« L’AFRIQUE N’EST PAS UNE MAISON CLOSE »
Messieurs les chefs d’Etats et de gouvernements membre du G8,
En juillet 2005, outré par votre arrogance, votre cynisme et surtout votre roublardise, j’avais signé à votre intention un coup de gueule intitulé : « Pour la Dignité de l’Afrique, laissez-nous crever ». Cette réflexion est depuis devenue un livre à succès. Ayant compris que vous vouliez vous appuyer sur des promesses fallacieuses à l’Afrique pour vous donner un visage humain et une stature humanitaire, je tenais à dénoncer une telle ignominie mais surtout à préserver la dignité de l’Afrique. Pour vous rafraîchir la mémoire – parce que je sais que vous avez déjà oublié vos promesses qui en principe n’engagent que ceux qui veulent y croire – vous vous proposiez entre autre, de « doubler l’aide à l’Afrique de 50 milliards de dollars (37 milliards d’euros) d’ici 2010 ». Vous vous proposiez aussi de faire reculer la pandémie du Sida et d’éradiquer d’autres fléaux tels le paludisme.
A l’époque, il s’en était trouvé des personnes, certainement naïves mais de bonne foi, pour m’accuser de vous faire un procès d’intention. Pour toute réponse, j’avais pris date et je m’étais donné rendez-vous dans deux ans pour vérifier l’amorce de réalisation de vos promesses. Je savais comme dit l’adage, que « le mensonge a des pattes très courtes et ne va jamais bien loin ». Je savais aussi « qu’on peut tromper une partie du peuple tout le temps. Qu’on peut tromper tout le peuple une partie du temps. Mais qu’on ne peut jamais tromper tout le peuple tout le temps ». Mon scepticisme plongeait ses racines dans l’histoire de la rencontre tumultueuse entre l’occident et l’Afrique. Je sais qu’il n’a jamais été question, ni hier ni aujourd’hui d’aider l’Afrique à parfaire son développement. L’Afrique n’est perçu que comme un réservoir de matières premières et un territoire exotique qu’il faut maintenir à l’état sauvage pour préserver l’écosystème mondial.
A gleneagles, à l’instar de certains rois fainéants et obscurantistes qu’a connu l’humanité, vous conviiez certains griots pour vous inciter, par la chanson, à apporter votre aide à l’Afrique. C’est ainsi que profitant de la naïveté des peuples occidentaux – très souvent tenus dans l’ignorance totale de la politique extérieur de leurs Etats - par rapport au destin de l’Afrique, Bob Geldorf et Bono du U2 accompagnés de quelques autres artistes organisèrent des concerts géants pour, disaient-ils, attirer l’attention des riches que vous êtes sur le sort de l’Afrique. Mais en réalité ces concerts leur ont plutôt permis d’exploiter aussi la misère de l’Afrique pour booster les ventes de leurs disques. Bien sûr cela rentre dans la logique du capitalisme mercantile que vous prônez dans votre immense majorité et que vous comptez imposer au reste du monde, au besoin par la force.
Messieurs les chefs d’Etats et de gouvernements membre du G8,
Nous voici donc en 2007, deux ans après vos promesses de Gleneagles. Que le temps passe vite ! A ce jour, nous devions à tout le moins avoir connu le début de réalisation de vos promesses. Seulement, d’après le constat de certains de vos proches, vous n’avez jamais pu traverser l’étape des discours. En visite à Berlin, capitale de l’Allemagne où vous comptez tenir votre prochain dans la petite station balnéaire de Heiligendamm à une date encore inconnue, la star Irlandaise Bono a « reproché aux pays du G8 de ne pas tenir leurs promesses financières à l’égard de l’Afrique ». Il va même plus loin et trouve que le « G8 traverse une crise de crédibilité ».
Figurez-vous que Bob Geldorf et Bono qui avaient chanté pour vous à Gleneagles ont depuis compris que vous risquiez les embarquer dans une entreprise fort ruineuse pour leur image. Pris de doute par rapport à votre sincérité, ils ont créé le groupe dette, sida, commerce, Afrique (DATA). Les résultats de ce groupe par rapport à vos promesses vous accusent messieurs les puissants du monde. Ils révèlent en effet que « entre 2004 et 2006, le G8 a donné moins de la moitié de la somme nécessaire pour tenir leurs engagements de doubler l’aide à l’Afrique à hauteur de 50 milliards de dollars ». D’après l’ONG Oxfam bureau de Londres, « le G8 pourrait manquer son objectif de réduire la dette de 30 milliards, ce qui pourrait coûter 5 millions de vie des enfants en Afrique ». Selon certains experts, la plupart des pays dont vous annonciez avec force triomphe l’annulation de la dette sont encore en train de se ré endetter de façon spectaculaire auprès de vous ou des institutions que vous contrôlez.
Alors qu’on s’attendrait à vous voir rentrer dans vos petits souliers, couvert de honte, j’entends que la police allemande, un de vos imminents membres, a effectué des perquisitions dans les locaux de plus de 40 groupes d’extrême gauche, hostiles à la mondialisation et aux réunions du votre groupe. Et que cette même police a brutalisé plus de 5000 manifestants qui protestaient contre ces perquisitions. J’ai compris que, comme dit l’adage « la honte ne tue plus ». Dans quelques jours, vous allez vous retirer dans la petite station balnéaire de Heiligendamm, protégés par un impressionnant cordon de policiers. Si donc vous n’avez rien à vous reprocher, pourquoi vous cachez-vous ? Croyez-vous que le bonheur peut-il être total lorsqu’on est obligé de se cacher pour y goûter ?
Messieurs les chefs d’Etats et de gouvernements membre du G8,
Qui êtes-vous donc pour prétendre diligenter le monde. Regardez donc autour de vous et vous comprendrez que le monde est en train d’évoluer alors que vous êtes resté figé à vos gloires passées. Vous conviendrez avec moi que si rien n’est fait dans le changement du paradigme de développement, vous ne serez plus que de vulgaires pièces de musée. Vous savez bien que lorsqu’on cherche les économies performantes dans le monde aujourd’hui, ce n’est pas du tout de votre coté. C’est du coté de l’Europe septentrionale : Suède, Norvège, Danemark, Finlande ; ce sont les pays sortis de l’empire soviétique : Lituanie, Estonie ; C’est la Chine, c’est l’Inde, c’est potentiellement l’Afrique avec son milliard et demi d’une population jeune. Vous savez que vos pays sont lourdement endettés et qu’ils devraient normalement être mis sous ajustement structurel. Vous savez aussi que vos modèles socio économiques sont largement remis en cause par vos peuples.
Je ne sais quel rôle vous voulez jouer dans ce monde de demain. J’ai fini par comprendre à la lumière de certaines découvertes, que vos réunions par trop spectaculaires ne viserait en réalité qu’à faire diversion pour permettre aux réunions plus sécrètes et plus déterminantes pour l’avenir du monde de se tenir. Vous savez comme moi que le monde de demain sera celui des réseaux ou ne sera pas. Et dans ce monde de réseaux les Etats ne seront plus que de pures figurations puisqu’ils seront absorbés dans les réseaux.
Messieurs les chefs d’Etats et de gouvernements membre du G8,
Je suis d’accord avec vous sur une seule chose. A savoir que le monde doit tourner le dos à des pratiques d’assistanat. Mais, au plan individuel et collectif, toutes les conditions, toutes les chances égales doivent être offertes pour la réussite. Par exemple, la suppression des subventions à vos agriculteurs et l’accès équitables des produits sur le marché. Vous devez desserrer l’étau autour de l’OMC et tous les organismes de régulation. Les Etats anciennement colonialistes doivent abandonner leurs politiques rentières dans les anciennes colonies. Il faut permettre la libération dans ces pays de la force de créativité et de travail, seuls leviers d’impulsion du véritable décollage économique. Au lieu d’abreuver ces pays de crédits et autres aides qui rognent leur dignité et les placent en position de soumission permanente.
Si vous voulez, vous pouvez toujours continuer dans la roublardise. Vous pouvez continuer dans le double langage qui dans le discours promet monts et merveilles à l’Afrique mais qui dans la réalité créée plutôt des conditions de son maintient dans une misère abjecte. Mais sachez une chose, lorsque demain, l’Afrique n’aura plus rien à manger et plus rien à exporter parce que les autres auront tout pillé, elle exportera sa misère dans les boat people qui, par centaines de millions, viendront se faire tuer sur les cotes européennes et américaines. Au moins, contribueront-ils à alourdir un peu plus votre conscience en espérant que vous en ayez une.
Alors que j’arrive au terme de cette missive, je ne vous demande qu’une seule chose : Laissez l’Afrique tranquille. L’Afrique n’est pas une maison close. N’en parlez plus au cours de vos réunions. Et j’en suis sûr, elle se portera mieux.
Etienne de Tayo
Promoteur du Réseau « Afrique Intègre »
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