lundi 21 mai 2007


ENTRETIEN AVEC PATRICK LOZES, PRESIDENT DU CRAN ET AUTEUR DU LIVRE : « NOUS LES NOIRS DE FRANCE ».

Son élection comme président du Conseil Représentatif des Associations Noires, (Cran) avait soulevé une forte controverse au sein de la communauté noire. Mais pour Patrick Lozes, c’est un passé qu’il faut oublier. On peut dire que cette controverse lui a plutôt permis de consolider sa position de défenseur de la cause des Noirs. En France, il épouse les idées du centre. Il pose un regard sans complaisance sur les premiers pas de la présidence Sarkozy.

« J’ai voulu juger le Président Sarkozy sur ses actes, il vient de poser le premier acte qui est extrêmement négatif par rapport aux populations noires »

Question :
Au lendemain de la présidentielle française qui a vu le sacre du candidat Nicolas Sarkozy, et en tant que l’un des leaders de la communauté noire, pouvez-vous faire un bilan de cette élection par rapport aux intérêts de cette communauté ?

Patrick Lozes : Pour moi le bilan c’est que pour la première fois on a senti la présence des populations noires dans cette élection. Ce qui est nouveau. Et je crois que les choses ne seront plus comme avant. Que la place des noirs dans les élections reste de plus en plus grande. Vous vous souvenez que le Cran a adressée un questionnaire à tous les candidats et que pour la première fois les principaux candidats ont répondu. Sur la question des statistiques de la diversité on voit que tous les candidats sont favorables. Ça prouve la place non négligeable de ces populations là. Evidemment il y a des choses à faire. Moi je travaille déjà pour les élections de 2012.

Question : Qu’est ce qui explique chez vous cet optimisme quand on sait que beaucoup de Noirs sont déçus du fait qu’il n’y a pas un seul Noir dans le premier gouvernement de président Sarkozy ?

Patrick Lozes : Nous constatons que pour ce qui est de la théorie, les choses se passent plutôt de manière positive. Mais pour ce qui est de la mise en pratique de cette théorie là, il y a une vraie déception. Tout le monde a remarqué que le premier gouvernement du président Sarkozy n’a pas intégré des Noirs. C’est la première fois que cela se passe depuis une trentaine d’années. C’est un très mauvais signe que donne le Président Sarkozy. Est-ce à dire qu’il ne fera pas tout ce qu’il a dit ? Ce qui sera très inquiétant. Est-ce qu’il estime que les populations noires ne comptent pas ? Ce serait tout autant inquiétant. Il aime bien parler de discrimination positive. Comment se fait-il que lui-même ne donne pas l’exemple ?

Question : Cette situation ne découlerait-elle pas d’un manque d’organisation des noirs en France ? Que pensez-vous de l’idée avancée par certaines de créer un parti des Noirs afin de constituer une force capable de donner du change ? Est-ce pas parce qu’on ne ressent pas les Noirs comme une force homogène pouvant faire basculer les résultats ?

Patrick Lozes : C’est tout le travail que fait le CRAN en demandant à ces populations de s’organiser. Est-ce qu’il faut aller jusqu’à un parti politique ? Je crois que aujourd’hui aucune voie n’est à négliger. Cette voie me paraît radicale mais après tout, les décisions que prennent les gouvernants n’en sont pas moins radicales. Il faudra voir ce que çà veut dire, quelle est la manière de le faire. J’entends effectivement beaucoup de choses se dire sur ce parti politique. Je crois que la réflexion doit être menée à bout. Pour moi l’élection présidentielle de 2007 a été comme la préhistoire. L’histoire des populations noires et leur présence commencent. Il faut avoir un objectif de plusieurs députés. La treizième législature qui va sortir des urnes en juin prochain n’aura aucun représentant de la communauté noire si l’on, s’en tient aux candidats et leurs chances d’être élu. Je mise donc sur la quatorzième législature dans cinq ans et je lance un appel à toutes les bonnes volontés pour faire en sorte que, année après année, on puisse voir des avancées que nous ferons pour atteindre l’objectif que je viens de vous présenter. A savoir un nombre important de députés Noirs dans la quatorzième législature et des membres du gouvernement dans des ministères importants.

Question : Dans son discours, le Président Sarkozy a parlé du « destin de l’Afrique et de l’Europe qui sont incontestablement liés ». Il y a aussi ce rapprochement avec l’Afrique avec la proposition d’une création d’une union de la méditerrané. Selon vous, ce ne sont que des mots ou faut-il y voir des réelles chances pour l’Afrique ?

Patrick Lozes : Pour moi, ce ne sont que des discours. Après ses propos sur la discrimination positive et ce qu’il a fait dans son premier gouvernement, on ne peut être qu’extrêmement circonspect par rapport à ce qui va se passer. J’ai voulu juger le Président Sarkozy sur ses actes, il vient de poser le premier acte qui est extrêmement négatif par rapport aux populations noires. Tout ce qu’il dit aujourd’hui, le moins que l’on puisse dire, devient sujet à caution.

Question : Vous étiez dans cette campagne plutôt au centre. Vous parlez de préparer déjà 2012. Est-ce à dire que vous rejoignez le nouveau parti de François Bayrou ?

Patrick Lozes : J’ai accompagné François Bayrou et j’ai compris qu’il ne porte pas beaucoup d’intérêt à la question noire qui m’intéresse moi. J’en tire les conséquences. C'est-à-dire que je reprends ma liberté mais mes idées restent celles de l’UDF. Ma proximité avec François Bayrou a fait date. Aujourd’hui, je préfère qu’on me situe uniquement dans la défense des populations noires.

Propos recueillis par : Etienne de Tayo

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