dimanche 6 mars 2022


AU DELÀ DE LA PANDÉMIE : DE QUEL MONDE RÊVE LA CHINE ?

Le débat pernicieux sur l’origine du nouveau coronavirus, sur le prétendu retard pris par la Chine pour informer le monde sur la pandémie et sur la connivence avec l’OMS. Tout ceci vise une seule chose : engager la responsabilité de la Chine dans la survenue du COVID-19, la précipiter ainsi au banc de la communauté internationale et l’amener à payer des réparations au reste du monde. Par ailleurs, la stigmatisation qui va avec conduira à l’isolement d’une Chine présentée comme un véritable ogre mangeur d’enfants. Et le fait que les États-Unis soient à la pointe de cette campagne de désinformation et de manipulation n’est pas un fait du hasard et montre que nous sommes déjà dans une lutte des puissances. Cette manipulation emprunte des chemins classiques de la désinformation,  vise les pauvres d’esprit et voudrait passer le message simpliste suivant : la Chine a fabriqué un virus pour exterminer les autres populations du monde, pour mettre le reste des pays du monde à genoux, pour prendre le leadership du monde et imposer un nouvel ordre impérialiste sur les pays d’Afrique par le biais des dons dans le cadre du COVID-19.

Face à ce message et la gravité de l’accusation qu’il porte et compte tenu de ce que la Chine est une puissance émergente dans le monde aujourd’hui, nous voulons aller au fondement du monde tel que la Chine l’envisage pour essayer de comprendre si l’extermination des autres peuples de la planète pourrait être au programme du déploiement de cette puissance émergente. La Chine est une vieille civilisation millénaire qui, après plusieurs siècles de passage à vide, est en train de reconquérir sa place dans le concert des nations. La Chine a comme modèle connu, « le socialisme à la chinoise ». Depuis le 24 octobre 2017 lors du 19ème congrès du parti communiste chinois, la boussole du bateau Chine est inscrite dans la charte du parti sous le nom de « la pensée de Xi Jinping sur le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère ». Nous voulons la décrypter surtout sur son volet politique étrangère, à la recherche de l’humanisme que les autres tentent de lui contester à la Chine.

La pensée du président Xi Jinping a intégré la charte du parti communiste après celle de Mao Zedong en 1945 lors du 7e congrès et celle de Deng Xiaoping en 1997 lors du 15e congrès. Cette pensée se compose de 14 principes essentiels. Et en la parcourant, notre attention a été attirée par trois principes en raison de leur capacité à proclamer l’humanisme. Il s’agit de : « promouvoir la construction d’une communauté de destin pour l’humanité ; l’objectif principal du développement est d’améliorer la vie et le bien être des personnes ; le parti communiste doit avoir une approche centrée sur les individus pour l’intérêt public ». Si pour Deng Xiaoping, le père de la croissance chinoise, « La Chine doit cacher ses forces et attendre son heure », le président Xi Jinping pense que « cette heure est arrivée ». Et les jeux olympiques de 2008 marquaient l’ouverture de la Chine sur le monde et permettait au monde d’aller vers la Chine.

Réforme et ouverture

L’émergence de la Chine a tout de suite été interprétée par des puissances régnantes comme une menace. D’où l’érection des défenses connues sous le nom de « china-basching » et dont l’objectif clairement affirmé est la stigmatisation systématique de la Chine et la provocation avec pour but de l’attirer dans une confrontation. Et pourtant, la rhétorique pacifique du discours chinois transpire dans un certain nombre de concept qui accompagne le « rêve chinois » compris comme le prolongement au 21e siècle de la notion de « prospérité et puissance » élaborée par les modernistes chinois du 19e siècle. Ces concepts sont : « le développement pacifique ; un monde harmonieux ; le développement scientifique ». La pensée de Xi Jinping adhère au « principe de la coexistence pacifique et se fonde sur les valeurs du respect mutuel, de l’équité, de la justice et de la coopération gagnant-gagnant » La nouvelle Chine est venue pour « promouvoir l’établissement d’un nouveau type de relations internationales ». Un nouveau type qui est, comme le propose la pensée de Xi Jinping, « contre l’unilatéralisme et le protectionnisme qui portent atteinte à la confiance et à la coopération entre divers pays. Elle incite la Chine à tisser vigoureusement des partenariats mondiaux ». La Chine « tourne ainsi le dos au modèle consistant à établir des alliances politiques et militaires et renonce à la mentalité de la guerre froide et à la politique du plus fort ».

Si elle refuse d’emprunter les mêmes chemins de la confrontation que ses devanciers sur la scène internationale, la Chine sait néanmoins qu’elle est venue, en tant que pays émergent,  porteur d’une mission. Pour elle, « la montée des puissances émergentes (BRIC’S) avec l’évolution des rapports de force dans le système international exige en toute objectivité de réformer le système de gouvernance mondiale et de reconfigurer l’ordre international ». Le pays de Xi Jinping pense « qu’il y a lieu d’augmenter de façon équitable et juste le droit pour les pays émergents et en développement de faire entendre leur voix et de participer à l’élaboration des règles, afin de promouvoir la réforme et l’amélioration du système de gouvernance mondiale et d’assurer son développement sain en le rendant plus impartial, inclusif, équitable et durable. L’objectif étant de réaliser à pas assurés la démocratisation des rapports internationaux ». Cela s’appelle, troubler le sommeil des puissants.

Le concept de communauté de destin pousse la Chine à s’engager dans un certain nombre de projets à  l’échelle de la planète. Et si elle le fait, c’est moins pour dominer que pour partager la prospérité parce que pense-t-elle, c’est en sortant le maximum des peuples du monde de la pauvreté qu’on pourra garantir la paix pour tous. Le projet le plus en vue dans ce cadre est celui dit de la « ceinture et de la route ». Et voici ce que la pensée de Xi Jinping dit à propos : « La co-construction de  haute qualité de la « ceinture et la route » vise à bâtir la plateforme de coopération internationale la plus inclusive au monde ainsi qu’à fournir un large éventail de biens publics mondiaux à la communauté internationale, en particulier aux pays en développement. Elle projette de créer des opportunités à la connectivité et à la coopération en neutralisant les possibles causes de confrontation et de conflit, ainsi qu’à affermir les bases de la paix, la stabilité et la prospérité mondiales par le biais du développement commun de tous les pays ». La Chine qui parle ainsi est celle qui, en moins de 40 ans a sorti plus de 800 millions de personnes de la pauvreté. Une expérience qu’elle voudrait partager à l’échelle de la planète.

Ce qui fait problème et fait que la Chine soit une cible pour les puissances régnantes qui ont jusque là conduit le destin de l’humanité, c’est que la Chine de par son discours et son action, nous éloigne du piège de Thucydide qui a commandé jusque là les relations internationales selon lequel « les puissances dominantes entre logiquement en conflit avec les puissances émergentes » ou encore que « toute grande puissance pratique l’hégémonie ». A la place, la Chine « promeut avec constance la démocratisation des rapports internationaux et la réforme constructive des systèmes internationaux ». Au vue de la taille de ce combat, nous retenons au moins deux choses : la Chine ne peut pas se faire que des amis surtout de la part de ceux qui conçoivent le monde essentiellement en centre et périphérie. L’Afrique sera le premier bénéficiaire autant des réformes que du nouveau monde que propose la vision de la Chine.

Dr Etienne Tayo Demanou

« ALTITUDE » : Centre d’études et de réflexion sur la coopération sino-africaine

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