mardi 8 mars 2022

 

HONG-KONG : COMMENT LE ROYAUME-UNI VEND LA CHEVRE ET RETIENT LA CORDE

Depuis deux ans, des manifestations des jeunes se succèdent à Hong-Kong avec une volonté clairement affichée de rendre cette péninsule ingouvernable pour la République Populaire de Chine qui en a pris le contrôle depuis 1997 à la faveur des accords de rétrocession signés en 1984 avec le Royaume Uni de Grande Bretagne et de l’Irlande du Nord.

La mèche de cet embrasement presque programmé a été allumée après que, dans un processus de reprise en main de la péninsule, la République Populaire de Chine a soumis au vote du parlement un amendement de la loi d’extradition. Ceci, dans le but de résoudre une énigme découlant d’un fait divers dans lequel un ressortissant hongkongais a assassiné sa copine à Taïwan et s’est refugié à Hong-Kong où il ne pouvait ni être jugé, ni être extradé vers Taïwan. Mais les pro-démocrates qui sonnent la mobilisation contre cet amendement pensent et disent que son adoption contribuera à « diluer la frontière juridique entre Hong-Kong et la Chine continentale ». Hong-Kong a un système du Common Law hérité du colon britannique alors que la Chine a le Droit civil. Finalement le projet de loi est d’abord suspendu en juin et définitivement retiré en septembre 2019. Mais malgré ces bonnes dispositions du gouvernement chinois, les manifestations redoublent d’ampleur et les revendications subissent de profondes mutations. Il n’est plus simplement question d’un retrait du projet de loi mais de remise en cause de l’accord de rétrocession. Des velléités sécessionnistes sont même perceptibles dans la démarche de certains manifestants.

Contre toute attente mais de manière objective, les revendications des manifestants trouvent écho  et obtiennent le soutien officiel de Londres et de plusieurs capitales occidentales telles Ottawa, Camberra, Washington où il est question de protéger le peuple Hongkongais contre l’ogre chinois. Les ministres des affaires étrangères britannique, canadien, Australien et Américain signent une déclaration pour dénoncer la décision chinoise qui selon eux « mine le principe d’un pays, deux systèmes ». Le Ministre britannique des affaires étrangères monte d’un cran dans la dénonciation : « Si la Chine applique sa décision, elle viole l’autonomie et les libertés du peuple de Hong-Kong. Ce n’est pas seulement une question légale, mais cela relève des obligations internationales de la Chine », souligne Dominic Raab.

Mais cette intimidation ne passe pas auprès de la Chine qui semble préparée au pire. Elle continue sereinement l’application de son programme de reprise en main de Hong-Kong suite à la rétrocession. Le 30 juin, la loi sur la sécurité nationale de Hong-Kong est votée. Cette loi permet à la Chine de réprimer 4 types de crimes contre la sécurité de l’Etat : subversion, séparatisme, terrorisme et collusion avec l’étranger. La justice de la République Populaire de Chine peut désormais juger certains actes considérés comme des infractions telles que les affiches de soutien à l’indépendance de Taïwan, du Tibet, du Xinjiang et de Hong-Kong.

Le 30 mars 2021, le président chinois promulgue, après un vote à l’unanimité des 167 membres du comité permanent du parlement chinois, une loi de réforme du système électoral hongkongais. Selon le gouvernement chinois, elle doit permettre « d’atténuer  la politisation excessive de la société et le clivage interne qui a déchiré Hong-Kong et vise à prévenir des manifestations comme celles de 2019 ». Désormais, le conseil législatif de Hong-Kong compte 90 membres dont 20 sièges au suffrage universel direct ; 40 siège attribués au comité des personnalités ;  30 sièges attribués par des groupes socioprofessionnels. Hong-Kong est dirigée par un chef de l’exécutif choisi par une élection ou consultations tenues localement. Il est ensuite nommé par le Président de la République.

Désormais muni de tous les instruments juridiques, le République Populaire de Chine qui, conformément aux accord de rétrocession,  a encore 26 ans pour faire entrer harmonieusement Hong-Kong dans la Chine, entreprend de faire régner l’ordre en provoquant contre son gré l’ire des occidentaux qui crient au loup et ne se cachent plus  pour soutenir les manifestants sous le prétexte de la protection des droits de l’homme et de la préservation du système démocratique. Londres organise l’exfiltration des manifestants tombés sus le coup de la loi. Ce qui rappelle à la Chine qu’après les manifestations de la place Tian’anmen en 1989, l’opération Yellow Bird organisée à partir de Hong-Kong par le Royaume Uni avait permis l’exfiltration de 400 dissidents chinois qui trouveront refuge en occident. Pour justifier leur ingérence, les occidentaux mobilisent comme d’habitude la rhétorique de la protection des droits de l’homme. Dans le souci de donner une base juridique à leur démarche, les occidentaux soutiennent qu’en enregistrant la déclaration conjointe de rétrocession à l’ONU, la République populaire de Chine et le Royaume Uni ont reconnu le besoin d’un tiers neutre et sa possible participation, alors qu’ils auraient pu simplement conclure un traité bilatéral.

Depuis 2019, et sans s’en cacher, le Royaume Uni est devenu la base arrière de tous ceux qui veulent déstabiliser la Chine sous le prétexte d’un combat pour un avenir démocratique de Hong-Kong. Il envisage d’ouvrir la voie de la nationalité  britannique à près de 350 000 titulaires de passeport pour britanniques d’outre mer à Hong-Kong. De leur coté, les médias occidentaux rivalisent de superlatifs pour faire gonfler la bulle de l’émotion et dénoncer ce qu’ils considèrent comme étant une nouvelle colonisation de Hong-Kong par la République populaire de Chine. Dans son Magazine « Reporters » que présente Antoine Cornery, la chaine française « France24 »  met en scène le scénario de départ en exil des jeunes de Hong-Kong en même temps qu’elle fait un reportage dans la banlieue londonienne où plusieurs activistes exilés ont établi leur quartier général. Dans une sorte de manufacture de l’émotion, le correspondant de « France 24 » à New-Delhi déroule le film d’un voyage sans retour d’une adolescente de 15 ans. Mui Mui puisqu’il s’agit d’elle est en route pour Londres devenue la base arrière des activistes de Hong-Kong.  Le reportage présente  Malcom, président d’une association basée à Londres et qui vient en aide  à ceux qui veulent fuir Hong-Kong. Selon le reporter, « cette association est financée par des riches donateurs hongkongais ». « Ils sont une dizaine d’activistes dans un appartement et soutiennent l’indépendance de Hong-Kong ». Cette jeunesse est venue, dit-elle, « trouver la liberté que Hong-Kong leur a refusé et rêve de faire du Royaume Uni la tribune de son combat ».

A priori, on pourrait s’apitoyer sur le sort de cette jeunesse hongkongaise quelque peu déboussolée et perdue dans les dédales d’une transaction faite entre le Royaume Uni, puissance coloniale et la République populaire de Chine, nouvelle mère patrie. Mais on devrait se rappeler que Hong-Kong, autant que Taïwan, Xinjiang, Tibet, n’est que la représentation  de ces ventres mous inventés pour la Chine par la propagande occidentale et à partir desquels elle fait fleurir le China Basching dans une perspective concurrentielle entre la Chine et l’Occident. Dès lors, les données du problème changent et pour ces jeunes à qui le Royaume Uni n’a pas dit toute la vérité sur les transactions de la rétrocession, la réalité pourrait être moins reluisante que la fiction. Ils se réveilleront alors un jour en comprenant qu’ils n’auront été que les armes d’un combat qui les dépasse.  Et qu’un jour, dans le Royaume-Uni où ils s’installent aujourd’hui  en croyant bénéficier de toutes les attentions, ils ne seront que des « Harkis » d’outre manche soumis à la discrimination.

En conduisant cette étude, il est question pour nous d’aller au cœur de la négociation ayant abouti à la rétrocession pour savoir si le sort du peuple de Hong-Kong avait toujours préoccupé le Royaume Uni ou avait-il fait ses propres affaires et se réveille  sur le tard juste pour utiliser le désarroi de la jeunesse hongkongaise comme moyen de chantage dans le but de briser les ailes au concurrent qu’est la Chine ? En cédant Hong-Kong à la Chine, le Royaume Uni était-il conscient qu’à l’échéance de 50 ans, comme stipulé dans les accords, c’est Hong-Kong qui entrera dans la Chine et non la Chine dans Hong-Kong ? Quel aura été finalement le degré de sincérité du Royaume-Uni dans cette opération de rétrocession de Hong-Kong à la Chine après plus d’un siècle d’occupation ? Dans la transaction, c’est Hong-Kong qui entrera dans la Chine ou c’est la Chine qui s’adaptera à Hong-Kong ? En clair, y aura-t-il une exception Hongkongaise ?

Ce sera Hong-Kong dans la Chine et non la Chine dans Hong-Kong

Hong-Kong ou port parfumé est aujourd’hui une région administrative spéciale située au Sud Est de la République Populaire de Chine. Peuplée d’un peu plus de  7 millions d’habitants, Hong-Kong est la huitième entité commerciale mondiale et troisième place financière après New-York et Londres. En 2017, l’espérance de vie à Hong-Kong est de 84,2 ans, la plus longue du monde. Colonie britannique au terme du traité de Nankin en 1842 pour une période de 99 ans, Hong-Kong le restera jusqu’à l’éveil de la Chine « lorsqu’à partir de 1979, le président Deng Xiaoping entreprend d’ouvrir économiquement la Chine avec l’étranger (…) L’expérience se limite d’abord dans des zones économiques spéciales. Shenzhen bénéficie en premier des investissements et connaît un développement spectaculaire. Hong-Kong situé aux portes de Shenzhen devient le point stratégique pour les échanges avec la Chine continentale ». Dès le début des années 80, la Chine entreprend de revendiquer la rétrocession de Hong-Kong conformément au traité de Nankin. Elle ouvre les négociations avec le Royaume-Uni et la déclaration sino-britannique sur la question de Hong-Kong est signée le 19 décembre 1984. Par cette déclaration, « le Royaume Uni s’engage à remettre à la Chine l’ensemble de la colonie en 1997. La République populaire de Chine s’engage à maintenir les systèmes économiques et législatifs et le mode de vie hongkongais pendant 50 ans ». Selon les termes de ces accords, le régime de la République populaire de Chine sera appliqué à Hong-Kong au terme des 50 ans c'est-à-dire après 2047.

La loi fondamentale de la région administrative spéciale de Hong-Kong est rédigée à la fin des années 80 au terme des négociations entre les représentants de la colonie et les chinois continentaux. Elle a été votée par l’Assemblée Nationale populaire en 1990 et est entré en application en 1997. En son article 23, cette loi fondamentale stipule que « Hong-Kong devra promulguer une ou des lois interdisant tout acte de trahison, de sécession, de sédition, de subversion contre le gouvernement populaire central ou de vol de secrets d’Etat, afin d’interdire aux organisations ou organismes politiques étrangers de mener des activités politiques dans la région et d’interdire aux organisations ou organes politiques de la région d’établir des liens avec des organisations ou des organes politiques étrangers ». Cette disposition pertinente de la constitution nous fait comprendre que la transaction faite entre la Chine et le Royaume-Uni s’est insérer dans une lutte d’influence planétaire dont l’enjeu est la mise en place d’un nouvel ordre mondial. Compte tenu d’un certain nombre de précédents, la Chine redoute que sous le fallacieux prétexte de la défense de la démocratie et des droits de l’homme, l’occident n’essaie come à son habitude, d’instrumentaliser Hong-Kong comme il le fait avec le Tibet, Xinjiang, Taïwan, pour la déstabiliser et freiner ainsi un concurrent sur le plan géostratégique. C’est pourquoi la Chine doit anticiper sur beaucoup de terrain car sa sécurité nationale en dépend.

Le problème qui se pose à Hong-Kong aujourd’hui et hypothèque la paix, c’est celui du vendeur de souveraineté à savoir le Royaume-Uni qui crie au loup en accusant l’acheteur en l’occurrence la Chine de ne pas respecter les termes de l’accord. A ce problème, nous pouvons opposer trois types de questions : lors des négociations en vue de la rétrocession qui ont duré de 1984 à 1997, le Royaume-Uni a-t-il réellement défendu les intérêts de son ancienne colonie et surtout ceux de son peuple ou s’est-il juste préoccupé de ce qu’il gagne dans l’affaire ? Est-ce que le Royaume-Uni, les autres pays occidentaux qui le soutiennent et les  médias occidentaux qui mettent en œuvre la propagande anti-chinoise, essayent d’expliquer à la jeunesse hongkongaise les vrais enjeux de ce qui se passe ou se contentent-ils de la manipuler dans le cadre du China-basching ? Le Royaume-Uni s’est-il préoccupé de ce que sera Hong-Kong après le délai de 50 ans ?

Il faut tout de suite rappelé que le Royaume Uni a engagé les négociations en position de faiblesse à cause de la position stratégique de Hong-Kong qui est non défendable militairement. Il y a aussi le fait que Hong-Kong affiche une dépendance très prononcée vis-à-vis de la  province chinoise de Guangdong. Il y a enfin une incertitude sur les baux immobiliers. Il est donc tout à fait possible que face à une telle situation, le Royaume Uni se soit contenté de sauver ses propres intérêts quitte à venir après coup pour jouer les défenseurs de la démocratie hongkongaise. Sur la prétention du Royaume-Uni d’accueillir tous les jeunes persécutés de Hong-Kong, il n’en est rien. Il n’a ni les moyens, ni la volonté de parvenir à un tel exploit. D’abord parce que la plupart des pays occidentaux sont en baisse de régime économique, et un afflux massif des réfugiés peut sérieusement déséquilibrer leur système socioéconomique. Ensuite parce que la majorité des jeunes qui manifestent aujourd’hui et sont candidats au départ ne sont malheureusement pas éligibles au fameux passeport pour Britanniques d’outre mer à Hong-Kong (BNO) car pour bénéficier de ce sésame il faut être né avant 1997. Conclusion, en l’état actuel des choses, les jeunes Hongkongais à qui le Royaume-Uni promet le paradis seront au pire des immigrés sans papiers au bout de 6 mois de séjour, au mieux des réfugiés. Il est donc urgent que face au destin de ces jeunes, une explication responsable soit privilégiée à la propagande avilissante afin de permettre à Hong-Kong d’entrer harmonieusement dans la République populaire de Chine.

Dr Etienne Tayo Demanou

Promoteur du Think-Thank « ALTITUDE »

Auteur du livre : « Tout chemin mène en Chine »

 

 

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