mardi 29 mai 2007


INTERVIEW DE JUSTIN AHANHANZO, RESPONSABLE DU PROJET DE TELEDETECTION SATELLITALE, COORDONNATEUR DU PROJET GOOS-AFRICA A L’UNESCO

Lorsqu'il parle de sciences et technologies, un domaine si souvent rebarbatif pour les profanes, Justin Ahanhanzo y met tellement du sien qu'on finit par aimer la discipline. A l'écouter, il dégage un optimisme de haut vol par rapport au destin de l'Afrique. Il fait ainsi un pied de nez à tous les afropessimistes et remet du baume au coeur de tous ceux qui, écoutant les sirènes au catastrophisme avaient fini par désespérer pour l'Afrique. Monsieur Ahanhanzo et tous les autres scientifiques qui pensent comme lui ont ainsi pris leurs responsabilités. Aux décideurs africains et à tous les africains de s'assumer.




Question : En quoi consiste exactement le projet que vous conduisez au sein de l’Unesco et quel peut être son impact sur le développement de l’Afrique ?

Monsieur Justin Ahanhanzo : Il s’agit d’un programme sur les applications de la télédétection pour la gestion intégrée des écosystèmes de l’environnement en Afrique. Dans le cadre de ce programme, il a été prévu de soutenir l’Union Africaine dans ses efforts d’utiliser les sciences et technologies pour le développement durable et en particulier les satellites de télédétection. Au cours du séminaire qui s’ouvre ce mercredi 30 mai, nous feront venir des experts africains de haut niveau qui ont parfois 20 à 30 ans dans le domaine spatial. Il y aura aussi des experts qui viennent des pays partenaires. Il est question de réfléchir sur les stratégies africaines qui aideront l’Union africaine à mieux éppréhender l’utilisation de la télédétection spatiale pour la gestion de l’environnement et des ressources naturelles en Afrique.

Question : Quelles sont les applications pratiques et concrètes de la télédétection ?

M. J. A. : C’est tout ce qu’on peut détecter à distance. Dans le cas précis, c’est l’utilisation des satellites pour le suivi de l’environnement et les écosystèmes, de la dégradation de l’état des sols, pour la planification de la gestion de l’eau, pour les déplacements de la population, pour les mouvements de troupes. Ces techniques sont utilisées aussi pour connaître l’évolution de la température de l’Océan qui après quelques analyses, permet de voir, l’état ou le stock de poisson qui peut y avoir.

Question : Pour l’Africain qui a encore des préoccupations alimentaires et qui s’acharne à les satisfaire, ne pensez-vous pas que votre discours peut être finalement très aérien pour lui ?

M.J.A. : Le dernier sommet des chefs d’Etats africains qui s’est tenu à Addis Abeba a été dédié à l’utilisation des sciences et technologies pour le développement durable de l’Afrique. Ça me plaît de citer le président de l’académie des sciences qui dit que « les sciences seules ne peuvent pas permettre à l’Afrique de se développer. Mais l’Afrique sans les sciences ne peut pas se développer ». Dans l’histoire de l’humanité, on ne connaît pas un peuple qui a maîtrisé ses ressources actuelles, son environnement, sa destinée sans l’appropriation du savoir appliqué au développement. Le thème de notre atelier c’est justement l’application des techniques satellitales pour le développement durable de l’Afrique.

Question : La Chine vient de lancer un satellite de télécommunication pour le compte du Nigeria. Pour vous qui vous intéresser à ce domaine, comment est-ce que vous pouvez commenter cet événement là ?

M. J. A. : Vous parlez de la Chine, on voit bien que aussi bien ce pays que tous les autres dragons de l’Asie du Sud Est font reposer leur développement sur l’appropriation de la technologie de ce dernier centenaire. Ce qui veut dire que le Nigeria comme l’Algérie, comme l’Afrique du Sud, comme l’Egypte, pays pionniers dans les efforts de la maîtrise des techniques spatiales. La première réunion du leadership africain pour avancer dans le domaine des sciences et technologies, organisée au Nigeria a vu la participation des experts des quatre pays précités et les experts du Maroc. Ce qui est encore plus fascinant, c’est l’histoire de l’Afrique du sud dans le domaine spatial. A l’université de Stellenbosch dans les faubourgs du Cape, un professeur a demandé un jour à ses étudiants de lui dire le défi majeur dans le domaine scientifique. Ils ont dit : c’est de pouvoir créer un satellite un jour mais nous savons qu’on ne créera jamais. On est en Afrique du Sud au lendemain de l’apartheid. Avec ses étudiants, il a formé une équipe de volontaires. Ils ont fabriqué le premier satellite sud africain, SunSat qui a été lancé à partir de la base de lancement du colorado. Le dernier satellite de troisième génération qu’ils ont fabriqué se nomme SumbadilaSat (découvreur du chemin en langue Tshwane). A l’Unesco, nous essayons de soutenir l’effort que font les pays africains et de démontrer que les choses sont possibles.

Question : Cette technologie de pointe, les Africains la maîtrisent t-ils d’un bout à l’autre ou se font-ils toujours assister ?

M. J. A. : Nous sommes dans un monde globalisé et où tout se partage. Il est difficile de savoir si un pays, n’importe lequel n’a pas besoin de l’expertise d’un autre. C’est pour çà qu’il y a des accords de coopération. Il y a des pays qui sont beaucoup plus puissants que d’autres dans certains domaines. Les pays africains font leur petit bonhomme de chemin et essayent de s’approprier les technologies tant bien que mal.

Question : Avez-vous l’impression qu’au niveau des décideurs que sont les chefs d’Etats par exemple il y ait une réelle volonté politique ?

M. J. A. : Si on prend le dernier sommet des chefs d’Etats qui s’est tenu à Addis Abeba en janvier dernier, ce sommet a été dédié aux sciences et technologies pour le développement de l’Afrique. On pourrait dire que c’est une marque de volonté. Mais après, il faut que les investissements suivent. Il faudrait qu’une part substantielle du PNB des pays soit accordée à la recherche. Le potentiel existe dans les populations africaines, il suffit de leur donner les moyens.
Quand nous parlons de la promotion des sciences et technologies, on est bien conscient que cela ne va pas changer la situation du jour au lendemain. Mais ce qui est important pour une nation, c’est d’investir dans le futur.

Question : Est-ce que au niveau des chercheurs que vous êtes, il y a une volonté d’apporter une plus value africaine au lieu de se contenter du copiage de l’existent ?

M. J. A. : Je ne pense pas que les chercheurs africains font du copiage. La science est universelle. Par conséquent chaque individu apporte sa contribution à partir du niveau de développement de son pays et des outils dont il dispose pour le faire. Le problème fondamental de l’Afrique n’est pas au de la capacité des Africains à faire de la science. Ce problème est déjà résolu. Il y a des chercheurs africains surtout dans la diaspora qui ont reçu des formations solides dans les grandes universités et qui font de la recherche de pointe dans les grands laboratoires. Ils sont obligés de rester dans les pays du nord parce qu’ils y trouvent des moyens de recherche.

Propos recueillis par : Etienne de tayo

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