?

DOGAD DOGOUI : Ma première impression c’est que d’après les sondages, nous avions une communauté qui n’était pas prête à voter Sarkozy. Maintenant que c’est fait et que la majorité de la population l’a élu président, il faut s’organiser pour voir comment tirer parti et comment travailler avec le Président élu.

Question : Après la publication du gouvernement, beaucoup de personnes dans la communauté des Noirs se sont émus de ne pas voir de Noir faire partie de ce gouvernement. Vous qui avez soutenu le candidat Sarkozy, comment prenez-vous cela ?

DOGAD DOGOUI : çà vient.

Question : Vous dites ?

DOGAD DOGOUI : Je dis, çà vient.

Question : Vous êtes plutôt optimiste. Est-ce à dire qu’il y aura un autre gouvernement après les législatives ?

DOGAD DOGOUI : Oui… oui… oui ! Vous constatez que le gouvernement est incomplet.

Question : Si je comprends bien vous attendez une deuxième partie du gouvernement où on trouvera des Noirs ?

DOGAD DOGOUI : Tout à fait. Tous ceux qui ont été actifs pendant la campagne doivent avoir un retour d’ascenseur comme cela se fait toujours en politique.

Question : On sait que vous avez mouillé le maillot pour le candidat Sarkozy. Au vu de votre optimisme, peut-on penser que Monsieur Doga Dogoui sera le premier Noir de ce gouvernement là ?

DOGAD DOGOUI : Ohhhh ! On ne va pas aller jusque là. Ce n’est pas personnel. Ce n’est pas forcément autour de ma personne. Mais comprenez que les Noirs ne seront pas oubliés dans l’exécutif.

Question : Il y a eu dans la communauté noire cette peur du candidat Sarkozy. Pour vous c’est une peur justifiée ?

DOGAD DOGOUI : Non, je pense qu’on a jugé le candidat Sarkozy sur des postures empreintes d’amalgame et jamais sur les projets présentés. J’ai fait une dizaine de meeting et une cinquantaine de réunions. Et à chaque fois, même ceux qui étaient plutôt à gauche ont fini par comprendre, en regardant dans le concret, qu’il est celui qui ouvre plus la porte aux minorités qui voulaient prendre leur place et travailler.

Question : La peur des Africains est surtout celle de tous ceux qui ayant vu le ministère Sarkozy au ministère de l’intérieur ont peur qu’il ne durcisse plus que par le passé les procédures d’obtention des papiers. Vous ne trouvez cela toujours pas justifié ?

DOGAD DOGOUI : Evidemment, celui qui est dans une situation illégale peut avoir peur d’être rattrapé par sa situation. Il ne faut pas réduire les populations d’origine africaine aux seules personnes qui ont des problèmes de papiers. Il faut être pragmatique. On a des problèmes parce qu’on est entré dans un pays sans y être invité. Dans tous les pays du monde, que ce soit en Afrique ou dans les pays du Nord, il y a des règles, il faut qu’on les respecte. Le souci qu’on avait avec la France c’est que depuis longtemps on n’avait pas de règles clairement édictées. Il n’y avait pas de politique d’immigration. Là, il y en a une.


Question : Il y a ce ministère de l’immigration et de l’identité nationale qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Pour vous, c’est un ministère opportun ou pas ?

DOGAD DOGOUI : Je ne vois vraiment aucun problème. On a un ministère qui s’appelle immigration, identité nationale et co-développement. Ce qui veut dire qu’on rassemble sous une même bannière toutes les questions qui se rapportent à l’immigration. A ce titre, la France devient un pays moderne comme les Etats-Unis, le Canada et les autres qui ont un ministère de l’immigration. Et puis l’identité nationale, c’est la vocation de tout arrivant de s’intégrer. Quand on vit dans un pays il faut connaître ce qu’est son identité pour mieux s’y accrocher. Que la France affirme son identité, c’est une bonne chose pour que ceux qui y viennent sachent à quoi s’arrimer.

Question : Le Président Sarkozy a parlé d’une très grande ouverture envers l’Afrique en disant notamment que l’Afrique et l’Europe ont des destins liés. Il parle de l’union de la méditerranée. Trouvez-vous en cela une très grande opportunité pour l’Afrique ?

DOGAD DOGOUI : Tout dépend de l’Afrique. Je conseille à l’Afrique, aux peuples et aux Etats africains d’utiliser cette main tendue pour pouvoir la transformer. C’est la première fois qu’un pays du Nord propose à l’Afrique un contrat. Cela nous permet de sortir des postures néocoloniales. Si on doit travailler gagnant-gagnant, ce sera à l’Afrique de définir ce qu’elle met dans la corbeille de mariage.

Question : Face aux difficultés de certains Africains à s’intégrer dans l’appareil d’Etat, certains ont suggérer la création d’un parti politique d’obédience noire au moins pour créer une force politique capable d’infléchir l’action politique. Quelle est votre position par rapport à ce projet là ?

DOGAD DOGOUI : Chacun a le droit de faire ce qu’il a envie mais je pense que dans aucun pays au monde, sauf ceux qui sont organisés sous un mode ethnique, les partis crées sous la seule composante communautaire ne pourront pas gagner. Un parti de la diversité oui. Puisque moi-même j’ai lancé une telle idée. Mais un parti qui n’aura que des Africains ou des maghrébins, je n’y crois pas.

Propos recueillis par : Etienne de Tayo



ENTRETIEN AVEC SOULEYMANE DIAGNE ASTOU, PRESIDENT DE LA FEDERATION DES ETUDIANTS AFRICAINS DE FRANCE (F.E.A.F.)

On connaît le Fédération des Etudiants d’Afrique Noire de France (FEANF) qui dans les années 60 contribua à forger l’âme d’une communauté noire d’Afrique combattante et militante. Aujourd’hui, les jeunes tel Souleymane Astou Diagne, dans un contexte complètement différent, continuent à entretenir la flamme. Il réagit ici à la dernière grande actualité française. A savoir, la Présidentielle.

« Je suis optimiste par rapport au idées du Président Sarkozy mais cet optimisme n’est pas une adhésion parce que je ne suis ni de gauche, ni de droite, ni du centre. »

Question : Après les élections présidentielles en France, un gouvernement a été formé dans lequel beaucoup de personnes déplorent l’absence de Noirs. Quel commentaire faites-vous dans les milieux estudiantins par rapport à cet événement ?

Souleymane Astou Diagne : Les étudiants que je rencontre pensent quand même que le Président Sarkozy peut quand même booster les choses. Ils pensent qu’il peut conduire tous les grands chantiers qui n’ont pas été faits par les gouvernements précédents à cause des pressions de la rue. En tout cas, sa capacité à faire est quelque chose qui revient de plus en plus. Mais pour nous autres étudiants africains, il y a des choses comme le logement qui ne dépendent pas du gouvernement français. La partie qui dépend du gouvernement français et qui est minime, nous n’avons pas d’éléments d’analyse fiable nous permettant de dire si c’est bien fait ou pas. Je pense personnellement que ce monsieur peut beaucoup faire et sauf hasard, il va faire des choses.

Question : Je remarque chez vous une sorte d’optimisme. Elle est de vous ou c’est une émanation de ce que pensent les étudiants que vous représenter ?

S. A. D. : Je ne pense pas que c’est de l’optimisme. Mais tel que Monsieur Sarkozy a fait sa campagne, j’ai suis convaincu qu’il ira jusqu’au bout. En tout cas, ce sera une bonne chose qu’on sorte de statu quo qui fait que rien ne bouge.

Question : On relève quand même dans la communauté noire une grande peur du candidat et ensuite du Président Sarkozy. Est-ce qu’on relève cette peur chez les étudiants ou c’est simplement pour des personnes en situation précaire ?

S. A. D. : Justement c’est le point sur lequel j’allais rebondir. Les gens ont peur pour le renouvellement du titre de séjour. Mais moi, ce que je leur dis généralement c’est que, si on est inscrit et qu’on fait ses études comme il se doit je ne pense pas qu’on va avoir des craintes parce que c’est la France qui nous a donné un visa pour venir. Il y a des choses qu’il faut déconnecter des présidentielles et d’autres événements. Je suis certain qu’il y aura plus de reconduite à la frontière. Ce que je dis aux étudiants par rapport à leur peur c’est qu’il faut faire maintenant ce qu’on était venu faire ici c'est-à-dire étudier.

Question : Dans son discours, le Président Sarkozy esquisse un rapprochement avec l’Afrique en évoquant cette création de l’union de la méditerranée. IL dit que l’Afrique et l’Europe ont un destin commun. Comment est que vous prenez cela. Aussi avec beaucoup d’optimisme ?

S. A. D. : Je suis optimiste par rapport aux idées du Président Sarkozy mais cet optimisme n’est pas une adhésion parce que je ne suis ni de gauche, ni de droite, ni du centre. Je suis tout simplement Sénégalais. Je ne vote pas à l’élection présidentielle française. Mais lorsque vous regardez la situation entre la France et l’Afrique il n’y avait pas dans le discours des éléments qui allaient dans le sens de créer des zones avec une coopération étroite. C’est déjà une très bonne chose dans le discours de l’entendre. Je me rappelle que Jospin avait mis une croix sur l’Afrique.

Question : Il y a ce ministère de l’identité nationale de l’immigration et du co-développement qui a soulevé une très forte polémique au cours de son lancement. Comment l’accueillez-vous ?

S. A. D. : Il faut souligner que dans le ministère de l’identité et du co-développement, je trouve que c’est très audacieux de mettre le co-développement dans un ministère. C’est encore au stade embryonnaire. On verra plus tard ce que çà va donner. Mais déjà l’idée de mettre le co-développement dans un ministère çà veut dire qu’on comprend déjà la source des problèmes et peut-être qu’on peut trouver la solution. Mais ce que le gouvernement français doit faire, c’est de contrôler leurs multinationales qui font des ravages incroyables en Afrique. Elles capturent nos Etats pour en faire ce qu’elles veulent au détriment des populations africaines. La deuxième chose c’est de favoriser le transfert de technologie. Quand on voit que pour les délocalisations ils préfèrent la Chine ou la Thaïlande, ils pouvaient les faire vers Afrique. J’espère que la création de la zone de la méditerranée peut favoriser ce genre de chose. Il faut aussi que dans nos Etats, il y ait une prise de conscience par rapport au développement des infrastructures.

Propos recueillis par : Etienne de Tayo

dimanche 20 mai 2007

FACE A L'AFRIQUE, LE G8 PREFERE LA DIVERSION



Incapable de tenir les promesses faites à l’Afrique il y a deux au sommet de Gleneagles, le « G8 Finances » qui réuni les ministres de Finances des pays présentés comme les pays les plus puissants du monde, préfère la diversion en s’attaquant à la Chine, accusée d’être trop généreuse envers les Africains.

Réunis à Postdam, près de Berlin, pendant deux jours, le « G8 Finances » a appelé à « une charte internationale du prêt responsable ». Et pour préciser leur pensée et porter l’accusation le rôle a été laissé au ministre Allemand des Finances, Peer Steinbrük : « Nous observons qu’il y a un intérêt grandissant de la Chine pour les ressources africaines. Elle recommence ce à quoi précisément nous (G8 ndlr) voulions mettre un terme avec le programme d’allègement de la dette, à savoir un surendettement des pays africains (…) Cela ne correspond pas du tout aux critères que nous avons édicté », a-t-il dit. Cette accusation a été appuyée par le secrétaire adjoint du Trésor américain, Robert Kimmitt : « La ligne de conduite de certains créanciers particulièrement en Afrique, menace de réduire à néant les succès difficilement obtenus grâce aux récents programmes d’allègement de la dette ». Les membres du « G8 Finances » reprochent à la Chine de reproduire en Afrique, le schéma déséquilibré de l’ère coloniale : exploitation des richesses énergétiques et minières et écoulement des produits bon marché. Venant des pays pour la plupart colonialistes, est un aveu extraordinaire par rapport au plan de pillage de l’Afrique qui avait été mis en place depuis le temps de la colonisation et qui continue d’être maintenu aujourd’hui. Accusé, l’occident accuse la Chine.
Ce n’est pas encore le tribunal de l’histoire mais c’est tout comme. Ceci veut simplement dire que tous ceux qui ont pillé l’Afrique devront un jour ou l’autre rendre gorge sans que forcément les Africains leur opposent des contraintes particulières. C’est un rôle qui incombe à la justice immanente. Celle à laquelle nul n’échappe quelqu’en soit sa puissance.
Mais revenons au problème posé. Il s’agit en réalité d’une équation du genre (1 + 1), posée au G8. A savoir, qu’avez-vous fait des promesses faites à l’Afrique il y a deux ans au sommet de Gleneagles ? Où en êtes vous avec la réalisation ? Pour nous rafraîchir la mémoire il faut savoir que ces promesses portaient sur une volonté des membres du G8 de « doubler l’aide à l’Afrique de 50 milliards de dollars (37 milliards d’euros) d’ici 2010 » ; de faire reculer la pandémie du Sida et d’éradiquer d’autres fléaux tels le paludisme. Les membres du G8 promettaient aussi l’allègement substantiel du fardeau de la dette qui plombe le décollage économique de l’Afrique.
Aujourd’hui, à l’heure du bilan et incapable de produire des chiffres de la réalisation de ses promesses le G8 fait diversion en s’attaquant à la Chine qui selon lui est en train de rendetter l’Afrique. Mais voyons, sans vouloir dédouaner à priori la Chine qui aura aussi à rendre compte le moment venu, nous pouvons tout de même constater que la Chine ne s’intéresse à l’Afrique que depuis une dizaine d’années. Elle s’y intéresse parce que l’expansion de son économie lui impose d’une par la recherche des matières premières et des ressources énergétiques pour faire tourner les industries et d’autre part des débouchés pour écouler les produits manufacturés. La Chine a été accueillie à bras ouvert par les Etats africains à cause de la roublardise des Etats occidentaux.

NON A LA STRATEGIE DE BOUC EMISSAIRE
Depuis plus d’un siècle, certains membres du G8 sont présents en Afrique où ils ont fait tout ce qu’ils veulent sauf bien sûr ce qu’on pouvait attendre d’eux, à savoir promouvoir le développement de l’Afrique. Le désendettement surendettement de l’Afrique que le G8 donne l’impression de dénoncer aujourd’hui a été longtemps utilisé par beaucoup de pays occidentaux pour maintenir les pays africains dans la situation d’éternels dépendants. Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil dans la gestion de la fameuse aide publique au développement pour comprendre que les pays occidentaux sont très mal placés pour donner des leçons de gestion de la dette. On doit quand même se réjouir de ce que la Chine les a poussé à cet aveu spectaculaire.
C’est connu, les mécanismes iniques mis en place depuis des années et qui font que l’aide publique au développement donnée par une main est reprise par une autre à travers notamment le jeu des coopérations. C’est connu les cas des pays africains qui ont déjà remboursé à ce jour plusieurs fois le montant des prêts qui leur avait été accordé. Ce mécanisme scandaleux se passe à travers le jeu de la dévaluation des monnaies des pays africains débiteurs ou par la réévaluation des devises des pays occidentaux créanciers. En fait, la dette est un bon instrument d’asservissement utilisé depuis des années par les membres du G8. Ils savent qu’à partir du moment où les pays africains ne seront plus endettés ils pourraient échapper à leur contrôle. C’est donc à ce niveau qu’il faut situer l’accusation que le G8 Finances porte contre la Chine.
Il est intéressant de rappeler les rendez-vous manqués des pays industrialisés pour le développement de l’Afrique. Les pays colonialistes qui sont dans les rangs du G8 ont d’ailleurs contribué à faire naître les Etats africains dont ils avaient la charge et à conduire leurs premiers pas. Au lendemain des indépendances par exemples, les pays industrialisés avaient promis de porter l’aide public au développement à 0,7% de leurs PIB respectifs. A ce jour, les plus généreux traînent encore à 0,2% du PIB. Et pourtant cette aide publique au développement ne représente que 10% des dépenses militaires des pays riches ou encore 25% de ce que les Etats-Unis ont dépensé pour rechercher les armes de destruction massive en Irak. Une autre comparaison nous montre que ce volume d’aide équivaut à 1,70 dollar hebdomadaire par habitant des pays riches. Tout ceci pour dire que le fait pour les pays développés de ne pays tenir leurs promesses envers l’Afrique découle d’une volonté délibérée et non point d’une quelconque incapacité financière.
La stratégie qui consiste à faire porter à la Chine l’échec futur du plan de développement de l’Afrique a donc été élaborée par les ministres des Finances du G8. Elle est tout simplement ridicule et même malhonnête en ceci qu’elle veut faire diversion en faisant porter à l’autre la responsabilité de leurs manigances. On espère que les dirigeants du G8 qui doivent se réunir bientôt en Allemagne au niveau des chefs d’Etats et de gouvernement ne vont pas endosser cette stratégie élaborée par leurs ministres de Finances.

Etienne de Tayo
Promoteur du réseau Afrique Intègre »





samedi 19 mai 2007

FEYMANIA : NON A LA LEGITIMATION DU CRIME




Je salue le débat sur la « feymania » que vient de lancer Me Jean De Dieu MOMO. Je salue surtout le fait que l’avocat s’élève de façon claire contre cette pratique criminelle. Venant d’un avocat, cette réaction revêt une dimension symbolique quand on sait que la plupart des feymen sont défendus par des hommes à la robe noire dont certains sont à l’origine d’une justification spectaculaire du phénomène.

D’abord, petite explication de texte pour dire que la « feymania » est le passage à la phase d’industrialisation de l’escroquerie ménagère. Il est le fait des personnes à la moralité douteuse pour ne pas dire plus, spécialistes de raccourcis, connus sous le vocable de feyman. Le mot signifie en jargon camerounais escroc. Elle consiste pour les feymen, à raconter des boniments à leurs victimes jusqu’à ce que ces dernières accèdent à leur demande, c'est-à-dire leur donner de l’argent ou tout autre bien. La plupart des « feymen » ont d’abord commencé par pratiquer le vol à la tire dans les marchés de Douala, Yaoundé, Bafoussam. Ils ont d’abord commencé par vendre des produits frelatés dans ces mêmes marchés où ils ont forgé leur courage et surtout perfectionné l’art de tromper la vigilance des clients. Ils ont d’abord commencé à escroquer les planteurs de café du Moungo, reconnu comme le berceau de la feymania même si le phénomène a gagné aujourd’hui tout le Cameroun. C’est après seulement, et profitant de la conjonction de certains phénomènes qu’ils se sont lancés à l’international.
Comme beaucoup de Camerounais, j’ai souvent regardé le phénomène de feymania avec un pincement au cœur mais en me disant qu’il disparaîtra lorsque les phénomènes qui ont contribué à leur avènement disparaîtront. Ce que je ne savais pas encore, c’est que certaines personnes, pour des raisons absolument obscurs et dans un jeu d’amalgame regrettable, ont réussi à insuffler un substrat idéologique à cette activité criminelle puisque c’en est une. Il s’agit de dire que les feymen qui font de l’escroquerie à l’international tentent de récupérer les richesses que l’occident avait détourné en Afrique et notamment au Cameroun au temps de la colonisation. Il s’agit de dire que l’argent détourné par les feymen contribue à nourrir un peuple affamé par le régime camerounais. Il s’agit d’un processus de victimisation subtilement détourné. Du coup, au lieu d’être considéré comme de vulgaires criminels, les feymen prennent du galon et deviennent des Zorro des temps modernes. Un tel amalgame est insupportable puisqu’il s’agit d’une seconde escroquerie.
Il y a dans une telle approche, une double justification :
- celle du feyman qui, en dérobant les biens des blancs colonisateurs ne fait que rétablir la justice ;
- Celle d’un peuple qui, dans cet argent du crime, retrouve la juste compensation par rapport à un régime qui l’a affamé.
Dès lors que le problème est posé comme çà, toutes les dérives sont permises. On peut ainsi transformer des criminels de la pire espèce en héros libérateurs. On peut de la même façon trouver des excuses à un peuple couard, corrompus et paresseux qui, ne pouvant pas se battre pour se libérer comme l’ont fait tous les autres peuples opprimés, se contente de s’abreuver de l’argent du crime. Il faut avoir le courage de dénoncer l’attitude du peuple camerounais car si les feymen n’était pas applaudis par ce dernier ils n’auraient jamais fleuri comme on le constate aujourd’hui. Dans toutes les localités du Cameroun, parce qu’ils distribuent de l’argent à tour de bras, les feymen ont été envoyés à l’assemblée nationale par le vote du peuple.
Lorsqu’une seule fois, on a eu une approche digne de la vie même dans la pauvreté, on sait qu’aucune famine ne peut justifier un tel basculement de la part d’un peuple. Et s’agissant de se faire justice, nous savons qu’il y a des façons plus honorables et plus dignes de parvenir à la réparation des crimes de la colonisation et même des régimes voyous. Abandonner une telle œuvre aux criminels revient à vouloir éteindre le feu à l’aide du carburant.
Je m’étais déjà intéressé à la feymania en raison des ravages que cette pratique faisait peser sur l’image du Cameroun et des Camerounais. Mais de quelque façon que j’ai pu retourner cette pratique, je ne lui ai trouvé qu’une dimension criminelle. Pour le Cameroun, la feymania est un double crime : le crime de mort d’homme puisque la plupart des feymen ont les mains couvertes de sang. Lorsqu’il est au « front », le feyman est prêt à tout pour ramener son butin y compris l’élimination physique de sa victime et même ses complices. La feymania est un crime contre l’image du Cameroun et des Camerounais. Il n’est pas juste que des honnêtes citoyens camerounais continuent à subir les regards soupçonneux et méfiants à l’extérieur parce que les feymen sont passés par là.
Une autre explication, bien sûr trop facile, que les feymen utilisent pour se soulager la conscience et convaincre l’opinion de les accepter, c’est de dire qu’il existe partout dans le monde des réseaux de faussaires de toutes sortes. Mais il faut leur répondre que même si cela reste vrai, nulle part dans le monde, le crime n’a été érigé en modèle comme ils sont en train de vouloir l’expérimenter au Cameroun. Que ce soit en France, aux Etats-Unis ou en Italie tous ceux qui posent des actes criminels tels l’escroquerie ou des détournements savent qu’ils évoluent en marge de la société et qu’à tout moment, ils peuvent être arrêtés et punis. Nulle part, on n’a vu des criminels se pavaner fièrement, narguer les honnêtes gens et faire même des envieux. C’est pourtant le schéma qui est en train de se développer au Cameroun.
Juste un rappel historique pour comprendre que de tout temps au Cameroun, la feymania a toujours existé. C’est le concept qui est nouveau. Sauf que sous le régime Ahidjo par exemple elle était combattue avec la dernière énergie et était donc resté un phénomène marginal. Le régime Biya l’a tout simplement toléré et même encouragé pour contrer la montée des oppositions dans les années 90. C’est Jean Fochivé qui, cédant à la tentation de le real politik avait déroulé le tapis rouge aux feymen en leur accordant une couverture. L’intronisation symbolique de la feymania au Cameroun a été faite au cours d’une fête donné à Koutaba en l’honneur de Donatien Koagne qui était venu présenter son jet privé. Fête à laquelle prenait part le sultan roi des Bamoun et la majorité des chefs traditionnels de l’Ouest, donnant ainsi une caution traditionnelle à cette activité. Plus tard, Koagne violera les grilles de la primature à Yaoundé pour une réception chez le Premier ministre chef du Gouvernement où il avait offert une somme de 10 millions de CFA aux Lions Indomptables, autre symbole de la fierté nationale. De retour à Bafoussam, le même Koagne s’est offert le club de football mythique de la ville, Racing de Bafoussam, dont il a confié la gérance à sa maman. A toutes les étapes de son périple, Donatien était applaudi par les populations, même celles de Bafoussam qui, il y avait encore quelques années seulement, le voyait faire la poche aux commerçants du marché central de ville.
La corruption de l’élite, même si rien ne peut la justifier et qui doit être combattu sans faiblesse, est tout de même moins pernicieuse pour un pays que celle du peuple. La corruption de l’élite peut encore être combattue et éradiquée. Et c’est d’ailleurs la tâche qui incombe au peuple lorsqu’il lui arrive de renverser ses dirigeants par la voie des urnes ou celle du soulèvement populaire. Mais lorsque la corruption des élites se double de celle du peuple comme c’est le cas au Cameroun aujourd’hui, c’est que la cause est entendu et le cas désespéré.
C’est tout à fait naïf de croire qu’il y a la feymania à l’extérieur et la simple corruption à l’intérieur. Il y a déjà eu une jonction entre les deux phénomènes si bien que les feymen, c'est-à-dire ceux qui vont au « front » ne sont que des animateurs des réseaux extérieurs de ceux qui sont à l’intérieur. Le même combat doit être mené contre les deux phénomènes.
Les feymen et leurs complices portent déjà leur croix mais l’autre crime que risquent de porter tous les autres Camerounais, c’est de trouver une légitimation à la feymania. C’est d’ériger le feyman en modèle pour nos enfants. C’est de faire que sur 5 enfants interrogés sur leur métier d’avenir, 3 ou 4 disent qu’ils seront feymen. Je crois que c’est le drame qui vise le Cameroun.
Mais l’approche serait réductrice et auto flagellatoire si on réduisait le phénomène de l’escroquerie au seul Cameroun. Aujourd’hui, avec l’expansion de l’Internet, la cybercriminalité connaît un essor particulier. Animé par tous les peuples du monde entier qui profitent du caractère incognito du message Internet pour se dissimuler sous des noms ivoiriens, burkinabais, français ou encore nigérians, ces messages annoncent que vous avez gagné une loterie, que vous pouvez avoir un emploi, qu’il vient de découvrir une caisse d’argent que vous pouvez partager. Le don d’ubiquité qu’offre Internet fait que l’escroc qui vous envoie un message en disant qu’il est un chef d’entreprise basé au Canada, peut être votre voisin de pallier. Mais force est de reconnaître que la majorité des personnes qui tombent finalement le piège des escrocs, sont celles qui recèlent des vices tels : l’envie, la convoitise, le gain facile. Le seul antidote efficace à ce fléau consiste en la modification radicale du rapport au riche et à la richesse. Le regard à porter sur le riche doit être moins envieux et plus inspiré. C’est la seule façon d’échapper à beaucoup de pièges de la vie.

Etienne de Tayo

vendredi 18 mai 2007

NICOLAS SARKOZY... ET LES TABOUS TOMBERENT!


Ainsi Nicolas Sarkozy vient de s’installer au Palais de l’Elysée, devenant le 6e Président de la République et le 23 Président de la République Française. Un parcours époustouflant pour un homme pressé.

Lorsqu’il y a cinq ans je vis cet homme énergique, qui sortait à peine d’une longue traversée de désert, entamer le sprint qu’il vient de conclure à l’Elysée, j’avais dit ceci pour marquer mon scepticisme : « Pour le peu que je connaisse de la politique, on ne révèle jamais aussi clairement ses intentions et on ne se fixe pas d’ambitions aux vus et aux sus de tout le monde. On fignole, on louvoie, on passe par des chemins détournés, on use de la langue de bois. Je disais qu’il n’y arrivera jamais. Je le disais avec force conviction parce que j’ai vu démolir et anéantir des personnes qui avaient moins d’ambitions que lui ». Je doutais fortement de sa réussite parce que la politique est une course d’obstacle et les coups portés sont parfois mortels ou invalidants. Et pourtant, il a réussi. Et avec de la manière !
Qu’il ait pu franchir tous ces obstacles et s’être remis de ses blessures, puisqu’il a affirmé « qu’il a le corps couvert de cicatrices », c’est que Nicolas Sarkozy a plusieurs vies de même qu’il a plusieurs peaux. Dans ses feintes politiques, il a séduit les jeunes. Il a séduit les vieux. Il a séduit la droite et son extrême. Il a séduit le centre et même la gauche. Ceux qui se laissent séduire par cette bête politique s’intéressent parfois très peu au contenu de ses discours. Ils sont séduits par la prestance de l’homme. Ils sont séduits par son charisme si bien servi par le tube cathodique. C’est que, épousant pleinement le rythme de ses discours, le nouveau locataire de l’Elysée laisse l’impression, dans son propos, d’une profonde conviction. En fait, Nicolas Sarkozy est un bon produit de communication. Il se vend bien.
De même, dans son action politique, le même Nicolas Sarkozy fait peur aux jeunes surtout ceux des banlieues. Il fait peur à droite et à son extrême. Il fait peur au centre et surtout à gauche. Il fait peur à son entourage même le plus proche. Ceux qui développent ces peurs le font non pas parce qu’il est l’incarnation du monstre mais parce qu’ils se disent qu’un homme qui a survécu à tant de tentatives « d’assassinat politique » peut être lui-même dangereux. Ceux qui détestent l’actuel président préfèrent insister sur certaines tranches de sa vie qui, faut-il le dire, n’est pas comparable à celle de l’abbé Pierre par exemple. Ils relèvent l’opportunisme de cet homme qui avoue que « la fidélité c’est pour le sentiment. Et l’efficacité c’est pour le gouvernement ».
Pendant la campagne électorale et, par la magie de la schizophrénie politique, il existait donc deux Nicolas Sarkozy : celui qui séduisait et celui qui terrorisait. Aujourd’hui, les deux personnages doivent fondre dans un seul pour former le Président de la République. Aujourd’hui, les plus de 80% de participation au dernier scrutin doivent être mis en partie au crédit de Nicolas Sarkozy qui a réussi le pari de ne jamais laisser indifférent. Que l’on ait été son adversaire ou son partisan, on avait envie d’aller voir cette nouvelle façon de faire la politique en France.
Par son franc parler, par son courage qui frise parfois la témérité, par son énergie, par son volontarisme, par sa capacité à communiquer l’optimisme dans cette France qui désormais doute d’elle-même, Nicolas Sarkozy a fait tomber les uns après les autres tous ces tabous qui agissaient comme du plomb dans l’aile de la société française. Tout le mérite de Nicolas Sarkozy, c’est d’avoir pris le risque d’anticiper sur la mutation du peuple français. C’était en effet un gros risque que de s’attaquer à ces tabous parce qu’il aurait pu simplement se faire broyer.

LE TABOU JUIF
Les juifs sont présentés comme « des personnes qui ont le judaïsme pour religion ». Mais dans la pratique, les choses peuvent être plus compliquées. Jean Paul Sartre ne disait-il pas « qu’on est juif dans l’œil de l’autre » ? Il peut arrivé que le grand public se mette à s’intéresser aux liens de parenté qu’une telle personnalité peut avoir avec la communauté juive. Ceci en raison de la puissance réelle ou supposée de cette communauté.
Pendant longtemps, le moteur de recherche google a failli exploser sous l’effet du couple « Sarkozy juif ». C’était l’œuvre de tous ceux qui voulaient vérifier la filiation présumée juive du candidat favori à l’élection présidentielle. Et si cette recherche était faite avec tant de frénésie, c’est parce qu’il existe en France une loi non écrite qui tendrait à barrer la voie de la magistrature suprême aux juifs et à leurs descendants. En fait, tous les juifs qui sont parvenus à ce niveau en France par le passé se sont vus attaquer parfois violemment, non pas sur leur compétence mais sur leur origine juive.
En 1936, dans un discours prononcé à l’Assemblée nationale, un député s’adressait en ces termes au nouveau chef de cabinet Léon Blum : « Votre arrivée au pouvoir marque incontestablement une date historique. Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain va être gouverné par un juif ». Il inaugurait ainsi une saison de discours haineux anti-juif pendant laquelle l’extrême droite poujadiste s’est particulièrement illustré. Dans la presse, Léon Blum, affublé de « juif errant », va devenir « l’homme le plus insulté de France ». Quelques morceaux choisis : « Pour Louis de Launay, Blum est « grand maigre, un peu voûté, les yeux vifs regardant volontiers par-dessus son lorgnon, avec le nez busqué et les pommettes de sarace ». Sous la plume d'Henri Béraud c'est le « dromadaire ». Pour Maurras le « chameau ou chamelle », « la dormeuse parfumée du quai de Bourbon », « le juif névropathe » Marcel Jouhandeau déclare: « Bien que je n'éprouve aucune sympathie personnelle pour M. Hitler, M. Blum m'inspire une bien autrement répugnance [. ..] Le Führer est chez lui et maître chez lui, tandis que M. Blum n’est pas de chez nous et, ce qui est le plus fort, M. Blum est maître chez moi et nul, Européen ne saura jamais ce que pense,un Asiatique ». Pierre Gaxotte écrit : D'abord, il est laid. Sur un corps de pantin désarticulé, il promène la tête triste d'une jument palestinienne ».
Longtemps, Pierre Mendès France, résistant et compagnon de la libération était pourtant présenté comme un « traître ». Ses détracteurs l’accusaient de « n’avoir pas assez de terre française sous ses souliers ». En 1954, au cours d’une conférence internationale et pour avoir préféré un verre de lait au vin, il reçut cette remontrance en règle d’un de ses compatriotes : « Si vous aviez une goutte de sang gaulois dans les veines, vous n’auriez jamais osé, vous, représentant de notre France producteur mondial de vin et de champagne, vous faire servir un verre de lait dans une réception internationale ! C’est une gifle, monsieur Mendès, que tout Français a reçue ce jour-là, même s’il n’est pas un ivrogne.»
La réminiscence de ce passé pas très lointain n’était donc pas étrangère à la recherche effrénée de la filiation juive de Nicolas Sarkozy. Des sources toujours bien informées révèlent aujourd’hui que le syndrome juif a largement plané sur la désignation du candidat de la gauche aux élections présidentielles. Les porteurs de ce syndrome disaient qu’il ne faut surtout pas avoir un candidat juif à gauche. Et la raison selon eux était tout simplement celle-ci : si la filiation juive du candidat Sarkozy, favori de l’élection est confirmée, la France était bien partie pour avoir d’office un Président d’ascendance juive.
Pendant la campagne électorale, le leader de l’extrême droite Jean Marie Le Pen croyait pouvoir réveiller cette vieille peur du juif en révélant les attaches juives du candidat de l’UMP. Il a ainsi expliqué que son adversaire est "juif par sa mère". Et de préciser que "cela joue un peu en sa faveur, le fait qu'il soit juif du côté grec, mais il n'est pas juif du côté hongrois."
Aujourd’hui, la filiation juive de Nicolas Sarkozy ne fait plus l’ombre d’aucun mystère. Même si l’actuel Président de la République ne peut pas s’établir en Israël sans se convertir au judaïsme force est de reconnaître qu’il se trouverait presque en famille dans une synagogue et n’éprouverait aucune crainte de porter la kippa ou encore tenir un chandelier. Son grand père maternel Bénédict Mallah était un juif sépharade de Salonique sous l’empire Ottoman. Arrivé en France à 14 ans il s’est converti au christianisme catholique pour épouser Adèle Bouvier, une descendante de la bonne bourgeoisie lyonnaise. Ce grand père qui s’est occupé de l’éducation des Sarkozy a beaucoup influencé et influence encore d’ailleurs Nicolas. Il serait certainement très fier là où il est lorsqu’il apprendra que son petit fils a réussi à faire tomber un des tabous les plus dévastateurs de la société française.

LE TABOU IMMIGRE :
Le dictionnaire le Robert présente l’immigré comme une personne « qui est venue de l’étranger, souvent d’un pays peu développé et, qui s’établit dans un pays industrialisé ». Et de prendre l’exemple des travailleurs immigrés. Cette définition, taillée sur mesure, donne une image bien dévalorisante de l’immigré. Et prépare sans doute l’ostracisme officiel dont il sera toujours victime lorsqu’il sera question de parler de la gestion de la cité.
Depuis la révolution française qui faisait de la France un havre de liberté dans un océan de dictature européenne, la patrie des Gaulois a toujours accueilli des colonnes d’immigrés fuyant la persécution ou à la recherche du travail. Italiens, Espagnols, portugais, polonais ou hongrois souvent persécutés dans leurs pays avaient souvent trouvé refuge en France. Mais à chaque secousse, les immigrés ont souvent été la cible des attaques des xénophobes de tout bord. L’extrême droite ne les tolère que s’ils acceptent d’être confiné aux tâches subalternes auxquelles les Français ne peuvent pas se consacrer.
Au cours de la dernière élection présidentielle française, le syndrome d’immigré était présenté comme l’autre arme aux mains des xénophobes de l’extrême droite. La cible une fois de plus était Nicolas Sarkozy qui cristallise finalement en lui seul les deux syndromes : celui du juif et celui de l’immigré. Pour signifier à Nicolas Sarkozy qu’il n’avait pas suffisamment de sang français pour prétendre à la plus haute fonction de l’Etat, il fallait une gueule bien acide. Et c’est Jean Marie Le Pen qui se chargea de le lui dire : « Nicolas Sarkozy est un candidat qui vient de l’immigration. Moi, je suis un candidat du terroir », avait-il lancé au milieu de la campagne après avoir constaté les ravages de la droitisation du discours de l’UMP sur les militants de l’extrême droite. Et pour mieux préciser sa pensée, Jean Marie Le Pen affirme : « J’estime que j’incarne mieux le peuple français que Nicolas Sarkozy. Il me semble que le Président de la République, le chef de l’Etat, est un homme dont la fonction implique une incarnation dans la nation et du peuple ».
Après cette attaque en règle du leader de l’extrême droite, les autres candidats n’avaient pas suivi certainement par pudeur. Mais ils attendaient bien en récolter les fruits si jamais le peuple mordait à cette pomme xénophobe. Ils étaient convaincus, dans l’ignorance des mutations qui sont en train de s’opérer dans la société française, que Le Pen venait ainsi d’asséner un coup mortel au candidat de l’UMP : « Les Français ne peuvent quand même pas accepter d’être dirigé par un fils d’immigré », entendait-on çà et là. Mais ce qu’ils ignoraient, c’est que le conservatisme français avait vécu : « Dès que les Français ont évité le piège identitaire dans lequel Jean Marie Le Pen voulait les entraîner, j’ai compris que plus rien n’arrêtera Nicolas Sarkozy », commente une personnalité africaine.
Face à Jean Marie Le Pen, la réaction de Nicolas Sarkozy a été d’assumer pleinement son statut de descendant d’immigrés peut-être pour mieux l’exorciser : « Oui, je suis un enfant d'immigré. Mais dans ma famille, M. Le Pen, on aime la France parce que l'on sait ce que l'on doit à la France » (…), « Français au sang mêlé moi-même, né d'un père hongrois et d'une mère dont le père était né grec à Salonique, c'est un honneur pour moi de vous souhaiter la bienvenue, non comme à des amis mais comme à des frères et à des soeurs d'une même nation et d'une même patrie » (…) « Voilà ce que je voulais vous dire comme un fils et un petit-fils d'immigrés, comme l'a si gentiment rappelé M. Le Pen à mon endroit », a dit Sarkozy devant 14 personnes naturalisées à Villepinte.
Finalement, on a l’impression que les coups de butoir de Jean Marie Le Pen ont plutôt rapproché Nicolas Sarkozy de certains immigrés qui se sont dit qu’après tout il est fils d’immigré comme nous et passé les discours électorales, il sera plus sensible à nos problèmes qu’il ne le laisse transparaître : « C’est un fils d’immigré et je crois qu’à ce titre il a subi aussi la discrimination de ceux qui se présentent comme des Français de souche. Il n’est pas exclu que ses actions soient complètement à l’opposé de ses discours qui n’auraient finalement servi qu’à capter l’électorat de l’extrême droite. Il peut nous surprendre », commente un afro-français plutôt optimiste. Mais d’autres préfèrent n’avoir aucune illusion par rapport à la présidence de Nicolas Sarkozy.
Lorsque après ces attaques de l’extrême droite Nicolas Sarkozy a continué de caracoler dans les sondages, ceux qui pouvaient encore comprendre quelque chose ont dû se rendre compte que le deuxième grand tabou de la France venait ainsi de tomber. Le bon vieux conservatisme français qui le distinguait tant des Etats-Unis mais qui était aussi la pomme de discorde entre ceux deux peuple venait ainsi d’épouser les contours du monde du 21e siècle. A savoir, un monde d’ouverture et de tolérance mais aussi d’égalité entre les sexes.

LE TABOU MACHISTE :
La France est le pays où il y a moins dix ans, le machisme rampant avait poussé Florence Montreynaud, écrivaine et militante féministe à créer un réseau de vigilance contre le machisme et les violences sexistes. Ce réseau, elle l’a dénommé : « Chiennes de garde ». Dans la foulée, elle a lancé le manifeste : « halte à la violence sexiste ». Ayant renoncé à la politique à cause du mot « pute » dont on avait barré ses affiches, elle a été meurtrie de voir les autres femmes politiques susciter auprès de certains hommes ce que Roselyne Bachelot appelle « les réactions du fond des âges ». Elle l’avait dit lorsque au sortir de l’Assemblée nationale. Sous les insultes des parlementaires mâles Edith Cresson avait presque craqué. Un député avait alors lancé cette boutade à Mme Bachelot : « Alors les femmes, vous êtes fières de vous ? » Florence Montreynaud avait constaté que plusieurs femmes publiques sont attaquées non pas sur leurs idées mais en tant que femme.
Que ce soit Elisabeth Guigou qui découvre au cours d’une campagne électorale et au détour d’un virage l’inscription suivante écrite en blanc sur une pierre noire : « Guigou = putain ». Que ce soit Dominique Voynet, alors ministre de l’Environnement qui essuie cette interpellation d’un homme au cours d’un salon de l’Agriculture : « Enlève ton slip, salope ». Que ce soit Edith Cresson « qui a subi, à ce jour, le lynchage sexiste le plus outrageant » de toute la cinquième République. Notamment en découvrant cette pancarte des agriculteurs, encore eux : « On t’espère au lit qu’au ministère ». Edith Cresson avait aussi été constamment brocardé par le bébête show, l’ancêtre des guignols.
En 1995, la presse française avait trouvé le qualificatif de « jupettes » pour désigner les femmes qui faisaient partie du gouvernement du premier ministre Alain Juppé. Ce mot de jupette dérivait autant du nom du premier ministre que d’une petite jupe. Toujours cette attaque juste au dessous de la ceinture lorsqu’il s’agit d’une femme. Il y a des personnes qui ont fini par croire à une sorte de fatalité française que ce machisme omniprésent.
Lorsque Ségolène Royal a été investie candidate du parti socialiste pour l’élection présidentielle, beaucoup ne vendaient pas cher sa peau malgré le brillant score qui avait été le sien : plus de 60% des suffrages. C’est d’ailleurs ce fond machiste que a inspiré ce titre au journal l’Express : « Tiendra t-elle ? ». L’éditorialiste Christophe Barbier la brode en ces termes : « Soudain l’icône devint Icare. Ségolène Royal, portée sur l’aile des sondages vers la gloire électorale, retombe sur terre pour avoir approché le soleil Elyséen. Trop d’aisance dans l’attitude, où elle frise l’inconséquence et pas assez dans les connaissances où elle frôle l’incompétence, ont jeté un doute sur sa capacité à être présidente ». Seulement cette fois, la mayonnaise machiste n’a du tout pas pris.
Tout au long de la campagne et ce jusqu’à la finale, Ségolène Royal a été traité comme une candidate, rien de plus. C’est plutôt elle-même et quelques féministes qui l’entouraient qui ont essayé une sorte de machisme à l’envers en interprétant toutes les attitudes des hommes et en tentant de leur donner une connotation machiste.
Cette campagne pour les présidentielles et surtout le parcours de Ségolène Royal a montré aussi la profonde mutation, signe de la modernisation de la société française du 21e siècle. Une société qui s’est débarrassé de cet autre tabou et loi non écrite qui voulait confiner les femmes aux fonctions subalternes.
Les 22 avril et 6 mai derniers, c’est une nouvelle France qui est sorti des urnes. Cette France là a décidé de porter à sa tête un fils d’immigrés ayant de surcroît d’ascendance juive. Une décision riche d’enseignement. Est-ce à dire que pour toute personne qui l’a choisi comme terre d’accueil, le rêve français est toujours possible ?

Etienne de Tayo
Promoteur du Réseau « Afrique Intègre »
Sites visités :
http://www.histoires-en-questions.fr/
http://www.debriefing.org/
http://www.chiennesdegarde.org/
http://www.lejdd.fr/
http://www.histoiredesjuifs.com/
http://www.fr.news.yahoo.com/

jeudi 17 mai 2007

CLICHE : "LA DALLE D'ARGENTEUIL N'EST PAS UN FAR WEST



J’HABITE LA « DALLE D’ARGENTEUIL » ET JE NE ME RECONNAIS PAS DANS L’IMAGE VEHICULEE DE MON QUARTIER

Je ne me reconnais nullement dans l’image écornée et même repoussante que les médias et les politiques projettent de mon quartier, le Val d’Argent Nord et plus principalement la « Dalle » où s’élèvent nos trois tours jumelles (Résidence Sannois, place des Canuts et Place Dessau).
Le 4 avril dernier, le leader du front national, Jean Marie Le Pen est venu à la place de la commune de Paris, du Val d’Argent Nord, communément appelé « Dalle », pour parachever une opération médiatique savamment montée. Voici ce qu’en a dit l’agence de presse Reuters : « Jean Marie Le Pen est arrivé à 10h 15 dans ce quartier réputé sensible de la région parisienne suivi d’un autobus transportant les journalistes ». Du coup, on a assisté à une véritable inflation des titres hautement suggestifs dans les principaux médias : « Le Pen s’invite sur les territoires abandonnés » (Libération) ; « Le Pen s’invite sur la dalle d’Argenteuil » (Le Figaro) ; « Le Pen à Argenteuil : opération média réussie » (Marianne) ; « Le Pen à Argenteuil dans les territoires abandonnés » (Le Monde) ; « Le Pen défie Sarkozy sur la dalle d’Argenteuil » (News.yahoo)…
La descente de Jean Marie Le Pen sur la Dalle d’Argenteuil était une véritable escroquerie politico médiatique. Et pour cause, personne ne l’y attendait. Il s’est exprimé devant quelques curieux venus profiter du beau temps sur l’esplanade. Il a tout de même réussi à défier Sarkozy qui avait préféré battre campagne à Cormeilles en Parisis, une commune voisine d’Argenteuil. Mais pour nous, habitants de cette contrée, il a surtout renforcé un cliché qui fait de la « dalle d’Argenteuil », un véritable far west, le repère par excellence de la racaille de France. D’autres Français, qui ne captent la réalité de leur pays qu’à travers le petit écran, doivent certainement plaindre les habitants de ces « territoires abandonnés ».
Et pourtant, je peux me tromper, depuis bientôt trois ans que j’ai déposé mes valises ici, je tire tout le plaisir à vivre dans cette partie surélevée de la ville d’Argenteuil. Elle offre en recto une vue imprenable sur le « New York de l’Île de France » qu’est la Défense. Elle présente à son verso, des collines verdoyantes. Bien sûr, la « dalle d’Argenteuil » n’est pas le paradis, il n’en existe pas sur terre. Mais il n’est pas non plus l’enfer que laisse présager la caricature des médias. Pendant les événements des banlieues aucune voiture n’a brûlé dans les nombreux parkings qui cernent et même supportent la « dalle d’Argenteuil ». Des rares soirées, j’avais remarqué quelques échauffourées entre les jeunes – qui d’ailleurs étaient partis d’autres quartiers pour traverser la Dalle - et la police et, souvent vite maîtrisées.

LE PRETEXTE
Il avait fallu en 2005 que l’actuel Président de la République, Nicolas Sarkozy, reprenne les propos d’une dame, selon lui, et dise : « Je vais vous débarrasser de la racaille » pour que les médias taillent le portrait de la « dalle d’Argenteuil » dans un tissu particulièrement inflammable. Mais au-delà de cette image caricaturale, qui connaît le Val d’Argent Nord, qui connaît la place de la commune de Paris ? Qui connaît l’esplanade de l’Europe anciennement Esplanade Maurice Thorès ? Qui veut connaître cette réalité ?
Si cela vous dit, voici un plan très dépouillé pour venir visiter la « Dalle d’Argenteuil ». Prenez le train à la gare Saint Lazare. De préférence, celui qui va à « Cormeilles en Parisis » ou « Pontoise ». Descendez à la gare du Val d’Argenteuil. Et lorsque vous sortez de la Gare, prenez le trottoir à votre droite et longez le, même les yeux fermés. Deux cents mètres plus loin, vous tomberez sur des escaliers qui font trois rampes de 11 marches chacune. Si vous parvenez au sommet, vous y parviendrez de toutes les façons, vous êtes sur la « dalle d’Argenteuil ». Laissez-vous entraîner.
La « Dalle d’Argenteuil » est une ville à part entière. Elle est bâtie autour de la place de la commune de Paris et est symbolisée par ses trois tours jumelles, lesquelles culminent à plus de 200 mètres de hauteur. Son avenue commerçante, esplanade de l’Europe, pavée de blocs de granit améliorés, est fleurie dès le printemps. Dès le point du jour, les engins de nettoyage s’emploient à la curer. La nuit, sous l’effet de ses lampadaires, en forme de lampes de salon, elle brille de mille feux. C’est un véritable champ Elysées en miniature. Elle débouche sur la place de la commune de Paris, elle aussi fleurie et doté de bancs publics où les personnes du troisième âge et parfois aussi les femmes, viennent souvent deviser en toute convivialité, dès les premiers rayons du soleil annonçant le printemps. Cette place abrite, dans une architecture circulaire, la Mairie du quartier, le dispensaire « Irène Lezine », le supermarché « Leader Price » qui affiche fièrement son allure futuriste, la « Maison pour tous », le studio de musique et de danse, le nouveau centre multimédia pour jeunes remis à neuf (plus de 200 jeunes ont participé aux qualifications de la dernière coupe de France des jeux vidéo). A partir du balcon de la dalle où viennent souvent bécoter quelques amoureux, on a une vue magnifique sur la gare du Val d’Argenteuil, autre chef d’œuvre architectural du coin.
Mais revenons sur l’avenue commerçante pour faire connaissance avec toutes ces activités qui la meublent : Son Bar Brasserie « La Rotonde », flambant neuf ; sa nouvelle boutique de chaussure « Pabaya Paris chaussure » où les habitants aiment bien à venir lécher la vitrine ; sa boucherie estampillée « Hallal » ; sa banque (BNP Paribas) ; sa poste ; sa bibliothèque « Robert Desnos » ; sa caisse de sécurité sociale ; ses deux boulangeries au « pain toujours chaud » ; ses trois pharmacies « espace santé » ; son « pressing retoucherie de l’esplanade » ; sa rôtisserie ; son nouveau restaurant kebab hallal « Imane Sandwich » ; ses salons de coiffure ; sa téléboutique, son « panier du val » spécialisé dans les fruits et légumes ; ses multiples boutiques alimentaires aux senteurs afro-asiatiques ; sa salle communale « Saint Just » où se tiennent les réunions publiques. Il y a aussi deux crèches, des écoles maternelles et élémentaires (Anatole France) ; le collège « Claude Monnet » ; le lycée « Romain Rolland ».
Lorsqu’il fait beau, les enfants de la « dalle d’Argenteuil » jouent au petit parc à coté du supermarché, toujours bien encadrés par leurs parents. Pendant les vacances, ils vont au « centre de loisir Gavroche ». Ceux qui ont besoin de plus d’espace peuvent toujours aller au parc des cerisiers à un jet de pierre de la dalle.
Comme vous pouvez le constater, lorsqu’on habite la « dalle d’Argenteuil », on n’a pas besoin de s’en éloigner pour : faire ses courses, envoyer une lettre, se soigner, aller à l’école, même… se marier.
Bien sûr, au pied des immeubles, on voit parfois des jeunes traîner jusqu’au petit matin surtout pendant l’été. D’autres préfèrent rouler à tombeaux ouverts sur des motos particulièrement bruyantes. Ils tombent très souvent et se cassent parfois. Mais cela suffit-il pour stigmatiser un quartier comme c’est le cas actuellement ?

Par Etienne de Tayo
Promoteur "Afrique Intègre"

mercredi 16 mai 2007

"Le modèle économique chinois, cest le socialisme aux couleurs de la Chine"


ENTRETIEN AVEC M. QU XING, MINISTRE CONSEILLER PRES DE L’AMBASSADE DE CHINE A PARIS, CHEF DE MISSION ADJOINT, CHARGE D’AFFAIRES

La Chine est aujourd’hui l’un des rares pays au monde à se frayer une place de choix au soleil de la prospérité mondiale en évoluant hors des sentiers battus par la civilisation occidentale. C’est tout l’objet des frayeurs que ce pays de vieille civilisation asiatique provoque en occident.

Question 1 : Dans le discours politique en France, la Chine est malgré elle la responsable des délocalisations qui selon certains hommes politiques accentuent le chômage en France. Comme prenez-vous de telles accusations au niveau diplomatique et au niveau politique ?

Monsieur Qu Xing : Je pense qu’il faut trouver l’origine endogène des délocalisations dans la compétitivité économique. Il faut améliore la compétitivité de l’économie française. Si on cherche toujours des raisons extérieures, dans d’autres pays, cela empêcherait que l’on se voie de façon correcte. Mais si Chine n’existait pas, il y aurait d’autres pays pour se constituer en endroit d’attraction des capitaux français.
Question 2 : L’Afrique, c’est bien sûr les affaires mais c’est aussi la politique avec son lot de conflit et des problèmes à régler entre les différents protagonistes. Mais on a l’impression que la Chine s’intéresse essentiellement aux affaires. Est-ce que affaires et politique peuvent être dissociables ?
Monsieur Qu Xing : Je ne suis pas tout à fait convaincu de votre hypothèse qui est que la Chine s’intéresse plus aux affaires qu’à la gouvernance. La Chine attache beaucoup de prix à la stabilité et à la bonne solution des conflits africains. La différence entre la Chine et les pays développés, c’est que la Chine respecte beaucoup la politique intérieure des pays parce qu’elle est convaincue que seul le peuple de ce pays connaît mieux la situation du pays. Si les forces extérieures sans vraiment connaître la réalité d’un pays, qui plus est si elles sont motivées par leurs intérêts personnels, interviennent dans un pays, probablement, le résultat sera catastrophique. La Chine fait l’objet de beaucoup de critique au sujet du Soudan. La Chine a fait beaucoup d’effort pour que le problème du Darfour soit réglé de façon équitable et donc durable et surtout en tenant compte de la réalité du pays. Si on met beaucoup der ressources à aider une partie des gens en blessant une autre çà ne fait pas une solution durable. Regardez en Irak, en Yougoslavie, au Kosovo… Dernièrement, vous l’aurez remarqué que le gouvernement soudanais a accepté le plan du déploiement des forces de l’ONU des la région du Darfour. C’est parce que le gouvernement chinois a fait beaucoup d’efforts de persuader le gouvernement soudanais de la nécessité de coopérer avec la communauté internationale.

Question 3 : Le Chine s’investit énormément dans les grands travaux en Afrique. Mais on constate que les entrepreneurs chinois se déplacent généralement avec la main d’œuvre chinoise. Ce qui évidemment empêche les pays africains bénéficiaires de ces travaux de tirer profit de la main d’œuvre. N’y a-t-il pas problème à ce niveau ?

Monsieur Qu Xing : Je crois qu’il est intéressant de faire une comparaison historique. Dans les années 60 et 70, la Chine a aidé la Zambie et la Tanzanie à construire leur réseau de chemin de fer principalement avec de la main d’œuvre chinoise. A l’époque, cela n’intéressait personne puisque la Chine ne se présentait pas en concurrent. Aujourd’hui, comme les relations sino africaines se développent de façon exponentielle dans le domaine économique du coup, on voit le problème.La vérité est que les Chinois qui travaillent sur les chantiers en Afrique sont tous des techniciens et administrateurs même s’il s’agit des projets issus de l’aide gratuite du gouvernement chinois aux pays africains. Tout ceci pour assurer la qualité du travail et respecter les délais.
Question 4 : En faisant la carte de la présence chinoise en Afrique, on constate qu’elle s’intéresse surtout aux pays qui ont du pétrole, du bois et d’autres richesses. Et certaines personnes de conclure que la Chine n’est que le énième prédateur qui vient aussi s’approprier les richesses de l’Afrique. Que leur répondez-vous ?
Monsieur Qu Xing : Prenez l’exemple du pétrole, la quantité du pétrole que la Chine a acheté en Afrique ne représente même pas la moitié du pétrole acheté par les américains. Et pourtant on ne parle pas d’un prédateur américain mais plutôt du prédateur chinois. C’est parce que médias d’inspiration occidentale trouvent tout à fait normal que les Japonais, les européens, les américains achètent le pétrole africain. Si c’est la Chine qui l’achète, c’est anormal. Je trouve que ce n’est pas juste. En plus, la stratégie de la Chine est d’établir une base d’avantages réciproques pour le pays et pour la Chine. Ceci toujours dans l’optique de parvenir à l’autosuffisance des pays africains. Et çà, je ne peux pas dire que c’est l’objectif poursuivi par tous les autres pays développés. La Chine est un pays exportateur de thé mais la Chine n’a pas hésité à aider certains pays africains à développer de vastes plantations de thé. On ne peut pas reprocher à la Chine d’acheter le pétrole en Afrique puisque tout le monde le fait.

Question 5: En analysant la situation économique de la Chine aujourd’hui, certains parlent de communisme de marché, d’autres encore parlent de capitalisme rouge. Comment qualifiez-vous le modèle chinois ?

Monsieur Qu Xing : La qualification officielle qui correspond tout à fait à la vérité chinoise c’est le socialisme aux couleurs de la Chine c'est-à-dire qu’avec un système de l’économie du marché sous la direction du partie communiste. Ceci dit, chacun est libre d’appeler comme il veut : communisme de marché ou capitalisme rouge.

Question 6 : S’agit-il d’un assouplissement du dirigisme économique ?

Monsieur Qu Xing : C’est plutôt une réforme qui fait passer de l’économie planifiée à l’économie de marché. On insiste sous la direction du parti communiste parce que le parti est choisi par le peuple pour maintenir la stabilité, l’unité et l’harmonie. C’est uniquement dans ce contexte que tout système économique peut être mis en œuvre. C’est ce que j’appelle le socialisme aux couleurs de la Chine.

Propos recueillis par : Etienne de Tayo